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15/05/2014 | FRANCE | N°13/00610

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 15 mai 2014, 13/00610


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19ème chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MAI 2014



R.G. N° 13/00610



AFFAIRE :



[E] [P]



C/



SOCIÉTÉ ERDF GRDF - URE [Localité 1]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Commerce

N° RG : 11/00741




>Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS

Me Romain ZANNOU





Copies certifiées conformes délivrées à :



[E] [P]



SOCIÉTÉ ERDF GRDF - URE [Localité 1]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19ème chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2014

R.G. N° 13/00610

AFFAIRE :

[E] [P]

C/

SOCIÉTÉ ERDF GRDF - URE [Localité 1]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Décembre 2012 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Commerce

N° RG : 11/00741

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS

Me Romain ZANNOU

Copies certifiées conformes délivrées à :

[E] [P]

SOCIÉTÉ ERDF GRDF - URE [Localité 1]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant en personne, assisté de Me Rachel SAADA de la SELARL SAINT-MARTIN AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : W04)

APPELANT

****************

SOCIÉTÉ ERDF GRDF - URE [Localité 1]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparante en la personne de Madame Sophie BLOCK, Représentant légal, assistée de Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : J029)

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 11 Mars 2014, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean François CAMINADE, Président,

Mme Marie-Bénedicte MAIZY, Conseiller,

Madame Sophie MATHE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Monsieur [E] [P], admis en retraite en 2011, a été engagé par EDF, aujourd'hui ERDF, le 3 décembre 1984, en qualité de dessinateur. Il a évolué et a exercé diverses fonctions au sein de l'entreprise. Dans le dernier état de son emploi, Monsieur [E] [P] était chargé d'affaires et de projets GF08 (GF : Groupe Fonctionnel) NR95 (NR : Niveau de Rémunération).

Considérant que le principe 'À travail égal, salaire égal' n'a pas été appliqué, Monsieur [E] [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES le 12 juillet 2011 afin d'obtenir la condamnation de la société ERDF GRDF URE [Localité 1] au paiement de la somme de 107.360 € à titre de dommages et intérêts (dommages et intérêts différence de salaire 67.200 € - incidence retraite 20.160 € - préjudice moral 20.000 €) et de celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [E] [P] a fait valoir qu'au soutien de sa demande et en vue de présenter des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, il versait aux débats divers états établis par ses soins et par lesquels il constatait principalement :

- une progression de carrière plus lente que celle de ses collègues comme résultant d'un avancement non conforme aux règles en vigueur dans l'entreprise,

- un niveau de rémunération inférieur à celui de ses collègues et qui n'est justifié ni par son ancienneté, ni par son expérience professionnelle, ni par ses performances.

Monsieur [E] [P] en a conclu à la violation par ERDF du principe général 'À travail égal, salaire égal', tandis que l'absence d'éléments objectifs, pertinents et vérifiables qu'il incombe à l'employeur d'apporter, ne permet pas de justifier la différence de traitement ainsi mise en évidence. Monsieur [E] [P] a donc évalué sa perte de salaire par la méthode dite du 'triangle' appliquée sur la période 1995-2011 à 67.200 € (soit un écart mensuel de 600 € x 14 mois x 16 années / 2), majorée de 30% pour tenir compte de l'incidence de la perte subie sur la retraite (soit 20.160 €) et a estimé son préjudice à 20.000 €

De son côté, l'employeur, la société ERDF, s'est opposé à l'ensemble des prétentions de Monsieur [E] [P] et a contesté les préjudices allégués en répondant aux multiples sollicitations de Monsieur [E] [P] que l'efficience du salarié était insuffisante alors que les affaires dont il avait la charge étaient simples, que le volume d'activité et la complexité des tâches qu'il assurait, ne correspondaient pas à ce qui était attendu d'un agent de son groupe fonctionnel et qu'en conséquence il ne pouvait prétendre accéder à un groupe fonctionnel supérieur à celui auquel il était rattaché.

