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09/10/2014 | FRANCE | N°13/01775

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 09 octobre 2014, 13/01775


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 09 OCTOBRE 2014



R.G. N° 13/01775



MHM/CA



AFFAIRE :



[A] [C]





C/

SELAS SOCIETE FIDUCIAIRE INTERNATIONALE D'AUDIT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement
r>N° RG : 09/00317





Copies exécutoires délivrées à :



la SELURL Cabinet Pascale THERAULAZ-BENEZECH

Me Nathalie ATTIAS





Copies certifiées conformes délivrées à :



Thierry RIOULT



SELAS SOCIETE FIDUCIAIRE INTERNATIONALE D'AUDIT







le :

RÉPU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 OCTOBRE 2014

R.G. N° 13/01775

MHM/CA

AFFAIRE :

[A] [C]

C/

SELAS SOCIETE FIDUCIAIRE INTERNATIONALE D'AUDIT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 09/00317

Copies exécutoires délivrées à :

la SELURL Cabinet Pascale THERAULAZ-BENEZECH

Me Nathalie ATTIAS

Copies certifiées conformes délivrées à :

Thierry RIOULT

SELAS SOCIETE FIDUCIAIRE INTERNATIONALE D'AUDIT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [A] [C]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Me Pascale THERAULAZ BENEZECH de la SELURL Cabinet Pascale THERAULAZ-BENEZECH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1891

APPELANT

****************

SELAS SOCIETE FIDUCIAIRE INTERNATIONALE D'AUDIT

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Nathalie ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: E0416

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 25 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [C] a été embauché le 5 janvier 2001 suivant contrat à durée indéterminée par la société Fiduciaire Internationale de Conseil (FINC) en qualité de directeur de la communication, coefficient 210, position 3.2, statut cadre de la convention collective des cabinets d'experts comptables et commissaires aux comptes.

Le 1er juin 2001, son contrat de travail a été transféré à la société Fiduciaire Internationale d'Audit (FINA) à la suite de la cession du fonds de commerce de la société FINC.

La société FINA est une filiale du groupe Deloitte. Elle exerce une activité d'audit, de conseil et de commissariat aux comptes et compte au moins onze salariés.

Le salaire brut de M. [C] s'établissait en dernier lieu à la somme annuelle de 159 000 euros soit 12 230,77 euros par mois.

Par lettre remise en mains propres le 11 décembre 2008, M. [A] [C] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 décembre 2008 en vue d'une mesure de licenciement, avec mise à pied conservatoire.

Il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 décembre 2008.

Contestant son licenciement, il a saisi le conseil des prud'hommes de Nanterre afin de le voir juger sans cause réelle et sérieuse et obtenir, selon le dernier état de sa demande , la condamnation de la société FINA à lui payer les sommes suivantes :

* 8 155 euros au titre du salaire pendant la mise à pied et 815,50 euros au titre des congés payés afférents,

* 50 250 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 5 025 euros au titre des congés payés afférents,

* 40 200 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* un million d'euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FINA a conclu au débouté et à la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 15 mars 2011 le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit le licenciement pour faute grave justifié,

- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société FINA de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [C] aux dépens.

M. [C] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et stautant à nouveau :

- de dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et illicite la clause de non concurrence contenue dans son contrat de travail,

- de condamner la société FINA à lui payer les sommes suivantes :

* 8 155 euros au titre du salaire pendant la mise à pied et 815,50 euros au titre des congés payés afférents,

* 50 250 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) et 5 025 euros au titre des congés payés afférents,

* 40 200 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* un million d'euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour clause de non concurrence illicite,

* 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société FINA sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, le débouté de M. [C] de l'ensemble de ses demandes, y compris sa demande nouvelle de dommages et intérêts pour clause de non concurrence illicite.

A titre subsidiaire, elle demande que si cette clause devait être jugée illicite, il soit alloué l'euro symbolique à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 23 décembre 2008 au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [P] [K], délégué du personnel.

