La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/09/2014 | FRANCE | N°13/04106

France | France, Cour d'appel de Versailles, 9ème chambre, 12 septembre 2014, 13/04106


COUR D'APPEL DE VERSAILLES O. L Arrêt prononcé publiquement le DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE, par Monsieur LARMANJAT, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : voir dispositif Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre- 15ème chambre du 05 septembre 2013.

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur GUITTARD,

et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers :

Monsieur ARDISSON, Monsieur AUBAC, DÉCISION : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC : Mon...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES O. L Arrêt prononcé publiquement le DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE, par Monsieur LARMANJAT, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : voir dispositif Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre- 15ème chambre du 05 septembre 2013.

COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur GUITTARD,

et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur AUBAC, DÉCISION : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur d'HUY, avocat général, lors des débats

GREFFIER : Monsieur MAREVILLE, greffier, lors des débats et Madame LAMANDIN au prononcé de l'arrêt
PARTIES EN CAUSE Bordereau No du PRÉVENU

X... Michel
né le 15 décembre 1961 à AL AIN (LIBAN), Fils de X... Elias et de Y...Sala, de nationalité libanaise, marié, chef de chantier, salarié dans " ADO-BAT " demeurant ...

Déjà condamné, libre,
Comparant, assisté de Maître NAIM Frédéric, avocat au barreau de PARIS (conclusions)

PARTIE CIVILE

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DES HAUTS DE SEINE Division du contrôle des personnels-58 Boulevard du Lycée-92170 VANVES

représentée par Monsieur FAVIER (inspecteur des impôts principal) assisté de Maître TASTET Elise, avocat au barreau de PARIS substitué par Maître GIACINTI.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE :

LA PRÉVENTION :
X... Michel est prévenu :
- Pour avoir à CLICHY, courant janvier 2006 à courant décembre 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures comptables obligatoires au livre journal et/ ou au livre inventaire prévus par les articles L. 123-12 à L. 123-14 du code de commerce ou dans les documents qui en tiennent lieu, concernant les exercices clos les 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2007 pour la SARL CTB dont il était gérant de droit,

faits prévus par art. 1743 al. l 1o c. g. i., art. l. 123-12, art. l. 123-13, art. l. 123-14 c. commerce et réprimés par art. 1743 al. l, art. 1741 al. l, al. 3, al. 4, art. 1750 al. l c. g. i, art. 50 § 1 loi 52-401 du 14/ 04/ 1952.
- Pour s'être à CLICHY, courant janvier 2006 à courant décembre 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés au titre de (s) exercice (s) clos le (s) 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2007, en souscrivant sciemment des déclarations de résultats passibles de cet impôt minorées au titre de ces périodes avec cette circonstance que les dissimulations opérées excèdent le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 euros pour la SARL CTB dont il état gérant de droit,

faits prévus par art. 1741 al. l, al. 2 c. g. i. et réprimés par art. 1741 al. l, al. 3, al. 4, art. 1750 al. l c. g. i., art. 50 § 1 loi 52-401 du 14/ 04/ 1952
- Pour s'être à CLICHY, courant janvier 2006 à courant décembre 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de la TVA, en souscrivant sciemment des déclarations mensuelles de TVA minorées au titre des mois de janvier à décembre 2007 avec cette circonstance que les dissimulations opérées excèdent le dixième de la somme imposable u le chiffre de 153 euros pour la SARL CTB dont il était gérant de droit,
faits prévus par art. 1741 al. l, al. 2 c. g. i. et réprimés par art. 1741 al. l, al. 3, al. 4, art. 1750 al. l c. g. i., art. 50 § 1 loi 52-401 du 14/ 04/ 1952

LE JUGEMENT :

Par jugement contradictoire en date du 05 septembre 2013, le tribunal correctionnel de Nanterre :
Sur l'action publique :
a rejeté l'exception de nullité soulevée par le conseil du prévenu ;
a déclaré X... Michel coupable des faits qui lui sont reprochés ;
a condamné X... Michel à un emprisonnement délictuel de DIX MOIS avec SURSIS ;

Sur l'action civile :

a déclaré recevable la constitution de partie civile de la DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DES HAUTS DE SEINE ;
a déclaré X... Michel responsable du préjudice subi par la DIRECTION DÉPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DES HAUTS DE SEINE, partie civile ;
a fait droit aux demandes de la partie civile dans les termes de ses conclusions :
a dit que, au titre de la période visée par la prévention, X... Michel sera solidairement tenu avec la SARL CTB au paiement du solde des impôts fraudés et pénalités afférentes, en application de l'article 1745 du Code Général des Impôts.

