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16/10/2014 | FRANCE | N°11/02794

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 16 octobre 2014, 11/02794


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80C



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 OCTOBRE 2014



R.G. N° 11/02794



MAB/CA



AFFAIRE :



[G] [R] [Z]





C/

[Y] [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2008 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

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Copies exécutoires délivrées à :





Me Daniel SAADAT





Copies certifiées conformes délivrées à :



[G] [R] [Z]



[Y] [F]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 OCTOBRE 2014

R.G. N° 11/02794

MAB/CA

AFFAIRE :

[G] [R] [Z]

C/

[Y] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Mai 2008 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : '

Copies exécutoires délivrées à :

Me Daniel SAADAT

Copies certifiées conformes délivrées à :

[G] [R] [Z]

[Y] [F]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [R] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne

APPELANT

****************

Madame [Y] [F]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparante en personne, assistée de Me Daniel SAADAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0392

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 25 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

EXPOSE DU LITIGE

Par requête du 22 juillet 2005, Mme [Y] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris afin de faire reconnaître notamment l'existence d'un contrat de travail la liant à M.[G] [Z], ordonner la résolution judiciaire du contrat de travail, juger que ce contrat a été rompu aux torts exclusifs de l'employeur et condamner M. [Z] au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution puis de la rupture de son contrat de travail.

Le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Paris a renvoyé l'examen du fond du dossier au 9 janvier 2006. Lors de cette audience, M.[Z] qui est avocat a demandé le renvoi de l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Nanterre, en application de l'article 47 du code de procédure civile.

Par jugement du 9 janvier 2006, le conseil a fait droit à cette demande mais a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.

Selon le dernier état de ses demandes, et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, Mme [F] demandait au conseil de:

-reconnaître l'existence d'un contrat de travail la liant à M. [Z] depuis 1998,

-dire que la prise d'acte de la rupture doit s'analyser en un licenciement abusif,

-condamner M. [Z] au paiement des sommes suivantes :

*90 000 euros à titre de rappel de salaire sur cinq ans,

*9 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

*3 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*300 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

*1 500 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*9 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

*2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonner la régularisation de la situation de Mme [F] auprès des organismes sociaux,

-condamner M. [Z] aux dépens.

M. [Z] concluait au débouté de Mme [F] et sollicitait sa condamnation au paiement de la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 1382 du code civil et de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 mai 2008, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt qui, dans les motifs de sa décision, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail ayant existé entre Mme [F] et M. [Z] aux torts exclusifs de ce dernier, a :

-dit qu'il a existé un contrat de travail entre Mme [F] et M. [Z] depuis le mois de janvier 1998,

-fixé le salaire de référence à la somme de 438,88 euros,

-condamné M. [Z] à payer à Mme [Y] [F] les sommes de:

*26 332,80 euros au titre des rappels de salaires,

*2 633,28 euros au titre des congés payés afférents,

*877,76 euros au titre du préavis,

*87,77 euros au titre des congés payés afférents,

-ordonné l'exécution provisoire sur ces quatre chefs de demandes,

-condamné M. [G] [Z] à payer à Mme [Y] [F] les sommes de :

*2 700 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

*2 633,28 euros au titre du travail dissimulé,

*438,88 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

*850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné la régularisation auprès des organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale de la situation de Mme [F] et ce à compter de janvier 1998,

-condamné M. [Z] aux dépens.

Le jugement a été régulièrement notifié à M. [Z] par lettre recommandée, postée le 4 juin 2008, dont il n'a pas signé l'avis de réception ; par lettre du 30 juin 2008, le greffe du conseil de prud'hommes a invité Mme [F] à signifier le jugement, ce qu'elle a fait par acte d'huissier du 1er août 2008.

M. [Z] a régulièrement relevé appel du jugement par lettre recommandé postée le 1er septembre 2008.

Devant la cour, l'affaire a été radiée par décision du 1er février 2010.

Après rétablissement, par décision du 23 janvier 2013 et après accord des parties, la cour a ordonné une médiation et a désigné l'association Hauts de Seine médiation en qualité de médiateur ; la durée de la médiation a été prorogée le 24 mai 2013, le 11 octobre 2013 puis le 20 janvier 2014 et enfin le 2 mai 2014, l'affaire étant alors renvoyée au 25 juin 2014.

