COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89E
EW
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 OCTOBRE 2014
R.G. N° 12/02514
AFFAIRE :
SA EVERITE
(affaire concernant la maladie professionnelle déclarée par M. [S] [E])
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Avril 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 08/01019
Copies exécutoires délivrées à :
PUK REED SMITH LLP
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
Copies certifiées conformes délivrées à :
SA EVERITE
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SA EVERITE
(affaire concernant la maladie professionnelle déclarée par M. [S] [E])
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Benoît CHAROT, substitué par Me Clara CIUBA, du PUK REED SMITH LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : J097
APPELANTE
****************
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
dispensée de comparaître selon ordonnance du 1er septembre 2014
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,
EXPOSÉ DU LITIGE,
Monsieur [S] [E] a été embauché par la société EVERITE, en qualité d'ouvrier de maintenance par contrat à durée indéterminée du 4 juin 1973 qui a pris fin le 25 juillet 1980.
Le 29 octobre 2007, un certificat médical initial de maladie professionnelle établi par le médecin du salarié mentionnait la découverte sur le TDM thoracique du 8 octobre 2007 de 'plaques pleurales postérieures droits (46.49.66) et gauches (25.37.66) non calciques' avec 'demande de reconnaissance en MP tableau 30 B'.
Le 6 novembre 2007, Monsieur [S] [E] a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme une déclaration de maladie professionnelle au titre de plaques pleurales.
Le caractère professionnel de la maladie de Monsieur [S] [E] a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie le 3 mars 2008.
Par jugement du 9 avril 2009, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme a dit que la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [S] [E] au titre du tableau n° 30 procède de la faute inexcusable de la société EVERITE, fixé au maximum la majoration du capital auquel il peut prétendre, fixé à 21.000 euros l'indemnisation de préjudices personnels de Monsieur [S] [E] et renvoyé la société EVERITE et la caisse primaire d'assurance maladie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine concernant la prise en charge de la maladie professionnelle et des conséquences de la faute inexcusable.
Le 30 avril 2008, la société EVERITE a saisi la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie d'un recours afin de contester l'opposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de Monsieur [S] [E] au titre de la législation professionnelle.
Faute de décision de la commission de recours amiable dans le délai requis, la société EVERITE a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale afin de contester cette décision implicite de rejet et de voir reconnaître l'inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie dont est atteint Monsieur [S] [E] au titre de la législation professionnelle au regard de l'irrégularité de la procédure d'instruction diligentée par la caisse primaire d'assurance maladie.
Le 10 novembre 2008, la commission de recours amiable a rendu une décision de rejet du recours de la société EVERITE.
Par jugement du 11 avril 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine a :
- dit que la procédure diligentée par la caisse était régulière,
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme avait respecté les conditions de prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [S] [E],
- déclaré opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par Monsieur [S] [E] le 6 juillet 2007 au titre de la législation professionnelle,
- dit que les conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [S] [E] inscrites au compte spécial ne pourront donner lieu à recouvrement de la caisse primaire d'assurance maladie auprès de la société EVERITE,
- dit que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme récupérera auprès de la société EVERITE les sommes allouées à Monsieur [S] [E] par jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme du 29 octobre 2009, en réparation de ses préjudice personnels, dans le cadre de la faute inexcusable de la société EVERITE et dont la caisse a fait l'avance.
La société EVERITE a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, elle demande à la cour de :
- constater que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas respecté les dispositions légales et réglementaires de prise en charge de la législation sur les maladies professionnelles de la pathologie déclarée par Monsieur [S] [E],
- déclarer inopposable à la société la décision de prise en charge de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme de la maladie de Monsieur [S] [E] ainsi que toutes décisions subséquentes,
- subsidiairement, de dire et juger que l'établissement de Saint Eloy les Mines étant fermé, les conséquences financières afférentes à la maladie professionnelle de Monsieur [S] [E] y compris les conséquences de la faute inexcusable de la société EVERITE, sont imputées au compte spécial en application de l'arrêté du 16 octobre 1995,
- dire et juger en conséquence que la caisse primaire d'assurance maladie ne pourra recouvrer contre la société EVERITE les sommes afférentes à la maladie professionnelle de Monsieur [S] [E] y compris les conséquences financières de la faute inexcusable de la société EVERITE.
La caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme prie la cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- dire que c'est à bon droit que la pathologie présentée par Monsieur [S] [E] et ses conséquences ont été prises en charge au titre de législation professionnelle,
- déclarer opposable à l'employeur la décision de prise en charge de la pathologie de Monsieur [S] [E] au titre de législation sur les maladies professionnelles,
- dire que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme récupérera le montant des préjudices alloués à Monsieur [S] [E] dont elle a fait l'avance dans le cadre de la faute inexcusable auprès de la société EVERITE.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION,
Sur la régularité de la procédure d'instruction
La société EVERITE soutient que le délai pour faire valoir ses observation fixé par la caisse était insuffisant, que la caisse ne lui a pas précisé les modalités de consultation du dossier ; qu'elle a reçu la copie du dossier envoyé par la caisse le 13 mars 2008, soit 10 jours après la décision de prise en charge ; que parmi les pièces du dossier transmis tardivement ne figurait pas l'examen tomodensitométrique, cet examen étant de nature à confirmer la présence de plaques pleurales selon les prescription du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; que la caisse n'a donc pas respecté le principe du contradictoire.
La caisse primaire d'assurance maladie observe que la société EVERITE n'a pas usé de sa faculté de venir consulter le dossier alors qu'elle avait été invitée à le faire, qu'elle n'était pas tenue de le lui envoyer et que l'examen tomodensitométrique constitue un élément du diagnostic qu'elle ne peut communiquer en dehors d'une expertise.
L'article R 441-13 du code de la sécurité sociale énumère les pièces qui doivent constituer le dossier de la caisse primaire d'assurance maladie parmi lesquels se trouvent les divers certificats médicaux. Cependant les éléments de diagnostic qui relèvent du secret médical et parmi lesquels figure le résultat de l'examen tomodensitométrique ne peuvent figurer dans les pièces du dossier. La société EVERITE ne pouvait donc en demander valablement la communication.
Selon l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue du décret du 2 février 2006 en vigueur au moment des faits, la caisse primaire doit assurer l'information de la victime, de ses ayants droit et de l'employeur, préalablement à sa décision, sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief. La caisse doit donc informer la victime et l'employeur de la fin de l'instruction, des éléments susceptibles de leur faire grief et de la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que :
- le 14 novembre 2007, la société EVERITE a été avisée par la caisse de la déclaration de maladie professionnelle ;
- le 11 décembre 2007, la société a émis des réserves sur l'opposabilité d'une décision de prise en charge de la maladie de Monsieur [S] [E] au titre de la législation professionnelle et a demandé à la caisse que les pièces médicales et administratives du dossier de l'intéressé lui soient communiquées ;
- le 18 décembre 2007, la caisse lui répondait que dès la fin de l'instruction, elle aurait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier ;
- le 15 février 2008, la caisse primaire d'assurance maladie l'informait de ce que l'instruction du dossier était terminée et qu'elle pouvait venir consulter le dossier avant que la décision n'intervienne le 3 mars 2008 ;
- le 20 février 2008, la société EVERITE demandait à la caisse primaire d'assurance maladie de lui adresser une copie des pièces du dossier ou de l'informer par fax de l'impossibilité de le faire afin qu'elle puisse se déplacer dans les locaux de la caisse et sollicitait en outre le report de la date de la fin de l'instruction.
Le 29 février 2008, la caisse primaire d'assurance maladie transmettait à la société une copie des pièces constitutives du dossier de Monsieur [S] [E] et l'informait que pour autant, cet envoi ne remettait pas en cause la date de décision initiale fixée au 3 mars 2008.
Ayant reçu le 20 février 2008, la lettre du 15 février 2008 de la caisse lui annonçant la fin de l'instruction le 3 mars 2008, la société a disposé d'un délai de huit jours utiles pour prendre connaissance du dossier et faire valoir ses observations.
Si la caisse primaire d'assurance maladie a informé la société EVERITE à deux reprises qu'elle avait la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier, respectant ainsi les dispositions de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale, elle n'était pas tenue de lui envoyer ces pièces par la voie postale ni de lui préciser davantage les modalités de consultation dudit dossier dès lors que l'adresse de la caisse ainsi que les heures d'ouverture au public et ses coordonnées téléphoniques étaient mentionnées sur la lettre du 15 février 2008. Il ne peut donc lui être reproché de les avoir transmises tardivement.
Le délai ainsi respecté par la caisse apparaît tout à fait suffisant pour permettre à la société de prendre connaissance des éléments suceptibles de lui faire grief et de faire valoir ses observations à la caisse avant la décision de sorte que la procédure d'instruction de prise en charge de la rechute est régulière, ainsi que les premiers juges l'ont estimé à juste titre.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur l'enquête réalisée par la caisse primaire d'assurance maladie
La société EVERITE allègue que la caisse primaire d'assurance maladie n'a procédé en réalité à aucune enquête auprès de la société au sens de l'article D461-9 du code de la sécurité sociale et que l'envoi d'un questionnaire est une modalité d'instruction différente de l'enquête, selon la distinction faite clairement par l'article R 441-11 du même code. Elle relève qu'aucun enquêteur ne s'est rapproché d'elle.
