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10/04/2014 | FRANCE | N°12/04370

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 10 avril 2014, 12/04370


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89D

EW

5ème Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 AVRIL 2014



R.G. N° 12/04370



AFFAIRE :



SARL RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES





C/

[N] [V]



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'EURE ET LOIR





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES

N° RG : 67062





Co

pies exécutoires délivrées à :



SCP DALLE CHABOCHE PASQUET



SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'EURE ET LOIR



Copies certifiées conformes délivrées à :



SARL RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES



[N] ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89D

EW

5ème Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 AVRIL 2014

R.G. N° 12/04370

AFFAIRE :

SARL RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES

C/

[N] [V]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'EURE ET LOIR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2012 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES

N° RG : 67062

Copies exécutoires délivrées à :

SCP DALLE CHABOCHE PASQUET

SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'EURE ET LOIR

Copies certifiées conformes délivrées à :

SARL RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES

[N] [V]

TASS d'EURE ET LOIR

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Perrine CHABOCHE de la SCP DALLE CHABOCHE PASQUET, avocat au barreau de CHARTRES

APPELANTE

****************

Madame [N] [V]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Sandra RENDA de la SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET, avocat au barreau de CHARTRES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE D'EURE ET LOIR

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Mme [O] en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de président,

Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Hélène AVON,

EXPOSE DU LITIGE

Madame [N] [V] a été embauchée par la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES, en qualité d'auxiliaire de vie puis garde de nuit par contrat à durée indéterminée du 17 juillet 1996.

Le 15 octobre 2009, elle a fait une déclaration d'accident du travail survenu le 14 novembre 2007 dans laquelle il était mentionné qu'elle avait fait l'objet d'arrêts de travail en raison du harcèlement de son employeur, harcèlement confirmé par un jugement du conseil de prud'hommes de CHARTRES en date du 27 juillet 2009.

Le caractère professionnel de l'accident a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir le 5 janvier 2010.

La société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES ayant contesté l'opposabilité à son égard de la décision de la caisse, la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir a rejeté implicitement cette demande d'inopposabilité de la société.

La société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure et Loir par requête du 26 décembre 2010 d'un recours contre cette décision implicite.

Parallèlement, faute de conciliation devant la caisse primaire d'assurance maladie le 7 avril 2010, Madame [N] [V] a saisi le même tribunal par une requête du 28 mai 2010 aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur, la majoration de la rente au taux maximum et d'ordonner une expertise médicale avant dire droit sur les préjudices.

Les deux instances ont été jointes par décision du 4 février 2011.

Par jugement du 31 août 2012, le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure et Loir a :

- déclaré opposable à la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir de prendre en charge l'accident de Madame [N] [V] en date du 14 novembre 2007 au titre de la législation professionnelle,

- dit que l'accident du 14 novembre 2007 était constitutif d'une faute inexcusable de l'employeur, la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES,

- ordonné avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de Madame [N] [V] une expertise médicale qui a été confiée au Docteur [X] [K],

- rejeté toutes les autres demandes principales et accessoires,

- déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir,

- condamné la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES à payer à Madame [N] [V] la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,

- et dit que l'affaire serait appelée à la première audience utile après le dépôt du rapport d'expertise.

Le 16 octobre 2012, la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui a été notifiée le 19 septembre 2012.

Par conclusions transmises le 9 décembre 2013 et soutenues oralement à l'audience, la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES demande à la cour de:

- à titre principal sur la demande d'inopposabilité, constater que l'accident dont fait état Madame [N] [V] ne revêt pas les conditions pour être qualifié d'accident du travail, en conséquence, la recevoir en sa demande de se voir déclarer inopposable la décision de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir reconnaissant le caractère professionnel de l'accident du 14 novembre 2007 et en tirer les conséquences de droit relatives aux taux des cotisations et de prise en charge des frais relatifs à l'accident du travail qui ne pourront être mis à la charge de l'employeur,

- sur la faute inexcusable, constater que la caractère professionnel n'est pas démontré, en conséquence, dire qu'il ne peut y avoir de faute inexcusable de l'employeur,

