COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 09 OCTOBRE 2014
R.G. N° 12/05224
MHM/AZ
AFFAIRE :
[L] [N]
C/
SAS EOLANE FINANCIERE DE L'OMBREE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Encadrement
N° RG : 11/00424
Copies exécutoires délivrées à :
Me Laure LIZÉE
Me Bruno ROPARS
Copies certifiées conformes délivrées à :
[L] [N]
SAS EOLANE FINANCIERE DE L'OMBREE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparant en personne, assisté de Me Laure LIZÉE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0159
APPELANT
****************
SAS EOLANE FINANCIERE DE L'OMBREE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Bruno ROPARS, avocat au barreau D'ANGERS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,
Madame Christel LANGLOIS-SARRAZIN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
EXPOSE DU LITIGE
Par lettre d'engagement du 9 mai 2000, M. [L] [N] a été embauché par la société Network Concept Finances (NCF), filiale du groupe Eolane, en qualité de contrôleur de gestion, statut cadre, position III A, coefficient 135 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.
Le 17 juillet 2000, il était promu au poste de directeur d'établissement de la société In Tech Technologies , située à [Localité 3], filiale de NCF,
Suite au rachat le 27 juillet 2010 de la société In Tech Technologies par le Groupe Eolane, le contrat de travail de M. [N] a été transféré le 1er décembre 2010 à la société Sas Eolane Financière de l'Ombrée, société holding du groupe Eolane (ci-après la société EFO).
A compter du 1er décembre 2010, M. [N] a été engagé par avenant à son contrat à durée indéterminée (qu'il n'a pas signé), en qualité de directeur de filiale , en l'occurrence la filiale Eolane Argenteuil, précédemment dénommée In Tech Technologies. Il bénéficiait d'une délégation de pouvoirs de la société holding EFO (non signée).
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 12 septembre 2011, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 22 septembre 2011 en vue d'une mesure de licenciement, avec mise à pied conservatoire. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 septembre 2011, il a été licencié pour fautes graves (insubordination, exécution déloyale de son contrat de travail et relations conflictuelles avec les institutions représentatives du personnel).
Contestant son licenciement, M. [N] a saisi le conseil des prud'hommes d'Argenteuil afin de voir juger nul son licenciement pour être intervenu pendant une période de suspension de son contrat de travail suite à un arrêt pour accident du travail du 7 septembre 2011 au 15 octobre 2011 (malaise provoqué par les pressions dont il dit avoir été l'objet), et obtenir, selon le dernier état de sa demande , la condamnation de la société EFO à lui payer les sommes suivantes :
* 41 853,51 euros au titre des salaires pendant la période de protection attachée au caractère professionnel de son arrêt de travail, soit du 28 septembre 2011 au 20 mars 2012, et 4 185,35 euros au titre des congés payés afférents,
* 41 853,51 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 4 185,35 euros au titre des congés payés afférents,
* 125 560 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société EFO a conclu au débouté et à la condamnation de M. [N] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 11décembre 2012, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil a :
- dit justifié le licenciement pour faute grave de M. [N],
- débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société EFO de sa demande reconventionnelle,
- mis les dépens à la charge des parties.
M. [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :
- de constater la nullité de son licenciement,
- de condamner la société EFO à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du jour de l'introduction de la demande :
* 119 422,14 euros au titre des salaires pendant la période de protection soit du 28 septembre 2011 au 27 juin 2014, et 11 942,21 euros au titre des congés payés afférents,
* 41 853,51 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 4 185,35 euros au titre des congés payés afférents,
* 41 853,51 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 125 560 euros à titre d'indemnité pour licenciement ' sans cause réelle et sérieuse',
* 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ces deux dernières indemnités avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
La société EFO demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions , de débouter le salarié de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des éléments au dossier et il n'est pas contesté par l'employeur que le 7 novembre 2011, M. [N] a été victime d'un malaise à l'annonce par son supérieur hiérarchique de sa convocation à un entretien préalable à une mesure de licenciement envisagée à son encontre, et qu'à la suite de ce malaise il a fait l'objet d'un arrêt de travail jusqu'au 15 octobre 2011pour accident du travail ou maladie professionnelle, délivré par le centre hospitalier d'[Localité 3].
La qualification d'accident du travail ou de maladie professionnelle n'apparaît pas contestable en raison du lien évident entre le malaise du salarié et l'annonce de la procédure de licenciement, elle n'est d'ailleurs pas contestée par l'employeur.
