COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 SEPTEMBRE 2014
R.G. N° 13/03017
AFFAIRE :
[E] [X]
C/
SAS UNISYS FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre
Section : Encadrement
N° RG : F10/01936
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jean-Elie DRAI
SELARL ACANTHE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[E] [X]
SAS UNISYS FRANCE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [X]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 2] (GRANDE-BRETAGNE)
Comparant
Assisté de Me Jean-Elie DRAI, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
SAS UNISYS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Christophe NOIZE de la SELARL ACANTHE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 10 Juin 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Sophie MATHE, vice-présidente placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [X] a été embauché par la société UNISYS FRANCE le 1er août 2005 en qualité d'ingénieur d'affaires, statut cadre III-A, indice 135 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Son salaire fixe de 63.000 euros était augmenté d'une part variable.
Un litige étant survenu courant 2008 sur le paiement des commissions 2008, Monsieur [X] a fait parvenir à la société UNISYS un courrier d'avocat le 12 septembre 2008. Le litige sur le paiement des commissions 2009 s'étant poursuivi, Monsieur [X] a saisi la formation de référés du conseil de prud'hommes de NANTERRE qui a rendu le 14 septembre 2010 une ordonnance de non lieu à référé en raison d'un paiement intervenu en cours de procédure, que le salarié considère comme étant partiel.
Entre-temps, un avenant au contrat a été signé le 26 février 2009 en vue notamment de porter le salaire fixe à 90.000 euros à compter du 1er janvier 2009 et autoriser le travail au domicile de [Localité 2] de Monsieur [X] qui, nommé "Business developpment executive 2", a bénéficié également d'un passage à l'indice 180.
La société UNISYS FRANCE considère que cet avenant constitue la contrepartie d'un accord trouvé entre les parties sur le litige relatif aux commissions 2008.
Le 4 juin 2010, Monsieur [X] a saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat au motif que les commissions 2008 et 2009 ne lui avaient pas été versées.
Par jugement du 17 juin 2013, le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de résiliation du contrat de travail qui a pris fin le 18 novembre 2013 par l'effet de la lettre du 17 août 2013 de Monsieur [X] qui a pris acte de la rupture.
La cour a été saisie d'un appel formé le 11 juillet 2013 par Monsieur [X] contre cette décision.
Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, Monsieur [X] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [X] de ses demandes,
DIRE que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail est aux torts exclusifs de la société UNISYS FRANCE et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNER la société UNISYS à lui payer les sommes suivantes :
* 81.777,57 euros (3 mois) au titre de l'indemnité de préavis,
* 27.259,10 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 490.665 euros (18 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 81.777,57 euros (3 mois) à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
DIRE ET JUGER que la société UNISYS FRANCE n'a pas payé l'intégralité des commissions dues à Monsieur [X] au titre des années 2008 et 2009,
En conséquence,
A titre principal,
CONDAMNER la société UNISYS FRANCE à lui verser les sommes suivantes :
* 1.555.122 euros au titre des commissions restant dues sur l'année 2008,
* 12.145 euros au titre des commissions restant dues sur l'année 2009,
A titre subsidiaire, si les commissions 2008 devaient être calculées uniquement sur la base de 0,5% de la prise de commandes NUMONYX,
CONDAMNER la société UNISYS FRANCE à lui verser la somme de 496.319 € au titre des commissions restant dues sur l'année 2008,
A titre infiniment subsidiaire, si les commissions 2008 devaient être calculées sans le taux accélérateur de commissionnement,
CONDAMNER la société UNISYS FRANCE à lui verser la somme de 297.100 euros au titre des commissions restant dues sur l'année 2008,
En tout état de cause,
ORDONNER la remise des bulletins de salaires modifiés, sous astreinte,
ORDONNER la capitalisation des intérêts,
CONDAMNER la société UNISYS à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, la société UNISYS FRANCE demande à la cour de :
DIRE ET JUGER irrecevables et mal fondés les rappels de rémunération variable,
CONFIRMER le jugement du 17 juin 2013 qui rejeté les demandes liées aux rappels de rémunération variable,
Y ajoutant,
DONNER à la prise d'acte les effets d'une démission,
DÉBOUTER Monsieur [X] de ses demandes liées à la rupture du contrat de travail,
LE CONDAMNER au paiement de la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie expressément, en application de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande en paiement des commissions
La société UNISYS FRANCE soutient que la demande est irrecevable pour les commissions 2008 et non fondées à titre subsidiaire, les commissions 2009 n'étant pas dues en tous cas, ces moyens devant être examinés successivement.
