La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2014 | FRANCE | N°13/01952

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 12 juin 2014, 13/01952


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 64B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 JUIN 2014



R.G. N° 13/01952







AFFAIRE :







[O], [C], [B] [Y]



C/



[K] [G]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° RG : 07/00008







Exp

éditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU de l'Association AARPI AVOCALYS

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Me Christophe DEBRAY Me Gilles-Antoine SILLARD de la SCP SILLARD ET ASSOCIES

Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 64B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JUIN 2014

R.G. N° 13/01952

AFFAIRE :

[O], [C], [B] [Y]

C/

[K] [G]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2013 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES

N° Chambre : 4

N° RG : 07/00008

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU de l'Association AARPI AVOCALYS

Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Me Christophe DEBRAY Me Gilles-Antoine SILLARD de la SCP SILLARD ET ASSOCIES

Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JUIN DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O], [C], [B] [Y]

né le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'Association AARPI AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire

624 - N° du dossier 000975

Représentant : Me Pierre-Alain TOUCHARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R057

APPELANT

****************

1/ Monsieur [K] [G]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 5]

2/ SA AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 05 7 4 60

[Adresse 4]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20130236

Représentant : Me Guy-Claude ARON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R383

INTIMES

3/ Monsieur [I] [R] [K] [Q]

né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 10] (Belgique)

[Adresse 1]

[Localité 3]

4/ Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE

[Adresse 7]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 13000191

Représentant : Me Blanche DE GRANVILLIERS LIPSKIND, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0017

INTIMES

5/ MUTUELLE SOCIALE AGRICOLE - MSA OISE

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 1]

prise en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

Représentant : Me Gilles-Antoine SILLARD de la SCP SILLARD ET ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier 0607161

INTIMEE

6/ AG2R PREVOYANCE

dont le siège social est situé [Adresse 5]

et son établissement [Adresse 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SCP LISSARRAGUE DUPUIS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1351922

Représentant : La SELARL SPINELLA-REBOUL-ROUDIL, Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Mai 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

---------------

Le 23 juin 2004 sur l'hippodrome de [1] et au cours d'une course, [O] [Y], jockey, a été victime d'une chute à l'occasion de laquelle il a été gravement blessé. En effet, le cheval Lothaire, monté par [I] [Q], qui courait à sa droite, après s'être écarté vers la gauche à la suite d'un coup de cravache de son jockey sur le côté droit de son encolure, a versé vers la gauche à la suite d'un second coup de cravache donné à gauche, en sorte qu'un postérieur de Lothaire a accroché un antérieur du cheval Midsou monté par [O] [Y], entraînant la chute du cheval et de son jockey.

Estimant que l'accident était dû à une faute de [I] [Q], [O] [Y] a assigné celui-ci ainsi que les sociétés GAN Eurocourtage, MSA de l'Oise et AG2R Prévoyance devant le tribunal de grande instance de Versailles par actes des 28 et 30 novembre et 11 décembre 2006. Par acte du 17 septembre 2007 ayant donné lieu à une ordonnance de jonction du 5 décembre 2007, il a également assigné [K] [G] en tant que propriétaire du cheval monté par [I] [Q] et commettant de ce dernier. Par acte du 18 mai 2009 ayant donné lieu à une ordonnance de jonction du 7 octobre 2009, il a assigné la société Axa France IARD, assureur de [K] [G].

Par jugement du 31 janvier 2013, le tribunal a rejeté les demandes tant d'[O] [Y] que des défendeurs et a condamné [O] [Y] aux dépens.

