La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/04/2014 | FRANCE | N°13/00985

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 08 avril 2014, 13/00985


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6ème chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 AVRIL 2014



R.G. N° 13/00985



AFFAIRE :



[Y] [R]



C/



SASU COMPAGNIE IBM FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 10/1712





Copies exécutoires délivrées

à :



SELARL CARPENTIER



SELARL LE FEBVRE REIBELL & ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Y] [R]



SASU COMPAGNIE IBM FRANCE



le :



Copie Pôle Emploi



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6ème chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 AVRIL 2014

R.G. N° 13/00985

AFFAIRE :

[Y] [R]

C/

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Janvier 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 10/1712

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL CARPENTIER

SELARL LE FEBVRE REIBELL & ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Y] [R]

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

le :

Copie Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant

Assisté de Me Jean-Philippe CARPENTIER de la SELARL CARPENTIER, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SASU COMPAGNIE IBM FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Julie DE LA FOURNIERE de la SELARL LE FEBVRE REIBELL & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BÉZIO, président, et Madame Mariella LUXARDO, conseiller, chargées d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Mariella LUXARDO, conseiller,

Madame Pascale LOUÉ WILLIAUME, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [R] a été embauché par la société IBM FRANCE à compter du 1er septembre 1984 en qualité d'ingénieur technico-commercial. Il exerçait les fonctions de chef de fonction depuis 1996, occupant en dernier lieu un poste de responsable d'un département de ventes de logiciels, encadrant 5 commerciaux en France et une trentaine en Europe.

Le salaire moyen est contesté : 14.085 euros bruts mensuels selon Monsieur [R] et 12.963,24 euros selon la société IBM qui a exclu les primes.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le 9 février 2010, Monsieur [R] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est tenu le 26 février 2010, et licencié pour faute grave le 25 mars 2010.

Monsieur [R] a saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE le 11 mai 2010 aux fins de contester le bien fondé de son licenciement.

Par jugement du 23 janvier 2013, le conseil de prud'hommes de NANTERRE a :

DIT que le licenciement n'est pas fondé sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNÉ la COMPAGNIE IBM FRANCE à verser à Monsieur [R] les sommes suivantes :

* 38.889,72 euros au titre du préavis

* 3.888,97 euros au titre des congés payés afférents

* 165.929,47 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTÉ Monsieur [R] de ses autres demandes,

DIT que les dépens éventuels seront à la charge de la société COMPAGNIE IBM FRANCE.

La cour a été saisie d'un appel formé par Monsieur [R].

Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, Monsieur [R] demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société IBM FRANCE à lui verser les sommes de :

* 165.929,47 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

* 38.889,72 euros au titre du préavis et 3.888,97 euros pour les congés payés afférents

L'INFIRMER pour le surplus,

Statuant de nouveau,

CONDAMNER la société IBM FRANCE à lui verser :

* 500.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 169.000 euros pour préjudice moral

* 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER la société IBM FRANCE aux entiers dépens.

Par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, la société IBM FRANCE demande à la cour de :

À titre principal :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a jugé prescrits les faits de favoritisme invoqués à l'encontre de Monsieur [R],

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le licenciement de Monsieur [R] en licenciement pour motif personnel,

Statuant de nouveau,

CONSTATER que le licenciement repose sur une faute grave,

DÉBOUTER Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes,

LE CONDAMNER à restituer à la société la somme de 116.669,16 euros versée au titre de l'exécution provisoire,

À titre subsidiaire :

CONSTATER que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a :

- débouté Monsieur [R] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral distinct,

- ramené la demande de Monsieur [R] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme brute de 165.929,47 euros,

- ramené la demande de Monsieur [R] au titre d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents à la somme brute de 38.889,72 euros outre 3.888,97 euros

À titre infiniment subsidiaire :

RAMENER la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme brute de 77.779,44 euros,

DÉBOUTER Monsieur [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral distinct,

LE DÉBOUTER de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

LE CONDAMNER à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la faute grave

En droit, la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation délibérée des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence de la faute, après l'avoir énoncée dans la lettre de licenciement, dont les termes fixent les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement de Monsieur [R] du 25 mars 2010 vise 2 griefs :

* favoritisme au bénéfice d'une des commerciales de son département qui s'est vue accordée depuis 2007 entre 38 et 76% du revenu non affecté ;

* présentation de notes de frais relatives à des invitations clients alors qu'il s'agissait en réalité d'invitations de collaborateurs IBM.

A l'appui de son appel, Monsieur [R] soutient que les faits de favoritisme sont imprécis, prescrits, et ont déjà été sanctionnés le 2 février 2010 ; que le grief concernant les notes de frais est également prescrit puisque l'employeur en avait connaissance depuis décembre 2009 ; sur le fond, il conteste la réalité des griefs.

En réplique, la société IBM FRANCE expose que la prescription n'est pas acquise, le point de départ du délai étant reporté au jour où l'employeur a une connaissance précise des faits reprochés au salarié, après enquête si nécessaire ; que la mise à pied disciplinaire du 2 février 2010 concernait des faits distincts ; sur le fond, elle entend démontrer la réalité des griefs.

Ces moyens doivent être examinés successivement.

S'agissant de l'imprécision du motif de favoritisme, il convient de constater que la lettre de licenciement est suffisamment précise en ce qu'elle reproche à Monsieur [R] d'avoir attribué à l'une des salariés du Software group, entre 38 et 76% du revenu non affecté, ce qui a représenté plus de 45% de ses résultats.

