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15/05/2014 | FRANCE | N°12/04170

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 15 mai 2014, 12/04170


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 MAI 2014



R.G. N° 12/04170

MAB/AZ



AFFAIRE :



[X] [I]





C/

EURL MICHAEL PAGE INGENIEURS ET INFORMATIQUE VENANT AUX DROITS DE LA STE MICHAEL PAGE INFORMATIQUE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

S

ection : Encadrement

N° RG : 09/00608





Copies exécutoires délivrées à :



Me Céline MAZOUZ-KOSKAS

Me Laurent TIXIER





Copies certifiées conformes délivrées à :



[X] [I]



EURL MICHAEL PAGE INGENIEURS ET INFORMATIQUE VENANT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 MAI 2014

R.G. N° 12/04170

MAB/AZ

AFFAIRE :

[X] [I]

C/

EURL MICHAEL PAGE INGENIEURS ET INFORMATIQUE VENANT AUX DROITS DE LA STE MICHAEL PAGE INFORMATIQUE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 09/00608

Copies exécutoires délivrées à :

Me Céline MAZOUZ-KOSKAS

Me Laurent TIXIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

[X] [I]

EURL MICHAEL PAGE INGENIEURS ET INFORMATIQUE VENANT AUX DROITS DE LA STE MICHAEL PAGE INFORMATIQUE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE MAI DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [I]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Céline MAZOUZ-KOSKAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1919

APPELANT

****************

EURL MICHAEL PAGE INGENIEURS ET INFORMATIQUE VENANT AUX DROITS DE LA STE MICHAEL PAGE INFORMATIQUE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Laurent TIXIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0071

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée du 24 mai 2004, M. [X] [I] a été embauché à compter du 1er juin suivant par la société Michael Page informatique aux droits de laquelle est la société Michael Page ingénieurs et informatique, en qualité de consultant, statut cadre, coefficient 115, position 2.1.

Le 17 août 2004, la période d'essai initiale de M. [I], qui expirait le 1er septembre 2004, a été prolongée jusqu'au 1er décembre 2004.

Les relations contractuelles au sein de la société qui comptait au moins onze salariés étaient soumises à la convention collective du personnel des bureaux d'étude technique et des cabinets d'ingénieurs conseils dite Syntec .

A compter du 1er janvier 2007, M. [I] a commencé à occuper les fonctions de manager et il était en charge à compter de la fin de l'année 2007 de l'activité free-lance au sein de la société qui précise que cette activité consiste à mettre en relation des entreprises à la recherche d'un prestataire de services avec des 'free-lance' susceptibles de réaliser la prestation.

Plusieurs courriers et messages électroniques ont été échangés entre le salarié et son employeur au cours des mois de janvier et février 2009.

M. [I] a été en arrêt de travail pour maladie du 19 janvier au 23 janvier 2009, prolongé jusqu'au 30 janvier suivant ; il a de nouveau été arrêté du 4 au 6 février 2009.

Par requête reçue au greffe le 27 février 2009, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre notamment d'une demande de résolution judiciaire de son contrat de travail, le salarié évoquant dans sa saisine initiale le harcèlement dont il s'estimait l'objet.

La société a signé l'avis de réception de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Nanterre le 2 mars 2009.

Par courrier remis en main propre le 10 mars 2009, la société a convoqué M. [I] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 18 mars suivant et lui a notifié une mise à pied conservatoire immédiate.

Par courrier recommandé du 27 mars 2009, elle a licencié M. [I] pour motif personnel.

Par lettre du 15 avril 2009, M. [I] a contesté ce licenciement.

