COUR D'APPEL DE VERSAILLES
du 26 JUIN 2014
9ème CHAMBRE
RG : 14/00042
X... Yves Robert Jean-Pierre Y...Rozenn Anne Corentine
Arrêt prononcé publiquement le VINGT SIX JUIN DEUX MILLE QUATORZE, par Monsieur LARMANJAT, Président de la 9ème chambre des appels correctionnels, en présence du ministère public, Nature de l'arrêt : voir dispositif Sur appel d'un jugement du tribunal correctionnel de Nanterre- 17ème chambre, du 09 décembre 2013. POURVOI :
COMPOSITION DE LA COUR
lors des débats, du délibéré et au prononcé de l'arrêt,
Président : Monsieur LARMANJAT Conseillers : Monsieur ARDISSON, Monsieur GUITTARD, DÉCISION : voir dispositif MINISTÈRE PUBLIC : Madame GALY-DEJEAN, substitut général, lors des débats
GREFFIER : Madame LAMANDIN, greffier, lors des débats et du prononcé de l'arrêt
PARTIES EN CAUSE Bordereau No du X...Yves Robert Jean-Pierre
Né le 12 mars 1963 à TOULON
De nationalité française
Demeurant ...
Libre,
Comparant, assisté de Maître BENARD Emmanuel, avocat au barreau de PARIS (conclusions)
Y...Rozenn Anne Corentine
Née le 15 avril 1970 à QUIMPER
De nationalité française, responsable affaires sociales
Demeurant ...Libre,
Comparante, assistée de Maître BENARD Emmanuel, avocat au barreau de PARIS (conclusions)
PARTIES CIVILES
LE COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRANCE SAS 39 Quai du Président Roosevelt-92130 ISSY LES MOULIN EAUX
représenté par Madame Z..., assistée de Maître SAID Christian, avocat au barreau de l'ESSONNE (conclusions)
LE COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRANCE SAS
39 Quai du Président Roosevelt-92130 ISSY LES MOULIN EAUX
représenté par Monsieur A..., assisté de Maître SAID Christian, avocat au barreau de l'ESSONNE
CIVILEMENT RESPONSABLE :
Société MICROSOFT FRANCE SAS, 39 quai du président ROOSEVELT-92130 ISSY LES MOULINEAUX
Représentée par Maître BENARD Emmanuel, avocat au barreau de PARIS (conclusions)
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 09 décembre 2013, le tribunal correctionnel de Nanterre :
Sur l'action publique :
a déclaré X...Yves coupable des faits de :
- ENTRAVE AU FONCTIONNEMENT DU COMITE D'HYGIENE ET DE SECURITE commis courant juin 2011 à ISSY-LES-MOULIN EAUX
-ENTRAVE AU FONCTIONNEMENT DU COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE commis courant juin 2011 à ISSY LES MOULINEAUX
a condamné X...Yves au paiement d'une amende de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3500 euros) ;
a dit qu'il ne sera pas fait mention au bulletin no2 du casier judiciaire à l'encontre de X...Yves. Robert. Jean-Pierre de la condamnation prononcée ce jour.
*****
a déclaré Y...Rozenn COUPABLE des faits de :
- ENTRAVE AU FONCTIONNEMENT DU COMITE D'HYGIENE ET DE SECURITE commis courant juin 2011 à ISSY LES MOULINEAUX ;
- ENTRAVE AU FONCTIONNEMENT DU COMITE CENTRAL D'ENTREPRISE commis courant juin 2011 à ISSY LES MOULINEAUX ;
a condamné Y...Rozenn au paiement d'une amende de TROIS MILLE CINQ CENTS EUROS (3500 euros) ;
a dit qu'il ne sera pas fait mention au bulletin no2 du casier judiciaire à l'encontre de Y...Rozenn. Anne. Corentine de la condamnation prononcée ce jour.
