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27/09/2012 | FRANCE | N°11/01306

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5ème chambre, 27 septembre 2012, 11/01306


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

J.M.

5ème Chambre

ARRET No

RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 27 SEPTEMBRE 2012

R.G. No 11/01306

R.G. No 11/00995

AFFAIRE :

SARL LABROUSSE

C/

Aïssa X...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

No RG : 09/00319>
Copies exécutoires délivrées à :

Me Alain CLAVIER

Me Michel VERNIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

SARL LABROUSSE

Aïssa X...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

J.M.

5ème Chambre

ARRET No

RÉPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 27 SEPTEMBRE 2012

R.G. No 11/01306

R.G. No 11/00995

AFFAIRE :

SARL LABROUSSE

C/

Aïssa X...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

No RG : 09/00319

Copies exécutoires délivrées à :

Me Alain CLAVIER

Me Michel VERNIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

SARL LABROUSSE

Aïssa X...

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

le : REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL LABROUSSE

18/22 Rue d'Arras

92000 NANTERRE

représentée par Me Alain CLAVIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 240

APPELANTE ET INTIMÉE

****************

Monsieur Aïssa X...

...

78180 MONTIGNY LE BRETONNEUX

comparant en personne,

assisté de Me Michel VERNIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 192.

INTIMÉ

****************

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES YVELINES

78085 VERSAILLES CEDEX 9

représentée par M. CARRADEC en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE ET APPELANTE

****************

MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

58-62 rue Mouzaïa

75935 PARIS CEDEX 19

non représentée

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Juillet 2012, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Jeanne MININI, Président,

Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller,

Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSOEXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines et la société Labrousse ont régulièrement relevé appel du jugement rendu le 27 janvier 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles qui a :

- reconnu la faute inexcusable de la société Labrousse à l'origine de l'accident du travail dont M. Aïssa X... a été victime le 13 juillet 2006,

- ordonné la majoration de la rente à son taux maximum,

- dit que la réparation des préjudices sera versée directement par la caisse primaire d'assurance maladie qui en récupérera le montant auprès de l'employeur,

- sursis à statuer sur les préjudices personnels subis par M. Aïssa X... et ordonné une expertise confiée au docteur Y...,

- condamné la société Labrousse à verser à M. Aïssa X... une indemnité de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ultérieurement la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, par courrier en date du 2 mai 2012, a informé la cour, qu'après les décisions rendues par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, en date du 4 avril 2012, elle se désistait de son appel limité à l'obligation qui lui était faite de faire l'avance de l'intégralité des sommes dues à M. Aïssa X... après reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

* * *

Il convient de rappeler que M. Aïssa X... (né le 29 avril 1961), salarié de la société Labrousse depuis le 1er juillet 2004 en qualité de compagnon professionnel, a été victime le 13 juillet 2006, vers 13 heures 30, d'un accident (blessure ouverte au coude gauche et blessure à l'épaule) alors qu'il travaillait avec deux autres salariés et le gérant de l'entreprise à la réfection d'une charpente d'un pavillon (pose de poutres neuves).

La caisse primaire d'assurance maladie a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Les blessures ont été déclarées consolidées le 20 avril 2008.

Une incapacité permanente totale de travail de 4% (après décision rendue par le tribunal du contentieux de l'incapacité le 19 novembre 2009) a été reconnue à M. Aïssa X.... La caisse primaire d'assurance maladie lui a versé un capital égal à la somme de 1 417,92 euros.

Ayant été déclaré inapte à la reprise de son emploi, M. Aïssa X... a été licencié par la société Labrousse le 19 juin 2008.

M. Aïssa X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles le 10 mars 2009 après échec de la tentative de conciliation mise en place par la caisse primaire d'assurance maladie pour voir reconnaître la faute inexcusable de la société Labrousse (cette société ne s'étant pas présentée à la convocation de l'organisme social). Le tribunal des affaires de sécurité sociale a rendu le 27 janvier 2011 la décision frappée d'appel.