En dernier lieu, devant le bureau de jugement du 9 novembre 2010, le salarié qui n'avait pas maintenu sa demande de résolution judiciaire dans ses écritures, demandait au conseil, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

* annuler la mise à pied conservatoire qui lui avait été notifiée le 10 mars 2009,

* juger que son licenciement est abusif, sans cause réelle et sérieuse et qu'il a été précédé d'un harcèlement qui lui a causé des préjudices financiers, moraux et de carrière,

* condamner en conséquence la société à lui verser les sommes suivantes :

- 67 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse constituant une rupture abusive du contrat de travail,

- 67 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement,

- 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral et de carrière,

- 56 euros au titre des tickets restaurant prélevés sur sa fiche de paie de mars 2009 mais qui ne lui ont pas été remis,

- 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

le salarié sollicitant également les intérêts légaux.

La société concluait au débouté du salarié et sollicitait le rejet des pièces produites par M. [I] et non numérotées.

Par jugement du 25 janvier 2011, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

- rejeté la demande de la société tendant à écarter des pièces,

- condamné M. [I] aux dépens.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée dont le salarié a signé l'avis de réception le 16 février 2011.

M. [I] a régulièrement relevé appel de la décision par déclaration au greffe en date du 9 mars 2011, étant précisé que l'appelant a changé de conseil en appel.

Le dossier a été radié à l'audience du 7 septembre 2012.

Le 24 septembre 2012, le conseil du salarié a sollicité la réinscription de l'affaire au rôle.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 18 novembre 2013, date à laquelle la cour a mis dans le débat le fait que dans la lettre de licenciement, en page 6 -2ème paragraphe, il est reproché au salarié d'avoir accusé son employeur de harcèlement moral et le moyen tiré de l'application des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail, au regard notamment des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation (arrêts du 10 mars 2009 pourvoi 07 44092 et du 25 septembre 2012 pourvoi 11 18352).

L'examen de l'affaire a été renvoyé au 17 février 2014 afin de permettre aux parties de conclure.

Dans ses dernières écritures, M. [X] [I], représenté par son conseil, demande à la cour de :

* infirmer le jugement dont appel,

* à titre principal,

- juger que le licenciement dont il a fait l'objet est nul, le salarié exposant notamment que c'est la dénonciation de bonne foi des faits de harcèlement moral dont il a été victime qui est à l'origine de son licenciement,

- condamner la société à lui verser 67 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

* à titre subsidiaire,

- juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser 67 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* en tout état de cause,

- condamner la société à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, la société Michael Page ingénieurs et informatique, représentée par son conseil, demande à la cour de :

* juger que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse,

* confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 25 janvier 2011,

* débouter M. [I] de toutes ses demandes,

* le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant du moyen mis dans le débat par la cour, la société intimée fait valoir que :

- la lettre de licenciement ne reproche nullement à M. [I] d'avoir dénoncé des faits de harcèlement moral,

- M. [I] a dénoncé de façon mensongère des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de déstabiliser l'entreprise et M. [P], son supérieur hiérarchique.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

MOTIFS :

Sur le licenciement de M. [I] :

La lettre de licenciement adressée à M. [I] et datée du 27 mars 2009 débute en ces termes :

'Comme nous avons eu l'occasion de vous l'exposer lors de notre entretien du 16 mars dernier en présence de [A] [M], directrice juridique, et de Monsieur [L] [G], conseiller du salarié, malgré les trésors de patience que nous avons déployés à votre égard, il n'est plus possible de tolérer votre comportement et ce d'autant qu'il impacte très défavorablement l'exécution de votre travail et le bon fonctionnement de notre cabinet.

Depuis plusieurs semaines, vous vous êtes en effet ostensiblement placé dans une position systématique de rupture vis à vis de votre hiérarchie directe et vous êtes enfermé depuis le mois de janvier 2009 dans une attitude tendant à remettre systématiquement en cause votre hiérarchie, contester toutes ses décisions et plus généralement vous opposer à la stratégie de notre société, dans le but évident de servir un futur dossier contentieux contre notre société.

Pour ce faire, vous n'avez pas hésité à nous accabler de tous les maux et nous avez systématiquement poussés, [C] [P] et moi-même, dans nos ultimes retranchements après nous avoir adressé des correspondances parsemées de faits sans corrélation avec la réalité.'