A cette date, les parties ont indiqué qu'elles n'avaient pu parvenir à un accord.

Dans ses dernières conclusions, M. [Z] demande à la cour de:

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau:

-dire qu'il n'y a pas eu de fourniture d'un travail,

-dire qu'il n'y a jamais eu convention et paiement d'une rémunération,

-dire qu'il n'y a jamais eu de subordination dans ses quatre critères,

-ordonner à Mme [F] de le rembourser de la somme de 3 949,92 euros réglée en exécution de la partie exécutoire du jugement,

-la condamner au paiement de la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice moral,

-la condamner au paiement de la somme de 1 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières écritures, Mme [F], assistée de son conseil, demande à la cour, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de:

-

juger qu'il a existé un contrat de travail entre elle et M. [Z] depuis le mois de janvier 1998,

- juger que la prise d'acte de la rupture doit s'analyser en un licenciement,

- juger que ce licenciement est abusif,

-condamner Monsieur [Z] à lui verser les sommes suivantes :

* 90 000 euros à titre de rappel de salaire sur 5 ans,

*9 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel de salaires,

*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 3 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 300 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1 500 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 9 000 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

*2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la régularisation de la situation de Mme [F] auprès des organismes sociaux,

-condamner M. [Z] aux dépens.

Sur question de la cour, Mme [F] a précisé à l'audience qu'elle était salariée de la société Coface depuis 1982 et que depuis 1991, elle y travaillait à temps plein à raison de 7 heures 40 par jour, du lundi au vendredi.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS

Sur l'existence d'un contrat de travail entre M. [Z] et Mme [F] :

Mme [F] soutient qu'elle a été la salariée de M. [Z] à compter de l'année 1998 et que comme l'a retenu le conseil de prud'hommes elle effectuait pour le compte de ce dernier, en plus de son travail à la Coface, les tâches suivantes :

- répondre au téléphone,

- tenir son secrétariat,

- effectuer des travaux de ménage,

- effectuer les formalités au palais de justice;

Elle soutient que les cartes professionnelles que M. [Z] lui a fait établir constituent la preuve écrite d'un contrat de travail entre les parties et que les prétendues relations amicales évoquées par M. [Z], à supposer qu'elles aient pu exister, ne sont en rien exclusives d'un lien de subordination juridique.

Elle explique qu'elle a cessé de se rendre sur son lieu de travail à compter du mois de mars 2005 faute de pouvoir obtenir la régularisation de sa situation auprès de M. [Z] et que c'est dans ce contexte qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes, M. [Z] n'ayant engagé aucune procédure de licenciement à son encontre.

M. [Z] conteste l'existence d'un contrat de travail entre les parties et souligne que Mme [F] qui était initialement sa cliente, est devenue une amie proche après le décès de la mère de cette dernière le 2 août 1998 et surtout après le décès du père de M. [Z] le [Date décès 1] 2000; s'il ne conteste pas qu'elle se rendait très régulièrement, plusieurs fois par semaine, à son cabinet le soir après sa journée de travail- le concluant rappelant que Mme [F] était employée à plein temps par la société Coface- , il fait valoir que c'était dans le cadre de leurs relations amicales et qu'elle n'a jamais été son employée, M. [Z] contestant tout rapport de subordination et d'autorité entre eux ; s'il admet qu'elle lui a occasionnellement rendu des services dans l'intérêt du cabinet, il indique qu'il s'agissait uniquement de services rendus dans le cadre de leurs relations d'amitié, en contrepartie notamment de l'aide qu'il a pu apporter à Mme [F] dans le suivi de ses affaires ; s'agissant enfin des cartes d'entrée au palais de justice établies au nom de Mme [F], il explique que c'est à la demande de son amie qui aimait se distraire en assistant aux audiences correctionnelles et qui souhaitait éviter les files d'attente le week end pour entrer au palais de justice, qu'il a demandé cette carte d'accès en 'affublant sa demande du titre ronflant de clerc de palais dans le seul but de l'obtenir', l'appelant soulignant que dans ce litige, Mme [F] est instrumentalisée par son fils qui cherche à obtenir de l'argent .

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles s'est exercée l'activité .