LES DEMANDES PRÉSENTÉES DEVANT LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 3 juillet 2012 par lesquelles la société Labrousse demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de dire, à titre principal, qu'elle n'a pas commis de faute inexcusable à l'origine de l'accident survenu à M. Aïssa X... le 13 juillet 2006. Elle indique que pour la réfection de la charpente du pavillon, les protections nécessaires pour prévenir la chute des salariés (platelage permettant de constituer un plancher de travail) avaient été mises en place dans la matinée lors du changement de la première moitié des poutres du bâtiment. Elle précise que par contre, lors de la reprise du travail l'après-midi, M. Aïssa X..., qui avait la qualité de chef d'équipe, s'est abstenu de procéder à la réinstallation du plancher de travail pour mettre en place la deuxième moitié des poutres du bâtiment (selon les attestations établies par les deux autres salariés de l'entreprise), négligence qui est à l'origine de l'accident dont il a été victime.

La société Labrousse fait en conséquence observer qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger auxquels ses salariés étaient exposés dès lors qu'elle avait mis à leur disposition toutes les protections nécessaires à leur sécurité et dès lors qu'elle ne pouvait anticiper la mauvaise décision prise par M. Aïssa X....

A titre subsidiaire et si la cour reconnaissait sa faute inexcusable, la société Labrousse demande à la cour d'ordonne la réduction des indemnisations qui doivent être versées à M. Aïssa X... du fait de la négligence grave commise par lui et à l'origine exclusive de l'accident dont il a été victime.

Enfin la société Labrousse demande à la cour de modifier la mission de l'expert dès lors que les premiers juges ont donné à celui-ci une mission beaucoup trop extensive eu égard aux préjudices réparables et aux préjudices invoqués par M. Aïssa X... comme consécutifs à l'accident.

La société Labrousse a sollicité également la condamnation de M. Aïssa X... au paiement d'une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Aïssa X... a conclu à la confirmation du jugement et à la condamnation de la société Labrousse au paiement de la somme complémentaire de 2 500 euros au titre des frais exposés pour la défense de ses intérêts. Il conteste avoir eu la qualité de chef d'équipe et avoir été en possession le jour de l'accident des protections nécessaires qui lui auraient permis de circuler sans danger sur les traverses lors de la réfection du pavillon. Il indique que seuls deux panneaux de bois, destinés exclusivement à protéger les deux verrières des portes d'entrée du pavillon, avaient été installés, laissant vides les espaces entre les traverses sur lesquelles lui-même, comme les deux autres ouvriers, devaient prendre appui pour mettre en place de nouvelles poutres à l'étage. Il indique qu'il a chuté après avoir été déséquilibré en portant une poutre d'environ 60 kg avec l'aide d'un autre salarié, lui-même ayant été contraint pour la mise en place de cette nouvelle poutre de marcher sur les traverses en bois d'une largeur de quelques centimètres et espacées les unes des autres de 45 cm.

La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a indiqué s'en rapporter à la sagesse de la cour concernant la faute inexcusable de la société Labrousse. Elle a sollicité la mise en oeuvre de son recours contre la société Labrousse pour le cas où M. Aïssa X... obtiendrait l'indemnisation des préjudices subis.

Régulièrement convoquée, la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale n'est ni présente ni représentée.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 3 juillet 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Considérant qu'il convient tout d'abord, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des deux instances enregistrées en cause d'appel sous les numéros 11/00995 et 11/01306 ;

Considérant qu'il convient par ailleurs de donner acte à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de son désistement d'appel ;

Considérant qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens des dispositions de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; qu'il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié ; qu'il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage ; qu'enfin la faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable, seule une faute inexcusable de la victime pouvant permettre de réduire la majoration de la rente ;

Considérant que c'est au salarié qui s'estime créancier de l'obligation de démontrer que le résultat n'a pas été atteint ; qu'ainsi il doit caractériser la conscience du danger de l'employeur et l'absence de mesures de protection ;

