COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 JUILLET 2014
R.G. N° 13/02574
AFFAIRE :
[J] [H]
C/
SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Avril 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
N° RG : 11/00241
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jérémie ASSOUS
Me Christophe PETTITI
Copies certifiées conformes délivrées à :
[J] [H]
SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER JUILLET DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [H]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
SAS ADVENTURE LINE PRODUCTIONS
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Christophe PETTITI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 13 Mai 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Mariella LUXARDO, conseiller,
Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [H] a été sélectionné par la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS pour participer au tournage de l'émission [Localité 2] saison 2010, diffusée sur la chaîne de télévision TF1.
Il a signé avec la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS un document intitulé Règles de participation au jeu, qui présente le programme télévisé comme un 'jeu composé d'une série d' émissions audiovisuelles à tourner à l'étranger et éventuellement une émission supplémentaire à tourner à [Localité 3] en plateau.
Le Règlement précise que le tournage qui dure environ 50 jours, porte sur un jeu se déroulant entre 16 et 18 concurrents qui doivent participer à des épreuves et des conseils, aboutissant à la désignation d'un vainqueur qui perçoit la somme de 100.000 euros et le second finaliste celle de 10.000 euros.
Les candidats éliminés séjournent à l'hôtel, dans l'attente de la fin du jeu, afin de participer au vote du dernier conseil désignant le gagnant.
Le tournage de la saison 2010 s'est déroulé du 25 avril au 12 juin 2010 au VIETNAM.
Considérant qu'un contrat de travail devait être régularisé avec la société ALP, Monsieur [H] a saisi le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le 10 février 2011.
Par jugement rendu 8 avril 2013, le conseil de prud'hommes a :
REQUALIFIÉ en contrat de travail, la prestation accomplie en mars et avril 2010 par Monsieur [H] dans l'intérêt de la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS,
CONDAMNÉ la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS à verser à Monsieur [H] les sommes suivantes :
- 2.480,80 € au titre des salaires,
- 248,08 € au titre des congés afférents,
- 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTÉ les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNÉ la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS aux dépens.
La cour, saisie d'un appel formé par Monsieur [H] contre cette décision, renvoie conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées et soutenues à l'audience pour l'exposé intégral des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence de la juridiction prud'homale et la qualification du contrat
La société ALP soulève à titre principal l'incompétence de la juridiction prud'homale au profit du tribunal de grande instance de PARIS et l'infirmation du jugement en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande.
En droit, la qualification de contrat de travail implique qu'une personne s'engage à fournir une prestation de travail au profit d'une autre personne, en se plaçant dans un état de subordination juridique vis à vis de cette dernière, moyennant une rémunération ; l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la dénomination de la convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de la personne concernée.
En l'espèce, il a été signé entre la société ALP et l'appelant, un document intitulé Règles de participation au jeu ; cette dénomination contractuelle ne permet pas en soi d'exclure l'existence d'une relation contractuelle de travail subordonné.
S'agissant de la qualification de contrat de jeu, la société ALP soutient que le Règlement organise la participation du candidat à une émission de jeu d'aventures ; que le jeu est une activité personnelle soumise à des règles nécessaires ; que l'aléa rencontré par les participants est celui de se faire éliminer par les autres participants, et que pour ALP, l'aléa s'apprécie contrat par contrat, et résulte du risque de verser au candidat le gain promis en cas de victoire.
Or, il ressort du document versé aux débats, que l'objet du contrat ne peut pas se réduire à l'organisation d'un jeu.
Il apparaît en effet qu'il existe à titre accessoire des éléments de jeu, consistant dans des épreuves d'élimination, à l'issue desquelles un Vainqueur sera désigné. Toutefois, le contrat organise pour l'essentiel la participation des candidats à une émission de divertissement, qui suppose le tournage de l'émission, sous différents aspects (tournage de portraits et tournage sur site), en vue d'être diffusée sur une chaîne de télévision.
L'objet principal du contrat vise à fixer les règles de participation à une émission dont le déroulement a été scénarisé par ALP en vue de constituer un bien audiovisuel ayant une forte valeur économique, ce qui est confirmé par les pièces versés aux débats, qui montrent l'importance des parts de marché, et par voie de conséquence, des recettes publicitaires recueillies lors de la diffusion de l'émission.
Aussi, ALP est une société de production d'émissions destinées à la diffusion sur des chaînes de télévision grand public. Son objet social n'est pas motivé par l'organisation d'un jeu mais vise la production d'une émission qui correspond à la demande du public le plus large. A cette fin, elle engage des moyens habituels pour réaliser un document audio-visuel, moyens qui consistent pour partie à la recherche des personnes qui seront filmées, et pour partie au tournage et au montage des images par les techniciens qu'elle emploie.