- subsidiairement, constater que l'employeur n'a pu avoir conscience du danger auquel était exposé Madame [N] [V], constater que l'employeur avait pris des mesures afin de satisfaire à son obligation de veiller à la santé psychique des salariés, constater que le lien de causalité entre les manquements de l'employeur, s'ils étaient avérés, et la lésion subie par Madame [N] [V] n'est pas démontré,

- en conséquence, dire que la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES n'a pas commis de faute inexcusable,

- débouter Madame [N] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- déclarer l'arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie de CHARTRES,

- condamner Madame [N] [V] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par conclusions transmises le 6 décembre 2013 et soutenues oralement à l'audience, Madame [N] [V] demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 31 août 2012 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Chartres, de condamner la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de déclarer la décision opposable à la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir.

Par observation écrites transmises le 13 mars 2014 et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir demande à la cour :

- de confirmer le jugement déféré,

- déclarer opposable à la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES la décision de prise en charge en accident du travail dont a bénéficié Madame [N] [V] pour les faits médicalement constatés le 14 novembre 2007,

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte s'agissant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de Madame [N] [V] et statuer aux fins de droit,

- dire que la caisse avancera les sommes allouées à Madame [N] [V] à l'exclusion des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sommes qu'elle récupérera ensuite auprès de la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES,

- condamner la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES à lui rembourser le montant des frais d'expertise éventuellement mis à sa charge.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, ainsi qu'aux explications/prétentions orales complémentaires rappelées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION

- Sur l'accident survenu le 14 novembre 2007

Considérant que selon des dispositions des articles L. 411-1 et R.441-2 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ;

Que l'accident doit donc trouver sa cause directe et immédiate dans le travail;

Qu'il en résulte une présomption d'imputabilité qui ne peut être combattue que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail;

Considérant que la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES expose que Madame [N] [V] a été élue déléguée du personnel suppléante le 7 novembre 2009, qu'elle a été sanctionnée disciplinairement pour divers manquements graves dans l'exercice de ses fonctions commis en novembre 2006, en avril 2007, et encore dans la nuit du 11 au 12 novembre 2007 sur un résident qu'elle a voulu coucher de force, lui causant des hématomes, faits qui ont nécessité la conduite d'une enquête interne puis une nouvelle procédure disciplinaire, que dans le cadre de cette enquête, l'infirmière coordonnatrice l'a appelée le 12 novembre 2007 à son domicile, que cet appel qui n'était qu'une simple discussion, ne pouvait être la cause d'un quelconque choc émotionnel constaté deux jours plus tard alors que la salariée ne se trouvait pas sur son lieu de travail ni soumise à l'autorité de son employeur lors de cette conversation téléphonique;

Qu'elle relève que sur demande de la caisse, Madame [N] [V] a transmis le 16 décembre 2009 un certificat médical daté du 7 octobre 2009 lequel est vague et ne démontre aucunement le lien direct entre l'appel téléphonique reçu par elle le 12 novembre 2007 et son état dépressif et qu'en outre, il y a trois versions différentes de l'arrêt de travail initial du 14 novembre 2007;

Considérant que Madame [N] [V] fait valoir que depuis qu'elle a été engagée par la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES le 17 juillet 1996 en qualité d'auxiliaire de vie travaillant de nuit et jusqu'à son élection comme déléguée du personnel suppléant, elle n'a jamais fait l'objet du moindre avertissement de son employeur, que cependant à partir de son élection le 7 novembre 2006, elle a fait l'objet d'un acharnement disciplinaire de sa direction et de mesures vexatoires qui ont eu pour effet d'altérer son état de santé et qui étaient manifestement en lien avec ses activités syndicales et qui caractérisaient un harcèlement discriminatoire, jusqu'au 21 avril 2009, date de son licenciement pour inaptitude à tout poste dans l'entreprise;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie observe que le fait accidentel dont a été victime Madame [N] [V] se situe le 12 novembre 2007, jour où elle a reçu un appel téléphonique, à son domicile mais en lien avec son travail, de l'infirmière coordinatrice qui lui demandait des explications sur un constat d'hématome fait le même jour sur un résident, que cet appel lui a provoqué un choc émotionnel lorsqu'elle a compris qu'elle repartait pour subir de nouvelles accusations et pressions de sa direction; qu'ainsi la définition de l'accident du travail élargie par la cour de cassation s'applique au cas présent;