[O] [Y] en a relevé appel le 8 mars 2013, et, par conclusions du 28 mars 2014, prie la cour de :

- juger que [I] [Q] et/ou [K] [G] sont responsables de son préjudice, le premier au titre de l'article 1382 ou 1385 du code civil, le second au titre de l'article 1384 alinéa 5 ou 1385 du même code,

- juger que son droit à indemnisation est intégral,

- condamner tout succombant à lui verser une provision de 150 000 €,

- ordonner une expertise médicale pour évaluer son préjudice,

- déclarer l'arrêt opposable aux sociétés MSA de l'Oise et AG2R Prévoyance,

- surseoir à statuer sur les limites de garantie opposées par la société Allianz IARD qui vient aux droits de la société GAN Eurocourtage dans l'attente du rapport d'expertise,

- condamner in solidum tout succombant à lui verser la somme de 9 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions du 12 février 2014, [I] [Q] et la société Allianz IARD, venant aux droits de la société GAN Eurocourtage, demandent à la cour de :

- déclarer [O] [Y] irrecevable en son appel et en tout cas mal fondé en ses demandes et confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, juger qu'ils ne peuvent être tenus d'indemniser le dommage,

- à titre infiniment subsidiaire, juger que la garantie de la société Allianz IARD ne saurait excéder la somme de 152 449,01 €,

- en tout état de cause, débouter [O] [Y] et tout contestant de l'ensemble de leurs demandes,

- condamner [O] [Y] aux entiers dépens et à leur verser la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 26 mars 2014, [K] [G] et la société Axa France IARD demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, condamner in solidum [I] [Q] et en tout cas la société Allianz IARD (pour cette dernière dans la limite de 4 573 470,50 €) à les garantir intégralement des condamnations mises à leur charge,

- prévoir que leurs débours bénéficieront des intérêts au taux légal à compter des versements effectués par eux au profit d'[O] [Y] et/ou de ses organismes sociaux et jusqu'à leur complet remboursement par [I] [Q] et/ou la société Allianz IARD, avec capitalisation de ces intérêts,

- condamner in solidum celles des autres parties qui succomberont aux dépens et à leur verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 7 octobre 2013, la société MSA de l'Oise demande à la cour, en cas d'infirmation du jugement, de :

- constater que sa créance s'élève à la somme de 179 184,69 € à laquelle il y a lieu d'ajouter une indemnité forfaitaire de 980 € au titre de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

- dire que les sommes versées par elle au titre des indemnités journalières devront s'imputer à hauteur de 14 281,12 € sur la provision allouée au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- dire que le capital constitutif d'une rente accident d'un montant de 65 451,02 € devra absorber l'indemnité allouée au titre du déficit fonctionnel permanent et s'imputer pour le surplus sur le préjudice d'établissement,

- condamner in solidum [I] [Q] et la société Allianz IARD, [K] [G] et la société Axa France IARD aux dépens et à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions du 12 juillet 2013, la société AG2R Prévoyance demande à la cour de :

- constater qu'elle a pris en charge des indemnités journalières complémentaires et des remboursements de frais de santé en lien avec l'accident,

- constater qu'elle fait 'assomption de cause' (sic) avec la demande d'expertise d'[O] [Y],

- en conséquence, juger que l'expertise à intervenir sera menée au contradictoire notamment de la société AG2R Prévoyance,

- condamner tout succombant aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2014.

SUR QUOI LA COUR :

Le tribunal a, en premier lieu, écarté la responsabilité du fait des animaux, prévue par l'article 1385 du code civil, dès lors qu'était soumis à son appréciation, non pas le comportement du cheval en lui-même, mais celui de son jockey, [I] [Q]. En deuxième lieu, sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5, il a observé que, sauf faute d'une exceptionnelle gravité du salarié, non démontrée en l'espèce, la responsabilité de ce dernier était transférée à son commettant, et qu'en vertu de la théorie de l'acceptation des risques inhérents à une activité sportive dangereuse, seule une faute elle aussi d'une exceptionnelle gravité mais elle non plus non démontrée, aurait permis d'engager la responsabilité de [I] [Q].

***

- Sur la responsabilité :

S'agissant d'un cheval monté, et ainsi soumis à la volonté, ou du moins aux actions, de son cavalier, l'article 1385 du code civil a justement été écarté puisqu'il ne règle que la responsabilité du fait d'un animal hors de toute action humaine.

