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28/05/2014 | FRANCE | N°13/01357

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 28 mai 2014, 13/01357


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

CRF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 MAI 2014



R.G. N° 13/01357



AFFAIRE :



[P] [N]





C/

SA THALES COMMUNICATIONS







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 10/01876





Copies exécutoires délivrées à :




Me Sophie CORNEVIN-COLLET



SELAS JACQUES BARTHELMY et associés



Copies certifiées conformes délivrées à :



[P] [N]



SA THALES COMMUNICATIONS





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT MAI DEUX MILL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

CRF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 MAI 2014

R.G. N° 13/01357

AFFAIRE :

[P] [N]

C/

SA THALES COMMUNICATIONS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 10/01876

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sophie CORNEVIN-COLLET

SELAS JACQUES BARTHELMY et associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

[P] [N]

SA THALES COMMUNICATIONS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MAI DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [N]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Sophie CORNEVIN-COLLET, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, vestiaire : 204

APPELANT

****************

SA THALES COMMUNICATIONS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Franck MOREL de la SELAS JACQUES BARTHELEMY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0097

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Conseiller chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de président,

Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Céline FARDIN,

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [N] a été engagé en qualité d'agent technique, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er mai 1983, par la société TRT aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Thales .

Promu ingénieur en juillet 1990, M. [N] est devenu chef de service en 2001 puis directeur de domaine en 2006 et a , à ce titre, exercé des fonctions d'encadrement ( 10 puis 20 personnes).

En février 2008, M. [N] a été affecté à un poste de business segment manager sans fonction d'encadrement.

Son dernier salaire mensuel était de 7792 euros .

Employant plus de dix salariés, la société applique la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Convoqué le 22 mars 2010 à un entretien préalable fixé le 29 suivant, M. [N] a été licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 14 avril 2010 ainsi rédigée :

'....nous avons été amenés, à la suite des déclarations d'une salariée de la société, Mme [R], mettant en cause votre comportement à son égard , à examiner un certain nombre de faits portés à notre connaissance.... nous vous avons reçu à plusieurs reprises dès la fin 2008 et au cours de l'année 2009 et avons dans le même temps, entendu Mme [R] ....

Au delà des versions et témoignages contradictoires relatifs à un certain nombre d'événements qui nous ont été rapportés , notre démarche a clairement mis en exergue que la dégradation de vos relations avec Mme [R] avait porté atteinte au bon fonctionnement du service dont vous aviez la charge en qualité de responsable Soutien des transmissions et causé un trouble au sein même de l' entreprise.

Elle a également révélé que votre comportement n'était pas conforme à celui qu'est en droit d'attendre la société d'un cadre supérieur disposant de fonctions managériales à l'égard des salariés qui lui sont subordonnés et notamment de son assistante , relations qui doivent être fondées sur le respect mutuel et la distance nécessaire à l'exercice d'un pouvoir hiérarchique.

Ce manque de professionnalisme et de neutralité de votre part s'est notamment traduit par des propos et un comportement inapproprié à l'égard de Mme [R] ( gestes déplacés , invitations à déjeuner aux frais de la société , badgeage pour son compte ...)

Le trouble caractérisé ainsi créé au sein de l' entreprise et l'impossibilité dans laquelle nous sommes de vous laisser occuper des fonctions qui requièrent une dimension managériale compte tenu des carences constatées ne nous laisse pas d'autre alternative que de mettre un terme à vore contrat de travail '.

Par jugement du 21 février 2013, le conseil de prud'hommes de Nanterre a débouté M. [N] de toutes ses demandes sans faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

M. [N] a régulièrement relevé appel de cette décision.

Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience du 15 mai 2014 par lesquelles M. [N] demande à la cour :

- à titre principal, de faire application des dispositions de l'article L1332-4 du Code du travail

- à titre subsidiaire, de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- de condamner la société Thales à lui verser les sommes de :

*374 016 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement non causé,

*6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Vu les écritures déposées et développées oralement à l'audience par lesquelles la société Thales prie la cour de confirmer le jugement et de condamner M. [N] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties , aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience .

MOTIFS DE LA DÉCISION,

a- la prescription.

Considérant qu'aux termes de l'article L1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement d'une sanction disciplinaire au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Considérant que M. [N] fait valoir que la société a eu connaissance des faits reprochés le 18 novembre 2008, date de la correspondance reçue de Mme [R] ; que l'enquête n'a pas été diligentée par le CHSCT mais par une représentante de la CFDT amie de Mme [R] et n'était pas de nature à interrompre le délai ;

Considérant que la société Thales répond que le délai de deux mois n'a commencé à courir qu'à compter du dépôt du rapport de l'enquête dont la réalisation a été prolongée par des absences, indisponibilités et arrêts de travail des différents protagonistes et par la complexité des relations existant entre M. [N] et Mme [R] .

Considérant que le délai de deux mois ne court qu'à compter du jour où l'employeur a une connaissance suffisamment étayée des faits reprochés, la protection des intérêts d'un salarié mis en cause ne permettant pas la précipitation ; que la société a reçu une correspondance de Mme [R] en date du 22 août 2008 - mentionnée dans le rapport d'enquête - faisant état d'un harcèlement moral et physique de la part de M. [N], accompagnée de documents ; qu'une enquête a été initiée en septembre 2008 lors d'un entretien entre la directrice des ressources humaines et les représentants de la CFDT ; que le rapport de cette enquête, daté du 23 février 2010 fait état de la chronologie des actes d'enquête réalisés jusqu'au 15 janvier 2010 et des retards liés aux indisponibilités ou arrêts de travail de l'une ou l'autre des parties ainsi qu'à la nécessité de prendre le recul nécessaire ; que cette enquête a participé à la connaissance que devait avoir l'employeur des faits reprochés à M. [N], peu important qu'elle n'émane pas du CHSCT ; que M. [N] a été convoqué à un entretien préalable par lettre datée du 22 mars 2010 qui n'excède pas le délai de deux mois ayant commencé à courir le 23 février précédant ; que le moyen tiré de la prescription des faits est inopérant ; que le bien -fondé du licenciement sera examiné .

b- le licenciement.

Considérant que l'enquête interne a été réalisée par le directeur des ressources humaines et un délégué du personnel après réception de la première lettre de doléances de Mme [R] , et ce en vertu de l'article L2313-2 du Code du travail visé en première page du rapport et qui prévoit les cas de recours à une telle enquête ; que M. [N] tente dès lors en vain de remettre en cause la validité de l'enquête non dirigée par le CHSCT en invoquant les dispositions de l'article L4612-1 du Code du travail qui n'indiquent, en tout état de cause, pas une telle compétence exclusive de ce comité .

Considérant que la société Thales n'a pas refusé de prendre en charge les quatre notes de frais datant de 2007 et 2008 correspondant à des repas pris par M. [N] avec Mme [R] en présence d'autres personnes ; qu'une la prise de déjeuners en commun ne comporte pas d'élément participant de relations inappropriées entre deux collègues ;

Considérant que M. [N] a reconnu avoir ' badgé' une fois pour Mme [R] lors d'une grève des transports en commun ; que les termes d'un message promettant de le faire encore ( ' je serai toujours là pour [I] ... prêt pour pointer pour elle ') ne suffisent pas à conférer à ce geste unique la marque d'une promiscuité déplacée .