L'employeur a encore fait observer que le principe 'À travail égal, salaire égal' s'applique aux salariés placés dans une situation identique et que cette condition n'est pas satisfaite dans l'espèce et a rappelé enfin que c'est seulement si le salarié présente des éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ou d'une différence de traitement, qu'il reviendra au défendeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute inégalité de traitement. Or il apparaît que Monsieur [E] [P] procède par voie de comparaisons générales et se limite à verser des tableaux listant des agents, dont on ignore en particulier les fonctions ou les qualifications, et que dès lors, il n'est alors nullement démontré que ces agents exercent des fonctions identiques à celles de Monsieur [E] [P], ni qu'ils sont placés dans des situations identiques.

Dans ces conditions, ERDF a demandé de débouter Monsieur [E] [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et de le condamner à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement en date du 11 décembre 2012, le Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES a :

- Débouté Monsieur [E] [P] de l'intégralité de ses demandes,

- Débouté la société ERDF de sa demande reconventionnelle,

- Placé les éventuels dépens à la charge de la partie demanderesse, Monsieur [E] [P].

La Cour est régulièrement saisie d'un appel formé par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 29 janvier 2013 contre cette décision en toutes ses dispositions par Monsieur [E] [P] ;

À l'audience du 11 mars 2014, l'appelant, Monsieur [E] [P], comparant en personne et assisté de son conseil, Maître Rachel SAADA, avocate au Barreau de PARIS, a fait développer les moyens et arguments précédemment exposés dans ses écritures ;

Par dernières conclusions écrites déposées et visées par le greffe le jour même de l'audience, le 11 mars 2014, auxquelles la Cour se réfère expressément et soutenues oralement, l'appelant sollicite, au visa des articles L. 2261-22, L. 2271-1 et L. 1221-1 du Code du travail, des décisions de jurisprudence citées, l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande que, statuant à nouveau, la société ERDF GRDF URE [Localité 1] soit condamnée à lui payer les sommes de :

- 35.298 € au titre de rappels de salaire pour manquement au principe 'À travail égal, salaire égal',

- 3.530 € au titre de congés payés afférents,

- 3.530 € au titre de la prime d'intéressement,

- 84.240 € au titre du préjudice de retraite résultant du non respect par l'employeur du principe 'À travail égal, salaire égal',

- 20.000 € au titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et au titre du préjudice moral,

- 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- et de dire que toutes les condamnations non salariales s'entendent nettes de CSG CRDS et de toute cotisation sociale,

- et de condamner la société ERDF GRDF aux dépens.

Il fait essentiellement valoir :

Qu'il fournit de nombreux éléments de faits qui, analysés au regard de sa rémunération dérisoire au sein d'ERDF, sont de nature à laisser présumer une atteinte au principe d'égalité de traitement, alors que la société ERDF n'apporte aucune explication sérieuse et objective susceptible de justifier le traitement particulièrement misérable dont il a fait l'objet,

Que se comparant à Monsieur [T] [Z], salarié disposant du même travail, de la même ancienneté, de la même qualification et de la même formation, il fait valoir que celui-ci disposait en 2011 d'une classification nettement supérieure à la sienne groupe fonctionnel (GF) 9 pour un niveau de rémunération (NR) 130, soit 2.699,05 € alors que lui-même percevait en 2011 une rémunération mensuelle de base de 2.283,63 €, soit 415,42 € inférieure à celle de Monsieur [T] [Z],

Que de même, il démontre que des salariés 'chargés d'affaires' disposant de qualités professionnelles inférieures aux siennes ont néanmoins bénéficié d'une évolution plus favorable en termes de positionnement et de salaires,

Qu'il ne peut être invoqué des différences de traitement par le lieu à raison du principe 'À travail égal salaire égal' et alors qu'il n'est pas démontré que les conditions de rémunération différentes ont été négociées au niveau des établissements de l'URE [Localité 1] et l'URE [Localité 2],

Qu'au vu de ses performances 'normales', l'employeur ne peut prétendre justifier la différence de traitement dont il a fait l'objet en expliquant que l'agent n°7 faisait l'objet 'd'excellents entretiens',