Considérant qu'en l'espèce, il ressort clairement des pièces du dossier que dans le contexte d'un harcèlement moral dont a été victime Madame [N] [V] depuis qu'elle a été élue déléguée du personnel au sein de la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES en novembre 2006, harcèlement largement décrit par les juges prud'homaux puis par la cour d'appel dans son arrêt du 24 mai 2011 et dont la réalité est définitivement reconnue, la salariée a fini par faire l'objet d'un arrêt de travail initial le 14 novembre 2007 (pièce 2 de la caisse) pour un 'syndrome dépressif réactionnel', arrêt de travail qui s'est prolongé jusqu'au 21 avril 2008 et qui a donné lieu à un double avis d'inaptitude du médecin du travail et au licenciement de l'intéressée pour inaptitude ;

Qu'au vu de la déclaration d'accident du travail de Madame [N] [V] en date du 15 octobre 2009, effectuée dans le délai de prescription de deux ans, postérieurement au jugement du conseil de prud'hommes de CHARTRES du 22 juillet 2009, la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir a effectué une enquête afin de se prononcer sur la caractère de l'accident du travail déclaré par la salariée;

Qu'il en ressort (pièce 3) notamment que le fait marquant décrit par Madame [N] [V] se situe le 12 novembre 2007 suite à l'appel téléphonique passé au domicile de la salariée par Madame [M], infirmière coordinatrice, qui cherchait à la questionner sur l'incident qui s'était produit durant la nuit du 11 au 12 novembre 2007 avec un résident qui refusait de se coucher et qui aurait été victime de maltraitance (pièces 65 à 67 de la société);

Que la réalité de cet appel téléphonique n'est pas contestée par Madame [M] qui a été entendue par l'enquêteur (document 8 de la pièce 3) ;

Qu'il est établi par l'audition de Madame [N] [V] dans le cadre de l'enquête de la caisse et par la lésion psychique constatée par le médecin traitant aussi bien dans son arrêt de travail initial que dans les certificats médicaux des14 novembre 2007 et 7 octobre 2009 - peu important qu'il y ait plusieurs versions du volet 3 destiné à l'employeur - que cet appel téléphonique a déclenché chez la salariée 'un état de choc intense' qui l'a empêchée de reprendre le travail le 14 novembre 2007, tant était vif son sentiment que l'acharnement dont elle faisait déjà l'objet de la part de son employeur allait reprendre une fois encore, puisqu'elle dit : 'J'ai compris que je repartais pour subir de nouvelles accusations et pressions de ma direction' ;

Qu'ainsi, cet appel téléphonique, même s'il a été passé au domicile de la salariée et pendant un jour de congé, constitue un accident du travail dès lors qu'il s'est produit par le fait de son travail et qu'il présente un lien de causalité direct avec le syndrome dépressif réactionnel qui a justifié l'arrêt de travail consécutif du 14 novembre 2007 ;

Qu'enfin, la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES ne rapporte pas la preuve que le syndrome dépressif dont a été brutalement atteinte Madame [N] [V] à compter du 14 novembre 2007 provenait d'une cause totalement étrangère au travail;

Que dans ces conditions, la décision de prise en charge de ce fait accidentel au titre de la législation professionnelle par la caisse est parfaitement fondée et doit être déclarée opposable à la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES: que la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale doit donc être confirmée à cet égard;

- Sur la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur :

Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver;

Considérant que l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droits ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies dans les articles suivants et notamment une majoration de la rente allouée à la victime;