Le versement d'un prix au"gagnant", constitue une part des frais engagés pour la production de l'émission. La qualification de contrat aléatoire est exclue puisque l'engagement de ces frais est certain.
Du point de vue des participants, la participation à un jeu supposerait une sélection selon des critères objectifs appliqués à des compétences attendues dans un domaine déterminé. Or, les participants, sélectionnés parmi 10.000 à 14.000 candidatures, sont choisis suivant des critères subjectifs, totalement déterminés par la société de production. Ces critères ne sont pas connus des participants et il ressort des déclarations faites par des personnes ayant participé à des comités de sélection, que les critères de sélection se sont situées parfois en marge des règles déontologiques de la profession.
En outre, la sélection peut conditionner le déroulement du processus d'élimination du jeu puisque les participants ont été sélectionnés selon des critères variables, tenant pour certains à leur personnalité, et pour d'autres à leur condition physique. Cette sélection qui ne permet pas d'assurer une égalité entre les participants, se situe dans le cadre de l'objectif poursuivi par la société de production, de produire un programme conforme aux aspirations du public, selon les critères qu'elle a définis.
Du point de vue du contenu de l'émission, il apparaît que le jeu constitue seulement une partie de ce contenu. L'émission comporte d'une part des scènes de tournage des "épreuves" qui correspondent à la part du jeu, mais d'autre part des "interviews" sur le ressenti des candidats, des scènes de tournage de portraits réalisées en France et à l'étranger, et enfin le tournage de "Conseils" au cours desquels il est demandé aux participants, d'éliminer l'un d'entre eux suivant des règles purement subjectives, ne relevent pas de la catégorie du jeu.
Ces éléments permettent de considérer que l'émission [Localité 2] appartient au genre déterminé des émissions de télé-réalité. Il convient de souligner que dès 2001, le Conseil supérieur de l'Audio-visuel, a estimé que l'émission "les Aventuriers de [Localité 2]" appartenait à la catégorie de jeu de télé-réalité. Le CSA a proposé une définition de ce genre en indiquant que, "contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, l'émission ne reflète pas la réalité, mais consiste pour leurs auteurs à créer des situations spécifiques dans lesquelles des personnes sélectionnées vont donner leur quotidien en spectacle."
La spécificité de l'émission [Localité 2] résulte de l'organisation "d'épreuves d'élimination" qui ne peuvent pas être considérées comme des épreuves sportives ou de jeu, en raison de l'absence de critères objectifs de sélection et d'organisation.
Il s'ensuit que la qualification du contrat de jeu doit être écartée.
S'agissant de la qualification de contrat de travail, la société ALP soutient à titre subsidiaire que les éléments constitutifs du contrat de travail ne sont pas réunis puisqu'il n'y a pas de prestation de travail s'agissant d'un jeu d'aventures, qu'il n'y a pas de rémunération, ni de lien de subordination.
Or, la réalisation de la prestation de travail résulte de facteurs multiples : les candidats ont l'obligation de participer activement aux différentes scènes de tournage, ce qui suppose non seulement un effort physique mais également un effort psychologique. Les participants versent aux débats plusieurs articles de presse qui relatent les conséquences psychologiques négatives ayant affecté certains d'entre eux.
Le lien de subordination résulte de l'obligation de suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur ; les candidats sont orientés dans l'analyse de leur conduite ; certaines scènes ont été répétées pour valoriser des moments essentiels ; les heures de réveil et de sommeil ont été fixées par la production ; le règlement leur a imposé une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi.
Le déroulement du tournage à l'étranger, dans un lieu clos, sans pouvoir maintenir de contacts avec les proches, l'organisation du voyage par la société de production qui a souscrit les assurances nécessaires, contribuent également à caractériser le lien de subordination.
De même, il doit être relevé que la société de production a sélectionné les participants au vu de lettres de motivation qu'elle a sollicitées par voie de presse, et d'entretiens préalables.
Il existe ainsi une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société ALP ayant pour objet la production d'une "série télévisée", prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne,
S'agissant de la rémunération, le Règlement prévoit, outre la prise en charge par la société ALP des frais (billet d'avion aller -retour, visa, logement et repas) le versement d'autres sommes :
- 100.000 euros versés au vainqueur et 10.000 euros versés au finaliste ;
- 3.000 euros versés au titre de l'obligation de confidentialité ;
- 1.000 euros versés au titre de la cession des attributs de la personnalité.
Le versement de la somme de 3.000 euros à tous les concurrents, constitue en réalité la contrepartie de l'exécution de la prestation de travail pour tous les participants.
S'agissant du versement des sommes aux 2 finalistes, elles sont destinées à susciter le plus grand nombre de candidatures avant le tournage et à garantir l'engagement des participants pendant toute la durée du tournage. Les motivations invoquées par ALP, résultant de la recherche de notoriété par les participants, ne font pas disparaître l'obligation de verser une rémunération financière.