Que s'il n'est pas contesté que l'employeur conserve une part de discrétion dans la gestion de son entreprise, encore faut-il que soit respecté le principe : 'À travail égal , salaire égal' les cinq courriels produits, dont deux sont postérieurs à son départ, ne suffisant pas à justifier la différence de traitement de Monsieur [E] [P], alors que la simple affirmation d'un travail médiocre ne saurait suffire à justifier une différence de traitement sans l'étayer par des éléments objectifs tenant à la différence de traitement fourni, tandis que l'analyse des courriels démontre des contradictions dans les déclarations de son supérieur Monsieur [K] qui formule des récriminations qu'une fois Monsieur [E] [P] parti de l'entreprise, lequel a même du refuser de signer son entretien annuel de 2010,

Que les simples allégations ou affirmations de la prétendue insuffisance professionnelle de Monsieur [E] [P] doivent être jugées insusceptibles de justifier une atteinte au principe : 'À travail égal, salaire égal',

Que sur la réparation par l'employeur du préjudice résultant du manquement au principe 'À travail égal, salaire égal', Monsieur [E] [P] sollicite, dans la limite de la prescription quinquennale des salaires, la réparation du préjudice salarial subi entre juillet 2006 et juillet 2011, en proposant divers calculs lui permettant de réclamer la somme de 35.298 €, outre celle de 84.240 € au titre de la réparation du préjudice de retraite, y ajoutant celle de 20.000 € en réparation du préjudice moral subi par une exécution déloyale du contrat de travail pendant seize années.

Par dernières écritures déposées et visées par le greffe le 7 mars 2014, auxquelles la Cour se réfère expressément, soutenues oralement, les intimées, la société SA ÉLECTRICITÉ RÉSEAU DISTRIBUTION de FRANCE (ERDF) et la société SA GAZ RÉSEAU DISTRIBUTION de FRANCE (GRDF) représentées par Madame [Y] [W], représentant légal, assistées de Maître Romain ZANNOU, avocat au Barreau de PARIS, concluent, au contraire, au visa des articles L. 1134-1 et L. 1331-1 du Code du travail, ensemble les articles 6 et 9 du Code de procédure civile, de la jurisprudence citée, des conclusions et pièces versées aux débats, à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions en reprenant devant la Cour les moyens et arguments soutenus avec succès devant les premiers juges, en demandant qu'il soit jugé qu'elles sont bien fondées en leurs prétentions et que Monsieur [E] [P], étant infondé en ses prétentions et n'apportant pas la preuve d'éléments susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, doit être débouté de celles-ci et doit être condamné au versement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elles font essentiellement valoir :

Qu'ayant au départ sollicité leur condamnation sur le fondement d'une prétendue discrimination Monsieur [E] [P] prétend à présent à l'existence d'une prétendue inégalité de traitement qui n'est pas davantage démontrée conformément aux exigences légales et jurisprudentielles alors même ses insuffisances professionnelles n'auraient pas permis à la société l'employant de lui faire bénéficier d'une évolution professionnelle différente,

Que les comparaisons faites commandant de manier des données à caractère personnel ne pouvant être divulguées, la société ERDF a considéré qu'il y avait lieu de les anonymiser dans des tableaux versés et concernant 43 agents dénommés tout en conservant la confidentialité des données personnelles et en permettant un débat sur la base des éléments,

Que Monsieur [E] [P] n'apportant pas le moindre élément s'agissant de prétentions concernant une discrimination, se limite à prétendre en cause d'appel à un traitement inégal, encore qu'à travers ses écritures en page 14 il reconnaisse, selon la partie intimée, que les éléments de comparaison qu'il fournit : 'ne peuvent suffire à établir un manquement de l'employeur au principe 'À travail égal, salaire égal',

Que sur la prétendue inégalité de traitement, les sociétés ERDF GRDF font valoir que celle-ci n'est aucunement établie conformément aux prescriptions légales et jurisprudentielles supposant un processus de comparaison entre les salariés qui ne saurait être aléatoire mais devant d'établir sur la base de fonctions réellement exercées par le salarié, alors qu'il n'y a pas de droit acquis à telle ou telle évolution de carrière, et qu'aucune comparaison ne peut être faite avec Monsieur [Z] qui a eu une formation différente et qui exerçait des fonctions et des responsabilités différentes,