La caisse primaire d'assurance maladie réplique que les textes n'imposent aucune forme particulière à l'enquête exigée par les articles R441-11 et D461-9 du code de la sécurité sociale, que l'envoi d'un questionnaire à l'employeur constitue une modalité d'enquête dès lors qu'il peut faire part de son point de vue sur ce document. Elle précise que suite à la reconstitution de carrière de l'assuré, l'inspecteur assermenté a rendu un avis motivé dans lequel il a précisé clairement que l'exposition aux poussières d'amiante est établie pour la période d'activité du salarié au sein de la société EVERITE soit de juin 1973 à juillet 1980.
Selon les dispositions des articles D 461-5 et suivants du code de la sécurité sociale, en cas de maladie professionnelle provoquée par l'inhalation de poussière d'amiante (tableaux n° 30 et 30 bis), une enquête est effectuée par les services administratifs de la caisse afin d'identifier le ou les risques auxquels le salarié a pu être exposé. Le service de prévention y apporte sa collaboration.
Aucun de ces textes, pas plus que les dispositions générales des articles R 441-11 et R 441-12 du même code, ne précisent les modalités de cette enquête. Ils n'exigent pas que les parties soient entendues par un inspecteur de la caisse.
Certes, la charte établie par la Caisse nationale d'assurance maladie à cet égard évoque les investigations contradictoires réalisées par un agent assermenté et agréé et précise que l'audition des différentes parties est importante et doit être réalisée. Ce document a le mérite de définir des objectifs de qualité mais il ne saurait poser des exigences supérieures à celles qui figurent dans les textes légaux et réglementaires.
Des pièces produites par la société EVERITE, il ressort que la société a transmis à la caisse primaire d'assurance maladie un rapport daté du 28 novembre 2007 dans lequel elle a fourni un certain nombre d'éléments sur l'emploi occupé par le salarié et l'utilisation par l'usine où il travaillait de fibres d'amiante, de ciment et d'eau pour la fabrication de 'plaques, tuyaux et accessoires en amiante ciment'. La société y précise les mesures de prévention collective (aspiration) et individuelle (masque et filtre depuis 1977). Il lui appartenait alors de faire valoir ses observations complémentaires.
L'enquête réalisée par la caisse telle qu'elle a été réalisée et a été produite en première instance fait ressortir que les éléments recueillis ne reposent pas seulement sur les informations transmises par l'employeur mais aussi sur des éléments médicaux, sur la description du parcours professionnel du salarié et sur sa déposition, toutes pièces que la société pouvait consulter et sur lesquelles elle pouvait émettre des observations avant la fin de l'instruction.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la caisse n'a pas procédé à l'enquête exigée par l'article D 461-5 du code de la sécurité sociale.
La décision de prise en charge de la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [S] [E] doit donc être déclarée opposable à la société EVERITE, et le jugement entrepris confirmé à cet égard.
Sur l'imputation des dépenses au compte spécial
La société EVERITE fait valoir que son site de Saint Eloy les Mines, sur lequel Monsieur [S] [E] travaillait, a été fermé en 1984 et que par application de l'article 2, 3°) de l'arrêté du 16 janvier 1995, les prestations, indemnités et dépenses engagées par la caisse primaire d'assurance maladie et servies à l'intéressé ne peuvent qu'être imputées au compte spécial, ce que la caisse régionale a décidé de faire au demeurant par sa décision du 27 mars 2008.
La caisse primaire d'assurance maladie estime que lorsque les dépenses afférentes à la maladie professionnelle sont inscrites au compte spécial, la caisse conserve contre l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue le recours prévu par l'article L452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale et peut donc récupérer ces sommes auprès de la société EVERITE.
En l'espèce, la faute inexcusable de la société EVERITE dans la survenue de la maladie professionnelle dont est atteint Monsieur [S] [E] au titre du tableau n° 30 a été retenue par jugement du 9 avril 2009 du tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme.
Il s'en suit que même si les dépenses afférentes à la maladie professionnelle sont inscrites au compte spécial en application des dispositions de l'arrêté ministériel du 16 octobre 1995 et de l'article D 242-6-3 du code de la sécurité sociale, la caisse primaire d'assurance maladie, tenue de faire l'avance des sommes allouées, conserve contre l'employeur dont la faute inexcusable a été reconnue le recours prévu par l'article L 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale.
Les dépenses afférentes à la maladie professionnelle doivent donc être inscrites au compte spécial dès lors qu'il n'est pas contesté que l'établissement de Saint Eloy les Mines de la société EVERITE est fermé depuis 1984.
En revanche, les sommes allouées en réparation des préjudices personnels de Monsieur [S] [E] par le jugement du 9 avril 2009 du tribunal des affaires de sécurité sociale du Puy de Dôme seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie qui pourra les récupérer auprès de la société EVERITE.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision CONTRADICTOIRE,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine en date du 11 avril 2012.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président, et par Madame Céline FARDIN, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,