Si en l'absence d'un contrat de travail apparent, il incombe à la partie qui invoque l'existence d'une relation salariale d'apporter la preuve du contrat de travail qui se caractérise par l'existence d'un lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements, il doit être rappelé que par contre, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.

En l'espèce, il est constant qu'aucun contrat de travail écrit n'a été signé entre les parties et que M. [Z] n'a pas remis de bulletin de salaire à Mme [F] .

Cependant, Mme [F] produit deux cartes d'entrée au palais de justice de Paris, établies à son nom pour les années 2004 et 2005 par le commandement militaire du tribunal, sur lesquelles il est mentionné qu'elle est 'clerc de palais du cabinet [G] [R] [Z]', le numéro de téléphone du cabinet de M. [Z] étant également porté sur cette carte.

M. [Z] reconnaît dans ses écritures qu'il a sollicité l'établissement de ces cartes pour Mme [F] et que c'est à son initiative que la qualité de clerc de palais du cabinet y a été portée; ces documents où figure la reconnaissance de la qualité de salariée de Mme [F] à l'égard de M. [Z] permettent de considérer comme rapportée la preuve d'un contrat de travail apparent entre les parties pour les années 2004 et 2005, M. [Z] ne pouvant sérieusement prétendre qu'il n'aurait fait établir cette carte à Mme [F] que pour lui permettre d'entrer plus facilement au tribunal - le week end-pour notamment se rendre aux audiences correctionnelles auxquelles elle appréciait d'assister, celui-ci n'expliquant pas pourquoi il aurait fait porter la mention que Mme [F] était salariée de son cabinet si telle n'avait pas été la réalité.

La preuve du caractère fictif de ce contrat de travail n'est pas rapportée par l'appelant, l'existence de relations amicales entre M. [Z] et Mme [F], certes attestée par les nombreux témoignages de proches et d'amis produits par l'appelant, ne remettant pas en cause l'existence d'un tel contrat et du lien de subordination qui lui est attaché ; il ressort des photographies communiquées aux débats par M. [Z] et des attestations notamment de sa collaboratrice Mme [Q] et d'une ancienne collaboratrice Mme [M], que celui-ci associait d'ailleurs très régulièrement les membres de son personnel aux moments de convivialité qu'il organisait notamment à son cabinet, Mme [Q] témoignant aussi- sous la pièce 12 de l'appelant- qu'elle était, comme Mme [F], régulièrement conviée par M. [Z] à des manifestations sportives au Stade de [1] par exemple.

S'agissant de la période antérieure à 2004, M. [Z] ne conteste pas que Mme [F] se rendait plusieurs fois par semaine à son cabinet et ce, depuis de très nombreuses années, à compter notamment du décès de la mère de Mme [F] , ce qui est d'ailleurs confirmé par les attestations, notamment de clients , des secrétaires ou des collaboratrices que M. [Z] a produits, lesquels ont témoigné de la présence très régulière de Mme [F] au cabinet de l'appelant; s'il est vrai que M. [Z] accueillait Mme [F] compte tenu des liens d'amitié qu'ils avaient pu nouer, il a admis aussi que Mme [F] lui rendait 'spontanément' des services d'ordre professionnel tels que faire des photocopies, mettre du courrier sous pli, déposer du courrier au palais de justice ; il a également précisé que Mme [F] avait 'spontanément' aidé sa secrétaire, Mme [L] [V], pendant plusieurs mois, après le décès de son père survenu le [Date décès 1] 2000, ce que cette dernière a confirmé dans l'attestation communiquée par M. [Z] ; elle y relate que pendant cette période où M. [Z] a 'perdu pied', toute la première partie de l'année 2000, elle a apprécié la présence de Mme [F] qui lui a été d'une grande aide et qui notamment les soirs où elle s'absentait du cabinet pour se rendre chez un confrère de M. [Z] qui l'aidait à corriger les courriers, Mme [F] 'se proposait' de garder le cabinet et de répondre si besoin au téléphone jusqu'à son retour et aussi d'aller poster le courrier une fois qu'il était finalisé.

