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15/05/2014 | FRANCE | N°13/01840

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 mai 2014, 13/01840


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19ème chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MAI 2014



R.G. N° 13/01840



AFFAIRE :



[F] [E]



C/



SA BNP PARIBAS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 10/02005





Copies exécutoires délivrées

à :



Me Stéphanie CANDELA

la SCP SALANS ET ASSOCIÉS





Copies certifiées conformes délivrées à :



[F] [E]



SA BNP PARIBAS







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE MAI DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19ème chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2014

R.G. N° 13/01840

AFFAIRE :

[F] [E]

C/

SA BNP PARIBAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 10/02005

Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphanie CANDELA

la SCP SALANS ET ASSOCIÉS

Copies certifiées conformes délivrées à :

[F] [E]

SA BNP PARIBAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [E]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparant en personne, assisté de Me Stéphanie CANDELA, avocat au barreau de VAL DE MARNE

APPELANT

****************

SA BNP PARIBAS

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Carl Frédric SALANS de la SCP SALANS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : P 372) substituée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : C2338)

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean François CAMINADE, Président,

Mme Marie-Bénedicte MAIZY, Conseiller,

Madame Sophie MATHE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant lettre d'engagement en date du 5 juillet 2006, Monsieur [F] [E] a été embauché par la S.A. BNP PARIBAS en qualité de chargé d'affaire entrepreneur à compter du 24 juillet 2006, moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 3.040 euros par mois, les relations contractuelles entre les parties étant soumises à la convention collective nationale de la banque.

En 2009, Monsieur [F] [E] s'est présenté aux élections des délégués du personnel mais son nom ne figurait plus sur la liste des candidats au moment de l'élection.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 3 novembre 2009, Monsieur [F] [E] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 18 novembre 2009 et par lettre en date du 30 novembre 2009, adressée sous la même forme, il a été licencié pour insuffisance professionnelle.

Contestant les conditions de son licenciement, Monsieur [F] [E] a saisi le Conseil de Prud'hommes NANTERRE le 27 mai 2010 afin d'obtenir, selon le dernier état de sa demande :

À titre principal :

- la nullité du licenciement,

- sa réintégration,

- une indemnité de licenciement nul de 37.648,55 euros,

À titre subsidiaire,

- de dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de lui octroyer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 55.692 euros,

En tout état de cause,

- l'allocation de dommages-intérêts pour préjudice moral et professionnel de 15.000 euros,

- au titre de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 3.000 euros,

- avec exécution provisoire.

De son côté, la SA BNP PARIBAS a fait valoir que Monsieur [F] [E], à l'occasion de tous ses entretiens d'évaluation professionnelle, n'a jamais donné pleinement satisfaction et qu'après de nombreuses mises en garde, elle lui a écrit le 18 mars 2009 afin de lui donner une ultime chance d'améliorer ses résultats et prestations. Elle a ajouté que, malgré un accompagnement sérieux, l'évaluation professionnelle qui s'en est suivie le 2 octobre 2009 une absence d'amélioration et des performances limitées ont été mises en exergue, et c'est dans ces conditions qu'il a été envisagé de mettre un terme à cette relation avec Monsieur [F] [E], lequel sera convoqué à un entretien préalable à un licenciement le 18 novembre 2009 avant d'être licencié par courrier recommandé avec accusé de réception au motif d'une insuffisance professionnelle.

La SA BNP PARIBAS a demandé qu'il soit jugé que ce licenciement est parfaitement valable et fondé et qu'il est intervenu en dehors de tout contexte de discrimination ou harcèlement et de débouter Monsieur [F] [E] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 15 mars 2013, le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE a :

- Débouté Monsieur [F] [E] de ses demandes,

- Débouté la S.A. BNP PARIBAS de ses demandes reconventionnelles,

- Mis les dépens à la charge de Monsieur [F] [E].