Considérant que la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES fait valoir à cet égard que non seulement elle ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposée Madame [N] [V] mais encore, la société avait pris toutes les dispositions pour préserver sa salariée; qu'elle relève que cette dernière n'avait jamais montré de quelconque signe de faiblesse psychologique à son travail, adoptant au contraire une attitude combative, qu'elle avait déjà été contactée téléphoniquement antérieurement pour s'expliquer sur des faits semblables, qu'il était normal que suite aux déclarations faites par le résident, Monsieur [H], l'avis de Madame [N] [V] soit recueilli afin de faire le jour sur cet incident qui pouvait être constitutif d'une maltraitance grave d'une personne vulnérable, que l'appel téléphonique ne participait aucunement à une volonté délibérée de déstabilisation de la salariée et s'inscrivait également dans le cadre d'une politique de prévention de la maltraitance et des procédures applicables que Madame [N] [V] connaissait bien; qu'enfin, elle estime qu'il n'existe aucun lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés si tant est qu'il y en ait, et l'accident de Madame [N] [V] qui n'a jamais daigné suivre les formations proposées régulièrement pour aider le personnel à gérer les situations difficiles, d'angoisse et de stress au travail afférentes à des incidents avec les résidents;

Considérant que Madame [N] [V] réplique que ses arrêts maladie ont été provoqués par les agissements persistants de son employeur qui n'a pas pris les dispositions nécessaires pour préserver sa sécurité et sa santé et a manqué à son obligation de sécurité de résultat;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que l'appel téléphonique passé au domicile de la salariée qui constitue l'accident du travail du 12 novembre 2007 s'inscrit dans un processus de faits successifs de harcèlement qui ont débuté dès le mois de novembre 2006 et qui ont notamment été constitués de plusieurs tentatives de licenciement, de reproches répétés et infondés, de sanctions injustifiées voire de manoeuvres déloyales (prise de photographie à son insu ou affichage d'une lettre de plainte de la famille d'une résidente), tous commis par l'employeur; que celui-ci, désavoué plusieurs fois par l'inspection du travail et ayant même reçu une pétition des résidents venus s'indigner d'une sanction prononcée à l'égard des deux gardes de nuit (pièce 9), ne peut soutenir sérieusement qu'il ignorait que par son comportement, il mettait en danger ou pouvait mettre en danger la santé et la sécurité de sa salariée ; que peu importe que celle-ci n'ait pas manifesté plus tôt de signe d'épuisement psychologique;

Que si la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES a mis en oeuvre une procédure pour protéger les résidents de faits de maltraitance et favoriser leur bientraitance, ce qui est parfaitement légitime, aucune mesure concrète destinée à détecter et traiter les risques d'épuisement moral du personnel et plus particulièrement de Madame [N] [V] n'est évoquée ni a fortiori démontrée, les nombreux documents produits par la société ne visant presque exclusivement que le bien être des résidents (pièces 46 et suivantes) et de façon marginale la santé psychique ou physique des soignants, et dans ce cas, de façon générale, théorique ou expérimentale ; qu'il s'en suit que rien n'a été fait pour prévenir ou mettre un terme au harcèlement moral dont la salariée a été victime de la part de son employeur;

Qu'en conséquence, l'accident du travail survenu le 14 novembre 2007 à Madame [N] [V] résulte de la faute inexcusable de l'employeur, la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES; que le jugement déféré sera confirmé à cet égard, y compris en ce qu'il a ordonné avant dire droit une expertise médicale pour évaluer les différents préjudices;

- Sur les autres demandes

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande de Madame [N] [V] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de totale de 1500 euros comprenant les frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel et de confirmer à cet égard le jugement de première instance qui lui a octroyé la somme de 2000 euros ;

Que la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES sera déboutée de la demande qu'elle forme à ce titre;

Considérant qu'il convient dans l'attente du rapport d'expertise de réserver les autres demandes y compris celles de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie d'Eure et Loir ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure et Loir le 31 août 2012;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES à payer à Madame [N] [V] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais par elle exposés en cause d'appel;

DEBOUTE la société RESIDENCE LE PARC SAINT CHARLES de la demande qu'elle forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

RENVOIE l'affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociales d'Eure et Loir pour fixation des préjudices complémentaires;

RESERVE les autres demandes y compris celles de la caisse primaire d'assurance maladie d'Eure et Loir;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller faisant fonction de président et par Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 12/04370
Date de la décision : 10/04/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°12/04370 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-10;12.04370 ?
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