Le contrat de travail de M. [N] se trouvait donc suspendu lorsque l'employeur a engagé la procédure de licenciement par l'envoi le 12 septembre 2011 d'une lettre de convocation à un entretien préalable, étant précisé que l'employeur avait connaissance de l'arrêt de travail lorsqu'il a envoyé cette convocation puisqu'il a été témoin du malaise de son salarié et qu'il déclare lui-même dans ses conclusions que 'dès le 12 septembre 2011, alors qu'elle avait connaissance d'un arrêt de travail jusqu'au 14 septembre, la société a convoqué M. [N] à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute grave et lui a notifié sa mise pied conservatoire.'
La société employeur a ainsi fait le choix d'engager la procédure de licenciement alors que le contrat de travail de son salarié était suspendu en raison d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
L'article L 1226-7 du code du travail dispose en effet que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet ou d'une maladie professionnelle, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par la maladie ou l'accident.
L'article L 1226-9 prévoit quant à lui qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail , l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossiblité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.
Et en vertu de l'article L 1226-13, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L 1226-9 et L 1226-18 est nulle.
Le licenciement prononcé à l'encontre de M. [N] est par conséquent nul s'il ne repose pas sur une faute grave, ainsi qu'il est argué par le salarié, lequel soutient qu'aucune faute grave ne peut lui être reproché, ce qu'il convient de vérifier.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
(...)
Embauché par NCF le 7 juillet 2000 comme responsable du contrôle de gestion, vous avez été promu dans les faits, dans les mois qui suivent, Directeur d'Etablissement du site d'[Localité 3].
La Société Financière de l'Ombrée holding du Groupe EOLANE a acquis, le 27 juillet 2010, la Société NCF - Network Concept Finances. La Société NCF a été absorbée par la Société Financière de l'Ombrée en date du décembre 2010 et votre contrat de travail a été automatiquement transféré auprès d'elle à la môme date.
Vous avez été maintenu à votre poste et nous vous avons proposé, ainsi que vous l'avez sollicité, le poste de directeur de la filiale d' Argenteuil que vous avez assumé dès la reprise du site par notre groupe.
Un nouveau contrat de travail de directeur de filiale et une délégation de pouvoirs vous ont été proposés à la signature comme cela se fait avec chaque directeur de filiale du groupe.
Une discussion interminable s'en est suivie avec vous tantôt sur les conditions de rémunération proposées, tantôt sur la délégation de pouvoirs. Nous nous sommes efforcés de répondre à vos demandes en terme de rémunération et de primes associées.
Malgré cela vous avez continué de tergiverser et au final, vous avez refusé de signer quoique ce soit.
Vous avez alors adopté une posture de défiance vis-à-vis du groupe, du Directoire et des équipes supports et la situation n'a fait alors que de se dégrader au fil des semaines.
Nous avions décidé d'adopter sur le site d'[Localité 3] un mode de management ouvert au dialogue avec les institutions représentatives du personnel et les salariés, rompant ainsi avcc les méthodes pratiquées par les dirigeants du groupe MCF.
Vous avez refusé d'adhérer à ce choix et à nos orientations.
Vous avez continué à montrer une attitude de méfiance voire d'hostilité è l'égard de certains élus et de certains salariés et à vous isoler dans votre bureau sans aucune volonté de favoriser le dialogue social que nous appelions de nos v'ux.
Désormais vous entretenez depuis plusieurs semaines des relations conflictuelles avec les représentants du personnel et ce en totale contradiction avec les valeurs d'Eolane.
Cette posture voue a amené à commettre des agissements inadmissibles.
Par mail en date du 19 jurtïet 2011, vous nous avez signifié votre refus de communiquer les documents selon la procédure habituelle, comme cela vous était demandé, et de présider le Comité d'Entreprise extraordinaire du 27 juillet dernier.
Vous connaissiez pourtant l'importance de ce Comité Extraordinaire pour Eolane Argenteuil, celui-ci concernant l'information consultation de l'instance dans l'opération de cession du groupe NCF au groupe Eolane, ordonnée sous astreinte par le tribunal de grande instance de Pontoise, saisi par ce même Comité d Entreprise.
Le Directoire a dû s'organiser pour présider lui-même cette réunion de CE.
Vous avez démontré là un manque total de loyauté vis à vis du groupe Eolane, préférant ne pas heurter vos précédents dirigeants du groupe MCF qui refusaient que le CE puisse connaître le détail de l'opération de cession réalisés par eux.
