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11/09/2014 | FRANCE | N°12/05426

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 11 septembre 2014, 12/05426


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58C



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 11 SEPTEMBRE 2014



R.G. N° 12/05426



AFFAIRE :



SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

...



C/



SA MAAF VIE

...







Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 18 novembre 2008 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

4ème Chambre- 1 ère Section

N° RG : 06/15729


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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie ROJAT

Me Claire RICARD

Me Valérie LEGER

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

Me Bertrand LISSARRAGUE de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES

Me Christophe...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58C

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 SEPTEMBRE 2014

R.G. N° 12/05426

AFFAIRE :

SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX

...

C/

SA MAAF VIE

...

Décision déférée à la cour :

Jugement rendu le 18 novembre 2008 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

4ème Chambre- 1 ère Section

N° RG : 06/15729

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Sophie ROJAT

Me Claire RICARD

Me Valérie LEGER

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA

Me Bertrand LISSARRAGUE de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES

Me Christophe DEBRAY

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE ONZE SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSES ET DEFENDERESSES devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (2 ème chambre) du 28 juin 2012 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de PARIS- Pôle 2- Chambre 5- le 1 er FEVRIER 2011.

1) SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX, S.P.A

Association reconnue d'utilité publique

[Adresse 4]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant: Me Sophie ROJAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427,

Représentant: Me Jean-François FERRAND, Plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

2) Madame [H] [K] épouse [D]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 6] (75)

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 2012372

Représentant : Me Frédérique BAULIEU de la SCP HENRI LECLERC ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

3) Association LIGUE CONTRE LE CANCER

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant: Me Valérie LEGER de la SELARL SELARL CABINET DE L'ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 404,

Représentant: Me Philippe LAMOTTE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS,

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

1) SA MAAF VIE

RCS NIORT 337 804 819

Chaban

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant: Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20120615

Représentant: Me Jean-françois SALPHATI de la SELAS Jean-François SALPHATI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0200,

2) S.A. ABP VIE venant aux droits des ASSURANCES BANQUE POPULAIRE VIE suite à une opération de fusion, anciennement dénommées FRUCTIVIE S.A.

RCS PARIS 349 004 341

dont le siège administratif se trouve [Adresse 5]

et le siège social au [Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant: Me Bertrand LISSARRAGUE de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625- N° du dossier 1250732

Représentant: Me Stéphanie COUILBAULT de la SELARL CABINET MESSAGER - COUILBAULT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1590

3) SA HSBC ASSURANCES VIE venant aux droits de la Société ERISA

RCS PARIS B 338 075 062

[Adresse 2]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant: Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 12000245

Représentant: Me Julien BESSERMANN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Bruno QUINT de la SCP GRANRUT Société d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0014,

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juin 2014, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [H] [K] épouse [D] est la fille unique de [F] [K] et de [E] [J], épouse [K].

Sa mère, Mme [J] épouse [K] est décédée le [Date décès 3] 2000. L'actif net de sa succession était de 2.580.425 francs, dont l'usufruit est revenu à son époux (516.085 francs), le surplus, soit 2.064.340 francs revenant à Mme [D]. La défunte avait placé des sommes importantes sur des contrats d'assurance sur la vie. [F] [K] est décédé le [Date décès 1] 2005, sans s'être remarié et sans laisser de testament : il était alors âgé de 72 ans.

La déclaration de succession établie suite à son décès laissait apparaître un actif net de succession de 28 295,46 € revenant à Mme [D], sa fille unique. Il apparaissait par ailleurs que, du vivant de son épouse, [F] [K] avait souscrit cinq contrats d'assurance sur la vie ; puis, postérieurement au décès de celle-ci, un sixième.