Doit tout d'abord être examinée l'imputabilité de l'accident à l'action des deux jockeys. En effet a été reproché à [O] [Y] d'avoir, de façon fautive, utilisé l'espace laissé libre par la déviation momentanée de la trajectoire du cheval Lothaire vers la gauche pour prendre une meilleure place. Cependant, outre le fait qu'il ne saurait être reproché à un jockey montant en course de tenter de placer au mieux son cheval en utilisant les opportunités qui se présentent au cours de l'épreuve, n'est établie ni même alléguée aucune modification latérale de la trajectoire du cheval Midsou, que son cavalier s'est borné à laisser allonger l'allure afin, en effet, de gagner quelques places. En particulier il n'est pas démontré qu'[O] [Y] se serait écarté de la ligne de course qui lui était impartie, et le seul fait d'accélérer ou d'allonger son allure ne peut être considéré comme fautif dans une course, en sorte que la preuve d'une faute d'[O] [Y] n'est pas rapportée. Son droit à réparation est en conséquence intégral.

Il en va différemment de [I] [Q]. En effet, il a été sanctionné par décision des commissaires de la course du 23 juin 2004, confirmée par celle du 30 juin 2004 de ceux de France Galop, de la peine de 15 jours d'interdiction de monter, au motif que 'même si la chute du poulain Midsou est liée à des circonstances particulières, notamment aux problèmes rencontrés par le jockey C. [Q] à diriger un cheval manifestement difficile, ainsi qu'à la progression du poulain Mitsou revenant rapidement sur le poulain Lothaire, le jockey C. [Q] reste en partie fautif de cette chute en ayant fait le choix, malgré le comportement difficile de son cheval, de le cravacher à deux reprises pour le redresser alors qu'il penchait vers la droite, ce qui a amené celui-ci à verser rapidement dans l'autre sens et à venir galoper devant les antérieurs du poulain Midsou, provoquant la chute de ce dernier.' S'il est justement observé par les intimés que cette décision, qui a exclusivement pour objet de sanctionner un manquement aux règles édictées par le code des courses au galop, n'a aucune autorité de chose jugée en ce qui concerne la question des responsabilités encourues sur le plan civil, force est bien de constater qu'aucune contestation n'existe sur la réalité des manquements de [I] [Q] ainsi sanctionnés qui seront donc tenus pour établis, étant ajouté que les photos produites sont particulièrement parlantes.

Or le code des courses au galop, en son article 166, prévoit que lorsqu'un cheval ou un jockey, à n'importe quel endroit du parcours, a poussé, bousculé ou gêné par un moyen quelconque, un ou plusieurs de ses concurrents, les commissaires des courses doivent appliquer au jockey une sanction dans les limites du présent code, à moins qu'ils ne jugent que l'incident n'est pas dû à une faute de sa part. S'ils considèrent que la faute d'un jockey est volontaire ou dangereuse, ils doivent interdire à ce jockey de monter pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à quinze jours si elle a entraîné la chute d'un concurrent. Ainsi, la sanction prononcée correspond bien à une infraction caractérisée aux règles de course et à un comportement jugé dangereux pour les autres concurrents tant par les commissaires de la course que l'instance fédérale en appel. [O] [Y] avait d'ailleurs été sanctionné dans les mêmes conditions quelques semaines auparavant, alors que les conséquences avaient été moins graves, ce qui démontre bien que toute gêne entre concurrents est sanctionnée sévèrement par les autorités de contrôle de la course en raison des dangers qu'elle fait courir à l'ensemble des participants. La faute ainsi commise est donc à la fois indiscutable en son principe, et bien à l'origine de risques excessifs pour les autres concurrents. Il ne peut dès lors être considéré qu'en participant à l'épreuve sportive que constituait la course, [O] [Y] a accepté le risque qui s'est réalisé, étant observé que les conséquences d'une chute au cours d'une course sont par leur gravité sans commune mesure avec celles d'une simple chute de cheval, dont le risque est inhérent à toute pratique équestre.

Par ailleurs, [I] [Q] ne peut s'exonérer de sa responsabilité sous le prétexte que son cheval aurait eu une réaction intempestive imprévisible, en réagissant à un coup de cravache en s'écartant de sa trajectoire, au lieu d'intensifier son effort en ligne droite comme il lui était demandé. A ce propos, il doit encore être souligné que le cheval Lothaire était équipé d'oeillères lui ôtant toute vision latérale, ce qui d'une part démontre que sa tendance à des réactions intempestives à son environnement était connue, et d'autre part constitue également un facteur supplémentaire de risque, l'animal pouvant encore davantage être surpris par un coup dont il ne pouvait voir l'origine, en sorte que cette circonstance aurait dû conduire son jockey, chevronné, à une encore plus grande prudence, surtout compte tenu d'un premier écart lors du coup de cravache initial du côté droit.