Dans le même sens, le secrétaire du Comité d'Entreprise nous a informé que le 27 juillet dernier, dans un mouvement d'humeur qui vous est familier, vous avez quitté précipitamment sans raison la réunion de Comité d'Entreprise ordinaire. Le même secrétaire a dû le lendemain vous rappeler vos obligations de Président du CE afin de mener â son terme cette réunion, ce qui n'a fait que vous discréditer un peu plus aux yeux des élus.
Le 27 juillet dernier, vous avez annoncé au Directoire en présence de notre DRH votre décision de quitter l'entreprise au plus lard le 30 septembre, anticipant ainsi selon vous votre départ en retraite.
Nous vous avons pris acte de votre décision et rappelé la nécessité de respecter un préavis suffisant afin de nous permettre d'organiser dans les meilleures conditions votre succession.
Vous n'avez jamais confirmé par écrit votre décision mais n'avez eu de cesse depuis d'exiger me indemnité de départ conséquente, alors même que c'est vous qui avez pris la décision de cesser vos fonctions au 30 septembre.
Il apparaît clairement ainsi avec cette altitude que vous n'exécutez plus de bonne foi votre contrat de travail, ce qui est d'autant plus intolérable eu égard à votre position et à vos responsabilités au sein de l'entreprise.
Cette situation fragilise le fonctionnement du site et place le Directoire dans la plus grande incertitude, compte tenu notamment des difficultés pour assurer votre remplacement et alors même que sa stratégie est de tout faire pour renouer le dialogue avec le personnel, dont il perçoit les fortes inquiétudes, ainsi que les Représentants du Personnel et ce notamment afin de répondre aux attentes de notre principal client et respecter les délais de livraison impartis.
Pour tenter de vous disculper, vous prétendez ne pas avoir de moyens suffisants et ne pas avoir reçu l' aide nécessaire des différents services supports du groupa, ce qui est évidemment faux. En tant que Directeur de filiale vous disposez de toutes les prérogatives et les moyens nécessaires pour exercer votre mission comme chaque directeur de filiale du groupe.
Cette situation caractérise une réelle insubordination, un refus de collaborer loyalement et d'exécuter de bonne foi votre contrat de travail et votre mission de directeur, ce qui rend impossible la poursuite de votre collaboration au sein de l'entreprise.
(...)
M. [N] a ainsi été licencié pour des faits qualifiés d'insubordination et de refus de d'exécution loyale et de bonne foi de son contrat de travail, en raison des agissements suivants :
- n'avoir pas signé l'avenant à son contrat de travail lui confiant les fonctions de directeur de la filiale Eolane Argenteuil après l'opération de cession décrite en début du présent arrêt, bien qu'ayant accepté ces fonctions et les exerçant de fait ;
- avoir gravement manqué à l'exercice de ses fonctions de directeur du Comité d'Entreprise attachées à ses fonctions de directeur de filiale en :
. refusant de transmettre par clés USB au CE les documents nécessaires à la tenue d'une réunion extraordinaire de ce comité le 27 juillet 2011, après avoir préconisé de transmettre ces documents par voie d'huissier, ce qui n'aurait fait qu'aggraver le conflit existant entre le CE et la direction de la société;
.refusant de présider cette réunion extraordinaire du 27 juillet 2011,
.quittant précipitamment avant son terme une réunion ordinaire de ce même comité se tenant le même jour,
- avoir annoncé le 27 juillet 2011 sa décision de quitter l'entreprise le 30 septembre 2011 au plus tard, anticipant ainsi sur son départ à la retraite,
- avoir cherché à négocier financièrement son départ alors qu'il était à l'initiative de la rupture.
M. [N] invoque en premier lieu la prescription des faits de refus de signature de l'avenant et la tardiveté de la mesure de licenciement pour faute grave par rapport à la date des autres faits reprochés, quant à eux non prescrits.
Il convient ici de rappeler que si aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ce texte ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dès lors que le salarié a commis dans le délai de prescription un agissement fautif de même nature.
Tel est le cas en l'espèce, les faits de refus de présider la réunion extraordinaire du 27 juillet 2011, annoncé par le salarié le 19 juillet, et sa décision de quitter subitement avant son terme la réunion ordinaire du 27 juillet , de même nature que le fait de refuser de signer l'avenant au contrat de travail (considéré comme étant prescrit), ayant été portés à la connaissance de l'employeur pendant le délai légal de prescription de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement le 12 septembre 2011.
Quant à la prétendue tardiveté de la mesure de licenciement qui ferait obstacle à la qualification de faute grave, elle n'est pas avérée, les derniers faits argués de fautifs s'étant produits à la fin du mois de juillet 2011, M. [N] se trouvant en congés annuels du 1er au 22 août, et l'un des membres du directoire devant se prononcer sur la mesure de licenciement ne rentrant de congés que le 12 septembre, en sorte qu'il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir tardé à engager la procédure de licenciement.