Il avait ainsi souscrit :

auprès de la société Assurances Banque Populaire Vie :

un contrat Fructi Retraite n° 24018742, souscrit le 9 novembre 1988, les versements ayant été effectués entre 1988 et 1997. Le bénéficiaire de ce contrat était alors l'épouse de [F] [K] et à défaut sa fille. Postérieurement au décès de son épouse, en 2002 et 2003, [F] [K] a effectué deux rachats partiels. Le [Date décès 2] 2003, il a changé le bénéficiaire qui, du fait du décès de son épouse, était depuis 2000 sa fille, pour désigner à la place de celle-ci la Ligue Nationale contre le Cancer (LNC). Le capital-décès à régler au titre de ce contrat était de 30.980,24 €.

un contrat Fructi Sélection Vie no X1034563, souscrit le 7 décembre 1999. Le bénéficiaire en était son conjoint et à défaut sa fille. Ce contrat a été alimenté par deux versements, le premier antérieur au décès de son épouse à hauteur de 55.000 €. Postérieurement au décès de celle-ci, alors que sa fille était donc devenue bénéficiaire de ce contrat, [F] [K] lui a substitué la Société Protectrice des Animaux (ci-après la SPA). Le 12 mai 2005, six mois avant sa mort, il a versé une nouvelle prime de 60.000 € au bénéfice cette fois de la LNC. Cette somme provenait à hauteur de 48.981,37 € de la récupération par [F] [K] des fonds provenant d'un contrat Fructi Sélection Vie souscrit par son épouse ; Mme [D], conformément à la clause bénéficiaire, étant dès lors nue-propriétaire de la somme, et son père en étant usufruitier (raison pour laquelle la somme de 48.981,37 € a été restituée à Mme [D]). Le 29 octobre 2005, [F] [K] effectuait un nouveau et dernier versement de 8.212 €. Le capital-décès à régler était de 96.544,10 €.

un contrat Fructi Sélection DSK n° D1003175 : postérieurement au décès de son épouse, le [Date décès 2] 2003, le bénéficiaire, qui était devenu sa fille, a été changé au profit de la LNC. Ce contrat avait été souscrit le 5 décembre 1988, et transformé le 30 juin 1999. Le capital-décès dû était de 58.018,45 €.

auprès de MAAF VIE un contrat d'assurance-vie dénommé Plan Epargne Retraite requalifié en compte Epargne MAAF le 27 décembre 1985. Les primes ont été versées entre 1985 et 1996, les bénéficiaires étant son conjoint, et à défaut sa fille. Postérieurement au décès de son épouse, il a modifié, le 26 avril 2005, le bénéficiaire de ce contrat qui était devenu, du fait de ce décès, sa fille, et ce au bénéfice de la SPA et de la LNC. Le montant total dû est de 45.375,51 €.

auprès d'[I] (HSBC), [F] [K] a souscrit :

le 4 janvier 1994 un Plan Epargne Vie à hauteur de 35.000 francs, soit 5.339,72 €. Ce contrat bénéficiait à sa femme, et subsidiairement à sa fille. Au décès de son épouse, [F] [K] a fait un apport complémentaire sur ce contrat, en y faisant virer un certain nombre de sommes, notamment récupérées via les contrats d'assurance sur la vie de celle-ci. Le 5 août 2003, postérieurement au décès de son épouse, il a modifié la clause bénéficiaire au profit de la SPA. Le montant dû au titre de ce contrat était de 72.899,94 €.

le 5 août 2003, un nouveau contrat Multi Epargne Vie n° 2 pour une somme de 150.000 € au profit de la SPA. Un versement de 20.000 € puis un dernier de 31.000 € étaient effectués sur ce contrat les 26 septembre 2003 et 3 juin 2005. Le montant dû au titre de ce contrat était de 211.941,40 €.

Par acte du 26 septembre 2006, Mme [K] épouse [D] a assigné en restitution des sommes léguées par son père, [F] [K], les sociétés d'assurance Assurances Banque Populaire Vie (ABPV), ERISA devenue HSBC Assurances Vie, la MAAF Vie, la SPA et la LNC devant le tribunal de grande instance de Paris et ce aux fins de voir requalifier les contrats d'assurance en contrats de capitalisation et juger illicite la cause des clauses bénéficiaires modifiées et la cause du contrat souscrit postérieurement au décès de sa mère. Elle sollicitait en outre la restitution de la somme de 48.981,37 € lui appartenant en pleine propriété. A titre subsidiaire, elle demandait au tribunal de constater le caractère manifestement exagéré des primes versées, et d'ordonner leur rapport à la succession.