Sur l'action civile :
a déclaré recevables et bienfondées les constitutions de partie civile du comité d'entreprise de la société Microsoft France SAS et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de ladite société ;
a condamné solidairement Rozenn Y...et Yves X...à leur verser, à chacun ; la somme de DIX MILLE EUROS (10. 000 euros) en réparation du préjudice moral.
a déclaré la société Microsoft France SAS civilement responsable de Rozenn Y...et Yves X....
a dit qu'elle sera tenue de garantir le paiement des condamnations civiles prononcées à l'encontre des deux prévenus.
a condamné Rozenn Y...et Yves X...à payer, chacun, une somme de MILLE EUROS (1. 000 euros) au comité d'entreprise, d'une part, et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société Microsoft France SAS, d'autre part, sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
LES APPELS :
Appel a été interjeté par :
Madame Y...Rozenn, le 10 décembre 2013 contre LE COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRA NCE SAS, LE COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE LA SOCIÉTÉ MIC, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles
Monsieur X...Yves, le 10 décembre 2013 contre LE COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRA NCE SAS, LE COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE LA SOCIÉTÉ MIC, son appel portant tant sur les dispositions pénales que civiles
Société MICROSOFT FRANCE SAS, le 10 décembre 2013 contre LE COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRA NCE SAS, LE COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE LA SOCIÉTÉ MIC, son appel étant limité aux dispositions civiles
M. le procureur de la République, le 10 décembre 2013 contre Madame Y...Rozenn
M. le procureur de la République, le 10 décembre 2013 contre Monsieur X...Yves
LE COMITÉ D'ENTREPRISE DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRA NCE SAS, le 23 décembre 2013 contre Monsieur X...Yves, Madame Y...Rozenn, son appel étant limité aux dispositions civiles
LE COMITÉ D'HYGIÈNE, DE SÉCURITÉ ET DES CONDITIONS DE TRAVAIL DE LA SOCIÉTÉ MIC, le 23 décembre 2013 contre Monsieur X...Yves, Madame Y...Rozenn, son appel étant limité aux dispositions civiles
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'audience publique du 15 mai 2014, Monsieur le Président a constaté l'identité des prévenus ;
Ont été entendus :
Monsieur ARDISSON, conseiller en son rapport et interrogatoire,
Monsieur X..., prévenu, en ses explications,
Madame Y..., prévenue, en ses explications,
Monsieur A... et Madame Z..., en leurs observations,
Maître SAID, avocat, en sa plaidoirie, pour la partie civile,
Madame GALY-DEJEAN, substitut général, en ses réquisitions,
Maître BENARD, avocat, en sa plaidoirie,
Les prévenus ont eu la parole en dernier.
Monsieur le président a ensuite averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 26 JUIN 2014 conformément à l'article 462 du code de procédure pénale.
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DÉCISION
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
FAITS ET ENQUÊTE :
Par un courriel du 21 avril 2011, le président directeur général du groupe MICROSOFT a informé les 95000 salariés de sa décision d'introduire un nouveau processus d'évaluation de leur performance, et qui comportait l'introduction d'une nouvelle grille de notation sur cinq niveaux, de nouveaux critères d'évaluation sur le comportement des salariés, l'ajout d'un critère ¿ proven capabilities'- pour la mesure du niveau de performance attendu et atteint du collaborateur sur les trois dernières années-et l'introduction d'un équilibrage des notes- ¿ calibration'- en vue d'anticiper la répartition statistique pour chaque division de plus de 50 collaborateurs, selon une courbe indicative prédéfinie. Ce nouveau dispositif d'évaluation de la performance a été développé avec la volonté de réintégrer dans la rémunération fixe des salariés, la part de leur rémunération variable qui était attribuée sous forme d'actions gratuites disponibles à terme.
Pour la mise en oeuvre de ce nouveau dispositif dans la filiale Microsoft France, la direction des ressources humaines représentée par Monsieur X...-directeur-et Madame Rozenn Y...-responsable des affaires sociales-a provoqué une première réunion d'information avec le comité d'entreprise le 28 avril 2011 puis avec le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (¿ CHSCT') le 2 mai 2011 lors de laquelle a été votée à l'unanimité la nomination d'un expert sur le système d'évaluation, la mise en place d'un groupe de travail ainsi que l'organisation de réunions communes avec la direction.