Il sera donc retenu que les fautes caractérisées commises par [I] [Q] ont été à l'origine de risques excessifs pour la sécurité des autres concurrents, et notamment d'[O] [Y], et ne peuvent être considérées comme ressortissant d'une pratique sportive normale. Cette faute engage donc soit la responsabilité de son auteur, soit celle de son commettant, si l'auteur n'a pas dépassé les limites de la mission qui lui étaient imparties.

Ce dernier point n'offre pas de difficulté particulière, puisqu'il n'a jamais été allégué que [I] [Q] aurait délibérément agi dans le but de causer un dommage à l'un de ses concurrents, et il ne peut être considéré non plus qu'une erreur d'appréciation, même caractérisée et fautive, sur les effets d'un coup de cravache, place le jockey hors des limites de la mission qui lui a été conférée par le propriétaire du cheval son commettant. Dès lors, [I] [Q] bénéficie de l'immunité à l'égard des tiers victimes reconnue par la jurisprudence au profit du préposé qui a agi sans excèder les limites de la mission impartie par son commettant, pour autant que soit établie la réalité de ce lien de préposition.

Il est justement objecté sur ce point que le jockey, pendant la course, est seul maître de la façon dont il la mène, et jouit donc de l'indépendance la plus grande à ce moment précis. Cette circonstance n'exclut néanmoins pas l'existence d'un lien de préposition. A en effet été reconnue la qualité de préposé d'une part, à un salarié exerçant en toute indépendance, tel un médecin ou un joueur de football professionnel, d'autre part, à un arbitre, travailleur indépendant, vis à vis de sa fédération sportive, en sorte que, plus que par la faculté de donner des ordres pour l'accomplissement d'une mission, le lien de préposition est aujourd'hui caractérisé par le fait de travailler pour autrui et à son profit. En outre, il doit être rappelé que [K] [G] se trouve être à la fois l'entraîneur et le propriétaire du cheval Lothaire, ce qui va encore dans le sens d'un lien de préposition vis à vis du jockey. Surtout, ce dernier se trouve bel et bien dans une situation juridique et administrative de subordination, puisque, même lorsqu'il monte à titre indépendant pour le compte du propriétaire d'un cheval, il est considéré, sur un plan administratif et juridique, comme 'employé' par le propriétaire du cheval. Ainsi, la circulaire du 9 juillet 1979 du ministère de l'agriculture, dont il n'est pas allégué qu'elle ait été modifiée, précise bien que le jockey choisi pour monter un cheval en course, sous la responsabilité de celui qui le rémunère, pour le compte de ce dernier et sur ses instructions, se trouve à son égard dans une situation de dépendance, quelle que soit la forme et la nature du contrat, le plaçant dans le champ d'application du régime de protection sociale défini pour les salariés, ou encore, que le propriétaire du cheval qui les [les jockeys] recrute et qui les rémunère est leur employeur, redevable à ce titre de toutes les cotisations y afférentes, les démarches étant effectuées pour leur compte pour des raisons d'efficacité par les sociétés chargées de l'organisation des courses. Le fait qu'une partie des gains du cheval soit affectée directement au jockey ne suffit pas à modifier cette appréciation.

Il en résulte que c'est [K] [G], en sa qualité de propriétaire du cheval Lothaire et de commettant du jockey qui le montait, qui doit être déclaré responsable des conséquences de la chute causées à [O] [Y], et l'assureur de ce dernier Axa, qui ne conteste pas devoir garantir [K] [G].

En l'absence d'action récursoire du commettant contre son préposé en pareil cas, il n'y a pas lieu à garantie de [K] [G] et Axa par [I] [Q]. La garantie d'Allianz trouvant sa cause dans la responsabilité de [I] [Q], il n'y a pas davantage lieu à garantie de [K] [G] et Axa par Allianz.