Invoquant le fait que la part disponible de la succession s'était réduite à la somme de 28. 295 € dont il convenait de déduire les 27.468,67 € laissés par [E] [J], soit finalement une somme de moins de 800 €, alors que les sommes placées en assurance sur la vie représentaient près de 600.000 €, Mme [K] épouse [D] soutenait que son père lui avait toujours reproché d'avoir épousé Monsieur [G] [D], dont il n'appréciait pas les origines et la couleur de peau, et avait de ce fait rompu toute relation avec elle, comme avec ses petits-enfants issus de son union avec Monsieur [D].

Par jugement du 18 novembre 2008, cette juridiction a rejeté la demande de requalification des contrats litigieux en contrats de capitalisation, condamné la société ABPV à restituer à Mme [D] la somme de 48.981,37 €, avec intérêts au taux légal à compter du [Date décès 1] 2005, constaté la nullité des désignations, au profit de la SPA et de LNC, opérées sur les contrats d'assurance vie souscrits par [F] [K] auprès de la société ABPV, de la MAAF et de la société HSBC, ordonné le rapport à la succession de [F] [K] des fonds placés sur le contrat Multi Epargne Vie n° 2.

La SPA a interjeté appel de cette décision et, par arrêt du 1er février 2011, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement sauf en ce qui concerne le rejet de la demande de requalification des contrats et celle portant sur la restitution par la société APBV à Mme [D] de la somme de 48.981,37 €, débouté Mme [D] de sa demande de nullité des désignations des bénéficiaires des contrats et de celle visant à faire rapporter à la succession les primes manifestement exagérées versées par le souscripteur et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [D] s'est pourvue en cassation et par arrêt en date du 28 juin 2012, la Cour de cassation a cassé et annulé, mais seulement en ses dispositions déboutant Mme [D] de sa demande visant à faire rapporter à la succession les primes manifestement exagérées versées par le souscripteur, l'arrêt rendu le 1er février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris, et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Versailles.

Aux termes de ses dernières conclusions Mme [D] demande à la cour, au visa de l'article, L.132-13 du code des assurances :

de prendre acte de ce que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er février 2011 est définitif en ce qu'il a ordonné la restitution à son profit par la société Assurances Banque Populaire Vie de la somme de 48 981,37 € ;

Statuant à nouveau :

de juger que les sommes versées ou transférées à l'occasion des opérations suivantes :

modification du bénéficiaire au profit de la SPA effectuée le 5 août 2003, du contrat Plan Epargne Vie souscrit chez ERISA ;

souscription le 5 août 2003 chez ERISA d'un contrat Multi Epargne Vie n° 2, n° 00084087 avec un versement de 150.000 € au profit de la SPA ;

modification du bénéficiaire au profit de la SPA, effectuée le 11 août 2003, du contrat Fructi Sélection Vie n° X1034563 souscrit auprès des Banques Populaires ;

versement de 20.000 € le 26 septembre 2003 sur le contrat Multi Epargne Vie n° 2, n° 00084087 souscrit chez ERISA ;

modification du bénéficiaire au profit de la LNC effectuée le [Date décès 2] 2003, du contrat Fructi Retraite n° 24018742 souscrit auprès des Banques Populaires ;

modification du bénéficiaire au profit de la LNC effectuée le [Date décès 2] 2003, du contrat Fructi Sélection DSK n° D1003175 souscrit auprès des Banques Populaires ;

modification du bénéficiaire au profit de la SPA et de la LNC effectuée le 26 avril 2005, du contrat Compte Epargne souscrit chez la MAAF ;

versement de 60.000 € au profit de la LNC le 12 mai 2005 sur le contrat Fructi Sélection Vie n° X1034563 souscrit auprès de la Société Assurances Banque Populaire Vie ;

versement de 31.000 € le 3 juin 2005 sur le contrat Multi Epargne Vie n° 2, n° 00084087 ;

versement de 8.212 € le 4 novembre 2005 sur le contrat Fructi Sélection Vie n° X1034563,

s'analysent comme des primes manifestement exagérées au sens de l'article L. 132-13 du code des assurances ;