Considérant qu'aucun élément sérieux ne corrobore les gestes déplacés qu'auraient eu M. [N] à l'égard de Mme [R] qui les évoque dans ces écrits, les déclarations de Mme [F] au cours de l'enquête étant imprécises ou insuffisantes ; qu' à ce titre, les déclarations de cette collègue de Mme [R] relèvent plus du procès d'intention ou du commentaire que de la description de faits objectifs (' il était manifeste que M. [N] souhaitait que Mme [R] soit sa secrétaire ' , ' M. [N] semblait s'arranger toujours pour que Mme [R] ne soit pas disponible en même temps que les autres secrétaires du service ' ' Mme [F] est rentrée dans le bureau de M. [N] pour lui faire signer un document et elle a ressenti une certaine tension, Mme [F] a eu un mal être et cette impression l'a dérangeait ' , ' Mme [F] a constaté que M. [N] allait emmener Mme [R] en mission à [Localité 5] (ou [Localité 3]) pour l'avoir sous la main lors de la visite du site .... M. [N] a tenté de prendre la main de Mme [R] au parc [Localité 4].... il semble clair selon Mme [F] que M. [N] lui en avait attribué un (téléphone portable) pour l'avoir au téléphone facilement ....'.

Considérant que M. [N] n'a pu répondre témoignage anonyme figurant en page 18 du rapport d'enquête et qui ne peut fonder le licenciement litigieux .

Considérant que M. [N] conteste avoir reçu pour consigne de cesser toute relation avec Mme [R] ; que la lecture du rapport d'enquête ne permet pas de certitude à ce sujet, évoquant des' instructions données par oral par M [C] ' tandis que ce dernier fait état de ce qu'il s'était lui même assuré auprès de M. [Z] que M. [N] n'avait plus aucun accès à la zone SD ou travaillait Mme [R] ..... (juin 2008) ; qu'en tout état de cause, aucune interdiction de communiquer avec Mme [R] n'est affirmée et les courriels versés sont antérieurs à cette date, seul subsistant un SMS daté du 4 août 2008 aux termes duquel M. [N] se plaint de ce que Mme [R] ' lui avait raccroché au nez ';

Considérant que les messages versés indiquent une proximité amicale entre les deux personnes sur des années, M. [N] affichant quant à lui des sentiments amoureux dont il n'est pas établi qu'ils ont été rejetés par Mme [R] avant le mois d'août 2008, date à partir de laquelle M. [N] a cessé de communiquer avec cette dernière ; que la relation écrite des faits par la seule Mme [R] ne suffit pas à rendre M. [N] seul responsable de la proximité qui s'était installée entre eux ; que la cour note, qu'en dépit d'une durée importante (16 mois) et du nombre de salariés au sein des services dirigés par M. [N] (10 puis 20), l'enquête ne comporte pas de témoignages assez nombreux pour asseoir une information sérieuse et neutre;

Considérant qu'aucun document n'est produit au soutien d'une atteinte portée au bon fonctionnement du service dont M. [N] avait la charge, les attestations et évaluations versées étant au contraire très élogieuses ; qu'aucun trouble caractérisé dans l'entreprise n'est avéré, le lien entre le comportement de M. [N] et la dégradation de la santé de Mme [R] n'étant pas établi ; qu'à ce titre, le Dr [Q] - médecin du travail - a fait état de' deux êtres en détresse, fragiles et influençables que Mme ([R]) avait trouvé du réconfort auprès de M. ([N])',le manipulateur de l'histoire (étant) le mari qui cherchait une sortie juteuse pour sa femme de la société Thales ' .

Considérant que la société qui rappelle l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur notamment en cas de harcèlement moral, ne pouvait sanctionner M. [N] sans preuve suffisante d'un comportement déplacé et de relations contraintes ; que le licenciement litigieux ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

Considérant que M. [N] avait une ancienneté de 27 ans dans l'entreprise et n'a pas retrouvé d'emploi ; que la société Thales sera condamnée à lui verser la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Considérant que la société sera condamnée à verser à M. [N] la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Considérant que la société qui succombe supportera les dépens .

PAR CES MOTIFS,

La COUR, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 21 février 2013 et statuant à nouveau :

Dit le licenciement de M. [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Thales à payer à M. [N] les sommes de :

*150 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;

*3500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Thales aux dépens .

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Signé par Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, conseiller faisant fonction de président et par Madame Céline FARDIN, Greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01357
Date de la décision : 28/05/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°13/01357 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-28;13.01357 ?
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