Que Monsieur [E] [P] présente une nouvelle comparaison tronquée pour se comparer aux agents N°27, 30,18, 20, 7, 10 et 12 en rappelant que tout passage d'une groupe fonctionnel (GF) à un autre plus élevé est appelé promotion et doit traduire une acquisition de compétences nouvelles comme étant subordonnée non seulement à une performance continue, mais aussi au franchissement d'un seuil de professionnalisme qui atteste d'une évolution objective des compétences de l'agent, et donc d'un certain niveau de maîtrise des activités de son emploi,

Qu'en reconnaissant dans ces écritures que : 'Ces comparaisons sont certes insusceptibles de caractériser à elles seules des éléments de fait laissant supposer une atteinte au principe 'À travail égal, salaire égal' Monsieur [E] [P] a sous forme d'aveu judiciaire, au sens de l'article 1356 du Code civil, admis que les éléments qu'il produisait aux débats ne sont pas de nature à étayer ses prétentions,

Que Monsieur [E] [P] ne présente aucun élément précis et pertinent susceptible de caractériser une inégalité de traitement et n'apporte pas davantage la preuve de ce que les salariés avec lesquels il se compare exerçaient réellement des fonctions identiques,

Que de plus, Monsieur [E] [P] a eu une évolution de carrière parfaitement justifiée étant rappelé que la promotion d'un salarié dépend du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur, alors qu'au cas particulier Monsieur [E] [P] n'a pas fait l'objet de l'évolution qu'il a souhaitée parce qu'il a fait preuve d'aptitudes insuffisantes, ainsi que le démontrent les entretiens annuels de 2007 et 2009, les courriels de Monsieur [K] mettant en avant les insuffisances du salarié, ainsi que les courriels de relance,

Que des éléments objectifs soutiennent la position des sociétés intimées comme la possession d'un diplôme justifiant de connaissances spécifiques, une ancienneté et des expériences antérieures distinctes, des qualités professionnelles différentes, alors qu'il ressort sans ambiguïté que Monsieur [E] [P] ne possédait pas les qualités nécessaires pour remplir des fonctions supérieures d'agent de maîtrise pour avoir fait preuve d'un manque de professionnalisme et de compétence indéniable justifiant et motivant à lui seul son niveau d'avancement par stricte et exacte application des accords internes,

Que les demandes formées par l'appelant étant infondées, elles ont dû organiser leur défense, ce qui justifie leur demande reconventionnelle de condamnation de Monsieur [E] [P] à leur payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la Cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions que les deux parties ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu qu'il y a tout d'abord lieu de constater que l'appelant, Monsieur [E] [P], qui, en première instance invoquait indifféremment les termes de 'discrimination' et 'd'inégalité de traitement', dont les notions sont parfaitement distinctes, puisque la première interdit toute différenciation fondée sur des critères illicites, alors que le principe d'égalité de traitement prohibe de traiter différemment des personnes se trouvant la même situation, ne se fonde plus, en cause d'appel, que sur ce qui constitue, selon lui, une inégalité de traitement en violation du principe : 'À travail égal, salaire égal' ;

Attendu que le principe d'égalité de traitement, qui est consacré par la jurisprudence au visa des articles L. 2261-22 et L. 2271-1, ainsi que de l'article L. 1121-1 du Code du travail disposant :

'Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché',

il est de principe de droit que cette règle impérative d'égalité n'est toutefois pas incompatible avec des différences de rémunérations, comprenant non seulement le salaire de base proprement dit, mais également tous ses accessoires, dès lors qu'elles sont justifiées par la situation particulière des salariés 'avantagés', ou par des éléments objectifs et non discriminatoires ;

Attendu que la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation a étendu, de manière autonome, à l'égalité de traitement le régime probatoire de la discrimination, tel que prévu à l'article L. 1134-1 du Code du travail disposant :

'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.' ;

Attendu qu'il en résulte nécessairement que tout salarié, qui se prétend victime d'une discrimination ou, comme en l'occurrence, d'une inégalité de traitement dans sa rémunération, doit, au préalable, pour bénéficier du renversement de la charge de la preuve, faire état, par tous moyens, d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination ou d'une différence de rémunération ;