Après réflexion, nous avons pris la décision de vous licencier â effet immédiat en raison des manquements graves constatés dans votre activité, mettant en cause votre probité et votre loyauté à l'égard de votre employeur.

Vous avez été engagé par notre société en qualité de Directeur de la Communication, à une position hiérarchique dans notre organisation qui vous obligeait à adopter un comportement exemplaire, dans le respect des valeurs de notre cabinet.

Or, les éléments matériels, précis et concordants, découverts dans le courant du mois de novembre 2008, ont permis d'établir qu'avec la connivence de prestataires que vous avez « privilégiés » :

- vous avez fait assumer à notre firme, des prestations fictives ou surfacturécs, ou à tout le moins donné votre aval à leur paiement,

- vous avez commis des négligences douteuses voire suspectes dans vos négociations commerciales de prestations de communication et d'organisation d'événementiels, de sorte que les intérêts de vos prestataires privilégiés, voire les vôtres ont systématiquement été favorisés au détriment de ceux de votre employeur.

1. Vous avez avalisé des prestations fictives ou surfacturées par vos prestataires « privilégiés »

$gt; Il est avéré que vous avez imposé à vos collaborateurs des prestataires de services avec lesquels vous entretenez des relations personnelles excédant le cadre normal et éthique des relations professionnelles d'un directeur de la communication avec ses fournisseurs, et ce en l'absence d'appels d'offres comme c'est l'usage ou même de devis préalables.

Il s'agit notamment des sociétés Metropolitan Fleurs, Covos Baxon, 1855 et plus particulièrement les sociétés Polimage et Pôle Image, cette dernière enregistrant un chiffre d'affaires dont plus de la moitié est constitué par ses relations avec notre firme. A ce jour, les factures de cette société, d'un montant total supérieur à 300.000 euros, font l'objet d'un examen détaillé. Il va de soi que nous émettons les plus expresses réserves sur le bien fondé de celles-ci et leurs montants.

Il apparaît en outre qu'à la faveur de ces relations, vous avez bénéficié de cadeaux et avantages sans rapport avec les prestations que vous avez ensuite proposées à la Direction Générale. Il s'agit notamment d'un voyage en Bourgogne, à Prague avec votre épouse ou d'une invitation à l'Opéra.

$gt;Un grand nombre de factures, sur des prestations dont vous aviez la responsabilité en votre qualité de Directeur de la Communication et dont le montant est opportunément inférieur au seuil au-dessus duquel la double signature de [Y] [T], votre supérieur hiérarchique est requise, correspondent à des prestations soit fictives soit surfacturées.

Sans que cette liste ne soit exhaustive, les faits suivant ont été constatés, pièces comptables à l'appui:

$gt;Soirée annuelle des associés du 24 septembre 2008.

Pour cette soirée, la décoration a été facturée deux fois par deux sociétés différentes : une première fois par la société Pôle Image et une seconde fois par la société Metropolitan.

Par ailleurs, indépendamment de l'évidente surfacturation de certaines prestations que vous auriez dû vérifier (ex. réservation des hôtels et restaurants pour 37.100 euros HT), aucun devis préalable ni même trace d'appels d'offres pour rechercher les meilleurs tarifs ne se retrouvent dans les dossiers.

De la même manière, vous avez consenti à une large surfacturation par Polimage des hôtesses présentes durant cette manifestation (67,81 euros l'heure alors que le prix standard est de 23,50 euros) et avez encore laissé votre prestataire facturer celles de la soirée de gala alors qu'elles ont, en réalité, été fournies par Euro Disney.

Toujours sur cette soirée, le nombre de droits de bouchon facturé par Euro Disney est sensiblement inférieur à celui des bouteilles de vin (rouge et blanc) facturé par Polimage le 5 décembre 2008, avec un écart inexpliqué en notre défaveur de 195 bouteilles.

Les éléments en notre possession permettent d'ailleurs d'établir que vous avez largement manipulé les informations sur le nombre de ces droits de bouchon à des fins personnelles et au détriment de votre employeur, ce qui nous amène là encore à émettre les plus expresses réserves sur toutes les informations que vous avez fournies sur l'ensemble des manifestations que vous avez organisées.