sur la recevabilité de la demande en paiement des commissions 2008 :
La société UNISYS FRANCE considère qu'une transaction est intervenue entre les parties sur les commissions 2008, transaction qui s'oppose à la recevabilité de la demande en paiement, et qui résulte de la signature de l'avenant daté du 26 février 2009, et signé le 26 mars 2009.
Monsieur [X] pour sa part conteste l'existence d'un accord entre les parties.
En droit, la transaction suppose l'existence d'un litige préalable, sur lequel les parties ont trouvé un accord en procédant à des concessions réciproques.
En l'espèce, le litige porte sur le montant des commissions dues au titre de la signature de 2 contrats, l'un signé avec la société ST Microelectronics et l'autre avec sa filiale NUMONYX.
Par lettre du 1er juillet 2008, Monsieur [X] a contesté auprès de la direction des ressources humaines de la société UNISYS, le montant de la commission versée en avril 2008 au titre du contrat ST Microelectronics, estimant que seuls 17.002,01 € lui avaient été payés sur les 169.848 € qui lui étaient dûs.
Il ressort de la lettre d'avocat du 12 septembre 2008, que Monsieur [X] estimait à cette date que la société restait lui devoir :
- sur le dossier ST Microelectronics : 94.420,14 € (soit 169.848 € moins 75.428,36 € versés en juin et août 2008)
- sur le dossier NUMONYX : 71.336,37 € (sans aucun paiement)
soit au total 165.756,50 €.
Des échanges par mails sont intervenus jusqu'en mars 2009 portant sur les conditions d'application du plan de commissionnement.
Un avenant daté du 26 février 2009 a porté la rémunération fixe de 63.000 à 90.000 €, l'indice de 135 à 180, Monsieur [X] étant en outre autorisé à travailler à son domicile de [Localité 2] au lieu du siège social de [Localité 1], la société considérant que ces modifications du contrat ont représenté des avantages consentis au salarié pour clôturer le litige existant sur les commissions.
Monsieur [X] conteste l'existence d'un accord au motif qu'il avait accepté de renoncer à une part importante de ses commissions en contrepartie d'une augmentation de salaire à 108.000 €, ce qui n'a pas été le cas.
Or, il convient de relever que l'avenant fixant le salaire à 90.000 € à compter du 1er janvier 2009 a été signé par le salarié, ce qui confirme son acceptation de l'accord dans les termes proposés par la société, laquelle acceptait une augmentation significative du salaire fixe de 5.250 € à 7.500 € par mois.
Le mail du 2 mars 2009 de Monsieur [X] pointe une différence entre le montant du salaire souhaité et celui convenu, mais ce mail doit s'intégrer dans la phase des négociations entre les parties, l'accord définitif résultant de la signature de l'avenant du 26 février 2009.
Il sera relevé également que Monsieur [X] a effectivement perçu au titre des commissions 2008, la somme globale de 314.354 € alors qu'il réclamait en septembre 2008 celle de 165.756,50 €, et selon les termes de la lettre de son avocat du 5 mai 2010, sa demande s'élevait alors à la somme de 297.100 €, montant figurant également dans la requête du 4 juin 2010 saisissant le conseil de prud'hommes de NANTERRE.
Les demandes au titre des commissions 2008 ont été fortement augmentées lors du dépôt des conclusions devant le bureau de jugement du 17 avril 2013 alors que le salaire de 7.500 € était versé depuis le 1er janvier 2009 sans qu'aucune contestation ne soit faite sur le montant de ce salaire fixe entre 2009 et avril 2013.