La Cour est saisie d'un appel formé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 avril 2013 contre cette décision par Maître Stéphanie CANDELA, avocat au Barreau du Val-de-Marne, conseil de Monsieur [F] [E] ;

A l'audience du 11 mars 2014, l'appelant, Monsieur [F] [E], comparant en personne et assisté de son conseil, Maître Stéphanie CANDELA, avocate, a fait développer les moyens et arguments précédemment exposés dans ses écritures ;

Par dernières conclusions écrites, dites conclusions d'appelant n°2 déposées et visées par le greffe le jour même de l'audience, le 11 mars 2014, auxquelles la Cour se réfère expressément et soutenues oralement, l'appelant sollicite, au visa des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1235-4 du Code du travail, et des pièces versées aux débats, l'infirmation pure et simple du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande que, statuant à nouveau, il soit :

- déclaré recevable et bien fondé en son action,

À titre principal :

- constaté que les agissements par lui subis sont constitutifs de harcèlement moral,

- constaté qu'il a été victime de discrimination syndicale,

- dit que le licenciement intervenu est nul et de nul effet,

- ordonner sa réintégration au sein de la SA BNP PARIBAS,

- dit que cette réintégration devra s'effectuer :

* sur un poste similaire à celui précédemment occupé,

* moyennant une rémunération mensuelle identique,

* dans un service géographiquement proche de son domicile,

- prononcé la condamnation de la S.A. BNP PARIBAS à lui payer une indemnité corrélative de 72.326,34 €,

- dit que cette indemnité sera à parfaire jusqu'à sa réintégration définitive,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement,

- condamner la S.A. BNP PARIBAS à lui payer la somme de 55.692 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

À titre subsidiaire :

- constaté l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement intervenu,

- En conséquence, après infirmation dudit jugement, il soit prononcé la condamnation de la S.A. BNP PARIBAS à lui payer la somme de 55.692 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- prononcé la condamnation de la S.A. BNP PARIBAS à lui payer la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et professionnel,

- prononcé la condamnation de la SA BNP PARIBAS à lui verser une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de 3.000 €

- prononcé la condamnation de la S.A. BNP PARIBAS aux entiers dépens d'instance.

Il fait essentiellement valoir :

Que son licenciement est nul pour avoir subi des agissements discriminatoires à raison de son appartenance syndicale puisque juste avant les élections du 10 mars 2009 son nom a été retiré de la liste des candidats sans qu'apparemment personne au sein du SNB ne sache comment et pourquoi la liste a été ainsi modifiée, la hiérarchie directe étant intervenue pour une modification des listes au motif qu'y figurait un trop grand nombre de candidats,

Que c'est à compter de sa candidature aux élections des délégués du personnel, soit à compter de janvier 2009, que la dégradation des relations de travail va s'accentuer et qu'il va faire l'objet de la part de sa hiérarchie d'un véritable harcèlement moral se caractérisant par des reproches incessants et infondés, des ordres contradictoires, des dénigrements et autres pratiques managériales dégradantes,

Que des témoignages sont produits qui attestent de méthodes managériales plus que contestables qui ont pu toucher à divers moments plusieurs salariés du service, l'employeur ne pouvant uniquement se retrancher derrière son pouvoir de Direction pour tenter de justifier des actes répétés de harcèlement moral qui l'ont conduit à la dégradation rapide de son état de santé et compromettant son avenir professionnel avec même une demande d'assistance de la cellule psychologique,

Que quelque temps après des pressions ininterrompues se sont faites jour, notamment lors d'un entretien en date du 28 septembre 2009 où il s'est clairement vu proposer un 'départ négocié' sous menace d'une mesure de licenciement à venir, proposition pour laquelle il a été relancé par courriel du 6 octobre 2009,

Qu'il sollicite dont la rédintégration de plein droit au sein de la SA BNP PARIBAS compte tenu des agissements de celle-ci constitutifs de faits de harcèlement moral et/ou de discrimination syndicale en conséquence de ce licenciement nul et de nul effet, sans qu'il puisse être invoqué une quelconque 'impossibilité morale' avec indemnisation du préjudice subi soit en l'occurrence la somme de 72.326,34 €,

Qu'à titre subsidiaire, il est invoqué un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du fait que les faits reprochés dans la lettre de licenciement sont pour le moins vagues et imprécis en s'expliquant tour à tour sur les portefeuilles de clients par lui gérés, ou les résultats détaillés obtenus au cours du semestre précédant son licenciement,

Qu'il y a eu par ailleurs une violation de l'article 26 de la convention collective applicable en ce qu'en l'espèce la SA BNP PARIBAS n'a, à aucun moment recherché un reclassement de Monsieur [F] [E] sur un autre poste et ce, alors même qu'il en avait expressément fait la demande dès le mois de mars compte tenu des pressions excessives qu'il subissait de sa hiérarchie et des répercussions sur sa santé, ce qui rend manifestement nul un tel licenciement tel que l'a clairement reconnu la jurisprudence la plus récente, sans que la SA BNP PARIBAS puisse invoquer sans le justifier avoir recherché 'toutes solutions envisageables avant de licencier le salarié'.

