COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51Z
1ère chambre 2ème section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 01 AVRIL 2014
R.G. N° 13/04382
AFFAIRE :
[K] [B]
C/
[V] [U] [X] [D] [R]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Mars 2013 par le Tribunal d'Instance de COURBEVOIE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 1112001005
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Sabine PUISSET-DHUMERELE
Me Pascal LANGLET
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER AVRIL DEUX MILLE QUATORZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [K] [B]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sabine PUISSET-DHUMERELLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN21
APPELANTE
****************
Monsieur [V] [U] [X] [D] [R]
né le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me Pascal LANGLET de la SELARL LANGLET ET ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL DOISE, vestiaire : 54 - N° du dossier 12001
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2014 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Serge PORTELLI, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Serge PORTELLI, Président,
Madame Sylvie FETIZON, Conseiller,
Monsieur Denis ARDISSON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Pierre QUINCY,
FAITS ET PROCEDURE,
Le 15 novembre 2002, M. [R] a loué à Mme [B] un appartement au [Adresse 2]. Par acte d'huissier du 28 avril 2011, le bailleur a signifié à Mme [B] un congé pour vente, la fin du bail étant fixée au 14 novembre 2011.
Le 7 octobre 2011, M. [R] a signé un compromis de vente précisant que l'acte authentique devrait être établi au plus tard le 29 décembre 2011 et que le bien serait libre de toute location ou occupation le jour de l'entrée en jouissance.
Par acte d'huissier du 12 octobre 2011, M. [R] a notifié à Mme [B] son droit de substitution en application de l'article 15-II de la loi du 6 juillet 1989, lui indiquant qu'un acheteur était prêt à acquérir le bien pour un montant de 308.000€ et qu'elle était en droit de se porter également acquéreuse.
Mme [B] n'a pas voulu bénéficier de cette possibilité et l'a fait savoir par courrier du 31 octobre 2011 adressé à l'huissier.
Dès lors, le congé délivré mettait un terme au bail, le 14 novembre 2011.
Le 24 novembre 2011, M. [R] a fait délivrer à Mme [B] une sommation d'avoir à quitter les lieux le 24 novembre 2011.
Le 19 janvier 2012, M. [R] a engagé en référé une procédure d'expulsion devant le tribunal de Nanterre. Mme [B] a libéré les lieux le 21 février 2012.
M. [R] a vendu l'appartement le 19 avril 2012.
M. [R] devait dès lors régler une somme de 44.308€ en application de la réforme de la taxation des plus-values immobilières concernant les ventes intervenues après le 1er février 2012.
Le 30 octobre 2012, M. [R] a fait citer Mme [B] devant le tribunal de Courbevoie afin de la voir condamner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui payer les sommes de 44.308€ avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2012, 70,18€ au titre de la taxe foncière 2012 et 5.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 28 mars 2013, le tribunal d'instance de Courbevoie a :
- condamné Mme [B] à payer à M. [R] la somme de 10.000€ à titre de dommages intérêts,
- débouté M. [R] du surplus de ses demandes,
- condamné Mme [B] aux dépens et à payer à M. [R] la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Mme [B] a relevé appel du jugement. Dans ses dernières conclusions, elle formule les demandes suivantes :
- infirmer le jugement,
- la décharger des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,
- condamner M. [R] à lui payer la somme de 3.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
M. [R], intimé, dans ses dernières conclusions, formule les demandes suivantes :
- confirmer le jugement en qu'il a déclaré Mme [B] redevable de dommages intérêts,
- le réformer dans le quantum de ces dommages intérêts,
- condamner, à titre de dommages intérêts, Mme [B] à lui verser la somme de 44.308€,
- la condamner également à lui verser la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée de chef en première instance,
- la condamner en tous les dépens, ainsi qu'au coût de l'exécution forcée de la décision à intervenir.
MOTIFS
Jugement et arguments des parties
Le tribunal a estimé que Mme [B] avait commis une faute contractuelle en ne quittant pas les lieux à la date prévue, soit le 15 novembre 2011 et en obligeant dès lors M. [R] à régler une taxe de plus-value immobilière de 44.308€. Il a toutefois retenu que M. [R] n'avait pas informé Mme [B] des conséquences de ce retard au-delà du 1er février 2012. Le tribunal a retenu que Mme [B] avait reconnu avoir été avertie des motifs d'ordre financier animant M. [R], mais a constaté également que M. [R] ne l'avait pas informée des conséquences précises liées à un retard dans la vente. Il en a conclu que le montant des dommages intérêts devait être limité à la somme qui pouvait effectivement être prévue par Mme [B] en considération des diligences effectuées par elle pour quitter au plus vite les lieux loués, de l'absence d'information de Mme [B] quant à la date limite du 1er février 2012 et quant au montant de la plus-value réalisée par le bailleur.