$gt;Prestations de «concepts décoratifs» au Jardin de Bagatelle et au Musée Jacquemart

Sans qu'aucun devis ne permette de comprendre ce que signifient les « concepts décoratifs ». que vous avez largement, et à plusieurs reprises, payés à la société Metropolitan, il apparaît en outre que cette prestation a été facturée deux fois pour un service exactement identique. Ainsi :

-la «création du concept Jardin de Cristal à Bagatelle» a été facturée le 1er septembre 2008 (facture n°09 01 1728) pour un montant de 4.000 euros HT et une seconde fois identique le 9 septembre 2008.

-la « création du concept Van Dyck au musée Jacquemart André » a été facturée le 1er septembre 2008 (facture n°09 01 1725) pour un montant de 4.000 euros HT et une seconde fois identique le 9 septembre 2008.

Vous n'avez procédé à aucun contrôle de ces factures, étant observé que les montants facturés sont opportunément inférieurs au seuil requérant une double signature.

$gt;Prestations de sécurité par la société Pole Image au Louvre du 31 mars 2008.

Vous avez transmis une facture de la société Pole Image pour un montant opportun de 4.000 euros HT pour un « forfait contrôle, forfait sécurité et des frais de gestion » à l'occasion d'une manifestation au Louvre.

Or, d'une part la sécurité n'entre pas dans l'objet social de la société Pole Image et d'autre part, s'agissant d'un lieu particulièrement sensible, la sécurité est déjà assurée par le Louvre et ne saurait être déléguée à des prestataires extérieurs.

$gt;[2]

Là aussi, vous avez permis le paiement par votre employeur de deux factures éditées le même jour (7 juillet 2008) par la société Metropolitan pour un « concept et des recherches » concernant un même événement au restaurant [2], l'un au format de 20 à 50 personnes et l'autre au format de 100 à 170 personnes, et toujours pour le même montant de 3.000 euros.

Aucun devis ni même un quelconque dossier ne permettent de justifier deux factures strictement identiques pour un même événement et sur un même lieu, la différence de format ne pouvant à l'évidence justifier deux facturations distinctes pour un même « concept ».

$gt;Soirée de Noël 2007

Pour la soirée de Noël 2007, vous avez présenté plusieurs factures de la société Metropolitan et notamment une facture portant sur des sapins, décoration de Noël, ornements. Or, tous les collaborateurs s'accordent pour rappeler qu'il n'y avait aucun sapin dans la décoration de Noël.

$gt; Soirée RAM du 27 novembre 2008 au Louvre

Pour cette soirée dont vous avez confié l'organisation à la société Polimage. [Y] [T] vous avait expressément demandé de réduire les dépenses. Sa demande vous avait amené à transmettre des estimations budgétaires revues à la baisse mais qui brillaient toutes par l'absence de mention des noms des sous-traitants de votre prestataire dans le but évident d'empêcher tout contrôle de vos agissements.

Vous avez présenté à la Direction Générale une estimation budgétaire avec un poste Traiteur Restauration qui s'élevait à la somme de 46.560 euros pour 350 invités.

Or, nous avons découvert que ce poste a été assumé par la société Eliance et que celle-ci n'avait jamais été sollicitée pour établir un devis pour 350 invités comme mentionné dans les estimations que vous nous avez transmises mais pour 280 invités.

Mais surtout, tant son devis que sa facture portent sur un montant de 23,603.68 euros HT et non 46.560 euros HT comme mentionné dans vos estimations, soit une surfacturation injustifiée de 22.956 euros HT, et ce avec votre aval et sans aucun contrôle de votre part.

C'est d'ailleurs à cette occasion que [Y] [T] a pu déceler le double comptage de la coordination technique (pour des montants respectifs de 8.200 et 7.750 euros), ce que vous avez par la suite reconnu.