Sur l'appréciation de la faute grave, il convient de préalablement rappeler le contexte dans lequel sont intervenus les faits reprochés au salarié.
A la suite de l'acquisition par la société Financière de l'Ombrée de la société NCF et de la reprise par celle-ci du contrat de travail de M. [N], celui-ci, jusqu'alors directeur d'établissement de la société In Tech Technologies, s'est vu proposer la direction de la filiale Eolane Financière de l'Ombrée.
Dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place par la société financière de l'ombrée, les fonctions de M. [N] se trouvaient substantiellement modifiées ainsi qu'il résulte d'un mail adressé le 1er décembre 2010 par l'employeur à son salarié . M. [G] écrivait en effet : C'est un changement très important par rapport à votre fonction antérieure. Il faut que vous le compreniez et que vous l'intégriez complètement. Vous n'êtes plus le gestionnaire de service, à cheval entre In Tech et Emelec, vous êtes le patron d'In tech.
Par ailleurs, dès sa prise de fonction de directeur de filiale à laquelle étaient toujours attachées ses fonctions de directeur du comité d'entreprise de la société, M. [N] a dû faire face à un conflit très important entre le comité d'entreprise et la direction de la société Eolane Argenteuil.
Le comité d'entreprise décidait en effet, au mois de février 2011, d'assigner en référé la société Eolane Argenteuil :
- pour non information ni consultation du CE lors du rachat par le groupe Eolane du groupe NCF,
- pour non information ni consultation du CE lors de la prorogation du contrat avec Alstom (principal client de la société Eolane Argenteuil),
ainsi qu'annoncé par M. [N] à M. [G] par mail du 21 février 2011.
Cette assignation était effectivement délivrée le 14 avril 2011 et par ordonnance du 13 mai 2011, le tribunal de grande instance de Pontoise ordonnait sous astreinte à la société Eolane Argenteuil de communiquer les documents requis et ordonnait la suspension des effets de la cession de 100% du capital de la société NCF à la société Financière de l'Ombrée intervenue les 5 mai et 27 juillet 2010.
La société Financière de l'Ombrée décidait alors, avec son conseil, de réunir le CE de sa filiale Eolane Argenteuil afin de tenter de mettre fin à la procédure judiciaire en cours, après lui avoir transmis les documents nécessaires, en organisant une réunion extraordinaire fixée au 27 juillet 2011, exacerbant ainsi le conflit avec le comité d'entreprise qui s'insurgeait contre cette communication et cette convocation tardives pour les besoins de la procédure judiciaire en cours.
C'est cette réunion du 27 juillet 2011 que M. [N] refusait de présider, et c'est une réunion ordinaire du même jour qu'il décidait d'interrompre 'afin de préserver sa sécurité et d'éviter que la situation ne dégénère face à l'hostilité des élus', ainsi qu'il l'indique dans ses conclusions.
Et c'est en vue de cette réunion extraordinaire du 27 juillet 2011 que M. [N] suggérait au conseil de la société Financière de l'Ombrée, avec lequel il était en communication régulière depuis l'engagement de l'instance en référé, ne prenant aucune décision ni ne rédigeant aucun courrier au CE sans son aval, de transmettre au dit comité les documents par voie d'huissier plutôt que par clé USB comme envisagé par la direction, suggestion qui n'était cependant pas retenue, ce mode de communication étant susceptible d'attiser le conflit existant. M. [N] refusait cependant de communiquer les documents par la voie choisie par l'employeur.
Au vu de ces éléments, il convient de considérer que la modification des conditions de travail de M. [N], issue d'une situation non souhaitée par celui-ci, à savoir la fin de ses fonctions de directeur d'établissement suite au transfert de son contrat de travail le conduisant à se voir proposer et à accepter des fonctions de directeur de filiale, a affecté un élément essentiel et l'économie de son contrat de travail dès lors qu'il endossait des responsabilités accrues.
Aussi était légitime et non fautif, eu égard à l'accroissement de ses responsabilités, son refus de régulariser la signature de l'avenant à son contrat de travail en raison de points de désaccord portant principalement sur son coefficient (coefficient 240 revendiqué à la place du coefficient 135 préexistant et maintenu) et sur le montant de son salaire (resté inchangé), étant observé que M. [N] a accepté de fait de prendre ses nouvelles fonctions aux conditions précédentes.