de juger que l'ensemble des sommes représentant tant ces primes que les intérêts produits, et ce au jour de l'exécution de la décision à intervenir et déduction faite de la somme de 48.981,37 €, doivent être intégralement rapportées à la succession compte tenu des caractères de la souscription, du montant élevé des primes et de l'intention de Monsieur [F] [K] de nuire à sa fille ;

de condamner les sociétés Assurances Banque Populaire Vie et MAAF Vie à rapporter à la succession l'ensemble des sommes dues au titre des contrats d'assurance-vie souscrit par Monsieur [F] [K], avec intérêt au taux légal à compter du 19 juillet 2006, date de l'assignation en référé ;

de condamner solidairement la SPA et la société HSBC Assurances Vie, à rapporter à la succession la somme de 73.616,34 € avec intérêt au taux légal à compter du 26 mai 2006 et la somme de 117.343,42 € avec intérêt au taux légal a compter du 27 juin 2011 ;

de condamner solidairement la LNC et la société HSBC Assurances Vie, à rapporter à la succession la somme de 117.343,42 € avec intérêt au taux légal à compter du 27 juin 2011 ;

de condamner solidairement la LNC et Assurances Banque Populaire Vie à rapporter à la succession les sommes représentatives du capital décès, primes et intérêts, présentes sur les contrats Fructi Retraite n° X10924018742, Fructi Sélection DSK n° 109D1003175 et Fructi Sélection DSK n° 109X1034563 avec intérêt au taux légal à compter du 1er février 2011 ;

de condamner solidairement les sociétés Assurances Banque Populaire Vie, HSBC Assurances Vie, MAAF VIE, la SPA et la LNC à lui payer la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner solidairement en tous les dépens.

Aux termes de conclusions en date du [Date décès 3] 2014, la Ligue Nationale contre le Cancer demande à la cour, statuant dans la limite de sa saisine :

de juger que les primes versées par [F] [K] sur les six contrats d'assurance-vie qu'il a souscrits, ne sont pas manifestement exagérées, au sens de l'article L 132-13 du code des assurances,

de dire en tout état de cause que ces primes ne peuvent donner lieu qu'à réduction, à la condition que celles-ci excèdent la quotité disponible de Mme [D] dans la succession de son père,

de débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

de la condamner au paiement de la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans des écritures en date du 23 novembre 2012, la Société Protectrice des Animaux demande à la cour, au visa de l'article L132-13 du code des assurances :

d'infirmer le jugement rendu le 18 novembre 2008 par le tribunal de grande instance de Paris et statuant à nouveau :

de juger que les primes versées par M.[K] au titre des trois contrats d'assurance-vie litigieux dont la SPA est bénéficiaire ne sont pas manifestement exagérées ;

de débouter en conséquence Mme [D] de sa demande visant à voir retenir le caractère manifestement exagéré des primes versées et à voir ordonner le rapport à la succession de M. [K] de la totalité des primes versées et des intérêts produits ;

de condamner Mme [D] à régler à la SPA la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de conclusions en date du 16 mai 2014, la société ABP Vie venant aux droits des Assurances banque Populaire Vie, prie la cour, au visa de l'article 843 du code civil :

de rejeter la demande de rapport des primes manifestement exagérées à la succession, dirigée contre les associations non héritières, alors que la règle du rapport ne peut être appliquée qu'entre co-héritiers pour rétablir l'égalité entre les héritiers ;

en tout état de cause, de constater que par suite de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 1er février 2011, définitif en ce qu'il a jugé valables les trois contrats d'assurance vie souscrits par M. [K] auprès d'elle, elle a réglé les capitaux décès aux bénéficiaires désignés ;

en conséquence, de juger que si le rapport des primes était en tout ou partie ordonné, seules les associations bénéficiaires qui ont perçu les capitaux décès pourront être tenues au rapport à la succession ;

en conséquence, de constater qu'aucune condamnation d'aucune sorte ne pourra être prononcée à son encontre,

subsidiairement, de condamner la Ligue contre le Cancer, association bénéficiaire qui a perçu les capitaux décès, à la garantir, sur le fondement des articles 1235 et 1376 du code civil, de toute condamnation prononcée à son encontre envers Mme [D] ;

de condamner toute partie perdante à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner toute partie perdante aux entiers dépens.