En définitive, compte tenu des paiements réalisés par la société au titre des commissions 2008, supérieurs à ceux revendiqués par Monsieur [X] lors de la saisine de la juridiction de première instance, il convient de considérer que l'avenant du 26 février 2009 destiné à régler le litige existant à cette date sur les conditions d'application du plan de commissionnement 2008, constitue bien une transaction valable entre les parties.
La demande de Monsieur [X] relative aux commissions 2008 est donc irrecevable, le jugement du 17 juin 2013 devant être réformé en ce qu'il a rejeté cette demande.
sur le bien-fondé de la demande en paiement des commissions 2009 :
Monsieur [X] réclame le paiement de la somme de 12.145 € en faisant valoir que la renégociation du contrat NUMONYX courant 2009, impliquait le paiement d'une commission de 21.900 € qui a fait l'objet d'un paiement partiel en août 2010.
La société UNISYS FRANCE considère avoir payé l'intégralité de la commission due, qui résulte d'un taux de commissionnement de 0,55 % et non de 0,80 % comme le prétend à tort le salarié.
La société produit le plan de commissionnement 2009 qui organise, comme elle le soutient, un calcul des commissions par tranches de revenus.
Elle produit également le tableau récapitulatif de l'intégralité des revenus ayant déterminé le montant des commissions sur l'année 2009 en raison des contrats signés par Monsieur [X], tableau qui a permis de fixer à 0,55%, le taux applicable au contrat NUMONYX renégocié.
Au vu de ces éléments, il convient de constater que Monsieur [X] a bien été rempli de ses droits à ce titre, en percevant la somme de 9.754,35 €.
Le jugement qui a rejeté cette demande, sera donc confirmé.
Sur la rupture du contrat de travail
En droit, lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et qu'ultérieurement il prend acte de la rupture de son contrat, l'action en résiliation devient sans objet et le juge doit fonder sa décision sur les manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation devenue sans objet, qu'à l'appui de la prise d'acte.
En l'espèce, les manquements dénoncés par Monsieur [X] dans le cadre de la saisine du conseil de prud'hommes de NANTERRE et de sa prise d'acte de la rupture du contrat du 17 août 2013, reposent sur le non-paiement des commissions 2008 et 2009, correspondant à la demande que la cour a rejeté par les motifs précédemment exposés.
Monsieur [X] vise également dans sa prise d'acte le non-paiement des commissions sur un contrat GDF SUEZ sur lequel il n'est ni donné de précisions complémentaires, ni produit de pièces justificatives dans le cadre de la présente instance, de sorte que ce manquement n'est pas plus fondé.
Enfin quant au prétendu retrait du compte LVMH du portefeuille clients de M. [X] la seule pièce justificative relative à ce moyen résulte d'un échange de mails de mai 2011 entre le salarié et son responsable, pièce très insuffisante pour établir un manquement de la société à ses obligations contractuelles, et dont il ressort en tous cas, que Monsieur [X] avait cessé de gérer le compte LVMH depuis début 2006.
Au vu de ces éléments, il convient de constater que les manquements invoqués à l'encontre de la société UNISYS FRANCE ne sont pas fondés, les demandes présentées au titre de la rupture du contrat devant être rejetées.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les demandes de Monsieur [X] n'ayant pas prospéré, les dépens de l'instance seront supportés par ce dernier, sans qu'il soit utile de prononcer à son encontre une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement du 17 juin 2013 sauf en ce qu'il a rejeté la demande en paiement des commissions 2008,
Statuant à nouveau de ce chef,
CONSTATE l'existence d'une transaction entre les parties résultant de la signature de l'avenant daté du 26 février 2009 et rendant irrecevable la demande présentée à ce titre,
Y ajoutant,
REJETTE les demandes présentées au titre de la rupture du contrat intervenue le 17 août 2013 à l'initiative de du salarié,
REJETTE la demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [X] aux entiers dépens d'instance.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,