Qu'à cet égard, par sa décision n°2001-455 relative à la loi de modernisation sociale, le Conseil constitutionnel a bien rappelé que : 'les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse instaurées par les dispositions critiquées ne sauraient dispenser celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle la décision prise à son égard constituerait une discrimination...' ;

Que dès lors, c'est seulement si le salarié établit l'existence de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination ou d'une différence de traitement qu'il reviendra à la partie adverse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute inégalité de traitement, et, à défaut de cette preuve ainsi apportée, le salarié doit être débouté de ses demandes ;

Attendu que le principe invoqué de 'À travail égal, salaire égal' s'appliquant assurément à tous les salariés placés dans une situation identique, seul un processus de comparaison peut alors être conduite entre salariés appartenant à la même entreprise, occupés sous un statut unique, dont le travail exige des connaissances professionnelles comparables consacrés par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, des capacités découlant de l'expérience acquise, ainsi que l'accomplissement de tâches similaires en termes de responsabilité et de charges physiques ou nerveuses ;

Que la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation a exigé que cette comparaison doit donc s'établir sur la base de fonctions réellement exercées par le salarié, étant même ajouté à cet égard que la qualification conventionnelle ne permet pas de considérer que les salariés concernés sont placés dans une situation identique eu égard à la spécificité de leur domaine d'intervention, aux responsabilités exercées, à leur large autonomie de jugement et d'initiative dans l'exercice de leurs fonctions, tandis que la Cour de justice de l'Union européenne a précisé qu'il importe de vérifier, si compte tenu d'un faisceau d'éléments factuels, telles que la nature des activités effectivement confiées à chacun des travailleurs, les conditions de formation exigées pour leur exercice et les conditions de travail dans lesquelles ces activités sont en réalité effectuées ;

Attendu qu'il convient tout d'abord de relever qu'aucun texte applicable au sein des sociétés SA ERDF et SA GRDF ne prévoit l'attribution d'un avancement ou d'une promotion de façon systématique, puisque l'évolution de carrière dépend de plusieurs éléments, tels que les emplois disponibles, les compétences démontrées par le salarié et son souhait personnel d'évoluer, ou non, vers tel ou tel poste ;

Qu'à cet égard, force est déjà de constater que Monsieur [E] [P] n'a manifesté son souhait d'évoluer en occupant d'autres fonctions pour lesquelles il aurait eu les aptitudes requises qu'à la fin de l'année 1990, date à laquelle il avait présenté sa candidature pour occuper l'emploi de dessinateur, poste pour lequel, au demeurant, il a été retenu ;

Qu'après cela, Monsieur [E] [P] a exercé ses fonctions de chargé d'affaires et a souhaité demeurer dans cet emploi, de sorte qu'il est d'ores et déjà mal fondé à se plaindre d'une absence d'évolution de rémunération sans évolution de fonctions ;

Attendu que Monsieur [E] [P] invoque, de première part, sa comparaison avec Monsieur [T] [Z], chargé d'affaires comme lui, disposant du même travail, de la même ancienneté, de la même qualification et de la même formation, classé en 2011 au groupe fonctionnel (GF) 9 pour un niveau de rémunération (NR) 130 lui faisant ainsi percevoir une rémunération mensuelle de base supérieure à la sienne de 415,52 €, ce qui démontre ainsi clairement, et selon lui, une violation du principe 'À travail égal, salaire égal' ;

Mais attendu que cette comparaison n'est pas pertinente dans la mesure où, s'agissant des formations, Monsieur [E] [P] est diplômé d'un CAP carrosserie tandis que Monsieur [T] [Z] est titulaire d'un CAP électrotechnique et d'un BEP d'électricien, qui lui permettait ainsi de vraisemblablement mieux appréhender ses fonctions dans son cadre professionnel ;

Que par ailleurs, Monsieur [T] [Z] a pour sa part sollicité des formations spécifiques adaptées aux nouvelles fonctions qu'il souhaitait occuper, tel un cursus de 'perfectionnement' dans ses domaine d'activité qui lui ont permis d'être plus efficient et de connaître une évolution de carrière différente de celle de Monsieur [E] [P], sans que celui-ci puisse utilement prétendre que ces formations ne pouvaient lui être d'aucune utilité au regard de ses fonctions exercées ;