Le tribunal a par ailleurs rejeté la demande de M. [R] concernant le paiement de la taxe foncière, estimant que M. [R] n'établissait pas la preuve que le paiement de cette taxe constituait un préjudice résultant du maintien illégitime de Mme [B] dans les lieux.
Mme [B], appelante, fait valoir qu'elle n'avait pas connaissance de l'enjeu financier dont se prévaut M. [R], à savoir le paiement d'une plus-value. Elle rappelle que le débiteur ne peut être tenu d'un dommage imprévisible. Or, indique-t-elle, M. [R] malgré leurs nombreux contacts, ne l'a jamais informée, avant un courrier du 21 mai 2012, des conséquences de son retard. Elle soutient qu'elle a entrepris activement des recherches de logement dès le mois de juillet 2011 et qu'elle a même accepté une première location provisoire en attendant de trouver un appartement lui convenant réellement. Mme [B] affirme enfin ne pouvoir être tenue responsable du paiement de la plus-value et s'interroge sur la date tardive de la réalisation de la vente, le 19 avril 2012.
M. [R], intimé, fait valoir que Mme [B] justifie de très peu de démarches aux fins de trouver un nouveau logement. Il soutient qu'il n'avait pas à évoquer le changement de législation fiscale lors de la procédure de référé, le juge des référés n'ayant pas qualité pour octroyer des dommages intérêts. Il affirme que Mme [B] était de parfaite mauvaise foi et ne pouvait feindre de ne pas connaître les conséquences particulièrement dommageables de son maintien dans les lieux, eu égard à la très large publicité dans les médias de la mise en oeuvre de la réforme des plus values immobilières.
Sur la responsabilité de Mme [B] et sa connaissance de l'enjeu financier
Aux termes de l'article 1150 du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir au contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'exécution n'est point exécutée.
M. [R] a, par acte d'huissier du 28 avril 2011, signifié à Mme [B] un congé pour vente, la fin du bail étant fixée au 14 novembre 2011. Par acte d'huissier du 12 octobre 2011, il a notifié à Mme [B] son droit de substitution. Par courrier du 31 octobre 2011 adressé à l'huissier, la locataire a renoncé à son droit. Les lieux n'ont été libérés que le 21 février 2012, la locataire payant ses loyers et charges jusqu'à cette date. Mme [B] fait état de démarches pour trouver un nouveau logement mais les documents dont elle justifie pour le prouver sont peu nombreux.
Il est donc établi que Mme [B] a tardé à libérer les lieux et que ce retard a pu causer au propriétaire qui voulait vendre son bien un préjudice.
Le préjudice invoqué par le bailleur consiste uniquement dans le paiement d'une plus-value de 44.308€ du fait que la vente est intervenue postérieurement au 1er février 2012, date à laquelle entrait en vigueur une réforme fiscale.
Il appartient au demandeur de démontrer que son préjudice est en lien avec la faute démontrée et que Mme [B] savait que son retard aurait de telles conséquences. Or, M. [R] ne démontre à aucun moment qu'il avait averti sa locataire de l'échéance du 1er février 2012, date à laquelle devait se réaliser la vente pour éviter le paiement d'une nouvelle taxe. M. [R] avait de multiples occasions d'informer Mme [B] de l'enjeu réel du respect de la date prévue. Il ressort du jugement que Mme [B] a reconnu à l'audience que M. [R] l'avait pressée de quitter les lieux en invoquant des motifs d'ordre financier mais qu'elle n'en connaissait pas les raisons précises. M. [R] affirme simplement que Mme [B] devait être informée de la réforme des plus values immobilières mais rien ne vient le démontrer. Il n'apparaît pas davantage que Mme [B] ait été informée de la date d'entrée en vigueur de la réforme ni de son lien avec la vente du bien qu'elle occupait.
M. [R] n'invoque d'autre préjudice que celui lié au paiement de la plus-value. Il appartenait à M. [R] de prévenir sa locataire des conséquences fiscales d'un éventuel retard, l'application préjudiciable au propriétaire de l'entrée en vigueur d'une réforme fiscale n'entrant pas dans les suites prévisibles de l'inexécution par le locataire de quitter les lieux.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de M. [R] et d'infirmer le jugement.
Dépens et frais irrépétibles
Le jugement ayant été infirmé sur le fond, il le sera également dans ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Mme [B] ayant obtenu satisfaction en ses demandes, M. [R] sera condamné aux entiers dépens.
Il apparaît équitable de condamner M. [R], tenu aux dépens, à payer, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [B] la somme de 1.000€ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
- rejette l'ensemble des demandes de M. [R],
- y ajoutant,
- condamne M. [R] à payer, conformément à l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [B] la somme de 1.000€ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens,
- le condamne aux entiers dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Serge PORTELLI, Président et par Madame QUINCY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,