LES APPELS :

Appel a été interjeté par :
Monsieur X... Michel, le 16 septembre 2013 contre DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE S HAUTS DE SEINE, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles
M. le procureur de la République, le 16 septembre 2013 contre Monsieur X... Michel
DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DE S HAUTS DE SEINE, le 17 septembre 2013 contre Monsieur X... Michel, son appel étant limité aux dispositions civiles

DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l'audience publique du 06 juin 2014, Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu ;
Le Président informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire,

Maître NAIM, avocat, sur ses conclusions de nullité

Maître GIACINTI, avocat, en sa plaidoirie, en réponse,
Monsieur d'HUY, avocat général, en ses réquisitions,
La cour joint l'incident au fond

Ont été entendus :

Monsieur LARMANJAT, président, en son rapport et interrogatoire,
Le prévenu, en ses explications,
Monsieur FAVIER, partie civile, en ses observations,
Maître GIACINTI, avocat, en sa plaidoirie, pour la partie civile,
Monsieur d'HUY, avocat général, en ses réquisitions,
Maître NAIM, avocat, en sa plaidoirie,
Le prévenu a eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 12 SEPTEMBRE 2014 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.

*********

DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société CTB, créée le 12 novembre 2004, avait pour activité la communication et la téléphonie avec l'exploitation d'un magasin 1 rue de Paris à Clichy, lieu du siège social, et les travaux de bâtiment. A compter du 30 janvier 2006, X... Michel en était le gérant.
Le capital a été détenu du 23 novembre 2004 au 09 mai 2005 à 55 % par M. Z...Salama et à 45 % par M. A...Didier. Le 9 mai 2005, M. A...a cédé ses parts à M. B...Yeddou, qui, lui-même, les a ensuite cédées le 24 février 2006 à M. X... Michel.
Enfin, M. Z...Salama a cédé 53 parts le 09 mai 2006 à M. X... Michel.
Au moment des faits, le capital était donc détenu à 98 % (98 parts) par M. X... Michel et à 2 % (2 parts) par M. Z...Salama.
La société a été dirigée du 23 novembre 2004 au 09 mai 2005 par M. A...Didier, puis, du 09 mai 2005 au 30 janvier 2006, par M. C...Moussa. A compter du 30 janvier 2006, elle a été dirigée par M. X... Michel.
Un avis de vérification de comptabilité a été envoyé à la société le 06 mai 2008 (AR du 15/ 05) fixant le début de la vérification de la comptabilité à la date du 30 mai 2008 à 14 h 30, au lieu du principal établissement, 1 rue de Paris à CLICHY.
Lorsque le vérificateur s'est présenté, vendredi 30 mai à 10 h, pour le rendez-vous de l'eurl X..., autre société gérée par M. X..., qui faisait également l'objet d'un contrôle, M. X... a demandé à ce que les interventions prévues ce jour-là concernent les deux sociétés et se déroulent en même temps.
Le vérificateur a accepté sa demande et celui-ci et M. X... ont donc successivement évoqué les cas de l'eurl X... et de la sarl CTB le vendredi 30 mai à partir de 10 h.
Les modalités particulières de déroulement de cette première intervention ont été formalisées dans un courrier du 2 juin 2008 (AR du 04/ 06).
La suite du contrôle de la comptabilité de la société s'est poursuivie normalement.
Un document récapitulant les anomalies constatées ainsi que les éclaircissements et les documents à fournir concernant l'exercice 2005 a été faxé à la société le 17 octobre 2008. Le vérificateur est intervenu successivement les 9, 16, 30 juillet, 5, 12, 17 septembre, 15, 22, 29 octobre, 5 et 24 novembre 2008.