Par dernières écritures déposées et visées par le greffe le 3 mars 2014, auxquelles la Cour se réfère expressément, soutenues oralement, l'intimée, la SA BNP PARIBAS, non comparante mais représentée par Maître Aurélie FOURNIER, avocate au Barreau de PARIS, conclut, au contraire, à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions en reprenant devant la Cour les moyens et arguments soutenus avec succès devant les premiers juges, en demandant qu'il soit jugé que le licenciement de Monsieur [F] [E] est parfaitement valable et fondé et qu'il intervient en dehors de tout contexte de discrimination ou de harcèlement et qu'en conséquence Monsieur [F] [E] doit être débouté de l'ensemble de ses demandes et doit être condamné au versement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir :

Que Monsieur [F] [E] n'a été victime d'aucun acte de discrimination syndicale puisque l'absence de sa candidature a été validée par la SNB, la SA BNP PARIBAS ne créant pas les listes, et qu'il n'a subi aucun harcèlement moral puisqu'il se contente d'invoquer des propos ou des brimades sans en apporter le moindre preuve, alors que des attestations ne sont pas rédigées dans termes de l'article 202 du Code de procédure civile ou ne mentionnent pas de date, les coupures de presse faisant état de deux suicides dans la S.A. BNP PARIBAS n'ayant rien à voir avec l'espèce, tandis que l'ordonnance médicale de son médecin traitant en date du 25 mars 2011 a été délivrée plus de deux ans après licenciement et n'est aucunement probante, alors que les délégués du personnel n'ont jamais été tenus informés de ces prétendus agissements,

Que le licenciement de Monsieur [F] [E] est parfaitement fondé en droit et en fait pour une insuffisance professionnelle patente et caractérisée dans l'exercice de ses fonctions par suite d'un manque d'efficacité commerciale, une mauvaise maîtrise des outils de son poste de travail, une faible capacité d'écoute et de réponse aux clients, de mauvaises relations avec les autres services, une absence de maîtrise des procédures internes et enfin une absence de traitement des SAFARI, alors qu'il n'a pas contesté les quatre entretiens d'évaluation antérieurs sur motifs différents, ce qui est d'autant moins acceptable qu'il a bénéficié d'importants soutiens, tant matériels qu'humaines de la part de la SA BNP PARIBAS,

Que sur l'argument tenant de la prétendue violation de l'article 26 de la convention collective de la banque, la SA BNP PARIBAS fait valoir qu'elle n'avait pas à lui proposer de poste de reclassement mais seulement considérer toutes solutions envisageables avant son licenciement, ce qu'elle a fait en lui apportant tout le soutien matériel et humain nécessaire conformément aux principes jurisprudentiels récemment dégagés,

Que la demande de réintégration est inconcevable en l'absence de nullité du licenciement alors qu'une 'impossibilité morale'' s'y oppose en l'état des accusations extrêmement graves portées par Monsieur [F] [E] à l'encontre de son ancien employeur rendant impossible et inenvisageable cette demande,

Que sur les dommages et intérêts réclamés pour prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral et professionnel, il est rappelé que Monsieur [F] [E], qui a déjà bénéficié de la somme de 11.960 euros à titre d'un out placement ne justifie d'aucun préjudice réel lui permettant de réclamer une indemnité équivalent à près de 24 mois de salaires.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions que les deux parties ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité du licenciement pour discrimination syndicale et ou harcèlement moral :

Attendu que Monsieur [F] [E] soutient que son licenciement serait entaché de nullité pour avoir été victime de discrimination syndicale de la part de son employeur et également de harcèlement moral ;

Attendu que, constitue une discrimination le fait d'opérer entre les salariés une distinction sur des motifs autre que la nécessité de l'emploi ou les qualités professionnelles du salarié, lequel dispose alors d'un recours devant le Juge auquel il doit présenter des éléments de fait pouvant laisser supposer l'existence d'une discrimination ;