Cette lettre se poursuit ensuite sur plus de quatre pages, dans lesquelles l'employeur fait un exposé chronologique des faits reprochés à son salarié à compter du mois de janvier 2009 et elle se termine par les paragraphes suivants :

'Je ne peux que regretter le dernier courrier électronique que vous nous avez adressé avant hier nous accusant de nouveau de ' harcèlement' au motif que nous ne vous aurions pas encore signifié notre décision et nous mettant en demeure de le faire... Ainsi que je vous l'ai indiqué au cours de l'entretien, un tel conflit et une telle attitude de la part d'un collaborateur est pour moi une situation pour le moins inédite et il me paraît légitime d'avoir pris quelques jours de réflexions à l'issue de l'entretien préalable.

Bien que nous pensons que vous avez dépassé depuis trop longtemps les limites de ce qui peut être admissible, nous avons toutefois décidé de ne pas prononcer de faute grave à votre encontre, et vous notifions ce jour votre licenciement pour cause réelle et sérieuse', les derniers paragraphes de le lettre de licenciement étant relatifs aux modalités pratiques de la rupture.

Aux termes de l'article L 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; l'article L 1152-3 du même code prévoit que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L 1152-1 et L 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Il se déduit de ces textes que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis.

Ces textes sont d'ordre public et leur application a été relevée d'office par la cour saisie de l'examen du licenciement de M. [I] ; les parties se sont expliquées contradictoirement sur ce moyen.

M. [I] a conclu à la nullité de son licenciement en exposant que sa convocation à l'entretien préalable du 18 mars 2009 puis son licenciement sanctionnent clairement la dénonciation des faits de harcèlement moral tels qu'il les a évoqués notamment dans ses écrits du 18 janvier, du 18 février puis du 6 mars 2009 après avoir saisi le conseil d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail en rapport avec ces faits de harcèlement ; il conteste toute mauvaise foi dans la dénonciation de ces faits, le salarié soulignant également que la seule circonstance que les faits dénoncés ne soient pas établis ne suffit pas à prouver l'existence de la mauvaise foi alléguée par son employeur.

La société intimée s'oppose à toute nullité du licenciement en exposant que la lettre de licenciement ne sanctionne pas la dénonciation des faits de harcèlement moral dès lors que la rupture repose sur des 'griefs objectifs', à savoir d'une part l'insubordination caractérisée par le refus du salarié d'exécuter les consignes données par sa hiérarchie et la remise en cause de son autorité et d'autre part, l'adoption d'un comportement agressif à l'égard de M. [C] [P], supérieur du salarié, caractérisant une mésentente grave.

La société ajoute que M. [I] est de mauvaise foi et qu'il ne peut prétendre avoir été victime de harcèlement moral sur un délai particulièrement court puisqu'entre la mi janvier et la mi mars 2009, il a été en arrêt de maladie du 19 au 30 janvier 2009 et du 4 au 6 février 2009 puis que du 14 février au 1er mars 2009, M. [P], auquel M. [I] impute le harcèlement moral dont il se prétend victime, a été en vacances et absent de l'entreprise.

Elle soutient que les faits dénoncés par le salarié à l'appui du harcèlement moral invoqué sont mensongers et que ce dernier, au moyen de correspondances destinées à alimenter son dossier prud'homal, a en réalité tenté de faire pression sur son employeur pour que celui-ci cède à sa demande d'augmentation salariale.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige survenu dans l'exécution du contrat de travail est une pièce décisive de la procédure de licenciement où l'employeur mentionne l'ensemble des griefs qu'il reproche à son salarié.