Quant aux manquements à ses fonctions de directeur du comité d'entreprise et aux mauvaises relations entretenues avec celui-ci dans le cadre du conflit précédemment décrit, s'ils sont objectivement établis, le refus de transmettre les documents par la voie choisie par l'employeur avant la réunion extraordinaire du 27 juillet 2011, le refus de présider cette réunion alors que cette présidence relevait de ses fonctions et de quitter avant son terme la réunion ordinaire du même jour, constituant des actes d'insubordination, ils n'étaient pas suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail compte tenu du contexte.
M. [N] a dû en effet faire face à une situation extrêmement conflictuelle entre le comité d'entreprise et la direction de la société à l'origine de laquelle il n'avait aucune part de responsabilité, comme l'a d'ailleurs toujours reconnu l'employeur, ce conflit étant né d'un défaut de communication sur le rachat du groupe NCF par le groupe Eolane dont M. [N] n'avait pas lui-même été informé.
Il n'était pas non plus responsable de l'aggravation du conflit, la décision de convoquer le CE à une réunion extraordinaire alors que la procédure de référé était en cours n'ayant pas été prise par M. [N], mais par le dirigeant de la société Eolane Financière de l'Ombrée et son conseil, M. [N] se trouvant alors exécutant des décisions de l'employeur en sa qualité de président du comité d'entreprise de la filiale Eolane Argenteuil.
Les actes d'insubordination qu'il a commis ont été motivés par la peur qui l'a envahie après plusieurs mois de conflit générateurs d'une situation de stress à laquelle il n'était plus capable physiquement et moralement de faire face.
Quant aux derniers griefs tenant, d'une part à l'annonce de son départ anticipé dans le contexte décrit , en raison de son état de santé et de son âge l'autorisant à faire valoir ses droits à la retraite, d'autre part à sa volonté de négocier financièrement son départ plutôt que de démissionner alors qu'il comptait onze ans d'ancienneté dans l'entreprise, ils ne sauraient être considérés comme étant fautifs dès lors qu'ils correspondent à l'exercice non abusif de droits par un salarié qui fait le constat de son inacapacité à poursuivre l'exécution de son contrat de travail .
La faute grave doit donc être exclue, d'où il s'ensuit que le licenciement est nul pour avoir été engagé alors que le contrat de travail était suspendu par un arrêt de travail consécutif à une maladie professionnelle ou à un accident du travail.
Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d'une part aux indemnités de rupture, d'autre part à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caracère illicite de son licenciement, dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par l'article L.1235-3 du code du travail, soit un montant égal aux salaires bruts perçus par le salarié pendant les six derniers mois.
Sur la base d'un salaire de référence de 6 975,58 euros (brut) non contesté par l'intimée et ressortant des bulletins de paie , il sera alloué à M. [N] les sommes suvantes :
- Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L 1234-1 du code du travail et conformément à l'article 27 de la convention collective applicable, la somme de 41 853,51 euros (brut) correspondant à un préavis de six mois, outre la somme de 4 185,35 euros au titre des congés payés afférents ;
- Au titre de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L 1234-9 du code du travail et sur le fondement de l'article 29 de la convention collective, la somme de 41 853,51 euros (brut);
- A titre d'indemnité pour licenciement nul, qui ne peut être inférieure à 41 853,51 euros (salaire des six derniers mois), compte tenu de l'ancienneté de M. [N] au jour du licenciement (un peu plus de onze ans ) et du fait que son licenciement est intervenu trois mois avant qu'il atteigne l'âge de la retraite, il lui sera alloué la somme de 70 000 euros (net);
Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ( 26 octobre 2011). Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions, et la société EFO condamnée aux entiers dépens ainsi qu'à payer à M. [N] la somme de 3 000 euros sollicitée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil en date du 11 décembre 2012, et statuant à nouveau :
Dit nul le licenciement de M. [L] [N],
Condamne la société Eolane Financière de l'Ombrée à lui payer les sommes suivantes :
* 41 853,51 euros (brut) à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 4 185,35 euros (brut) titre des congés payés afférents,
* 41 853,51 euros (brut) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 26 octobre 2011,
* 70 000 euros (net) à titre d'indemnité pour licenciement nul,
cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
Y ajoutant :
Condamne la société Eolane Financière de l'Ombrée à payer à M. [N] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Eolane Financière de l'Ombrée de sa demande reconventionnelle,
Condamne la société Eolane Financière de l'Ombrée aux entiers dépens.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie-Andrée Baumann, président, et Mme Claudine Aubert, greffier.
Le GREFFIER Le PRESIDENT