Le groupe de travail a tenu des réunions les 3, 5, 6, 9 et 12 mai 2011 à l'occasion desquelles la direction a remis des documents détaillant la gestion de la performance et des récompenses prévue par le nouveau dispositif d'évaluation et des échanges de courriels ont eu lieu entre Monsieur X...Madame Rozenn Y...avec des représentants du groupe de travail sur les réserves exprimées sur ce dispositif ainsi que sur les modifications qui pouvaient être provisoirement apportées. Une seconde réunion du CHSCT s'est tenue le 24 mai 2011 lors de laquelle les membres ont voté la décision d'engager une procédure judiciaire pour contester la validation du système d'évaluation envisagé. Le comité d'entreprise s'est, quant à lui, réuni le 26 mai 2011, et devant lequel ont été discutés le système d'évaluation de la performance, l'évolution du modèle de management de la performance et de la répartition des rémunérations différées et immédiates, ainsi que la décision d'engager une procédure judiciaire pour contester le système d'évaluation.
Par un courriel du 31 mai 2011, Monsieur X...a informé tous les salariés de l'entrée en vigueur le 1er juillet 2011 du nouveau dispositif d'évaluation qualifié de provisoire.
Lors de leurs réunions du 30 juin et du 12 juillet 2011, le CHSCT et le comité d'entreprise ont voté la décision d'engager une procédure en vue de dénoncer les délits d'entrave à leur fonctionnement.
Par actes du 15 mars 2012, le comité central d'entreprise et le CHSCT de la société MICROSOFT France ont fait citer Monsieur X...et Madame Y...devant le tribunal correctionnel de Nanterre pour les voir déclarer coupables d'atteinte au fonctionnement régulier du CHSCT et du CE au mois de juin 2011 en permettant la mise en oeuvre du nouveau projet d'évaluation à l'ensemble des collaborateurs de la société, avant les avis consultatifs qui devaient être émis par le CE et le CHSCT, ces faits constituant le délit d'entrave au fonctionnement régulier du CE prévu et réprimé par l'article L. 2328-1 du code du travail et du délit d'entrave au fonctionnement régulier du CHSCT prévu et réprimé par l'article L 4742-1 du code du travail.
PROCÉDURE :
Par jugement du 9 décembre 2013, le tribunal correctionnel de Nanterre a déclaré Monsieur X...et Madame Y...coupables des faits d'entrave et les a condamnés, chacun, à la peine d'amende de 3 500 ¿ et a ordonné la dispense de la condamnation sur le bulletin no2 de leur casier judiciaire. Sur les actions civiles, Monsieur X...et Madame Y...ont été condamnés solidairement à verser à chacun des comités la somme de 10 000 ¿ de dommages et intérêts pour lesquelles la société MICROSOFT France a été tenue à garantie. Monsieur X...et Madame Y...ont enfin été condamnés à verser à chacun des comités la somme de 1 000 ¿ sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Monsieur X...et Madame Y...ont interjeté appel du jugement le 10 décembre 2013, suivi de l'appel du ministère public le même jour ainsi que des appels du comité d'établissement et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société MICROSOFT France le 23 décembre 2013.
Monsieur X...et Madame Y...ont comparu assistés de leur conseil à l'audience du 15 mai 2014 et ont conclu à l'infirmation du jugement. Les comités assistés de leur conseil ont réclamé la confirmation du jugement ainsi que la condamnation des prévenus à verser pour chacun d'entre eux la somme de 15 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ainsi que 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Le ministère public s'en est rapporté à la décision de la cour.
Monsieur X...et Madame Y...ont eu la parole en dernier.
Le président a déclaré mettre l'affaire en délibéré au 26 juin 2014.