En conséquence, les éléments constitutifs du contrat de travail sont réunis.
Il convient dès lors de confirmer le jugement qui a requalifié le Règlement en contrat de travail et s'est reconnu compétent pour statuer sur les demandes en paiement de salaires et d'indemnités consécutives à la rupture du contrat.
Sur les demandes en paiement de rappels de salaires
Le tournage de la saison 2010 s'est déroulé du 25 avril au 12 juin 2010, soit pendant 50 jours, la société ALP ayant versé aux participants la somme de 3.000 euros, contrepartie de l'exécution de la prestation de travail.
L'application du statut d'artiste-interprète n'est plus réclamée par le participant qui soutient qu'il était à la disposition de la société ALP, 24 heures sur 24.
Les parties ne produisent pas de pièces permettant de définir précisément le temps de travail quotidien des jours de tournage mais la cour retient que les participants disposaient de temps libres hors période de tournage mais que la société ALP imposait à chacun une obligation générale de se soumettre aux besoins de la production et du tournage, de sorte qu' il pouvait être demandé à chaque participant de reprendre le tournage à tout moment, même après son élimination.
Monsieur [H] ne produit pas de commencement de preuve visant à faire présumer la réalisation d'heures supplémentaires.
En définitive, au vu de ces éléments, il convient de retenir que la somme de 3.000 euros a constitué le paiement du salaire calculé sur la base du SMIC horaire applicable à cette époque, auquel s'ajoutait une indemnité forfaitaire destinée à compenser l'astreinte à laquelle le participant se trouvait soumis.
Les demandes en paiement de rappel de salaires ne sont donc pas justifiées et le jugement qui a prononcé des condamnations à ce titre, sera donc réformé.
En revanche, la demande reconventionnelle en remboursement de cette somme, contrepartie du travail, ne peut qu'être rejetée.
Sur la rupture abusive du contrat de travail et le non respect de la procédure de licenciement
Le conseil de prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT a prononcé des condamnations au paiement de salaires au bénéfice de Monsieur [H] sans statuer sur les demandes à caractère indemnitaire.
Le document définissant les Règles de participation au jeu ayant été requalifié en un contrat de travail à durée indéterminée, la cessation de la relation de travail sans procédure préalable au licenciement et énonciation de motif réels et sérieux, constitue un licenciement irrégulier et abusif.
En application de l'article L.1235-5 du code du travail, il convient d'accorder à Monsieur [H] une indemnité que la cour évalue, au vu de l'ensemble des éléments de la cause, dont notamment les conditions et la durée du tournage, à la somme de 3.000 € au titre de la rupture abusive du contrat.
L' indemnité pour non respect de la procédure de licenciement sera fixée à la somme de 2.000 €.
Le jugement qui a rejeté ces demandes, sera réformé sur ces éléments.
Compte tenu de la durée très limitée de la relation contractuelle, la demande présentée au titre du préavis ne peut être accueillie.
Enfin, il y a lieu d'ordonner à la société ALP de remettre au salarié une attestation destinée à Pôle Emploi conforme à la présente décision.
Sur la demande de dommages intérêts pour travail dissimulé
Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la délivrance d'un bulletin de paie, de mentionner intentionnellement sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou de ne pas accomplir, auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales, les déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci.
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur s'est, de manière intentionnelle, soustrait à l'accomplissement des formalités prévues par l'article L. 1221-10 du même code relatif à la déclaration préalable d'embauche ou par l'article L. 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie. Le caractère intentionnel ne peut se déduire du seul recours à un contrat inapproprié.
En l'espèce, la société ALP a recruté et fait travailler les candidats dans le cadre de l'émission, sans leur établir de contrat de travail pour l'exécution d'une prestation de travail dont la durée était déterminée, sans procéder à leur déclaration d'embauche, sans établir des bulletins de paie, se soustrayant à l'application de l'ensemble des règles qui découlent de la qualification du contrat de travail, sur le plan économique et social, alors qu'au surplus la prestation de travail qui se déroulait à l'étranger , présentait des risques pour la santé et la sécurité des candidats.
Dans de telles circonstances, l'élément intentionnel résulte de la reprise, de la production d' une émission de télé-réalité qui a donné lieu à des contentieux multiples finalement tranchés par un arrêt du 3 juin 2009 de la Cour de cassation, antérieur au tournage de l' émission [Localité 2] qui s'est déroulé au VIETNAM du 25 avril au 12 juin 2010 et le recrutement de Monsieur [H] début 2010.
Ainsi, il n'existait plus de doute, à cette date, sur la qualification de contrat de travail pour définir les prestations des participants à ce genre déterminé d'émissions. Ne pouvant plus alléguer d' incertitudes quant à la situation juridique des parties, c'est dès lors en toute connaissance de cause, que la société ALP qui produit la série [Localité 2] tous les ans depuis 2002 en vue de sa diffusion sur une chaîne de télévision grand public, et connaît sa forte valeur économique, a choisi de continuer à rechercher les candidats et de les faire participer à cette émission hors du cadre obligatoire de la législation du travail.