Une proposition de rectification relative aux impositions en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée pour l'année 2005 a été envoyée le 22 décembre 2008 (présenté le 29 décembre 2008 et distribué le 31 décembre 2008).
Une demande de prorogation du délai de réponse à la proposition de rectification de 22 décembre a été envoyée au service le 20 janvier 2009 (reçue le 22 janvier 2009). Un courrier d'acceptation de la prorogation de ce délai jusqu'au 2 mars 2009 a été envoyé à la société le 22 janvier 2009 (présenté et distribué le 26 janvier 2009).
Un document récapitulant les anomalies apparues et les documents à fournir concernant les exercices 2006 et 2007 et demandant que les éclaircissements nécessaires soient fournis au vérificateur a été faxé à la société le 12 mars 2009.
Une réunion de synthèse clôturant les opérations de contrôle sur place a eu lieu le 24 mars 2009 en présence de M. X... et de son avocat Me Jean-Claude NEBOT.
Des investigations effectuées par l'administration fiscale, il est ressorti, selon celle-ci, que M. Michel X..., gérant de droit de la sarl CTB, avait fortement minoré les déclarations de TVA souscrites, au demeurant hors délai, au titre des mois de janvier à décembre 2007 à raison de la déduction de la TVA figurant sur des factures de sous-traitance dont la réalité n'a pu être établie. L'administration des impôts a estimé que X... Michel n'avait pas été en mesure de produire des contrats, devis, situations de chantiers, ni des correspondances commerciales à l'appui de factures de charges de sous-traitance et que leurs libellés très succincts ne permettaient pas d'appréhender la nature exacte des travaux réalisés.
Le fisc a également considéré que l'intéressé avait, en outre, minoré les déclarations de résultats passibles de l'impôt sur les sociétés souscrites au titre des exercices clos en 2006 et 2007 à raison de la comptabilisation de charges de sous-traitance non justifiées.
Sur citation directe du parquet, Michel X..., en sa qualité de gérant de droit de la société CTB, a été prévenu des chefs d'omission d'écriture dans un document comptable, soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation de sommes au titre de l'impôt sur les sociétés pour les exercices 2006 et 2008 et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période de janvier à décembre 2007.
Par jugement, contradictoire, du 5 septembre 2013, le tribunal a :
sur l'action publique :
- rejeté l'exception de nullité soulevée par le conseil du prévenu,
- déclaré X... Michel coupable des faits qui lui sont reprochés,- condamné la prévenu à 10 mois d'emprisonnement avec sursis,

sur l'action civile,
- déclaré recevable la constitution de partie civile de la direction départementale des finances publiques des Hauts de Seine,
- déclaré X... Michel responsable du préjudice subi par la direction précitée,- dit que, au titre de la période visée par la prévention, X... Michel sera solidairement tenu avec la sarl CTB au paiement du solde des impôts fraudés et pénalités afférentes, en application de l'article 1745 du Code général des impôts.

