DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 JUILLET 2014
R.G. N° 13/05122
AFFAIRE :
[F] [G]
C/
SAS OUTLANDER
Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 20 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 11/00925
Copies exécutoires délivrées à :
Me Philippe-Francis BERNARD
Me Nathalie TOUATI SITBON
Copies certifiées conformes délivrées à :
[F] [G]
SAS OUTLANDER
le :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE PREMIER JUILLET DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [F] [G]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe-Francis BERNARD, avocat au barreau de PARIS
DEMANDERESSE AU CONTREDIT
****************
SAS OUTLANDER
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Nathalie TOUATI SITBON, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSE AU CONTREDIT
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue en audience publique le 13 Mai 2014, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,
EXPOSE DU LITIGE
La société OUTLANDER a été créée le 10 octobre 2008 pour exploiter un fonds de commerce d'achat, de vente, de négoce, de distribution de produits spécialisés dans la puériculture. Elle comptait douze salariés au 31 décembre 2011.
Au mois d'octobre 2009 au cours du salon de la Puériculture de [Localité 3] Mme [G] a rencontré les dirigeants de la société OUTLANDER.
Mme [G] avait quelques mois auparavant été licenciée de la société Du Pareil Au Même où elle avait durant vingt ans occupé les fonctions de directrice de collection de vêtements pour enfants en se spécialisant dans la création d'un réseau de boutiques de puériculture.
Selon elle les parties s'étaient d'abord accordées verbalement pour l'embaucher en qualité de directrice artistique dans un premier temps en contrat à durée déterminée à temps partiel pendant deux ans puis en contrat à durée indéterminée à temps complet lorsque les ventes permettraient de rentabiliser le budget "création", le salaire étant fixé dans un premier temps à 3 000 euros mensuels pour un mi temps plus un variable de 1,5 % sur la chiffre d'affaires net facturé généré par les collections qu'elle créerait et une autre commission de 2,5 % du résultat de ces mêmes collections. Elle indique avoir commencé à travailler le 30 septembre 2009. Le 10 octobre suivant Mme [G] a finalement signé au nom et pour le compte d'une société CB CONSEIL un engagement avec la société OUTLANDER représentée par son président M. [Q] d'assister cette société dans ses travaux de création de produits dans la gamme Outlanders baby et/ou les gammes de produits créés pour le compte de marques distributeurs pendant une durée de deux ans susceptible de renouvellement, moyennant des honoraires de 3 000 euros mensuels pour deux jours de travail par semaine payable comptant sur facture et une partie variable. Cet engagement prévoyait aussi une clause d'exclusivité des modèles créés et de confidentialité sur les travaux à laquelle participerait la société.
Aucun paiement n'est intervenu.
Ce n'est que le 8 juillet 2010 que les statuts de la société CB CONSEIL ont été publiés et qu'elle a été immatriculée. Mme [G] a demandé ensuite le règlement selon facturation du 8 septembre 2010 pour 30 000 euros et a demandé à la société OUTLANDER les éléments chiffrés pour calculer la partie variable des honoraires. Cette dernière a exprimé son désaccord sur le nombre de jours facturés et a demandé un avoir de 4500 euros avant de procéder au règlement.
Le 14 octobre 2010 Mme [G] a décidé de rompre unilatéralement la convention.
Elle a saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE le 4 avril 2011 aux fins de faire juger que la convention des parties doit être requalifiée en contrat à durée déterminée à temps partiel et voir condamner la société OUTLANDER à lui payer un rappel de salaires et de commissions, une indemnité de précarité de l'emploi, des dommages-intérêts pour rupture abusive de contrat à durée déterminée, une indemnité de travail dissimulé, la remise des documents sociaux sous astreinte, à titre subsidiaire requalifier la convention en contrat à durée indéterminée à temps plein, fixer le salaire de référence à 7500 euros mensuels et condamner la société OUTLANDER à lui payer sur cette base : un rappel de salaires et de commissions, les indemnités de rupture, des dommages-intérêts pour licenciement abusif, les intérêts légaux à partir du 4 avril 2011, une indemnité de travail dissimulé, la remise des documents sociaux sous astreinte et l'exécution provisoire du jugement.
Par jugement rendu le 20 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de NANTERRE a fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la défenderesse et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre.
La cour est régulièrement saisie d'un contredit formé par Mme [F] [G] contre cette décision.
Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, Mme [F] [G], demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- évoquer l'affaire au fond,
- lui allouer 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société OUTLANDER, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- dire n'y avoir lieu à évocation,
- lui allouer 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience du 13 mai 2014.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article L. 1411-1 du code du travail donne compétence à la juridiction prud'homale pour connaître des différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail conclu entre un employeur et le salarié qu'il emploie.