Que de plus, Monsieur [T] [Z], s'est davantage perfectionné en continuant jusqu'à démontrer une maîtrise certaine de son emploi lui permettant en 2011 d'accéder au poste de 'chargé d'affaires Senior' suite à un appel de candidatures, tandis que Monsieur [E] [P] a continué l'exercice de ses fonctions, sans nullement chercher à acquérir des compétences nouvelles là où Monsieur [T] [Z] cherchait sans cesse à se perfectionner pour évoluer et occuper de nouvelles fonctions ;

Qu'enfin, c'est à tort que Monsieur [E] [P] prétend qu'il a eu un parcours en tout point identique à celui de Monsieur [T] [Z] alors qu'ils ont tous deux été embauchés à des fonctions différentes et que leur évolution de carrières respectives retracées en détails démontre qu'elles ont été bien différentes, leur différence de classification, et, corrélativement de rémunération, s'expliquant dès cette période par le fait que tous deux exerçaient des fonctions réelles et des responsabilités effectives bien différentes, la classification dont a bénéficié Monsieur [T] [Z] étant seulement la récompense pour la reconnaissance du professionnalisme dont il a fait preuve dans l'exercice de ses fonctions et en cherchant à donner pleine satisfaction afin d'évoluer, ce dont ne peut exciper Monsieur [E] [P] ;

Que dès lors, il convient de considérer que la comparaison que fait Monsieur [E] [P] avec Monsieur [T] [Z] n'est pas pertinente et n'est donc pas fondée ;

Attendu que Monsieur [E] [P], qui prétend, en cause d'appel, avoir pris des précautions méthodologiques afin d'assurer une comparaison valable, fait valoir que tous les salariés évoqués et cités par lui comme anonymisés sous les numéros 27, 30, 20, 7 10 et 12, bénéficient bien du même classement en plage G lequel intègre les emplois relevant des groupes fonctionnels (GF) 7, 8 et 9 ;

Mais attendu que le classement en tel ou tel groupe fonctionnel et niveau de rémunération résulte de l'appréciation du professionnalisme du salarié et des compétences par lui démontrées dans son emploi, et notamment dans des fonctions différentes, tout avancement correspondant au passage à l'intérieur même du groupe fonctionnel au niveau de rémunération immédiatement supérieur et qui est lié au choix comme destiné à valoriser la reconnaissance du professionnalisme des agents au regard des compétences et des qualités de travail démontrées dans l'emploi occupé ; Que le passage d'un groupe fonctionnel à un autre plus élevé est une 'promotion' devant traduire une acquisition de compétences nouvelles subordonnée, non seulement à une performance continue, mais aussi au franchissement d'un seuil de professionnalisme qui atteste d'une évolution objective des compétences de l'agent, et donc d'un certain niveau de maîtrise des activités de son emploi ;

Que les éléments fournis par la SA ERDF et SA GRDF démontrent que s'agissant des agents n°27, 30, 18, 20, 7, 10 et 12 Monsieur [E] [P] est mal venu à prétendre au bénéfice du niveau de rémunération acquis par ces salariés alors qu'ils ont exercé des fonctions différentes, avec des parcours professionnels bien différents démontrant au surplus pour chacun d'eux une parfaite maîtrise de leurs fonctions, avec des avancements au choix en raison, tant de leur professionnalisme démontré dans l'exercice de leurs fonctions, que de leur comportement régulier, positif, sérieux, rigoureux avec un bon esprit d'équipe ;

Attendu que dès lors Monsieur [E] [P] n'apporte pas la preuve suffisante de ce que les agents par lui listés avec lesquels il se compare exerçaient réellement des fonctions identiques, soit qu'il invoque des qualifications différentes comme celle de 'chargés d'affaires Senior' et celle de 'chargés d'affaires' soit qu'il croit pouvoir se comparer à des salariés chargés d'affaires disposant de diplômes supérieurs, ou bénéficiant d'une ancienneté supérieure, voire même d'appréciations particulièrement favorables et très élogieuses, justifiant de manière parfaitement objective, un déroulement de carrière plus avantageux, tels les agents n°7, 9, 10, 11, 12 et 13 ;