Elle s'en remet à la décision à intervenir sur le caractère éventuellement exagéré du montant des primes versées par M. [K], mais souligne que le rapport ne pourrait être appliqué que dans la mesure de l'excès, qu'il ne concernera que les primes à l'exclusion des intérêts et elle rappelle qu'en tout état de cause, elle ne saurait être condamnée à rapporter à la succession des sommes qu'elle a versées à leurs bénéficiaires en application de l'arrêt de la cour d'appel de Paris.

Dans des conclusions du 15 mai 2014, la société HSBC Assurances Vie, venant aux droits de la société Erisa, demande à la cour, au visa des articles 1235, 1240 et 1376 du code civil et de l'article 132-25 du code des assurances :

A titre principal :

de lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice sur le caractère manifestement exagéré des primes versées ;

de déclarer Madame [K] irrecevable en l'ensemble de ses demandes à son encontre, et en tout état de cause l'en débouter, ainsi que tous contestants aux présentes ;

de constater que seuls les bénéficiaires des contrats pourront être tenus de restituer à la succession la partie des primes jugée manifestement excessive ;

de constater qu'aucune condamnation d'aucune sorte ne pourra être prononcée à son encontre.

A titre infiniment subsidiaire :

de condamner la SPA et la LNCC à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son égard en principal intérêts et frais.

En tout état de cause :

de condamner les parties succombantes in solidum à lui verser la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Elle indique que Mme [D] ne rapporte pas la preuve du caractère exagéré des versements réalisés par son père.

Aux termes de conclusions du 6 mai 2014, la société MAAF Vie demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à la décision exécutoire ou définitive qui pourra être rendue par la juridiction saisie, de débouter purement et simplement toute partie de toutes ses demandes, fins et prétentions, en ce qu'elles sont dirigées contre elle, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens et de condamner les succombants à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 juin 2014.

MOTIFS

Aux termes de l'article L 132-13 du code des assurances, le capital payable au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé n'est soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s'appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n'aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

La Cour de cassation a censuré la cour d'appel de Paris au motif qu'elle avait statué 'sans avoir égard à la situation patrimoniale et familiale de [F] [K] au moment du versement des primes et sans tenir compte de l'utilité, pour le souscripteur, des contrats souscrits et des modifications intervenues'.

Les dispositions du jugement entrepris qui ont fait droit à la demande de nullité des désignations des bénéficiaires des contrats sont donc définitivement infirmées et seule reste à trancher la question du caractère exagéré des primes versées par [F] [K].

Il en résulte que les contrats Fructi retraite n° 24018742 (société ABP Vie), Fructi sélection DSK n° D1003175 (société ABP Vie), Compte Epargne MAAF et le contrat souscrit en 1994 auprès d'Erisa (Plan Epargne Vie) qui n'ont donné lieu qu'à des modifications du bénéficiaire ne sauraient donner lieu à la moindre restitution au profit de Mme [D].

S'agissant des autres contrats, les versements réalisés par [F] [K] postérieurement au décès de son épouse et à partir de ses fonds propres sont les suivants :

150.000 € le 5 août 2003, via la souscription d'un nouveau contrat (Plan Epargne Vie), cet argent provenant de la vente en avril 2003 d'un local commercial lui appartenant en propre pour le prix de 175.316 €, un versement de 20.000 € puis un dernier de 31.000 € étaient effectués sur ce contrat les 26 septembre 2003 et 3 juin 2005,

11.018,63 € le 12 mai 2005 sur le contrat Fructi sélection Vie n° X1034563,

8.212 € le 4 novembre 2005, sur ce même contrat.

Mme [D], sur laquelle pèse la charge de la preuve du caractère exagéré des primes versées, fait valoir que son père se savait condamné depuis 2003 et verse aux débats des ordonnances et un courrier du médecin traitant de son père à un confrère le 20 octobre 2004.

Il apparaît tout d'abord que les circonstances du décès de [F] [K] sont ignorées, l'allégation de sa fille selon laquelle il se serait suicidé n'étant accréditée par aucune pièce. Il s'agit d'un élément important, Mme [D] s'appuyant sur ce prétendu suicide pour conforter la thèse selon laquelle son père aurait fait en sorte de la priver de sa succession en plaçant son argent sur des assurances-vie dont elle n'était pas le bénéficiaire.