SUR CE,
I. SUR L'ACTION PUBLIQUE
1. Sur la culpabilité
Considérant que si l'employeur tient de son pouvoir de direction, le droit d'évaluer le travail de ses salariés, de fixer la rémunération qui en résulte et de modifier ces critères d'évaluation des salariés, c'est à la condition, en premier lieu et en application des articles L. 1222-2, L. 1222-3, L. 4121-3 et L. 4121-1-3 du code du travail, d'adopter des méthodes et des techniques professionnelles d'évaluation en lien direct et
nécessaire avec les aptitudes du salarié, pertinentes au regard de la finalité poursuivie et qui prennent en compte les facteurs de risques professionnels liés aux rythmes de travail susceptibles d'affecter la santé des salariés et enfin, d'informer expressément le salarié préalablement à la mise en oeuvre d'une nouvelle méthode d'évaluation ;
Considérant en deuxième lieu, qu'avant de décider d'une modification de l'évaluation des salariés de nature à affecter la durée et leurs conditions d'emploi et de travail, de santé ou de sécurité, ainsi que la rémunération qui est susceptible d'en résulter, l'employeur est tenu de recueillir dans les conditions prescrites aux articles L. 2323-6 et L. 4612-8 du code du travail, les avis du comité d'entreprise et du CHSCT ; que pour permettre à ces comités d'exprimer leur avis dans les conditions prescrites aux articles L. 2325-18 et L. 4614-2 du code du travail, l'employeur est tenu par l'article L. 2323-4 du même code, de transmettre aux comités des informations précises et écrites et d'apporter une réponse motivée aux observations des comités, particulièrement lorsque l'employeur modifie dans l'entreprise, les traitements automatisés de gestion du personnel ou toute technique permettant un contrôle de l'activité des salariés au sens de l'article L. 2323-32 du code du travail ;
Considérant que pour voir écarter les délits d'entrave qui leur sont reprochés, Monsieur X...et Madame Y...concluent en premier lieu, que le dispositif d'évaluation mis en oeuvre le 31 mai 2011 était provisoire et que l'employeur n'était par conséquent pas obligé de recueillir l'avis des comités ; qu'ils soutiennent ainsi, que le système d'évaluation n'apportait que peu de modifications au dispositif qui précédait ; qu'aux termes des échanges qui ont eu lieu avec le groupe de travail composé des représentants des comités, la direction avait décidé de bloquer les fonctions du dispositif de manière à seulement permettre la mise en oeuvre les critères qui bénéficiaient immédiatement aux collaborateurs, notamment, la nouvelle notation sur 5 niveaux à laquelle étaient attachées les nouvelles règles de rémunération variable, et indirectement, l'augmentation des salaires fixes liée à la réintégration dans le salaire d'une partie de la valeur des actions gratuites associées à la performance ; que variables subjectives, ¿ proven capabilities'et ¿ feedback'n'étaient appliquées que si elles ne modifiaient pas substantiellement le processus d'évaluation en cours, ou avaient été acceptées par le collaborateur, ou encore lui étaient exclusivement favorables ; qu'en outre, la référence à la courbe de répartition des notes n'était pas impérative ; qu'enfin, la direction avait instauré un double recours sur les évaluation des salariés ;
Considérant au demeurant, qu'il ne peut être sérieusement soutenu que le président directeur général du groupe Microsoft a pris la peine de concevoir puis d'informer à l'ensemble des 190000 collaborateurs, l'introduction d'un dispositif mineur pour l'évaluation des salariés ;
Qu'il ne peut être déduit des échanges d'information entre la direction française des ressources humaines et les représentants des comités, la preuve que les critères subjectifs pour l'évaluation de la compétence, l'existence d'un principe de notation relative, l'outil de feedback dédié au recueil d'informations de sources externes sur l'activité des salariés ou enfin, l'application de quotas par tranche de notes, ont été formellement et techniquement écartés du dispositif d'évaluation par la direction française avant sa mise en oeuvre en mai 2011 ; qu'il ne résulte pas non plus de ces échanges, la preuve qu'a été exposée et discutée l'opacité de l'architecture logicielle de la plate-forme EFM (¿ enterprise feedback management') à partir de laquelle était nécessairement recueillies les données destinées à alimenter les nouveaux modules d'évaluation, ni de vérifier comme le prétend l'employeur, que n'ont pas été maintenues-s'agissant d'un groupe leader mondial des solutions informatiques-les fonctionnalités permettant de rapporter et de distribuer les données issues des classements des salariés, soit à une courbe de Gauss, soit à des quotas ;