Attendu qu'il doit être également rappelé que toute promotion au choix dans des fonctions supérieures d'un salarié dépend du pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur qui prend alors en compte les aptitudes ou capacités du salarié, ou encore son comportement professionnel ;

Qu'il revient donc à l'employeur de décider, après consultation de la Commission Secondaire du Personnel (CSP) constituée de façon paritaire de représentants du personnel et de représentants de la Direction, compte tenu des capacités professionnelles de son salarié, de lui accorder ou de lui refuser, une évolution professionnelle favorable, alors surtout qu'au sein de la société SA ERDF la décision de faire évoluer un agent à un niveau de rémunération (NR) supérieur dépend de l'appréciation du professionnalisme c'est à dire de ses qualités et aptitudes professionnelles ;

Qu'en l'occurrence, et quoi qu'il soutienne le contraire, il résulte des éléments du dossier que, si Monsieur [E] [P] n'a pas fait l'objet de l'évolution qu'il a souhaitée, c'est aussi et parce qu'il n'a pas fait preuve d'aptitudes suffisantes, ainsi que le démontrent les relevés d'entretiens annuels de 2007 et 2009, les courriels de relance de Monsieur [H] des mois de novembre et décembre 2009 et de décembre 2010 par lesquels il était réclamé à Monsieur [E] [P] les tâches qu'il devait effectuer, mais également les mesures d'accompagnement dont il pouvait bénéficier en cas de difficultés, tous éléments démontrant de manière patente et sans la moindre ambiguïté, que celui-ci ne possédait pas les qualités requises pour remplir des fonctions supérieures d'agent de maîtrise ;

Attendu qu'en définitive, les éléments de comparaison, tels qu'invoqués par Monsieur [E] [P], ne démontrent pas l'existence de faits précis et suffisamment concordants pouvant laisser supposer l'existence d'une différence de traitement, de nature à enfreindre la règle 'À travail égal, salaire égal', ainsi qu'au demeurant celui-ci n'a pas manqué de le reconnaître à travers ses propres écritures lorsque, de son propre chef, il affirme que : 'Ces comparaisons sont certes insusceptibles de caractériser à elles seules des éléments de fait laissant supposer une atteinte au principe 'À travail égal, salaire égal', mais elles permettent d'étayer les éléments évoquées ci-dessus' ajoutant même : 'Si elles [ces courbes et tableaux] ne peuvent suffire à établir un manquement de l'employeur au principe 'À travail égal, salaire égal', elles permettent d'illustrer le traitement particulier dont Monsieur [P] faisait l'objet au sein de son service ingénierie' ;

Attendu qu'il convient en conséquence de relever que Monsieur [E] [P], n'apportant pas la preuve de l'existence de faits matériels précis et concordants pouvant laisser supposer, voire de caractériser, l'existence d'une inégalité de traitement, est mal fondé en toutes ses prétentions, tant au titre de la différence de traitement, qu'à celui ayant trait à une prétendue différence de salaire aucunement démontrée, ou bien à celui relatif à une incidence sur la retraite qui n'est pas davantage établie, non plus que le prétendu préjudice moral allégué ;

Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que Monsieur [E] [P] n'était pas fondé en ses demandes et l'ont débouté de l'intégralité de celles-ci, le jugement entrepris devant dès lors être confirmé en toutes ses dispositions par motifs propres et adoption des motifs non contraires ;

Attendu que l'équité commande qu'il soit fait en l'espèce application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en allouant à la SA ERDF et à la SA GRDF la somme globale de 3.000 € afin de compenser les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'exposer en cause d'appel dans la défense de leurs droits ;

Attendu que Monsieur [E] [P] qui succombe doit supporter les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, et par décision contradictoire,

DÉBOUTE Monsieur [E] [P] de son appel mal fondé, et de toutes ses demandes, fins et conclusions tout autant mal fondées,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES en date du 11 décembre 2012,

CONDAMNE Monsieur [E] [P] à payer à la SA ERDF et à la SA GRDF la somme globale de 3.000 € (trois mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [E] [P] aux entiers dépens,

- Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Monsieur Jean-François CAMINADE, président et par Monsieur Arnaud DERRIEN, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 13/00610
Date de la décision : 15/05/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°13/00610 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-15;13.00610 ?
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