Par actes du 16 septembre 2013, X... Michel et, à sa suite, le parquet, ont relevé appel de ce jugement. Ces appels ont été suivis par celui de l'administration des impôts le 17 du même mois.
Le casier judiciaire de X... Michel laisse apparaître qu'il a été condamné en 2005 par le tribunal correctionnel de Paris à 750 euros d'amende pour conduite d'un véhicule sans permis. Il est de nationalité libanaise, est marié et a deux enfants à charge. Il est chef de chantier.
A l'audience de la cour, par conclusions déposées à l'audience de la cour, visées par le greffier et le président, Michel X... sollicite, in limine litis, de la cour que celle-ci juge « la procédure, menée sur le fondement de l'article L 228 du livre des procédures fiscales, irrégulière au regard des principes des droits de la défense, de l'article 47 du même code et de l'article 6 de la la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'annuler et de relaxer le prévenu. ».
A l'appui de sa demande, le prévenu considère que les dispositions de l'article L 228 du livre des procédures fiscales sont incompatibles avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au droit au procès équitable. Selon lui, « les contribuables se trouvent par application de cette procédure, privés de la garantie essentielle découlant de l'article 6 précité : celle de ne pas être contraint de participer à sa propre incrimination ou autrement, de pouvoir mentir et conserver le silence ». Les documents relatifs à la procédure devant la commission des infractions fiscales, dont la saisine est un préalable nécessaire à la mise en mouvement de l'action publique, ne sont pas séparables de la procédure pénale devant le juge judiciaire. Ces documents n'ont donc pas le caractère de documents administratifs. Le fait que la commission ne communique pas la totalité des documents soumises à elle par le fisc entraîne la violation du principe de non auto incrimination. De même, il importe que, devant la commission, le contribuable ait la garantie d'avoir la parole en dernier.
Subsidiairement, il est soutenu que la procédure pénale serait nulle « dés lors que la procédure de vérification de la comptabilité de la société CTB aurait été menée en violation manifeste du secret professionnel et, surtout, sans respect d'un débat oral et contradictoire ». Il est rappelé que le vérificateur aurait procédé à ses recherches sur la société CTB en même temps que sur l'entreprise X.... En outre, « en réalisant la vérification de la comptabilité de la société CTB, le 30 mai 2008, sans aucune formalisation écrite d'une prétendue demande de M X..., l'administration a, de fait, privé le contribuable de la possibilité de se faire assister d'un conseil ». D'ailleurs, selon le prévenu, le vérificateur avait lui même conscience de l'illégalité du procédé.
Au terme de ses écritures, le prévenu souligne le caractère pénal de la solidarité prévue par l'article 1745 du code général des impôts et soutient que l'impossibilité de cantonner ou limiter ses effets serait contraire à l'article 6-1 de la la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comme contraire au principe de personnalité de peines et de proportionnalité.
Par conclusions déposées à l'audience de la cour, visées par le greffier et le président, le directeur général des finances publiques demande le rejet des nullités soulevées, de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité et sur les condamnations au profit de l'administration fiscale.
le procureur général a requis le rejet des exceptions, la confirmation de la déclaration de culpabilité et la condamnation de Michel X... à une peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis, une amende de 50 000 ¿ et une interdiction de gérer d'une durée de 5 ans.
Le prévenu a eu la parole en dernier.
MOTIFS
sur les exceptions,
Considérant que, selon les dispositions de l'article L 228 du code de procédure fiscale, sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, sont déposées par l'administration fiscale sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ; qu'il est admis que la commission des infractions fiscales est un organisme consultatif et ne constitue pas un premier degré de juridiction ; que l'avis formulé par cet organisme est donc un préalable qui permet ensuite au ministre des finances d'apprécier le dépôt d'une plainte ; qu'en cas de dépôt de plainte, le procureur de la République peut lui même apprécier la suite à y donner ;
Considérant que les principes du contradictoire et du procès équitable, reconnus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne sauraient s'appliquer devant la commission des infractions fiscales, le contribuable objet de poursuites, sur plainte de l'administration, bénéficiant, alors, de la possibilité de discuter contradictoirement devant le juge pénal des faits reprochés et d'exercer les recours prévus par la loi ; qu'en amont, durant les opérations de contrôle fiscal, le contribuable vérifié bénéficient des droits prévus par les lois et règlements, résumés dans « la charte des droits et obligations du contribuable vérifié » qui lui est remise, notamment celui d'être assisté d'un conseil, ainsi que de la possibilité de formuler des réclamations ou d'engager des recours ;