L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans laquelle s'est exercée l'activité. Le contrat de travail est caractérisé par l'exercice d'une activité professionnelle, la rémunération et l'existence d'un lien de subordination. Si la rémunération est un élément nécessaire du contrat de travail il n'est pas un critère déterminant. En revanche, l'élément déterminant est constitué par le lien de subordination dont il résulte que l'activité est exercée sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements. L'existence ou non du lien de subordination est déterminée à partir des conditions réelles d'exercice de l'activité et en recherchant si il y a eu autorité et contrôle de la part de l'employeur, lesquels doivent s'apprécier en fonction de la nature de la profession exercée et de la qualité du travailleur.
Au préalable il convient de rappeler que la cour étant saisie d'un seul contredit elle doit exclusivement statuer sur la compétence. C'est pourquoi il ne lui appartient pas à ce stade d'examiner si il y a eu ou non travail dissimulé comme l'invoque Mme [G]. De la même façon elle n'a pas à se prononcer actuellement sur la nullité de la convention pour défaut de capacité dès lors que sa saisine porte seulement sur la compétence ou non de la juridiction prud'homale. Il lui appartient seulement de rechercher quelles ont été les conditions d'exercice de l'activité sans s'arrêter à la dénomination de la convention écrite.
En l'espèce, la mission énoncée dans la convention datée du 10 octobre 2009 portait exclusivement sur l'assistance à la création de produits au bénéfice de la société OUTLANDER.
Or, Mme [G] rapporte la preuve à travers la production de courriers électroniques que son rôle n'a pas seulement consisté à conseiller la société. Elle justifie en effet qu'elle a été amenée également à côté de ce rôle de conseil, à passer des commandes de produits, négocier des prix, en représentant la société OUTLANDER à cet effet. Elle a aussi élaboré, sous le contrôle de la société OUTLANDER à laquelle elle a rendu compte, un projet de courrier pour le recrutement de stagiaires et d'un salarié en contrat professionnel pour assister le directeur artistique.
Contrairement à ce que soutient la société défenderesse au contredit Mme [G] a systématiquement rendu compte de ses démarches et mis en copie des représentants de celle-ci dont notamment le responsable de l'atelier de développement et de design M. [S], y compris au mois de décembre 2009, ce responsable ayant été informé des courriers électroniques échangés entre elle et le client avant la décision de passer commande de travaux d'impression et au moment de l'envoi de cette commande.
Enfin les interventions de Mme [G] vis à vis des tiers (clients, fournisseurs) ont toutes été effectuées au nom de la société OUTLANDER et non pas en sa qualité de gérante d'une société ou à tout le moins de consultante indépendante.
Le pouvoir de direction et de contrôle s'est aussi manifesté à travers les conditions posées pour sa rémunération effective. En effet, tout d'abord la convention datée du 10 octobre 2009 avait prévu des honoraires d'un montant déterminé par rapport à un temps de travail hebdomadaire ce qui consiste un indice d'un lien de subordination. Mais surtout la société OUTLANDER a ensuite entendu conditionner le versement de cette rémunération à la présence de Mme [G] dans ses locaux, refusant de tenir compte de prestations les jours de fermeture de son établissement, ce qui est contradictoire avec une gestion du temps en toute indépendance comme elle le soutient.
Le fait que Mme [G] ait utilisé des outils de travail qui lui étaient personnels tel son véhicule ou son adresse mail ne suffisent pas à écarter la relation de contrôle et d'autorité que la société OUTLANDER a effectivement exercé sur son activité, étant rappelé que Mme [G] n'a pas été contredite lorsqu'elle a produit les cartes de visite où elle apparaît en qualité de directrice artistique de la société OUTLANDER et qu'elle indique avoir adressé aux fournisseurs et clients de la société. Enfin il n'est pas démontré par la société que c'est Mme [G] qui choisissait lesdits fournisseurs.
Par conséquent le présent litige relève de la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre.
L'évocation de l'affaire au fond sollicitée par Mme [G] ne peut aboutir car elle priverait les parties d'un degré de juridiction. Cette demande sera donc rejetée.
La société OUTLANDER supportant les frais de contredit, il n'y a donc pas lieu de lui allouer d'indemnité de procédure. En revanche elle est condamnée à verser à Mme [G] une indemnité de procédure de 1500 euros.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
ACCUEILLE le contredit ;
Statuant à nouveau,
JUGE que le conseil de prud'hommes de Nanterre est compétent pour statuer sur le litige opposant Mme [G] à la société OUTLANDER ;
DIT n'y avoir lieu d'évoquer l'affaire au fond ;
ORDONNE la transmission de la procédure au greffe du conseil de prud'hommes de Nanterre ;
CONDAMNE la société OUTLANDER à verser à Mme [G] 1 500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société OUTLANDER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société OUTLANDER aux frais du contredit.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,