Qu'ainsi, la preuve de la nature provisoire du nouveau dispositif d'évaluation n'est pas démontrée, de sorte qu'il devait être soumis à l'avis des comités avant d'être mis en oeuvre ;
Considérant en deuxième lieu, que les prévenus prétendent avoir régulièrement conduit la consultation des comités et recueilli leurs avis après avoir, d'une part, répondu à toutes les objections soulevées par le groupe de travail, ses représentants ou par le comité d'entreprise à l'occasion de sa réunion du 26 mai 2011, et avoir d'autre part, associé les représentants des comités à la rédaction du message du 31 mai 2011 informant les salariés de l'entrée en vigueur au 1er juillet 2011 du nouveau dispositif d'évaluation ; que subsidiairement, les prévenus soutiennent que les comités n'étaient pas disposés à donner un avis ainsi que cela peut être déduit de l'omission dans le procès-verbal du CHSCT du 24 mai 2011 de l'accord intervenu avec la direction sur le contenu du message destiné aux salariés pour annoncer la mise en oeuvre du nouveau dispositif d'évaluation, ou encore de l'intention des comités de contester le dispositif par la voie judiciaire ou enfin, de la résistance que les comités ont ultérieurement opposée lors des réunions qui se sont tenues jusqu'en 2013 et à la suite desquelles les comités n'ont pas émis d'avis ;
Considérant qu'aucun des échanges intervenus au sein du groupe du travail ou dans les courriels entre les représentants des comités désignés et les représentants de l'employeur ne peut tenir lieu de l'avis du comité d'entreprise devant être requis, dans son principe, par l'article L. 2323-3 du code du travail, et dans ses conditions de forme pour l'ordre du jour et le vote, par les articles L. 2323-15, L. 2323-16 et L. 2325-18 du code du travail ;
Que surabondamment, les prévenus ne peuvent soutenir avoir obtenu une approbation du nouveau dispositif d'évaluation, alors qu'ainsi que cela est relevé ci-dessus, les comités ne disposaient pas d'information ni de réponses précises et transparentes aux observations qu'ils ont posées par la voie de l'expertise, et n'ont par conséquent pu, a fortiori, être en mesure d'émettre un avis au nom des 1500 collaborateurs qu'ils représentaient, moins de deux mois avant sa mise en oeuvre ; que cette approbation est contredite par la volonté même des comités d'engager une dénonciation judiciaire au cas d'une adoption par la direction de ce dispositif décidée outre l'avis du comité ; qu'enfin et par ailleurs, les membres du groupe de travail étaient bien fondés à ne pas retranscrire dans le procès-verbal de réunion du 24 mai 2011 l'état de discussions qui n'avaient pas été inscrites à l'ordre du jour.
Considérant en troisième lieu, que Monsieur X...et Madame Y...se prévalent de la décision du tribunal de grande instance de Nanterre du 13 mars 2014 qui a non seulement débouté les comités de leur demande en annulation du dispositif d'évaluation dans sa forme définitive, mais l'a aussi validé rétroactivement dans sa version provisoire de juillet 2001 en écartant le moyen des comités tirés de l'irrégularité de la consultation des comités ;
Considérant néanmoins, que les juges civils n'ont pas été saisis du délit d'entrave reproché aux prévenus à l'endroit du comité d'entreprise et du CHSCT, de sorte que les motifs qu'ils ont pus adopter à cet égard sont dépourvus de toute autorité ; qu'au surplus, aux termes de cette décision qui n'était pas définitive au jour des débats devant la cour, le tribunal a admis par des motifs péremptoires, que l'évaluation de compétences des salariés sur des critères subjectifs entrait dans le cadre de l'évaluation professionnelle, et a écarté tout aussi péremptoirement les réserves de l'expertise sur l'existence d'un principe de notation relative et l'application de quotas par tranche de notes ainsi que sur l'opacité de l'outil de feedback pour le recueil d'informations de sources externes sur l'activité des salariés ;
Considérant en quatrième lieu, que Monsieur X...et Madame Y...contestent la nature intentionnelle des délits d'entrave qui leur sont reprochés, en se prévalant, d'une première part, des résultats que ce nouvel outil d'évaluation a apportés aux salariés qui en 2011 ont bénéficié d'une augmentation collective qui a variée de 2 à 7 %, tandis que sur les 1500 salariés, la direction n'a eu à connaître que 14 recours sur lesquels 8 ont été arbitrés en faveur des salariés ; que de seconde part, Monsieur X...et Madame Y...ont cherché à faire bénéficier aux salariés l'opportunité que le groupe Microsoft leurs a offert d'augmenter leur rémunération ; que la substitution de ce mode de rémunération correspondait à la demande des salariés du groupe qui préféraient une augmentation de salaire à la place d'une rétribution en actions de la société dont le principe différé et aléatoire ne les satisfait pas ; que cette augmentation et ce nouveau mode de rémunération étaient conçus par le groupe afin fidéliser ses salariés et augmenter son attractivité pour le recrutement ;