Considérant que la commission des infractions fiscales n'est pas tenue de préciser, dans son avis, les délits reprochés au contribuable mis en cause ni la date de leur commission, que les mentions de l'avis rendu par ladite commission, signé par son président, établissent la régularité de la procédure suivie ; qu'il appartient au prévenu, demandeur à l'exception, de rapporter la preuve des irrégularités qu'il invoque ;
Considérant que la procédure devant la commission des infractions fiscales étant de nature administrative, régie par des dispositions spécifiques contenues dans le code de procédure fiscale, s'agissant d'un organe consultatif et non juridictionnel, dont l'intervention est préalable aux poursuites éventuelles, le prévenu ne peut utilement invoquer que, faute de communication du dossier constitué devant elle par l'administration, le principe du contradictoire, qui n'a pas à s'appliquer, aurait été méconnu ; que le prévenu ne peut pas plus utilement soutenir qu'à ce niveau de la procédure, il aurait contribué à sa propre incrimination ; qu'il peut être, sur ce point, rappelé qu'au cours des opérations de contrôle, auxquelles il participe lui même et durant lesquelles il peut être assisté d'un conseil, et à l'issue de celles-ci, le contribuable ne peut ignorer les faits et griefs reprochés à son encontre par le fisc et dispose même de recours sur la régularité de la procédure fiscale et le bien fondé des vérifications réalisées ;
Considérant que l'exception formulée sera rejetée ;
Considérant que, sur le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de vérification de la comptabilité de la sarl CTB du fait de la violation alléguée des dispositions de l'article L 47 du livre des procédures fiscales, relatives aux garanties accordées au contribuable en matière de vérification et, plus particulièrement, sur l'exigence d'un débat oral et contradictoire, si l'administration fiscale a procédé en même temps à la vérification des comptabilités de l'eurl X... et de la sarl CTB, c'est à la demande de Michel X... lui même qui a souhaité que le premier contrôle s'effectue le 30 mai 2008, les modalités des opérations de l'administration ayant été formalisées par courrier du 2 juin suivant ; que l'avis, daté du 6 mai 2008, adressé à Michel X..., gérant de la sarl CTB, portant sur la vérification de la comptabilité de celle-ci, auquel était jointe la charte des droits du contribuable, mentionnait expressément que celui-ci pouvait se faire assister d'un conseil ;
Considérant que Michel X... ne démontre nullement que le cumul de ces opérations de contrôles, s'agissant de structures commerciales ayant pour dirigeant la même personne et le même siège social, lui aurait causé préjudice et l'aurait empêché, dans l'une ou l'autre, du cours de ces procédures de contrôles, d'exercer librement et complètement ses droits ; qu'en effet, il peut être vérifié que Michel X... a participé lui même à l'ensemble des opérations de vérifications de comptabilité de la société précitée, qui se sont déroulées entre le 9 juillet 2008 et 24 novembre de la même année ; qu'en réponse à la proposition de rectification, reçue le 31 décembre 2008, Michel X... a sollicité un nouveau délai, qui, accepté, a permis que la clôture des opérations de contrôle soit différée au 24 mars 2009, en présence du contribuable et de son avocat ; qu'à la suite des observations qu'il a formulées sur la proposition de rectification, fin mai 2009, Michel X... a introduit une procédure devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'étant achevée par un jugement du 23 mai 2012 ;
Considérant que, de ces circonstances, il résulte que Michel X... a, à l'évidence, pu bénéficier d'un débat oral et contradictoire avec l'administration fiscale durant les opérations de vérification de la comptabilité de la société dont il était le gérant ; que le moyen tiré de la violation alléguée des dispositions de l'article L 47 du livre des procédures fiscales sera rejeté ;
sur le fond
Considérant que, dans ses écritures, le prévenu ne conclut pas, même subsidiairement, sur les faits qui lui sont reprochés ; qu'à l'inverse, l'administration fiscale conclut à l'existence des infractions reprochées et à la confirmation de la décision déférée ;
Considérant qu'il doit être rappelé que Michel X... est devenu gérant de droit de la société CTB à compter du 30 janvier 2006 ; qu'en cette qualité, compte tenu de la nature des activités de la société, assujettie de plein droit à la T V A selon le régime réel normal d'imposition, il était tenu de souscrire les déclarations mensuelles en la matière, mentionnant le total des opérations réalisées et le détail des affaires donnant lieu à taxe ; qu'en outre, s'agissant d'une sarl, la société CTB étant aussi assujettie à l'impôt sur les sociétés au titre des bénéfices réalisés en application de l'article 206 du code général des impôts, son gérant de droit doit souscrire, dans les trois mois de la clôture de chaque exercice, une déclaration des résultats mentionnant l'intégralité des créances et charges supportées par l'entreprise ; qu'enfin, le gérant est tenue de tenir une comptabilité de l'entreprise comportant les documents comptables permettant de vérifier l'exactitude et la sincérité des éléments déclarés et conforme aux résultats de l'entreprise ;