Pour cette même soirée, vous avez également présenté une facture Vidéo de la société Covos Baxon de 3.000 euros HT alors qu'aucun devis préalable n'a été produit mais que, surtout, cette prestation est présumée avoir été assumée en réalité par la société Polimage. Là encore, vous avez donné votre aval à cette facturation sans exercer le moindre contrôle.

2. Vous avez toujours volontairement et systématiquement entretenu la plus totale opacité sur les modalités d'organisation des différentes prestations.

Ces entreprises n'ont pas été sélectionnées par la voie de l'appel d'offres comme cela devrait être le cas. Nous avons également été étonnés de constater que vous ne sollicitiez pas de devis préalables, comme l'exige la prudence la plus élémentaire.

Ainsi que [Y] [T] vous l'a reproché à plusieurs reprises, vous vous êtes toujours arrangé pour ne pas communiquer de devis détaillés des différents prestataires, plaçant la Direction Générale dans l'incapacité de vérifier les coûts et l'opportunité des dépenses, la plupart du temps justifiées par vous à posteriori pour qu'aucun contrôle ne s'effectue avant.

D'ailleurs, il est stupéfiant de constater qu'en votre qualité de Directeur de la communication, vous n'ayez pas jugé utile de contractualiser vos relations avec vos prestataires pour encadrer leurs obligations et préserver ainsi les intérêts de la société, notamment sur l'atteinte des objectifs attendus.

La communication récente et opportune par Polimage d'un premier projet de contrat de collaboration, manifestement établi par crainte des investigations menées actuellement, est à cet égard édifiante sur le caractère non professionnel de ces pratiques, Polimage s'engagenat pour l'avenir à détailler les postes et préciser le montant de la prestation fournie par les sous-traitants, reconnaissant que tel n'était pas le cas jusqu'à présent.

3. Vous avez avalisé des négociations commerciales douteuses et avez manque à vos obligations de suivi des dossiers de votre département.

A la lumière de ce qui précède, nous ne pouvons qu'émettre les plus expresses réserves sur ce qui constitue, à tout le moins, des négligences douteuses, voire suspectes, dans les négociations commerciales et le suivi de la gestion de votre département et en tous cas inadmissibles de la part d'un collaborateur de votre niveau de qualification.

$gt;Stock de vin

Outre le fait que vous avez imposé la société 1855 à votre équipe et que vous avez bénéficié de la part de cette société de cadeaux et avantages à titre personnel, nous avons découvert un écart inexpliqué en notre défaveur de 108 bouteilles ainsi que cela ressort des tableaux (au demeurant abscons) que vous nous avez présentés.

Ensuite, les événements pour lesquels les prélèvements de bouteilles auraient été effectués ne semblent pas réels (notamment « Christic's » du 4 septembre, « Deloitte du 17/09 »).

De même, nous n'avons pas trouvé trace du remboursement d'une différence de prix sur un vin, annoncé le 30 juin 2008 par le fournisseur.

Par ailleurs, un certain nombre de collaborateurs ont pu constater que vous preniez l'habitude de vous servir dans le stock de vins pour vos besoins personnels.

Enfin, deux factures de Polimage des 31 mars et 10 avril 2008 pour des montants HT de 3.650 et 1.850 euros ont concerné respectivement 48 et 24 bouteilles de Château [1] alors que leur utilisation n'a pas été identifiée.

En outre, le prix unitaire de ces bouteilles ne se compare pas favorablement aux prix de détail visibles sur les sites Internet de négociants.

$gt;Pendulettes Lalique et porte-blocs Mont Blanc

En votre qualité de Directeur de la communication, il vous appartient de remplir vos fonctions avec loyauté et dans le strict respect des intérêts de votre employeur.

Alors que votre équipe compte un effectif qualifié et suffisant, vous avez là encore privilégié le recours inutile à un prestataire pour acheter les cadeaux que nous offrons à nos collaborateurs.