Si l'attestation de Mme [X] [N], ex compagne de M. [Z], datée du 26 octobre 2007 et communiquée par Mme [F], ne présente pas une objectivité suffisante pour être retenue comme élément de preuve en raison de la rupture intervenue entre M. [Z] et sa compagne au cours de l'année 2005 et du conflit financier qui les a ensuite opposés, à compter du tout début de l'année 2008 devant les juridictions judiciaires, il doit par contre être tenu compte du témoignage en date du 12 novembre 2007 d'une ancienne salariée de M. [Z], Mme [P] [W] qui a été secrétaire à son cabinet d'avril 2002 à septembre 2003, communiqué sous la pièce 31 de l'intimée ; le fait que M. [Z], comme il le souligne, ait notifié à cette salariée trois avertissements les 28 mai et 29 novembre 2002 et le 29 avril 2003 pour des retards avant qu'elle ne démissionne quelques mois plus tard en décembre 2003, ne permet pas de considérer ce témoignage comme dénué de toute objectivité .

Mme [W] indique ainsi que Mme [F] 'venait au cabinet une à deux fois par jour, le matin et en fin d'après midi. Elle effectuait quelques tâches de secrétariat, telles que les photocopies, le classement ou encore les archives. Elle se rendait au palais pour effectuer les démarches nécessaires et à la poste pour emmener le courrier. Il lui arrivait également d'effectuer des tâches ménagères.'

Ces éléments confirment que Mme [F], comme elle le soutient, non seulement en 2000, mais aussi au cours des années qui ont suivi, a continué d'effectuer diverses tâches d'exécution simple correspondant au niveau 4 de la convention collective des avocats et de leur personnel, dans l'intérêt de M. [Z], sous ses directives et son autorité, ces tâches s'exécutant directement au sein du cabinet de l'appelant, étant de surcroît souligné que M. [Z] avait remis à Mme [F] le 2 septembre 2001 une clé du cabinet qui lui permettait d'y accéder sans difficulté ainsi qu'en juillet 2003, une carte bancaire 'Adésio', souscrite au nom de M. [Z] auprès de La Poste et dont le porteur était Mme [F] d'après le bulletin de souscription qu'elle communique ; cette carte, selon ce que l'intimée indique, lui permettait d'effectuer des achats pour le compte du cabinet, M. [Z] précisant pour sa part que Mme [F] pouvait ainsi ponctuellement payer le taxi quand elle repartait de son cabinet le soir.

Il est ainsi établi que les interventions de Mme [F] au sein du cabinet de M. [Z], de par leur caractère répété et régulier, n'ont pas été de simples services mais ont constitué une prestation lui ouvrant droit à rémunération et s'inscrivant dans un rapport contractuel de travail.

Les attestations des relations de M. [Z] qui indiquent qu'ils n'ont jamais pensé qu'une relation de travail avait pu exister entre lui et Mme [F] et qui ne constituent que la retranscription d'opinions personnelles sont inopérantes à contredire la réalité du contrat de travail entre les parties ; de même M. [Z] ne peut arguer de ses nombreuses absences pour soutenir qu'il ne pouvait donner de directives à Mme [F] alors même qu'il organisait nécessairement le suivi de son cabinet pendant ces temps d'absence.

Enfin l'absence de toute réclamation de Mme [F] avant qu'elle ne saisisse le conseil de prud'hommes en juillet 2005 ne suffit pas à contredire l'existence d'un contrat de travail, l'absence de toute manifestation antérieure de Mme [F] s'expliquant notamment par les liens qu'elle avait pu tisser avec M. [Z] qui l'avait invité au moins à deux reprises dans sa maison de vacances et par la fragilité psychologique de l'intimée qui se trouvait très isolée depuis le décès de sa mère avec laquelle elle vivait et qui rencontrait des difficultés relationnelles avec son fils, Mme [F] ayant tenté en juillet 2001 de mettre fin à ses jours.

Par conséquent le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'un contrat de travail entre les parties ; il sera cependant infirmé en ce qu'il a considéré que les relations de travail ont débuté le 1er janvier 1998, aucun élément du dossier ne permettant d'établir qu'à cette période Mme [F] exécutait déjà des tâches dans l'intérêt de M. [Z] dans le cadre d'un rapport salarié ; il convient de fixer le début du contrat de travail de Mme [F] au mois de janvier 2000.

S'agissant de la durée de son temps de travail, Mme [F] demande qu'il lui soit fait application d'un temps complet en l'absence d'un contrat écrit et faute pour l'employeur de justifier de la durée du travail et de sa répartition dans la semaine ; M. [Z] souligne que Mme [F]- pendant toute la période où elle prétend être sa salariée- était employée à temps plein par la société Coface.