Considérant qu'en l'espèce, il est apparu, à la faveur des contrôles effectués durant la procédure de vérification de la comptabilité de la société que Michel X... avait souscrit hors délai et avait fortement minoré les déclaration de T V A sur la période de janvier à décembre 2007 ; qu'il a en effet déduit des factures de sous-traitance dont l'effectivité n'a pu être démontrée ; qu'il a également minoré les déclarations relevant de l'impôt sur les sociétés souscrites au titre des exercices clos en 2006 et 2007 ayant pris en compte dans sa comptabilité des charges de sous-traitances injustifiées ;
Considérant que les recherches détaillées de l'administration fiscale ont permis de constater qu'au regard de son chiffre d'affaires, la sarl CTB relevait, au titre de la T V A, du régime réel normal à compter du 1er janvier 2006 et non du régime réel simplifié ; que Michel X... a donc été mis en demeure d'avoir à déposer des déclarations mensuelles de T V A pour les mois de janvier 2006 à décembre 2007 ; que les déclarations de régularisation ont, dans un premier temps, été versées par Michel X... non datées et non signées ; qu'elles ont été déposées, signées et datées, le 26 juin 2008 ; qu'il est apparu que le total de la taxe déductible mentionnée sur les déclarations mensuelles (219 272 ¿ en 2006 et 219 647 ¿ en 2007) était très supérieur à celle déclarée sur les déclarations annuelles qui avaient été souscrites (129 038 ¿ pour 2006 et 219 314 ¿ pour 2007) ;
Considérant que, s'agissant des factures de sous-traitance, il est apparu qu'une partie des paiements avait été effectué en espèces, ne permettant pas d'identifier les bénéficiaires ; qu'en outre, les bénéficiaires des paiements, identifiés, correspondant à l'enregistrement comptable de ces factures, étaient le plus souvent, des personnes physiques étrangères à la société ; que les comptes courants associés ne mentionnaient pas l'identité de leurs bénéficiaires, empêchant d'identifier la personne ayant payé les sommes comptabilisées dans ces comptes ;
Considérant que l'administration a procédé à diverses recherches auprès des fournisseurs sous-traitants ; que, de ces opérations de contrôle, il est ressorti que les courriers adressés aux sociétés ou entrepreneurs (eurl NJM, sarl EPEDI, M D...) « sous-traitants » sont revenus avec les mentions NPAI ou non réclamé ; que les déductions de T V A portant sur les factures des sociétés EPEDI, LED, SBED, MJM, LAT Transports sont apparues injustifiées dés lors que Michel X... n'a pas été en mesure de justifier de la réalité des prestations accomplies par ces entreprises (contrats, devis, charges de sous-traitance) ; qu'en outre, les libellés, très succincts de ces factures, n'ont pas permis de connaître la nature exacte des prestations ; qu'enfin et surtout, les paiements effectués par chèques ou effets de commerce, consistant souvent
en chiffres ronds, comptabilisés à titre de règlements de ces fournisseurs, ont été encaissés par des particuliers ou entreprises sans aucun lien avec les sous-traitants ou avec la sarl CTB ; qu'ainsi, par exemple, la société First Clear Ltd, société de jeux en ligne, installées à Londres, a perçu de la société CTB une somme de 20 350 ¿ en contrepartie de factures de sous-traitance émises par les sociétés EPEDI et LED ; que, de même, la société Ecuries de Moulincourt, éleveur de chevaux, a perçu de la société CTB une somme de 9 500 ¿ en contrepartie de factures de sous-traitance émises par EPEDI, alors qu'elles n'avaient aucun lien entre elles ; qu'enfin, les factures émises au nom d'une société SBED se sont avérées être postérieures à liquidation judiciaire de ladite société ; que l'ensemble des contrôles a donné lieu à des rappels de T V A de 83 874 ¿ au titre de l'année 2006 et de 151 335 ¿ au titre de l'année 2007 ;
Considérant que les mêmes contrôles ont révélé que le montant, hors taxe, des charges d'exploitation déclarées en 2006 (839 240 ¿) et en 2007 (1 464 038 ¿) représentait respectivement 98 % et 99 % du total des recettes en 2006 et en 2007 ; que le poste sous-traitance (510 728 ¿ ht pour 2006 et 802 536 ¿ ht en 2007) représentait 61 % en 2006 et 55 % en 2007, alors que les salaires des employés représentaient 7 % en 2006 et 8 % en 2008 ; que les charges salariales de la société CTB se sont avérées manifestement insuffisantes au regard du chiffre d'affaires : 58 301 ¿ en 2006, pour 9 salariés et un chiffre d'affaires de 948 197 ¿, 115 542 ¿ en 2007, pour 13 salariés et pour un chiffre d'affaires de 1 705 630 ¿ ; que le fisc a rejeté les charges de sous-traitance avec des paiements effectués en espèces ou au profit de sociétés sans lien avec le fournisseur apparent, déduisant des éléments précités qu'il s'agissait de fausses factures ;
Considérant que le pourcentage de fraude, pour la T V A a été évalué à 87 % ; que, pour l'impôt sur les sociétés, il l'a été à 94 % pour 2006 et 99 % pour 2007 ;