Notamment, alors qu'il suffisait de contacter les marques directement pour avoir des devis, vous avez sollicité la société Polimage qui s'est arrangée pour proposer des cadeaux plus chers qu'en magasin. C'est le cas des pendulettes Lalique à 380 euros l'unité alors que le prix public est de 340 euros l'unité et des porte-blocs Mont Blanc à 99 euros l'unité alors que la plaquette commerciale de Mont Blanc indique, pour le même produit, un prix public de 56,44 euros HT pour les hommes et de 53.30 euros HT pour les femmes soit un surcoût de 1 8.260 euros qui est encore supporté par la société Deloitte.

4. L'ensemble des faits qui précèdent confirme l'ampleur des connivences que vous avez entretenues avec vos prestataires dans le but évident de favoriser leurs intérêts financiers et les vôtres au détriment de ceux de votre employeur.

L'ensemble des faits qui précèdent aurait pu se limiter à ce qui caractérise de graves négligences dans votre activité, si ce n'était la découverte d'un ensemble de correspondances entretenues avec vos prestataires qui confirment incontestablement votre déloyauté. Ainsi, et à titre d'exemple :

-Vous avez, à de multiples reprises, favorisé de manière déloyale vos prestataires au détriment de votre employeur dans la négociation de leurs prestations.

Ce faisant, vous avez trompé vos collaborateurs qui, pour leur part, essayaient d'accomplir correctement leur mission en recherchant les meilleures conditions financières. Cela a été le cas lorsque vous avez communiqué de manière déloyale les meilleurs prix obtenus par votre collaboratrice pour l'achat de clés USB, ou encore de votre intervention lorsque votre collaboratrice proposait légitimement de lancer un appel d'offres en l'absence de proposition commerciale de la société Polimage.

-Vous vous êtes personnellement impliqué dans la défense des intérêts financiers de vos prestataires au détriment des nôtres, ce qui caractérise là encore une violation grave de votre obligation de loyauté.

Notamment, vous êtes intervenu dans la facturation de vos prestataires, là encore, en privilégiant systématiquement les intérêts financiers de ces derniers (2 juillet 2008, 28 août 2008, 16 septembre 2008).

Vous avez également sciemment menti sur le nombre de droits de bouchon à déclarer, en inventant un nombre approximatif de 210 bouteilles (10 juillet 2008).

De même, nous avons découvert que la plupart des opérations que vous avez montées avec eux se voyaient assorties de clauses de dédit d'annulation que vous aviez vous-même inspirées, pour certaines à des montants quasiment équivalents à ceux de l'opération annulée. C'est notamment le cas pour l'opération Franco-US Summit des 14 et 15 octobre 2008, pour laquelle nous nous sommes vu imposer un dédit de 3.750 euros quand l'opération elle-même portait sur un montant de 4.000 euros.

La société Polimage semble d'ailleurs, par le montant des factures et le volume des opérations, avoir particulièrement bénéficié de vos avantages.

Ces connivences, qui caractérisent votre déloyauté, sont par ailleurs susceptibles de revêtir une qualification pénale à laquelle nous nous réservons de donner suite, indépendamment de la présente procédure de licenciement.

5. Enfin, il faut rapprocher de ces faits graves un certain nombre de dysfonctionnements dans votre management qui nous apparaissent aujourd'hui avec une acuité bien différente.

$gt;Vos retards et absences légendaires

Vos retards et absences, qui suscitaient la risée de vos collaborateurs, nous apparaissaient totalement mineurs dès lors que :

-vous les déclariez en rapport avcc vos déplacements chez les prestataires. Les connivences que nous venons de découvrir nous permettent aujourd'hui de saisir les motifs de ces retards et absences,

-le département paraissait remplir la mission dont il était investi. Aujourd'hui, nous comprenons que l'accomplissement de cette mission a résulté quasi exclusivement de la qualité du travail de vos collaborateurs à qui vous aviez pris l'habitude de déléguer purement et simplement la partie opérationnelle de vos fonctions.

Vous vous êtes à cet égard beaucoup appuyé sur votre adjoint, Monsieur [F] [Q], et c'est d'ailleurs au départ de ce dernier en mars 2006 que les dysfonctionnements ont commencé à se manifester sous l'angle de difficultés managériales.