Qu'à cet égard Monsieur [F] [E] fait tout d'abord valoir que son licenciement serait nul car intervenu en raison de sa candidature aux élections des délégués du personnel du 10 mars 2009 en ce que la banque BNP PARIBAS l'aurait retiré des listes des candidats ;

Mais attendu que selon le calendrier des élections daté du 7 janvier 2009, les listes de candidats devaient être déposées avant le 23 janvier 2009, à midi, aucune modification n'étant ensuite acceptée au-delà du 8 février 2009 ;

Que le Syndicat National de la Banque et du Crédit (SNB) a donc communiqué à la Direction une première liste sur laquelle apparaissait les noms de trois candidats dont Monsieur [F] [E] en tant que candidat suppléant alors que seuls deux sièges étaient à pourvoir ;

Que compte tenu que les listes ne peuvent comporter un nombre de candidats supérieur à celui des sièges à pourvoir, la Direction a ainsi du renvoyer cette liste erronée au SNB en l'invitant à lui faire parvenir une nouvelle liste valable en lui laissant toute latitude pour retenir les candidats titulaires et suppléments de son choix ;

Que c'est alors que le SNB a communiqué le 20 janvier 2009 une nouvelle liste dont Monsieur [F] [E] était exclu, liste qui a été prise en compte par la Direction ;

Qu'il en résulte donc que c'est bien le Syndicat National de la Banque et du Crédit qui a communiqué la liste, par le biais de son représentant local, laquelle liste après avoir été publiée n'a jamais alors été contestée, ni par ledit syndicat, ni même par Monsieur [F] [E] pourtant régulièrement informé des noms figurant sur la liste ainsi établie, lequel n'a même pas émis la moindre protestation ou réserve sur celle-ci ;

Que si erreur il y eut, celle-ci ne saurait être imputée à la Banque, mais seulement à un problème interne de communication des membres du SNB et dont celle-ci est totalement étrangère ;

Attendu qu'au regard de cette candidature, au demeurant manifestement erronée, de Monsieur [F] [E], qui aurait été adressée à la Banque par courriel en date du 21 janvier 2009, il en résulte que le licenciement de celui-ci n'ayant été prononcé que le 30 novembre 2009, le salarié, à supposer qu'il ait été en droit de bénéficier de la période légale de protection de six mois ayant commencé à courir à compter du 21 janvier 2009, force est de relever qu'elle s'est en l'occurrence achevée le 21 juillet 2009 ;

Qu'il en résulte qu'aucun comportement discriminatoire à raison de son appartenance syndicale n'est à constater de la part de la BNP PARIBAS à l'encontre de Monsieur [F] [E] ;

Attendu que par ailleurs Monsieur [F] [E] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur qui rendrait nul le licenciement dont il a fait l'objet ;

Attendu qu'à cet égard l'article L. l152-1 du Code du Travail dispose que 'Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel' ;

Qu'à ce titre, la jurisprudence la plus constante considère que le harcèlement moral procède d'un acharnement sur la personne du salarié de manière récurrente et sans justification, supposant ainsi un comportement à caractère répétitif et procédant d'agissements envers une personne durant une période assez importante et de manière suffisamment répétée ;

Qu'en revanche il ne saurait y avoir de harcèlement s'agissant de reproches et avertissements justifiés par des insuffisances professionnelles et le comportement du salarié, peu important alors l'état d'anxiété de celui-ci, ou encore de la manifestation par l'employeur de son mécontentement et de la formulation de reproches à l'encontre d'un salarié, le statut de cadre permettant même à l'employeur d'être plus exigeant en matière de charge de travail qu'avec les autres employés ;

Qu'il en résulte que la frontière telle que fixée par la jurisprudence entre l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir de direction, fut-il même autoritaire, et dès lors nécessairement mal ressenti par le salarié, et le harcèlement moral engageant alors sa responsabilité se situe dans la caractérisation de l'abus de pouvoir motivé par la volonté de 'briser', voire de 'casser' ledit salarié par une répétition d'actes malveillants tels qu'un manque de respect, une mise à l'écart ou bien même l'imposition de conditions de travail humiliantes ;

Attendu qu'en l'espèce, Monsieur [F] [E] se contente d'alléguer des propos sans en apporter la moindre preuve non plus que des faits imputables à son employeur pouvant laisser présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, les courriels produits de relance de sa hiérarchie ne faisant que démontrer son insuffisance professionnelle dénoncée et ne faisant que procéder du pouvoir de direction légitime et proportionné comme reposant sur un constat de carence dans l'exécution de ses fonctions sans être réellement caractéristiques d'une volonté délibérée d'acharnement ou de dénigrement à son encontre ;