Cette énonciation permet d'avoir une compréhension précise du grief sur lequel repose le licenciement, de sorte que le moyen relatif au caractère imprécis de la lettre de licenciement n'est pas fondé.

S'agissant de la prescription, Monsieur [R] soutient que l'employeur avait connaissance des attributions préférentielles qui lui sont reprochées dès le mois de juin 2009, un audit n'ayant été décidé que le 23 septembre 2009, aboutissant au dépôt d'un premier rapport le 16 novembre 2009, la société IBM considérant que le dépôt du deuxième rapport du 19 février 2010 a fait courir le délai de prescription.

Il ressort des pièces produites et notamment du rapport d'audit du 19 février 2010, que les faits de favoritisme ont été dénoncés à la DRH en juin 2009 avec transmission au service des audits internes au 23 septembre 2009.

Il s'est donc écoulé un délai de plus de 2 mois entre la connaissance de la faute imputée au salarié par l'employeur et la décision d'organiser une enquête interne, de sorte que la prescription est acquise.

Il doit être relevé notamment que le premier rapport du service des audits du 16 novembre 2009, concerne d'autres faits (engagement non autorisé envers un client) qui avaient été dénoncés en mai 2009, et ont donné lieu à la mise à pied d'une journée du 2 février 2010.

Pour les faits de favoritisme, l'employeur ne peut pas soutenir qu'il attendait le dépôt du rapport d'audit du 19 février 2010 dès lors qu'il a laissé s'écouler un délai supérieur à 2 mois après la dénonciation de ces faits, aucun élément nouveau n'étant invoqué entre juin et septembre 2009 pour expliquer le report de ce délai.

La prescription étant acquise pour ces faits, ils ne peuvent être invoqués à l'appui de la décision de licenciement.

S'agissant de présentation de notes de frais erronées, l'employeur en avait connaissance depuis décembre 2009 ainsi qu'il ressort des termes mêmes de la lettre de licenciement. Au surplus, il ressort des termes du rapport d'audit du 19 février 2010 que ce grief qui concerne la présentation de notes de frais engagés en mai 2009, faisait également l'objet de la même dénonciation faite en juin 2009 et ayant motivé l'enquête en septembre 2009.

La lettre de licenciement ne visant pas d'autres frais que ceux engagés du 12 au 14 mai 2009, il convient de constater que la prescription est acquise à l'égard de ce grief également, l'employeur ayant laissé s'écouler plus de 2 mois entre la connaissance de la faute et l'engagement de poursuites disciplinaires ou la réalisation d'une enquête.

Au vu de ces éléments, le conseil de prud'hommes a considéré à tort que le licenciement pouvait être fondé sur ce deuxième grief.

En l'absence de tout autre élément, le licenciement du 25 mars 2010 apparaît dépourvu d'une cause réelle et sérieuse, le jugement du 23 janvier 2013 devant être réformé dans ce sens.

En plus des indemnités de rupture déjà fixées par le conseil de prud'hommes, il sera accordé à Monsieur [R] une indemnité qui compte tenu de son ancienneté au sein de l'entreprise et du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi, sera fixée à 340.000 euros, calculée sur la base du salaire moyen intégrant tous les éléments de la rémunération dont les primes.

Cette indemnité intègre la réparation de l'entier préjudice subi du fait de la rupture illégitime du contrat, de sorte que la demande en paiement d'une indemnité distincte au titre d'un préjudice moral sera rejetée.

Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à Monsieur [R]

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail étant dans le débat, la cour a des éléments suffisants pour fixer à six mois, le montant des indemnités versées à Monsieur [R], que la société IBM FRANCE devra rembourser aux organismes concernés, parties au litige par l'effet de la loi, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il convient d'accorder à Monsieur [R] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de ce texte pour couvrir les frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement 23 janvier 2013, SAUF en ce qu'il a condamné la société IBM FRANCE à payer à Monsieur [R] les sommes de :

* 38.889,72 € (TRENTE HUIT MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT NEUF EUROS ET SOIXANTE DOUZE CENTIMES) au titre du préavis

* 3.888,97 € (TROIS MILLE HUIT CENT QUATRE VINGT HUIT EUROS ET QUATRE VINGT DIX SEPT CENTIMES) au titre des congés payés afférents

* 165.929,47 € (CENT SOIXANTE CINQ MILLE NEUF CENT VINGT NEUF EUROS ET QUARANTE SEPT CENTIMES) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

* 1.000 € (MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur le surplus,

CONSTATE que les griefs imputés à Monsieur [R] par la société IBM FRANCE étaient couverts par la prescription,

En conséquence,

DIT que le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société IBM FRANCE à payer à Monsieur [R] la somme de 340.000 € (TROIS CENT QUARANTE MILLE EUROS) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que cette somme produit des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

REJETTE la demande en paiement d'une indemnité distincte au titre du préjudice moral,

ORDONNE le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Monsieur [R] à concurrence de 6 mois,

CONDAMNE la société IBM FRANCE aux entiers dépens de l'instance et à payer à Monsieur [R] une indemnité de 2.000 € (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'ajoute à l'indemnité fixée en première instance.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 13/00985
Date de la décision : 08/04/2014

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°13/00985 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-04-08;13.00985 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award