Les ordonnances des 17 janvier 2003 et 19 septembre 2003 ne sont pas probantes dès lors que la cour ignore totalement quelle pathologie est concernée par les médicaments prescrits et qu'il s'agit de surcroît d'ordonnances du médecin généraliste de [F] [K], et nullement d'un oncologue, comme cela devrait être s'il était atteint à ces dates d'un cancer. Enfin, le courrier du médecin traitant daté du 20 octobre 2004, soit plus d'un an avant le décès, adressé sans doute à un confrère dont on ignore la spécialité, est difficilement lisible mais n'évoque pas une fin proche du patient, puisque le praticien généraliste y rappelle que le patient est traité pour une coronaropathie et séquelles d'amputation de plusieurs doigts de la main gauche et présente depuis quelques mois des troubles de l'équilibre, sans faire allusion à une affection cancéreuse.

Mme [D] ne rapporte donc pas la preuve de ses dires selon lesquels 'le cancer de Monsieur [F] [K] était diagnostiqué et s'est généralisé ; c'est à ce moment-là, parce qu'il a envisagé son décès à échéance prévisible, qu'il a procédé aux changements de bénéficiaire des contrats, tout en transférant l'intégralité de son patrimoine dans l'orbite de ces contrats'.

Le seul document médical probant est un compte-rendu de scintigraphie osseuse du13 juillet 2005 qui conclut à 'un envahissement métastatique majeur du squelette par la lésion prostatique'.

La date d'apparition de la lésion prostatique à l'origine semble t'il du cancer généralisé reste ignorée, et Mme [D], qui n'entretenait manifestement aucune relation avec son père et ne l'a donc pas accompagné dans la maladie, ne fournit aucune autre information sur le suivi et le traitement dont il bénéficiait pour cette affection initiale qui ne suffit pas à elle seule à engager le pronostic vital à brève échéance.

L'utilité d'un placement en assurance-vie reste une notion quelque peu floue dans la mesure où il n'est prévu aucune limite d'âge pour abonder ou créer un contrat et qu'il est manifeste que, sauf cas exceptionnel, chaque souscripteur peut y trouver un intérêt économique, qui se matérialise par la faculté, qui lui est toujours ouverte, d'effectuer des rachats.

La date à laquelle ont été souscrits la majorité des contrats d'assurance vie démontre que ce placement était depuis longtemps privilégié par [F] [K].

Enfin, sachant qu'à son décès, la succession de [F] [K] se composait de plus de 28.000 € (comptes courants, livrets d'épargne et un bon de capitalisation), il est inexact de prétendre qu'il vivait dans une 'situation des plus précaires'. Si sa retraite était modeste, il a déclaré 10.725 € en 2004, soit 893 € par mois, et non pas 500 € comme le dit Mme [D] et disposait de liquidités. Il ne payait pas de loyer et savait manifestement en cas de besoin racheter partie de ses placements en assurance-vie, comme le démontrent les rachats partiels de juillet 2002 (5.000 €), mars 2003 (5.000 €) et octobre 2003 (3.000 €). Il n'avait plus de charges familiales, sa fille Mme [D] étant indépendante financièrement.

Il était par ailleurs usufruitier de propriétés ayant appartenu à son épouse et le fait qu'il n'ait éventuellement pas accepté de régler certaines dépenses y afférentes ne s'explique nullement pas un état d'impécuniosité, mais par l'existence d'un désaccord avec sa fille.

A son décès, il n'a laissé aucune dette.

Au regard de ces éléments, il apparaît que Mme [D] ne démontre pas que les versements réalisés par [F] [K] entre le décès de son épouse, le [Date décès 3] 2000 et le 13 juillet 2005 (212.018 €), aient été exagérés au regard de son âge, de son état de santé et de sa situation patrimoniale et familiale ni qu'ils aient été inutiles, étant rappelé que l'intéressé a notamment placé le produit de la vente d'un immeuble (175.000 €) dans un nouveau contrat.