Considérant au cas présent qu'il résulte des documents produits aux débats et des explications fournies par les parties que le 13 juillet 2006 M. Aïssa X... a fait une chute entre deux traverses de l'étage où il travaillait à la réfection de la charpente d'un bâtiment en raison de l'absence d'installations protectrices constituant un plancher provisoire stable entre ces traverses distantes les unes des autres d'environ 45 cm, son corps étant resté bloqué entre les traverses provoquant des lésions à son épaule gauche et principalement au coude gauche ;

Considérant que si la société Labrousse affirme que des installations protectrices, constituées de panneaux de bois, avaient été mises à la disposition des trois ouvriers travaillant sur le chantier, dont M. Aïssa X..., il convient cependant de relever que l'inspection du travail, intervenue quatre jours plus tard sur le chantier, n'a pas relevé la présence de ces dispositifs de protection alors que la société Labrousse n'a pas démontré qu'à cette date les travaux avaient pris fin ;

Considérant enfin qu'il n'est pas contesté que le gérant de la société Labrousse était présent sur le chantier au jour et à l'heure de l'accident ; qu'en conséquence, en laissant travailler ses trois salariés en hauteur, en un lieu sur lequel ils n'avaient disposé aucune protection stable les mettant à l'abri de toute chute, la société Labrousse avait conscience du danger auquel elle les exposait et n'a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver dès lors qu'elle n'a jamais démontré qu'elle était en possession, sur le chantier, d'un nombre de panneaux de bois suffisant pour permettre la constitution d'un plancher de protection sur la totalité de la surface en cours de restauration ; qu'ainsi il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'accident dont M. Aïssa X... a été victime le 13 juillet 2006 est dû à la faute inexcusable de la société Labrousse ;

Considérant que M. Aïssa X..., qui n'avait pas la qualité de chef d'équipe sur le chantier dirigé par le gérant de la société Labrousse présent sur les lieux et qui n'avait pas à sa disposition le matériel nécessaire à la protection de son travail en hauteur, ne peut se voir reprocher aucune faute à l'origine de l'accident dont il a été victime ; qu'ainsi aucune réduction de l'indemnisation à laquelle il peut prétendre ne doit être ordonnée ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie ayant versé à M. Aïssa X... un capital et non une rente, il convient de réformer partiellement le jugement déféré et de dire que le montant de la majoration de l'indemnité, après reconnaissance de la faute inexcusable de la société Labrousse, sera équivalent au capital déjà versé (doublement du capital par application de l'article L.452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale) ;

Considérant qu'en ce qui concerne les autres préjudices subis par M. Aïssa X..., il convient de maintenir la décision des premiers juges ayant ordonné une expertise médicale avec la mission fixée (l'expertise ayant déjà été réalisée selon les indications fournies par les parties); qu'il appartiendra ensuite aux parties de faire valoir, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale auquel le dossier est à nouveau transmis, leurs observations concernant les préjudices réparables au regard des dispositions prévues par l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale et de l'interprétation donnée à ce jour par la Cour de cassation après la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 18 juin 2010 ayant élargi la réparation afin de prendre en compte des préjudices nouveaux non réparés par les prestations déjà servies et définies par le livre IV du code de la sécurité sociale (s'agissant des arrêts rendus le 4 avril 2012) ;

Considérant enfin qu'il convient d'accorder à M. Aïssa X... la somme complémentaire de 2 000 euros au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe et par décision réputée contradictoire,

ORDONNE, sous le seul no 11/01306, la jonction des instances d'appel enregistrées sous les numéros 11/00995 et 11/01306,

DONNE acte à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines de son désistement d'appel,

CONFIRME le jugement rendu le 27 janvier 2011 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles sauf en sa disposition concernant la majoration de la rente,

Statuant à nouveau de ce chef : ORDONNE la majoration de l'indemnité attribuée en capital à M. Aïssa X... dans les conditions prévues par l'article L.452-2 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,

CONDAMNE la société Labrousse à verser à M. Aïssa X... la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Labrousse de sa demande d'indemnité au titre des frais de procédure,

RENVOIE l'affaire et les parties devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles pour qu'il soit statué sur l'indemnisation des préjudices personnels subis par M. Aïssa X....

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 11/01306
Date de la décision : 27/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2012-09-27;11.01306 ?
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