$gt;Carences managériales

Certains collaborateurs se sont plaints de ne pouvoir compter sur votre encadrement, voire de n'être soumis qu'aux seules instructions de vos prestataires. Leurs plaintes sont remontées à la direction du personnel qui, dans l'ignorance du contexte décrit ci-dessus, n'a pu y voir qu'une démotivation passagère.

De même, vous avez privilégié le recrutement de collaborateurs juniors, plus facilement malléables à vos instructions, tout en cherchant à isoler voire dénigrer ceux qui étaient plus «regardants ». [U] [L], notamment, a fait les frais de cette stratégie alors qu'elle ne faisait que remplir au mieux ses fonctions.

L'ensemble de ces faits caractérisent des manquements d'une particulière gravité, dès lors qu'ils mettent en cause vos obligations de probité, de loyauté et qu'ils stigmatisent à tout le moins une inexécution gravement défectueuse de vos fonctions.

Ces faits sont particulièrement inacceptables à votre niveau de qualification, à une position hiérarchique figurant parmi les plus élevées de l'entreprise qui vous imposait un devoir d'exemplarité à l'égard de vos subordonnés.

(...)

Deux fautes sont ainsi reprochées au salarié : un manquement à son obligation de loyauté contractuelle et un défaut de management, sur la base de cinq griefs :

1) l'aval de prestations fictives ou surfacturées par ses prestataires privilégiés,

2) l'entretien volontaire d'une totale opacité sur les modalités d'organisation des différentes prestations (absence d'appels d'offres, de devis et de contrats),

3) avoir à de multiples reprises favorisé ses prestataires au détriment des intérêts financiers de la société employeur,

4) des retards et absences,

5) des carences managériales.

M. [C] se prévaut de la prescription des faits, contestant le fait que la société n'ait découvert les agissements qu'elle dénonce qu'en novembre et décembre 2008 comme elle l'affirme. Il conteste en outre la réalité et le sérieux des griefs qui lui sont imputés, considérant que ces faits ont été créés de toutes pièces pour dissimuler le véritable motif de son licenciement : la suppression de sa fonction à la suite d'une réorganisation de la communication de la société à l'été 2008.

Plus précisément, il fait valoir qu'il n'a pas pu commettre les faits reprochés pour les raisons suivantes :

- il était rattaché sur le plan hiérarchique à M. [Y] [T], et si de par ses fonctions directoriales il disposait d'une certaine autonomie dans la direction de son département, il avait des pouvoirs limités dans ses actions et rendait compte à sa hiérarchie en conformité avec les procédures en vigueur dans la société, procédures auxquelles il s'est toujours plié telles que :

le respect des appels d'offres et de la mise en compétition des prestataires référencés,

l'engagement de dépenses sans autorisation ni validation, seulement quand celles-ci étaient inférieures à 5 000 euros,

la présentation pour validation de ses projets de communication avec déclinaison des engagements financiers y afférents,

la présentation de ses budgets d'années en années accompagnés des projets d'événements envisagés ;

- il n'a jamais été rappelé à l'ordre sur le non respect de ces procédures ;

- toutes les actions qu'il menait étaient ainsi contrôlées par la hiérarchie et soumises au contrôle des services comptables et financiers ;

- les prestataires qu'il mettait en concurrence n'ont pas été référencés par sa seule volonté, ils ont été acceptés par la société puisqu'ils ont vu leurs factures validées et payées par les services financiers;

- il a toujours respecté les budgets qui lui étaient fixés et ceux-ci ont été validés chaque année de 2002 à 2008 ;

- chacune des prestations facturées a été réellement fournie ;

- chaque devis, chaque facture a été soumise à la direction qui a donné son accord pour la mise en paiement ;

- la plainte pénale qui a été déposée contre lui par la société Fina a été classée sans suite et les enquêteurs ont relevé que ses comptes bancaires ne révélaient aucune somme d'origine suspecte ;

- le grief tiré des carences managériales est totalement contraire à la dernière appréciation formulée par son supérieur hiérarchique M. [T], lui-même reconnaissant que M. [C] avait accompli sur ce terrain des progrès considérables ;