Au regard de l'ensemble des constatations ainsi faites, seul le versement de 8.212 € effectué début novembre 2005, un mois avant son décès, par [F] [K] sur le contrat Fructi Sélection Vie n° X1034563, souscrit le 7 décembre 1999, doit être qualifié d'exagéré dans la mesure où à cette date, au regard du compte-rendu de scintigraphie osseuse du13 juillet 2005, il n'avait plus d'intérêt personnel, économique ou stratégique, distinct de celui de transmettre un capital au bénéficiaire désigné, à réaliser un tel placement.

Cependant, ainsi que le soulignent à juste titre la LNC, la SPA et la société ABP Vie, Mme [D] qualifie improprement son action d'action en rapport alors qu'il s'agit d'une action en réduction pour atteinte à la réserve régie par l'article 921 du code civil. En effet, soit le bénéficiaire est un héritier du souscripteur et il convient de rapporter à la succession les primes excessives, soit (ce qui est le cas d'espèce), il n'est pas un héritier du souscripteur et il faut réunir à la masse de calcul de la quotité disponible le montant des primes exagérées considérées comme des libéralités.

Il convient donc de requalifier la demande de Mme [D] en une demande de réduction.

Il est de principe que la réduction ne peut pas porter sur les capitaux décès qui n'ont jamais fait partie de la succession. Elle est limitée au montant de la prime jugée exagérée.

En application de l'article L 132-13 du code des assurances, il convient donc de rechercher si la prime versée par [F] [K] sur le contrat assurance sur la vie Fructi Sélection Vie no X1034563 reconnue comme manifestement exagérée, d'un montant de 8.212 €, a porté atteinte à la réserve de Mme [D] ; en application de l'article 913 du code civil, cette réserve est égale à la moitié des biens du disposant.

Selon l'article 922 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006, applicable au litige, la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible se compose des biens existant au décès ; il doit en être déduit les dettes et y être réunies fictivement les libéralités.

Ainsi, en l'espèce, cette masse de calcul inclut :

- l'actif successoral net, qui, selon la déclaration de succession, s'élève à 28.295,46 €,

- la prime de 8.212 € versée par [F] [K] reconnue comme manifestement exagérée ;

La part de réserve, comme celle de quotité disponible, s'élève donc à 36.507,46 € -représentant le total des sommes sus-énoncées- divisés par deux, soit 18.253,73 € ; il apparaît donc que la prime versée d'un montant de 8.212 € n'excédait nullement la quotité disponible et n'a pas porté atteinte à la réserve héréditaire de Mme [D]. Il convient, en conséquence, de rejeter la demande en réduction formée par cette dernière.

Mme [D] qui succombe sera condamnée aux dépens de l'instance après cassation. Elle versera la somme de 800 € à chacun de ses adversaires au titre des frais irrépétibles exposés dans ladite instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement sur renvoi après cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 1er février 2011, par arrêt du 28 juin 2012 ;

Statuant sur la demande formée sur le fondement de l'article L 132-13 du code des assurances :

Déboute Mme [H] [K] épouse [D] de sa demande tendant à voir qualifiées d'exagérées les primes et modifications intervenues sur les contrats d'assurance vie de [F] [K] entre le 5 août 2003 et le 12 mai 2005,

Constate que la prime de 8.212 € versée le 4 novembre 2005 sur le contrat Sélection Vie no X1034563 est manifestement exagérée,

Constate que la demande qualifiée par Mme [H] [K] épouse [D] de rapport à la succession doit être qualifiée de demande en réduction,

Déboute Mme [H] [K] épouse [D] de sa demande en réduction en l'absence d'atteinte à la réserve,

Condamne Mme [H] [K] épouse [D] aux dépens de l'instance après cassation lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne Mme [H] [K] épouse [D] à payer :

800 € à la Ligue Nationale contre le Cancer,

800 € à la Société Protectrice des Animaux,

800 € à la société HSBC Assurances Vie,

800 € à la société MAAF Vie,

800 € à la société ABP Vie,

au titre des frais irrépétibles exposés dans l'instance après cassation.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 12/05426
Date de la décision : 11/09/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°12/05426 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-09-11;12.05426 ?
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