Que les pièces et documents produits en cause d'appel sont tout aussi inopérants à cet égard comme soient n'étant pas conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, soient rédigées en termes génériques et imprécis, tandis que le certificat médical délivré près de deux années après le licenciement par le médecin traitant n'est aucunement probant pour ne pas pouvoir établir un moindre lien entre l'état de santé de Monsieur [F] [E] et ses conditions de travail au sein de la BNP PARIBAS ;

Que la main-courante datée du 23 décembre 2009, qui n'a été suivi d'aucun effet, n'est pas davantage probante alors que de son côté la BNP PARIBAS démontre qu'elle est très attachée au bien-être de ses salariés et qu'elle respecte scrupuleusement son obligation de sécurité de résultat à ce titre pour avoir signé avec les délégués syndicaux, notamment du SNB, et mis en place en 2010, s'inscrivant dans le cadre des dispositions de l'Accord National Interprofessionnel du 2 juillet 2008, étendu par arrêté du 23 avril 2009, un accord d'évaluation et de prévention du stress au travail, transposant ainsi en droit français un accord cadre européen sur le stress au travail français du 8 octobre 2004 qu'il vient ainsi compléter ;

Que force est également de constater que Monsieur [F] [E], qui prétend avoir été victime d'agissements procédant d'un harcèlement moral, n'a pas jugé utile d'alerter et d'attirer l'attention des représentants du personnel, de l'Inspection du Travail ou même de la Médecine du Travail sur sa prétendue situation personnelle de harcèlement moral, alors que par ailleurs le règlement intérieur rappelle expressément les mesures de prévention contre le harcèlement et les discriminations ;

Que même si Monsieur [F] [E] a sollicité par courriel le 3 novembre 2009 l'assistance de la cellule psychologique existant au sein de la BNP PARIBAS et s'il a pu être relevé un état d'anxiété et des crises d'angoisse nécessitant la prescription en urgence d'anxiolytiques, rien ne vient pour autant démontrer que cet état dépressif était directement lié à son travail ;

Que dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a, à juste titre, considéré que la demande de Monsieur [F] [E] est mal fondée de ce chef ;

Sur le licenciement de Monsieur [F] [E] :

Attendu que Monsieur [F] [E] soutient encore, et à titre subsidiaire, que son licenciement pour insuffisance professionnelle est nécessairement sans cause réelle et sérieuse aux motifs, d'une part, que les faits reprochés dans sa lettre de licenciement sont vagues et imprécis et que, d'autre part, et en toute hypothèse, la BNP PARIBAS n'a pas respecté les dispositions de la convention collective applicable, et tout particulièrement son article 26 ;

Attendu qu'aux termes de l'article 26 de la convention collective de la banque dans la rédaction alors applicable aux faits de la cause, il est disposé, en cas de licenciement pour motif non disciplinaire :

' Avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l'insuffisance résulte du'ne mauvaise adaptation de l'intéressé à ses fonctions.

Le licenciement pour motif non disciplinaire est fondé sur un motif objectif et établi d'insuffisance professionnelle.

Sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, l'état de santé d'un salarié ou son handicap ne peut en tant que tel constituer la cause justifiant le licenciement.' ;

Attendu qu'en présence d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la jurisprudence la plus récente considérant qu'il y a alors nécessairement inadaptation aux fonctions, impose au juge d'avoir à rechercher et 'vérifier si l'employeur peut justifier avoir considéré toutes solutions envisageables avant d'engager la procédure de licenciement' ;

Qu'à cet égard, la BNP PARIBAS se contente de répondre que, sans avoir à proposer à Monsieur [F] [E] un poste de reclassement, elle n'avait qu'à seulement 'considérer toutes solutions envisageables' avant son licenciement, ce qu'elle prétend avoir fait en lui apportant tout le soutien moral et humain nécessaire en rappelant que l'intéressé a fait preuve d'insuffisance professionnelle qui ne résultait pas d'une inadaptation à son poste puisque son profil et son expérience professionnelle de dix années lui permettaient justement la meilleurs adaptation possible à son poste ;