Considérant qu'enfin, les contrôles de l'administration fiscale ont révélé que la comptabilité présentée par Miche X... au titre de la sarl CBT était irrégulière et non probante en raison de graves anomalies ; que, par exemple, il s'est avéré qu'existaient des comptes courants associés non nominatifs et fortement mouvementés ; que, de même, les journaux auxiliaires de banque au titre des années 2006 et 2007 n'ont pas été présentés ; qu'enfin, comme souligné plus haut, la comptabilité de l'entreprise a pris en compte des factures de sous-traitance dénuées de réalité ;
Considérant qu'outre le contrôle effectué sur le comptabilité de la sarl CTB, l'administration fiscale a procédé au contrôle fiscal des époux X..., au titre des revenus 2005, 2006 et 2007 ; que l'eurl X... a également fait l'objet d'une procédure de vérification de sa comptabilité au titre des mêmes périodes ainsi qu'une société civile immobilière X..., dont le prévenu était le gérant ; que ces contrôles ont révélé les mêmes irrégularités ;
Considérant que, s'agissant de l'élément intentionnel de la fraude, les investigations approfondies de l'administration fiscale et les éléments précités démontrent amplement que Michel X... s'est délibérément soustrait des obligations déclaratives et s'est efforcé de soustraire la société CTB dont il était le gérant du paiement de la T V A et des impôts sur les sociétés ; que les minorations analysées plus haut et les fausses factures de même que la nature même du procédé de fraude, ne peuvent, à l'évidence, être que le résultat d'une volonté réitérée et réfléchie de la part du gérant de droit de la société ;
Considérant qu'il découle de tout ceci que c'est à juste titre que le tribunal est entré en voie de condamnation après avoir déclaré le prévenu coupable des faits poursuivis ; que le jugement entrepris sera confirmé ;
Considérant, sur la peine, que Michel X... met en avant une situation personnelle qui serait actuellement précaire par suite de la liquidation judiciaire de la sarl CTB et des contrôles fiscaux ; qu'il indique avoir vendu les biens qu'il avait au Liban et ceux qui étaient propriété de la société civile immobilière, pour payer les dettes fiscales, être toujours en cours de procédure pour l'eurl et percevoir le salaire minimum en qualité de salarié (responsable chantier) d'une société de rénovation de bâtiments ; qu'il ne fournit toutefois pas d'éléments suffisants pour démontrer la réalité de la situation personnelle qu'il invoque ;
Considérant que le niveau de fraude est important ; que le montant total des droits éludés est évalué à 154 370 ¿ pour la TVA et 163 183 ¿ au titre de l'impôt sur les sociétés, soit plus de 300 000 ¿ ; que les faits commis par Michel X... sont graves et troublent gravement l'ordre public économique ; qu'en se soustrayant au paiement de l'impôt, en qualité de chef d'entreprise, Michel X... a voulu délibérément échapper à ses obligations de contribuable et, plus largement, a trahi ses devoirs vis à vis de la collectivité nationale qui impliquent l'acceptation par les contribuables des contraintes qu'impose l'existence de l'impôt et une répartition équitable des charges publiques ;
Considérant que, même si Michel X... n'a jamais été condamné, à l'exception d'une seule sanction pour conduite sans permis de conduire, et que les faits datent aujourd'hui de plusieurs années, les motifs susexposés justifient que la peine prononcée en première instance soit aggravée ; que Michel X... sera condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende correctionnelle de 30 000 ¿ ;
Considérant, sur la solidarité, que les dispositions de l'article 1745 du code général des impôts prévoient que « tous ceux qui ont fait l'objet d'une condamnation définitive, prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l'impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu'à celui des pénalités fiscales y afférentes » ; que le juge répressif est seul compétent pour apprécier s'il y a lieu de déclarer le condamné tenu solidairement au paiement de l'impôt et, s'agissant d'une mesure à caractère pénal, même s'il ne peut en limiter les effets à une part des impôts fraudés et pénalité ou majorations y afférentes, il dispose de la faculté d'en dispenser totalement le prévenu reconnu coupable de fraude au regard des circonstances entourant les faits, de leur gravité ou de la personnalité de ce dernier ; qu'en cela, les principes invoqués par le prévenu dans ses écritures sont pleinement respectés ;
Considérant que, sur ce point, le jugement entrepris, ayant décidé que Michel X..., déclaré responsable du préjudice subi par l'administration fiscale, pleinement impliqué, en tant que gérant de la société CTB, dans le mécanisme de fraude découvert à l'occasion des opérations effectuées par l'administration, devait être solidairement tenu avec la sarl CTB au paiement du solde des impôts fraudés et pénalités y afférentes, sera confirmé ;
PAR CES MOTIFS :
la cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
¿ rejette les exceptions,
sur l'action publique,
- confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité,
- l'infirmant sur la peine, statuant à nouveau,
- condamne Michel X... à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende correctionnelle de 30 000 ¿,