- le reproche sur ses "retards et absences légendaires" ne lui a jamais été fait avant la procédure de licenciement ; ses absences étaient toutes justifiées par des congés acceptés ou par l'exercice de ses fonctions, étant précisé qu'en 2006 il a perdu son adjoint qui n'a pas été remplacé, ce qui l'a obligé à être sur tous les fronts.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, la société Fina justifie par la production d'une attestation de sa directrice des ressources humaines Mme [N] [R], de la requête qu'elle a déposée le 18 décembre 2008 devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin d'obtenir l'autorisation de saisir des données sur l'ordinateur professionnel de M. [C] et de diverses pièces illustrant les investigations internes qui ont été menées par le réprésentant de la société ; elle a bien eu ainsi connaissance, comme elle l'indique dans la letre de licenciement, des agissements de M. [C] dans le courant du mois de novembre 2008.

La procédure de licenciement, engagée par la convocation de M. [C] à un entretien préalable le 11 décembre 2008, l'a bien été dans le délai légal de deux mois.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement et la faute grave

L'ensemble des pièces qui sont produites par la société Fina (témoignages, mails, correspondance échangée entre la société Fina et les sociétés prestataires, action en paiement de factures contestées par Fina par l'une de ses sociétés prestataires devant le tribunal de commerce) établissent la matérialité des trois premiers griefs et des faits précis qui les étayent, étant observé qu'une décision de classement sans suite étant dépourvue de toute autorité, le fait que la plainte pénale qui a été déposée par la société Fina contre son salarié ait été classée sans suite n'exclut pas que les manquements à l'obligation de loyauté contractuelle qui sont dénoncés dans la lettre de licenciement soient établis.

Ainsi, et notamment :

- M. [S] [O] [M] , dirigeant de la société Metropolitan, expose dans une attestation très circonstanciée du 27 mars 2013 que sa société a travaillé pour la société Deloitte à partir d'avril 2007 sous les instructions de M. [A] [C] ; que celui-ci ne procédait à aucun appel d'offres dans le cadre des contrats de prestations qu'il lui confiait ; que M. [C] l'a contacté à plusieurs reprises pour lui commander des cadeaux pour des associés de la société Deloitte, qui en réalité se sont avérés être des cadeaux pour lui-même, eu égard à leur nature (costumes, lunettes, chaises) et au lieu de leur livraison ; qu'au cours de l'année 2008 M. [C] lui a fait part de ses difficultés financières et de ce qu'il attendait une aide en échange de laquelle il favoriserait les projets de Metropolitan, aide fiancière qu'il a acceptée de satisfaire. M. [M] explique aussi que M. [C] lui demandait de modifier les libellés des factures pour faire coïncider les dépenses et ses budgets, si bien que la secrétaire de la société Metropolitan avait pris l'habitude de lui demander quel libellé il souhaitait voir noter sur les factures éditées. M. [M] explique encore avoir cautionné un temps les agissements de M. [C] dans un contexte de subordination économique par rapport à un gros client, mais que sous le poids de la culpabilité morale il a décidé de mettre un terme à ce système frauduleux.

- La société Polimages, autre prestataire de la société Deloitte qui se voyait confier diverses prestations par la dite société via son directeur de la communication M. [C], a été déboutée par le tribunal de commerce de Nanterre de sa demande en paiement du solde de quatre factures contestées par la société Deloitte pour un montant de 87 000 euros, faute par la société Polimages d'avoir justifié de la réalité des prestations facturées et contestées, ce qui confirme la réalité des surfacturations ou facturations fictives dénoncées par la société Deloitte de la part des fournisseurs avec lesquels traitait son directeur de la communication.

- M. [T] [Y], expert comptable et supérieur hiérachique de M. [C], atteste, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par M. [C], que celui-ci bénéficiait d'une délégation de signature pour les dépenses inférieures à 5 000 euros. Ces dépenses n'étaient donc pas soumises au contrôle de sa hiérarchie. Or, la plupart des opérations de surfacturations ou de facturations fictives qui sont visées dans la lettre de licenciement et produites au dossier de la société Fina sont de montants inférieurs à 5 000 euros.

