COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
17ème chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 02 AVRIL 2014 prorogé au 09 avril 2014
R.G. N° 12/02756
AFFAIRE :
[N] [A]
C/
[B] [C]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Mai 2012 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de MONTMORENCY
Section : Industrie
N° RG : F 10/00945
Copies exécutoires délivrées à :
Me Magali HENON
la SCP SOUFI/SOUFI
Copies certifiées conformes délivrées à :
[N] [A]
[B] [C]
le : 10 avril 2014
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [A]
Exerçant sous l'enseigne 'CHAUFFAGE EXPANSION'
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Magali HENON, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 157
APPELANT SUR LE PRINCIPAL
INTIME SUR L'APPEL INCIDENT
****************
Monsieur [B] [C]
Le Potin
[Localité 1]
comparant en personne, assisté de Me Marie-claude SOUFI de la SCP SOUFI/SOUFI, avocat au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 47
INTIME SUR LE PRINCIPAL
APPPELANT SUR L'APPEL INCIDENT
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 06 Février 2014, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Isabelle LACABARATS, Président,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC
Vu le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Montmorency du 3 mai 2012 qui a :
- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [N] [A], en sa qualité d'exploitant de l'enseigne CHAUFFAGE EXPANSION, à verser à M. [B] [C] les sommes suivantes :
* 3 211,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 321,18 euros au titre des congés payés y afférents,
* 4 504,56 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation,
- condamné M. [A], ès qualités, aux entiers dépens,
- débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
- débouté M. [N] [A], ès qualités, de ses demandes à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
Vu la déclaration d'appel adressée au greffe le 8 juin 2012 et les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour M. [N] [A], personne physique inscrite au répertoire des métiers, exploitant l'établissement ayant pour nom commercial CHAUFFAGE EXPANSION, qui demande à la cour, infirmant le jugement, de :
- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes,
- de le condamner au paiement de la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts,
à titre infiniment subsidiaire,
- constater qu'il ne justifie d'aucun préjudice,
en tout état de cause,
- le condamner au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour M. [B] [C] qui entend voir :
- confirmer les mentions du jugement entrepris relatives à l'indemnité de préavis, à l'indemnité conventionnelle de licenciement et à l'article 700 du code de procédure civile,
- l'infirmer pour le surplus,
en conséquence
- juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamner M. [A] à lui payer la somme de 19 270,92 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- le condamner à lui payer 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour, ainsi qu'aux entiers dépens,
LA COUR,
Considérant que par contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 7 avril 1994, M. [B] [C] a été engagé, en qualité de technicien, par M. [A], père de l'actuel exploitant de l'enseigne CHAUFFAGE EXPANSION ;
Qu'en dernier lieu sa rémunération mensuelle était de 1 605,91 euros bruts pour 108,25 heures ;
Que le 7 juin 2010, M. [C] a reçu un avertissement pour une intervention chez une cliente du 26 avril 2010, pour le remplacement d'une plaque de connexion hydraulique d'une chaudière, qualifié de 'sommet d'incompétence' et de 'travail inqualifiable' ;
Que convoqué le 10 septembre 2010 à un entretien préalable fixé au 21 septembre, M. [C] a été licencié pour faute grave, par courrier en date du 28 septembre 2010 ainsi libellé :
'(...) Au cours de l'entretien préalable en date du 21 septembre 2010, je vous ai demandé de vous expliquer sur les agissements dont vous avez été l'auteur, à savoir négligence grave lors d'une intervention en clientèle entraînant la mise en danger immédiat et réel de ces personnes.
Malgré l'avertissement que je vous ai signifié en date du 7 juin 2010, vous persistez dans l'incompétence et la négligence.
Vous êtes intervenu les 30 et 31 août 2010 chez mon client M. [V] à [Localité 3], pour une intervention identique (remplacement d'une plaque de connexion hydraulique) à celle ayant justifié cette mise en garde.
Or, il se trouve que dès votre départ, mon client appelle, paniqué, pour une forte odeur de gaz. Lors de mon intervention le lendemain matin, je constate que les écrous d'entrée et de sortie du bloc gaz ne sont pas serrés et qu'il n'y a pas de joint sur l'alimentation en gaz de ce dernier ! La catastrophe a été évitée de justesse, d'autant que les propriétés physiques du gaz propane alimentant cette installation ne laissent que peu de chances face à une erreur pareille.
En conséquence, ces faits constituent une faute grave manifeste, on en conviendrait à moins. Je suis donc contraint de mettre fin à votre contrat de travail, votre attitude rendant impossible la poursuite de votre activité professionnelle au sein de mon entreprise.
Par la présente, il vous est notifié votre licenciement sans préavis ni indemnité de rupture.
Que M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes le 14 octobre 2010 ;
Considérant, sur le licenciement, que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible son maintien dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;
Que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne vise que l'intervention de M. [C] des 30-31 août 2010 au domicile de M. [V] ce qui ôte toute pertinence aux nombreux témoignages de clients se plaignant d'interventions du salarié, en termes peu circonstanciés, qui sont antérieures ou ne portent aucune date ;
Qu'il y a lieu d'écarter les photographies de chaudière produites par l'employeur car aucun élément ne permet de les attribuer objectivement à l'un ou l'autre des clients cités, y compris M. [V] ;
Que l'employeur verse le courrier des époux [V], accompagné de la pièce d'identité de l'époux, valant donc attestation, et qui confirme l'existence d'un problème de fuite de gaz à la suite de la seconde intervention de M. [C] ; que, cependant, la cause technique du problème imputée au salarié ne repose que sur les dires du premier, étant relevé que M. [C] discute la possibilité de remettre en route une telle installation sans joints et sans écrou et produit, pour sa part, de nombreux témoignages de satisfaction de clients ;
Qu'il y a là place pour le doute sur le caractère fautif de l'intervention du salarié, ce d'autant plus que ce dernier, qui n'avait jamais été sanctionné en 17 ans d'activité, fait le lien entre les fautes qui lui sont reprochées et les baisses de commande ; que l'employeur a d'ailleurs confirmé à l'audience qu'unique salarié de l'entreprise, M. [C] n'a pas été remplacé à ce jour ;
Qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant, sur les dommages et intérêts pour rupture abusive, que la société employant habituellement moins de onze salariés, M. [C] peut prétendre, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi ; qu'âgé de 55 ans et comptant 17 ans et 6 mois d'ancienneté dans l'entreprise, il n'a pas retrouvé d'emploi ; qu'il y a lieu de lui allouer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel et moral subi à la suite de la rupture du contrat de travail ;
Qu'il peut également prétendre à l'indemnité de préavis, aux congés payés afférents ainsi qu'à l'indemnité conventionnelle de licenciement dont les montants ne sont pas critiqués ; que le jugement sera ainsi confirmé ;
Considérant, sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, que la responsabilité pécuniaire du salarié ne pouvant être engagée qu'en cas de faute lourde, qu'en l'absence d'une telle faute, il y a lieu de confirmer le jugement et débouter l'employeur de sa demande de dommages-intérêts pour détournement de clientèle ;
PAR CES MOTIFS
STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT,
INFIRMANT partiellement le jugement,
DIT le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE M. [N] [A] à payer à M. [B] [C] la somme de 10 000 euros, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Y AJOUTANT
DEBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE M. [N] [A] à payer à M. [B] [C] la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE M. [N] [A] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [N] [A] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle Lacabarats, président et Madame Christine Leclerc, greffier.
Le GREFFIER Le PRESIDENT