Les éléments matériel et intentionnel de la dissimulation d'emploi sont donc réunis, de sorte que la condamnation au paiement d'une indemnité est justifiée, calculée application de l'article L.8223-1 du code du travail sur la base du salaire versé par la société, représentant la somme de 12.000 euros.
Le jugement qui a rejeté cette demande, sera donc infirmé à ce titre.
Sur la demande de dommages-intérêts complémentaires
Monsieur [H] forme une demande de dommages intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'atteinte aux libertés individuelles, et notamment de l'atteinte à la liberté d'aller et venir.
Il ressort en effet des dispositions des Règles de jeu, que la société ALP a imposé des restrictions aux libertés individuelles, résultant du retrait du passeport et du téléphone portable, de l'interdiction de communiquer avec l'extérieur, de modifier son apparence physique entre le casting et le tournage et de l'obligation de rester sur le site pendant toute la durée du tournage.
La société ALP soutient qu'il s'agissait d'une simple préconisation pour éviter la détérioration du passeport et du téléphone, les autres restrictions étant imposées par la participation au jeu et proportionnées.
Toutefois, l'employeur est tenu de mettre à la disposition des salariés des locaux et des vestiaires adéquats, leur permettant notamment de conserver leurs effets personnels, de sorte qu'ALP ne peut pas soutenir que la seule solution consistait à se faire remettre ces objets en raison du déroulement du tournage sur un site isolé, la société ne précisant pas d'ailleurs les conditions dans lesquelles ces objets étaient détenus, et alors qu'elle doit garantir aux Concurrents d'y avoir accès.
En outre, l'impossibilité de quitter le site, résultant de la remise du passeport, et l'impossibilité de communiquer avec l'extérieur, constituent des atteintes graves aux libertés individuelles qui ne peuvent être justifiées par les circonstances de tournage, lequel s'il était difficile selon les propres déclarations de la société, justifie au contraire des mesures adaptées permettant au Concurrent de décider de mettre fin au contrat, aucune garantie n'étant prévue à ce titre par le Règlement des Concurrents
En l'absence de toute garantie organisée par la société ALP, et portée à la connaissance des participants, il apparaît que les mesures matérielles qui leur étaient imposées, ont constitué une atteinte disproportionnée aux libertés individuelles qui justifie l'octroi d'une indemnité complémentaire que la cour évalue à la somme de 3.000 €.
Sur la nullité des autorisations de diffusion et d'exploitation de l'image et du nom du participant
En application de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour tout litige survenu à l'occasion de l'exécution du contrat de travail.
Par suite, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur la demande de nullité des autorisations de diffusion et d'exploitation de l'image et du nom du participant sollicitée par celui-ci.
Le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu à tort l'exception d'incompétence développée par la société ALP.
Monsieur [H] ne sollicite plus la nullité des autorisations de diffusion demandées en première instance, la société ALP demandant à la cour de constater leur validité.
Compte tenu de leur spécificité, ces autorisations portant sur l'exploitation de l' image et du nom, dans le cadre limité des séquences tournées à l'occasion du programme litigieux, moyennant le versement d'une indemnité proportionnée, il y a lieu de les considérer comme étant valables.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Au vu de la situation respective des parties, la société ALP devra verser au demandeur la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
CONFIRME le jugement du 8 avril 2013 en ce qu'il a requalifié le Règlement du jeu en contrat de travail et condamné la société ALP à verser à Monsieur [H] la somme de 500 € (CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
DIT que la juridiction prud'homale est également compétente pour statuer sur les demandes relatives à l'exploitation de l'image et du nom du participant,
DIT que la dissimulation de l'emploi de Monsieur [H] par la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS est caractérisée dans ses élements matériel et intentionnel,
CONDAMNE la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS à payer à Monsieur [H] les sommes suivantes :
* 3.000 € (TROIS MILLE EUROS) à titre de dommages intérêts pour la rupture abusive du contrat
* 2.000 € (DEUX MILLE EUROS)à titre de dommages intérêts pour le non respect de la procédure
* 12.000 € (DOUZE MILLE EUROS) au titre de l'indemnité pour travail dissimulé
* 3.000 € (TROIS MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour l'atteinte aux libertés individuelles
ces sommes produisant des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
REJETTE les demandes en paiement de rappels de salaires,
CONSTATE la validité du contrat de cession des attributs de la personnalité,
ORDONNE la remise par la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS des documents sociaux conformes à la présente décision,
REJETTE les autres demandes des parties,
CONDAMNE la société ADVENTURE LINE PRODUCTIONS aux dépens, et au paiement de la somme de 1.000 € (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,