Considérant que l'intention que les prévenus revendiquent allait nécessairement à l'encontre des prérogatives reconnues aux institutions représentatives du personnels et dont les avis ne se limitent pas à approuver, ou à rejeter, a priori, l'orientation managériale de la direction de l'entreprise, mais doivent concourir à l'évaluation et à la qualité de cette volonté au nom des salariées qu'elles représentent, ainsi que cela s'évince des dispositions de l'article L. 2323-1 du code du travail ; que s'agissant par ailleurs de l'enveloppe dédiée par l'employeur à l'augmentation collective des salariés, l'avis du comité devait être précédé d'une évaluation de la nouvel méthode de notation des salariés à laquelle était subordonnée l'allocation individuelle de cette augmentation ;
Que pour l'ensemble de ces motifs, il convient de confirmer le jugement sur la culpabilité de Monsieur X...et Madame Y....
2. Sur les peines
Considérant que la décision, à l'évidence non négociable, d'imposer une nouvelle technique d'évaluation des salariés en vue de modifier leur mode de rémunération et de nature à induire de nouvelles méthodes de management interdisait, la consultation obligatoire des institutions représentatives du personnel, de sorte que les premiers juges ont fait une juste appréciation des peines applicables aux délits d'entrave retenus à l'encontre des prévenus.
3. Sur les demandes de dommages et intérêts et des frais irrépétibles
Considérant que les pressions que la direction des ressources humaines de la filiale française du groupe MICROSOFT a exercées sur les représentants des comités pour obtenir envers et contre le cours de la procédure de consultation ont indéniablement entraîné un préjudice moral dont l'indemnisation a aussi été justement appréciée par les premiers juges, et dont la décisions sera aussi confirmée ;
Qu'il est enfin équitable de condamner Monsieur X..., Madame Y...à verser aux comités 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en revanche, la juridiction pénale n'est pas compétente pour statuer sur les demandes de condamnation présentées par les comités au titre des ¿ dépens', des ¿ frais et honoraires'ou des ¿ frais de citation'réclamés par les comités, de sorte qu'elles doivent être déclarées irrecevables.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'encontre de Monsieur X..., Madame Y..., du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société MICROSOFT France, et rendu en dernier ressort,
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sur l'action publique et les actions civiles ;- Condamne Monsieur X...et Madame Y..., chacun, à verser au comité d'établissement et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société MICROSOFT France, chacun, la somme de 1 500 ¿ (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
- Déclare irrecevable le surplus des demandes des comités ;
Si les condamnés s'acquittent du montant des droits fixes de procédure et, s'il y a lieu, de l'amende dans un délai d'un mois à compter de ce jour, ce montant est diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1. 500 ¿, le paiement de l'amende ne faisant pas obstacle à l'exercice des voies de recours et ce, en application de l'article 707-3 du code de procédure pénale. Dans le cas d'une voie de recours contre les dispositions pénales, il appartient à l'intéressé de demander la restitution des sommes versées.
Les parties civiles, s'étant vue allouer des dommages-intérêts mis à la charge du condamné, sont informées de la possibilité de saisir la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, dans le délai d'une année à compter du présent avis, lorsque sont réunies les conditions édictées par les articles 706-3 et 706-14 du nouveau code de procédure pénale.
Les personnes condamnées sont informées de la possibilité pour la partie civile, non éligible à la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, de saisir le service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions si elle ne procède pas au paiement des dommages-intérêts auxquels elle a été condamnée dans le délai de 2 mois courant à compter du jour où la décision est devenue définitive.
Et ont signé le présent arrêt, Monsieur LARMANJAT président et Madame LAMANDIN greffier.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT.
Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 120, 00 €