Mais attendu que, sans qu'il soit même besoin d'examiner la teneur et la réalité des griefs invoqués dans la lettre de licenciement de Monsieur [F] [E], force est de relever que la BNP PARIBAS, quoiqu'elle soutienne vainement le contraire, au cas d'un licenciement, comme en l'occurrence, pour motif non disciplinaire, ne peut justifier de manière réelle et effective avoir : 'considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l'insuffisance résulte d'une inadaptation de l'intéressé à ses fonctions' ;

Qu'en se contentant d'affirmer avoir apporté à son salarié 'tout le soutien moral et humain nécessaire' sans pour autant expliciter et justifier en quoi elle aurait conduit les recherches qu'elle prétend avoir menées en ce sens, ainsi que l'y obligeaient pourtant clairement les dispositions conventionnelles sus-visées, la BNP PARIBAS a violé les dispositions de l'article 26 de la convention collective de la banque rendant ainsi nécessairement sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [F] [E] ;

Que le jugement entrepris doit donc être réformé de ce chef ;

Sur le préjudice subi par Monsieur [F] [E] :

Attendu que sans qu'il puisse être fait droit à la demande mal fondée et en tout cas inappropriée de réintégration de Monsieur [F] [E] au sein de la BNP PARIBAS, il y a lieu, au regard de l'âge et de l'ancienneté du salarié de 3 ans et 8 mois au sein de l'organisme bancaire l'employant, de considérer que l'intéressé, qui bénéficiait en dernier lieu d'un salaire mensuel brut de 3.040 €, qui a déjà bénéficié volontairement d'un 'out placement' d'un montant de 11.960 € et qui a très rapidement retrouvé un emploi au sein de la société IN& FI Crédit Pro en qualité de Responsable de l'animation réseau avant d'être indemnisé par Pôle emploi pour la période du 15 juin 2010 au 31 juillet 2012, ne peut prétendre qu'à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 20.000 € ;

Attendu que sur le préjudice moral et professionnel dont Monsieur [F] [E] sollicite une réparation distincte par l'allocation d'une somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, il y a lieu de rejeter ce chef de demande mal fondé en considération du fait que les agissements dénoncés de discrimination syndicale et de harcèlement moral n'ont pas été admis ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés :

Attendu que Monsieur [F] [E] sollicite par ailleurs l'application des dispositions de l'article L. 1235-4 du Code du travail au titre des sommes versées pour l'ARE pendant toute cette période ;

Qu'en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail, il y a lieu en effet d'ordonner le remboursement par la BNP PARIBAS à Pôle Emploi des indemnités de chômage qu'il a versées le cas échéant à Monsieur [F] [E] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de six mois ;

Attendu qu'en définitive il y a lieu de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a, à tort, considéré que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [F] [E] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et le réformant de ce chef, et statuant à nouveau, il doit être constaté l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Monsieur [F] [E], et la BNP PARIBAS doit être condamnée verser à Monsieur [F] [E] la somme de 20.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [F] [E], du jour de son licenciement et dans la limite de six mois, avec débouté de l'appelant du surplus de ses demandes mal fondé ;

Attendu que l'équité commande qu'il soit fait en l'espèce application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile par l'allocation d'une somme de 3.000 € à Monsieur [F] [E] afin de compenser les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer dans la défense de ses droits;

Attendu que la BNP PARIBAS qui succombe doit supporter les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

REÇOIT Monsieur [F] [E] en son appel déclaré partiellement bien fondé,

CONFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de NANTERRE en date du 15 mars 2013 en ce qu'il a débouté Monsieur [F] [E] de sa demande d'annulation du licenciement pour discrimination syndicale et harcèlement moral et de réintégration au sein de la BNP PARIBAS,

LE RÉFORMANT pour le surplus, et statuant à nouveau,

DIT que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [F] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [F] [E] la somme de 20.000 € (vingt mille euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la BNP PARIBAS à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [F] [E] du jour de son licenciement et dans la limite de six mois,

CONDAMNE en outre la BNP PARIBAS à payer à Monsieur [F] [E] la somme de 3.000 € (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

DÉBOUTE Monsieur [F] [E] du surplus de ses demandes mal fondé,

CONDAMNE la BNP PARIBAS aux entiers dépens,

- Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Jean-François CAMINADE, président et par Monsieur Arnaud DERRIEN, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 13/01840
Date de la décision : 15/05/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°13/01840 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-15;13.01840 ?
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