Il est constant que pour justifier le licenciement de M. [I], la société intimée invoque notamment, dans la lettre de licenciement, 'l'attitude d'insubordination' du salarié refusant d'appliquer les consignes ,'doublée d'un comportement très agressif' ; elle reproche aussi à son salarié, non seulement après l'entretien préalable à son licenciement mais également avant, d'avoir dénoncé des faits de harcèlement moral puisque la lettre de licenciement précitée regrette que le salarié ait 'de nouveau' accusé la société de harcèlement moral.

Cette remarque, mentionnée dans la lettre de licenciement, vient nécessairement à l'appui de la décision de l'employeur de rompre le contrat de travail et des griefs reprochés au salarié.

Il convient de relever que depuis le mois de janvier 2009 le salarié s'est plaint de faits pouvant être analysés comme laissant présumer un harcèlement moral .

Ainsi,

- postérieurement à l'entretien d'évaluation qui a eu lieu le 16 janvier 2009, M. [I], dans un compte- rendu envoyé par lettre recommandée à son N+2, M. [U] [W], s'est plaint d'insultes dont il soutient avoir été victime de la part de son supérieur direct, le salarié expliquant qu'il avait également été évoqué au cours de cet entretien qu'il ne pourrait lui être accordé d'augmentation de salaire comme il en avait été envisagé la possibilité lors de sa précédente évaluation,

- par mail du 18 février 2009, le salarié, qui avait repris son activité le 6 février 2009 après un arrêt de maladie du 19 au 30 janvier puis du 4 au 6 février 2009, s'est plaint de nouveau de l'attitude de son supérieur à M. [W] en invoquant différentes difficultés dont il s'estimait victime,

- enfin par mail du 6 mars 2009, M. [I] qui répondait à son supérieur a débuté ainsi son message : 'J'ai bien compris votre stratégie qui consiste par des comportements ou critiques à me déstabiliser pour me pousser à la faute ou à la démission. Je déplore ces agissements irrespectueux et oppressants mais regrette encore plus que toi, [U], la personne vers qui je me suis tourné afin de trouver une issue positive à ce conflit avec [C], tente par un email mensonger de justifier ses manoeuvres de déstabilisation qui ne sont ni plus ni moins que du harcèlement'.

La société intimée qui a répondu, par l'intermédiaire du N+2 de M. [I], M. [W], aux écrits précités de son salarié en contestant les difficultés alléguées par ce dernier tout en concédant néanmoins que lors de l'entretien du 16 janvier M. [P] avait eu 'un échange un peu vif' avec M. [I] et avait 'tenu une phrase dépassant sa pensée', a fait, dans la lettre de licenciement un état chronologique tant des faits que des courriers échangés entre les parties ; elle y a analysé en ces termes le dernier mail de M. [I] du 6 mars, dans lequel il dénonçait le harcèlement moral dont il s'estimait l'objet : ' Le 6 mars suivant, persévérant dans votre logique, vous avez répondu à mon dernier courrier électronique par des propos extrêmes, alors que vous concentriez jusqu'ici votre ressentiment contre [C] [P].

C'est dans ce contexte contentieux et compte tenu du dérapage flagrant de vos écrits, que j'ai été contraint de vous convoquer le 10 mars à un entretien le 18 mars dernier et de vous signifier une mise à pied conservatoire immédiate jusqu'à la prise d'une décision à votre égard'.

Il ne peut dès lors être sérieusement contesté par l'intimée le lien entre la dénonciation des faits de harcèlement moral et la procédure de rupture entreprise à l'encontre de son salarié, étant de surcroît rappelé que la société a accusé réception le 2 mars 2009 de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Nanterre à l'initiative du salarié, convocation rappelant les demandes du salarié et notamment celle relative à 'la résolution judiciaire du contrat de travail-harcèlement'.

Il est donc établi que l'employeur, pour prendre sa décision de rompre le contrat de travail, a notamment fait grief au salarié d'avoir dénoncé des faits de harcèlement moral .