Il est exact qu'en l'absence d'un écrit constatant l'existence d'un contrat de travail à temps partiel, le contrat qui a lié les parties est présumé conclu pour un horaire à temps complet.

Il est cependant établi par les bulletins de salaire de Mme [F] et ses déclarations à l'audience que celle-ci est salariée de la société Coface et qu'elle y travaille à plein temps depuis l'année 1991.

Cet emploi qu'elle a conservé en entrant au service de M. [Z] démontre qu'elle n'était pas dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle allait travailler et qu'elle a au contraire organisé ses journées de travail pour se rendre au cabinet de M. [Z] en dehors de ses horaires de travail, le soir notamment.

Au vu des tâches relativement limitées qui étaient assignées à Mme [F] qui continuait par ailleurs d'exercer son activité à temps plein chez son second employeur et du fait que M. [Z] employait en plus de Mme [F] une secrétaire à temps plein outre, à compter de janvier 2001, une collaboratrice et qu'il employait également une femme de ménage jusqu'en janvier 2003, date à laquelle il est établi que l'ancienne compagne de M. [Z] a notamment assuré l'entretien de son cabinet une fois par semaine, il ne peut être sérieusement soutenu par Mme [F] qu'elle travaillait à temps plein ; il convient également de relever que les témoignages produits par M. [Z] contredisent le fait que Mme [F] aurait travaillé des soirées entières au cabinet de ce dernier, plusieurs personnes indiquant qu'ils l'ont vue notamment 'papoter' avec les collaboratrices de M. [Z] ou lire le journal, sans compter les moments de convivialité partagés entre les intéressés.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de fixer la durée du temps de travail de Mme [F] à deux heures quotidiennes, soit 10 heures hebdomadaires, soit 43,30 heures mensuelles.

Au vu des éléments précédemment retenus concernant les tâches de Mme [F], ses activités peuvent être évaluées au niveau 4- coefficient 215 de la convention collective des avocats et de leur personnel qui correspond, au terme de la classification produite sous la pièce 8 de la salariée, au personnel chargé d'exécuter des travaux à partir de consignes précises, détaillées et permanentes, ne nécessitant aucune initiative professionnelle, étant précisé qu'il n'est fourni au dossier aucun élément sur les diplômes dont la salariée pouvait disposer.

Le salaire mensuel de Mme [F] sera par conséquent fixé à la somme moyenne mensuelle de 360 euros, compte tenu du salaire conventionnel minimum fixé au 1er janvier 2005 pour un temps plein à ce coefficient, à 1260,96 euros ; le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail et son imputabilité :

Mme [F] expose que par la saisine du conseil de prud'hommes au terme de laquelle son conseil a sollicité la condamnation de M. [Z] à lui verser diverses sommes au titre d'une rupture qu'elle lui rend imputable, elle a manifesté sa décision de rompre le contrat de travail qui l'a uni à M. [Z] ; elle soutient que cette demande doit être analysée en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que Mme [F] qui a cessé de se présenter au cabinet de M. [Z] à compter du mois de mars 2005, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 22 juillet 2005 en sollicitant le paiement de diverses sommes à l'encontre de son ancien employeur, notamment en exécution du contrat de travail qu'elle soutenait les avoir unis et en demandant au conseil de juger la rupture de son contrat de travail abusive ; Mme [F], dans ses conclusions de première instance, soutenait déjà que sa saisine du conseil de prud'hommes devait s'analyser comme une prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse compte tenu des manquements de son employeur .

Le conseil de prud'hommes a justement analysé la demande de Mme [F] en une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, étant observé qu'antérieurement à la saisine de la juridiction de première instance aucune des parties n'a manifesté par un acte juridique son intention de rompre le contrat de travail.

Le salarié peut poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations ; lorsque les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante et qu'ils rendent impossible la poursuite du contrat de travail , la résiliation est prononcée aux torts de ce dernier et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse .

Il est constant qu'en l'espèce, M. [Z] a manqué à plusieurs des obligations essentielles d'un employeur puisqu'il n' a établi aucune déclaration unique d'embauche de Mme [F], qu'il n'a procédé à aucune des formalités liées à l'emploi d'un salarié et qu'il ne lui a pas payé ses salaires.