- Sur les demandes d'imputation des créances des tiers payeurs, la demande d'expertise et les demandes de provisions :

Les demandes d'imputation de leurs débours formées par la MSA de l'Oise et AG2R Prévoyance sont prématurées, et seront réservées jusqu'à la liquidation du préjudice. En revanche le présent arrêt leur sera déclaré commun.

La demande d'expertise sera accueillie selon les modalités fixées au dispositif et aux frais avancés d'[O] [Y].

Au regard de la gravité des blessures subies, qui ont entraîné un coma de huit jours suivi de séquelles neurologiques, ainsi qu'une inaptitude définitive à la monte en course constatée le 30 mars 2006, avec reconnaissance d'un statut de travailleur handicapé, seront allouées à [O] [Y] les provisions suivantes :

- DFT : 10 000 €

- Souffrances endurées : 10 000 €

- DFP : 20 000 €

- Préjudice d'établissement : 10 000 €

- Sur les autres demandes :

[K] [G] et AXA devront contribuer en équité aux frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en appel par [O] [Y] à hauteur de 4 000 € et seront également condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Le surplus des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejeté.

Les dépens exposés par [K] [Q] et Allianz resteront à leur charge en équité.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau sur l'entier litige,

Déclare [K] [G] entièrement responsable de l'accident survenu le 23 juin 2004,

Déclare AXA tenue de garantir son assuré dans la limite de son contrat,

Déboute [O] [Y] de ses demandes dirigées contre [K] [Q] et Allianz, ainsi que [K] [G] et Axa de leurs demandes contre ces derniers,

Réserve les demandes d'AG2R Prévoyance et de la MSA de l'Oise, et dit que le présent arrêt leur est commun,

Avant-dire droit sur la liquidation des préjudices subis par [O] [Y], ordonne une expertise et désigne pour y procéder le Docteur :

[F] [M], expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Versailles,

[Adresse 3]

[Localité 7]

Mèl : [Courriel 1]

avec pour mission de :

- se faire remettre tout document utile et notamment le dossier médical complet d'[O] [Y], en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires,

- relater les constatations médicales faites après l'accident, les lésions subies ainsi que l'ensemble des interventions et soins y compris de rééducation,

- examiner [O] [Y] et noter ses doléances,

- préciser, conformément à la nomenclature Dintilhac, les séquelles présentées par [O] [Y] imputables à l'accident du 23 juin 2004, et les postes de préjudice correspondants,

- proposer une date de consolidation,

- dire si a existé ou existe la nécessité d'une assistance par tierce personne, dire si elle doit être spécialisée et dans quelle proportion,

- donner un avis sur les souffrances physiques et morales endurées et les atteintes esthétiques,

- déterminer les postes de préjudices temporaires,

- donner un avis motivé sur l'incidence professionnelle des séquelles de l'accident, les préjudices d'établissement et d'agrément,

- dresser un rapport de ses opérations dans les trois mois de la réception de l'avis de consignation qui lui sera transmis par le Greffe.

Fixe la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert à la somme de 1 500 €, et dit qu'[O] [Y] sera tenu de la consigner au greffe de la cour avant le 30 juillet 2014 à peine de caducité de la désignation de l'expert,

Condamne solidairement [K] [G] et la compagnie AXA à payer à [O] [Y] les indemnités provisionnelles de :

- DFT : 10 000 €

- Souffrances endurées : 10 000 €

- DFP : 20 000 €

- Préjudice d'établissement : 10 000 €

Dit que les dépens exposés par [I] [Q] et Allianz en première instance et en appel resteront à leur charge,

Condamne solidairement [K] [G] et la compagnie AXA à payer à [O] [Y] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, avec recouvrement direct,

Rejette le surplus des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sursoit à statuer sur la liquidation des préjudices dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, et dit que l'affaire sera retirée du rôle de la cour pour y être rétablie à la demande de la partie la plus diligente après dépôt du rapport.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01952
Date de la décision : 12/06/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°13/01952 : Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-06-12;13.01952 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award