S'agissant de la mauvaise foi opposée au salarié, il doit être rappelé qu'elle ne peut se déduire de l'absence de preuve des faits dénoncés et il est donc sans utilité d'examiner si sont établis les faits dénoncés par le salarié pouvant laisser ou non présumer l'existence d'un harcèlement moral, le conseil du salarié ayant souligné à l'audience la particulière difficulté à faire la preuve de tels faits.

Il sera simplement précisé à cet égard que la circonstance que les faits dénoncés par le salarié se soient déroulés sur peu de temps ne peut permettre d'affirmer que le harcèlement moral était inexistant dès lors que le texte a pour seul exigence qu'il soit caractérisé des faits répétés, c'est à dire au moins deux faits, sans autre condition de temps.

Enfin, il n'est pas établi que le salarié ait dénoncé des faits qu'il savait faux alors même qu'il ressort des écrits échangés entre les parties qu'il y a évoqué des faits dont la réalité n'a pas été contestée par l'employeur comme par exemple l'absence d'augmentation salariale, la décision de ne plus embaucher une stagiaire, pour l' équipe de M. [I], alors qu'il avait été pris une décision contraire dans un premier temps ou la décision d'offrir à tous les consultants la possibilité de traiter les demandes de contrats à durée déterminée alors qu'auparavant c'était M. [I] et sa collègue qui s'en occupaient ; si l'employeur soutient que ces décisions s'expliquent objectivement, en dehors de tout harcèlement moral, ceci ne permet pas en tout état de cause d'en conclure que le salarié était de mauvaise foi quand il s'est plaint de ces différents faits.

Par conséquent, en application des textes précités, le licenciement de M. [I] ne peut qu'être jugé nul ; le jugement qui a débouté ce dernier de l'intégralité de ses demandes et qui a considéré que son licenciement était bien fondé sera infirmé.

Sur les conséquences pécuniaires de l'annulation du licenciement :

Au vu de l'attestation destinée à l'Assedic produite sous la pièce 74 du salarié, la rémunération mensuelle moyenne de M. [I] doit être évaluée à la somme de 5 755 euros brute, sur la base des salaires fixes et des primes qu'il a perçus pendant les douze derniers mois de l'exécution de son contrat de travail.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement, dont le montant doit être au moins égal à celui prévu par L. 1235-3 du code du travail, soit un montant égal aux salaires bruts qu'il a perçus pendant les six derniers mois, soit en l'espèce la somme de 34 530 euros.

Lors de la rupture de son contrat de travail, M. [I] qui avait 29 ans, avait une ancienneté de quatre ans et neuf mois au sein de la société ; il justifie qu'il n'a perçu que des indemnités de chômage du 24 août 2009 au 30 septembre 2010 à hauteur d'une somme mensuelle moyenne de 2 877 euros, étant confirmé par son expert-comptable qu'en octobre 2010 il ne percevait aucun salaire de la société qu'il avait créée.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et des conditions de la rupture, il lui sera alloué, en réparation du préjudice matériel et moral consécutif à la rupture de son contrat de travail, la somme de 40 000 euros.

Sur les autres demandes :

La condamnation de nature indemnitaire portera intérêts à compter du présent arrêt.

Les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sont remplies à l'égard de M. [I] auquel il sera alloué la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel.

La société intimée, condamnée en paiement, sera déboutée de sa demande à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 25 janvier 2011 et statuant à nouveau :

Annule le licenciement de M. [X] [I],

Condamne la société Michael Page ingénieurs et informatique à payer à M. [X] [I] :

* la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

* la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Michael Page ingénieurs et informatique de sa demande tendant au rejet des pièces communiquées par M. [I],

Y ajoutant :

Déboute la société Michael Page ingénieurs et informatique de sa demande au titre des frais de procédure devant la cour,

Condamne la société Michael Page ingénieurs et informatique aux dépens.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Marie- Noëlle ROBERT, président et par Mme Claudine AUBERT, greffier.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 12/04170
Date de la décision : 15/05/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°12/04170 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-05-15;12.04170 ?
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