Ces manquements sont suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur laquelle sera fixée au 22 juillet 2005, date à laquelle la salariée- au vu de ses explications- entend voir fixer la date de la rupture et produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La rupture produisant ses effets au 22 juillet 2005 et en l'absence de tout paiement d'un salaire durant les cinq ans qui l'ont précédée, étant observé que M. [G] [Z] a toujours contesté que la somme de 14 985 euros qu'il a versée par chèque du 13 octobre 2004 à Mme [F] ait pu correspondre au paiement d'un arriéré de salaire et qu'il a indiqué dans le cadre de l'instance judiciaire qui les a opposés à ce propos que ce versement devait être considéré comme un don, M. [Z] devra être condamné à verser à Mme [F] la somme de 21 600 euros brut outre la somme de 2 160 euros brut au titre des congés payés correspondants.

S'agissant des conséquences pécuniaires de la rupture, celle-ci produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Z] sera condamné au paiement des sommes suivantes :

* en application de l'article L 1234-1 du code du travail et compte tenu de l'ancienneté de plus de deux ans de Mme [F], 720 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de deux mois outre 72 euros brut au titre des congés payés correspondants,

* en application des articles L 1234-9 et R 1234-2 du code du travail, 396 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* en application de l'article L 1235-5 du code du travail, M. [Z] employant moins de dix salariés, 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice né de la rupture du contrat de travail.

Le jugement sera donc infirmé sur l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de M. [Z].

Sur les autres demandes :

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L 8221-5 du code du travail est caractérisée s'il est établi que l'employeur s'est, de manière intentionnelle, soustrait à l'accomplissement de ses obligations tenant notamment à la déclaration préalable d'embauche et à la délivrance d'un bulletin de salaire .

Compte tenu de l'absence de toute déclaration de Mme [F], notamment à l'URSSAF, par M. [Z] et de l'absence de toute remise des bulletins de salaire pendant plusieurs années , il ne peut qu'être jugé que M. [Z] s'est soustrait volontairement aux obligations qui étaient les siennes.

Mme [F] a droit par conséquent, en application de l'article L 8223-1 du code du travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, soit la somme de 2 160 euros ; le jugement sera infirmé de ce chef.

Comme l'a décidé le conseil, il convient d'ordonner à M. [Z] de régulariser la situation de Mme [F] auprès des organismes sociaux, le jugement étant cependant infirmé dès lors que la régularisation doit s'opérer à compter du mois de janvier 2000.

Le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif, il convient de débouter Mme [F] de sa demande aux fins d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont remplies à l'égard de Mme [F] à laquelle il sera alloué la somme de 2 000 euros en sus de la somme allouée en première instance.

M. [Z], condamné en paiement, sera débouté de sa demande à cet égard, de même qu'il sera débouté de sa demande à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 27 mai 2008, et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit qu'il a existé un contrat de travail entre Mme [Y] [F] et M. [G] [Z] depuis le mois de janvier 2000,

Fixe le salaire mensuel brut de Mme [F] à la somme de 360 euros,

Condamne M. [G] [Z] à payer à Mme [Y] [F] les sommes suivantes :

* 21 600 euros brut à titre de rappel de salaires sur la période du 22 juillet 2000 au 22 juillet 2005 outre la somme de 2 160 euros brut au titre des congés payés correspondants,

* 720 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 72 euros brut au titre des congés payés correspondants,

* 396 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

* 2 160 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

Ordonne à M. [G] [Z] de procéder à la régularisation de la situation de Mme [Y] [F] auprès des organismes sociaux, et ce, à compter du mois de janvier 2000,

Confirme le jugement pour toutes ses dispositions non contraires, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail conclu entre les parties au 22 juillet 2005 aux torts de M. [G] [Z] et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant :

Condamne M. [G] [Z] à verser à Mme [Y] [F] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute M. [Z] de toutes ses demandes devant la cour,

Condamne M. [G] [Z] aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Andrée BAUMANN, conseiller, en remplacement du président empêché et par Mme Claudine AUBERT, greffier.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 11/02794
Date de la décision : 16/10/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°11/02794 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-16;11.02794 ?
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