sur l'action civile,

- confirme la décision déférée,
Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du code pénal a été donné au condamné ;

Si le condamné s'acquitte du montant des droits fixes de procédure et, s'il y a lieu, de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 ¿, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours et ce, en application de l'article 707-3 du code de procédure pénale. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées.

La partie civile, s'étant vue allouer des dommages-intérêts mis à la charge du condamné, est informée de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, dans le délai d'une année à compter du présent avis, lorsque sont réunies les conditions édictées par les articles 706-3 et 706-14 du nouveau code de procédure pénale.

La personne condamnée est informée de la possibilité pour la partie civile, non éligible à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, de saisir le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions si elle ne procède pas au paiement des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée dans le délai de 2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.

Et ont signé le présent arrêt, Monsieur LARMANJAT président et Madame LAMANDIN greffier.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.

Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 120, 00 ¿


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13/04106
Date de la décision : 12/09/2014

Analyses

Arrêt rendu le 12 septembre 2014 par la 9ème chambre des appels correctionnels de la Cour d'appel de Versailles RG 13/04106 Les investigations approfondies de l'administration fiscale démontrent que le prévenu s'est délibérément soustrait des obligations déclaratives et s'est efforcé de soustraire la société dont il était le gérant du paiement de la T V A et des impôts sur les sociétés, la nature même du procédé de fraude, ne pouvant, à l'évidence, être que le résultat d'une volonté réitérée et réfléchie de sa part. La Cour confirme le jugement entrepris sur la culpabilité et, le réformant sur la peine, condamne le prévenu à une peine d'emprisonnement avec sursis et à une amende correctionnelle après savoir exposé que le niveau de fraude est important et que les faits commis par le prévenu sont graves et troublent gravement l'ordre public économique.


Références :

Décision attaquée : Tribunal correctionnel de Nanterre, 05 septembre 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2014-09-12;13.04106 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award