- Le contrôle de la hiérarchie n'a pu davantage être effectué sur toutes les autres opérations contrairement à ce que le salarié soutient, dès lors qu' il résulte d'un mail adressé le 18 novembre 2008 par M. [Y] à M. [C] que ce dernier ne fournissait pas les devis détaillés des manifestations commandées auprès des prestataires, M. [Y] écrivant en effet : [A], comme tu t'obstines à ne pas me fournir des devis détaillés des manifestations, pour faire les arbitrages nécessaires, je suis obligé de statuer sur les lignes budgétaires que tu me fournis.

- Il y a lieu au demeurant d'observer que la facturation conforme des prestations commandées par M. [C] auprès des fournisseurs de la société Deloitte relevait de la responsabilité du salarié qui, dès lors, ne peut se retrancher derrière un défaut de contrôle ou un contrôle défaillant de sa hiérachie et de la direction financière de la société pour s'exonérer de sa propre responsabilité sur les dépenses qu'il engageait au nom de la société.

Ces agissements, ayant consisté à faire supporter par la société les conséquences financières de prestations fictives ou surfacturées par des prestataires qu'il privilégiait moyennant cadeaux ou avantages personnels en se dispensant de respecter les procédures internes applicables (établissement de devis et d'appels d'offre), caractérisent un grave manquement de M. [C] à son obligation d'exécution loyale de son contrat de travail qui rendait impossible la poursuite de ce contrat et justifiaient à eux seuls la mesure de licenciement pour faute grave qui a été prononcée à son encontre, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit justifié le licenciement pour faute grave de M. [C] et débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes indemnitaires.

Sur la clause de non concurrence

Le contrat de travail contient une clause n° 9 intitulée 'obligations postérieures à l'expiration du contrat' ainsi rédigée :

En cas de rupture du présent engagement et quelle qu'en soit la cause, le salarié s'abstiendra de toute action pour le compte d'une entreprise concurrente auprès des clients pour lesquels il aura mené une action au nom de la Société. Cette interdiction concerne tant la clientèle de la société existant au jour de la rupture du contrat que celle ayant existé dans les douze mois précédant cette rupture. Elle est limitée géographiquement au territoire métropolitain.

(...)

Ces interdictions seront effectives à compter de la date de la rupture du contrat et porteront sur une période de deux ans.

Toute infraction aux présentes clauses exposerait le salarié au versement à la société d'une indemnité forfaitaire égale à sa rémunération brute des douze mois précédant la rupture de son contrat de travail , à titre de dommages et intérêts.

M. [C] soutient que cette clause s'analyse en une clause de non concurrence, illicite en l'absence de contrepartie financière.

La société Fina conteste la qualification de clause de non concurrence, revendiquant celle de clause de non détournement de clientèle.

Cette clause ne s'analyse pas en une clause de non concurrence car elle n'empêche pas le salarié de créer une structure concurrente ou de travailler pour une entreprise concurrente, mais lui fait seulement interdiction d'agir auprès des clients de la Société, ce qui relève de la concurrence déloyale, interdite à tout salarié même en l'absence de dispositions particulières du contrat de travail, et non de l'obligation générale de non concurrence.

Cette clause dont le champ est restrictif s'analyse effectivement en une clause de non détournement de clientèle.

M. [C] est par conséquent mal fondé à soutenir l'illicéité de cette clause pour défaut de stipulation d'une contrepartie financière ; il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Partie succombante, M. [C] sera condamné aux entiers dépens, mais l'équité et la situation économique des parties commandent d'exclure l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 15 mars 2011 ;

Y ajoutant :

Déboute M. [A] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour clause de non concurrence illicite ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Andrée Baumann, conseiller, en remplacement du président empêché, et par Mme Claudine Aubert, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01775
Date de la décision : 09/10/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°13/01775 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-10-09;13.01775 ?
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