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20/09/2012 | FRANCE | N°11/007408

France | France, Cour d'appel de Versailles, 05, 20 septembre 2012, 11/007408


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
J. M.
5ème Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2012

R. G. No 11/ 00740

AFFAIRE :

X...

C/
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES, prise en son établissement sis 66 Boulevard Bordier, Route Nationale 14, 95370 MONTIGNY LES CORMEILLES, prise en la personne de son représentant légal en exercice.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Commerce
No RG : 10/ 002

45

Copies exécutoires délivrées à :

Me Olivier BONGRAND
Me Cécile CURT

Copies certifiées conformes délivrées à :

X...
...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
J. M.
5ème Chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2012

R. G. No 11/ 00740

AFFAIRE :

X...

C/
SAS CARREFOUR HYPERMARCHES, prise en son établissement sis 66 Boulevard Bordier, Route Nationale 14, 95370 MONTIGNY LES CORMEILLES, prise en la personne de son représentant légal en exercice.

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Commerce
No RG : 10/ 00245

Copies exécutoires délivrées à :

Me Olivier BONGRAND
Me Cécile CURT

Copies certifiées conformes délivrées à :

X...

SAS CARREFOUR HYPERMARCHES

Pôle Emploi

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame X...
née le 28 Octobre 1956 à VIETNAM
...
95130 FRANCONVILLE
comparante en personne, assistée de Me Olivier BONGRAND de la SELARL OZENNE BONGRAND PENOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136 substitué par Me Jouba WALKADI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0136

APPELANTE

****************

SAS CARREFOUR HYPERMARCHES, prise en son établissement sis 66 Boulevard Bordier, Route Nationale 14, 95370 MONTIGNY LES CORMEILLES, prise en la personne de son représentant légal en exercice.
ZAE Saint-Guenault
1 rue Jean Mermoz
91002 EVRY CEDEX
représentée par Me Cécile CURT de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 727, substitué par Me Marion TUA, avocat au barreau de LYON.

INTIMÉE
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 21 Juin 2012, en audience publique, devant la cour composé (e) de :

Madame Jeanne MININI, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, Conseiller,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Sabrina NIETRZEBA-CARLESSO

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme X... a été embauchée par la société Carrefour hypermarchés selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 juillet 2004 en qualité d'assistante de vente. Elle a été promue au poste d'assistante de vente spécialisée à compter du 1er juin 2007. Dans le dernier état de ses fonctions, Mme X... a perçu une rémunération mensuelle brute de 1 396, 88 euros à laquelle s'ajoutaient des majorations notamment pour travail de nuit.

Le 9 octobre 2009 la société Carrefour hypermarchés a notifié à Mme X... une mise à pied de trois jours lui reprochant un manque de respect envers ses collègues de travail et sa supérieur hiérarchique. Mme X... a contesté les motifs de la sanction le 22 octobre 2009.

A la suite d'un nouvel incident survenu le 29 janvier 2010 entre Mme X... et sa supérieur hiérarchique, la société Carrefour hypermarchés l'a convoquée le 1er février 2010 à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 8 février suivant. Puis, selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 12 février 2010, la société Carrefour hypermarchés a notifié à Mme X... son licenciement lui reprochant d'avoir manqué de respect à sa supérieur hiérarchique (Mme Y...) et d'avoir tenu à son égard des propos inappropriés. La société Carrefour hypermarchés a dispensé Mme X... d'effectuer son préavis qui a fait l'objet d'un règlement. Mme X... a contesté les motifs du licenciement selon courrier en date du 9 mars 2010.

Mme X... a fait convoquer le 25 mai 2010 la société Carrefour hypermarchés devant le conseil de prud'hommes d'Argenteuil afin d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 27 janvier 2011, le conseil de prud'hommes a débouté Mme X... de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail mais a condamné la société Carrefour hypermarchés à lui verser la somme de 500 euros pour non respect de la procédure de licenciement (non respect du délai de cinq jours entre la réception de la convocation et la tenue de l'entretien préalable au licenciement).

Mme X... a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 21 juin 2012 par lesquelles Mme X... demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :
- d'annuler la mise à pied notifiée le 9 octobre 2009 et de condamner la société Carrefour hypermarchés au paiement de la somme de 170 euros au titre de la privation de sa rémunération outre les congés payés afférents,
- de dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et de condamner la société Carrefour hypermarchés au paiement des sommes de 1 703 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et de 34 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Enfin, Mme X... a sollicité l'indemnisation de ses frais de procédure à hauteur de la somme de 4 500 euros.
Mme X... fait valoir pour l'essentiel que la société Carrefour hypermarchés ne peut rappeler des sanctions prononcées plus de trois années avant la dernière sanction prononcée conformément à l'article L. 1332-5 du code du travail. Elle indique en outre qu'elle a contesté la mise à pied notifiée le 9 octobre 2009 et la rupture du contrat de travail en invoquant à chaque fois la mauvaise ambiance au sein du rayon traiteur-charcuterie en raison du mauvais comportement des personnes bénéficiant d'un niveau de classification supérieur et de la personnalité agressive de Mme Y..., exerçant des fonctions d'encadrement.
Mme X... indique qu'en raison de son âge lors de la rupture du contrat de travail, elle ne parvient pas à retrouver un nouvel emploi pérenne, justifiant ainsi l'importance de l'indemnisation sollicitée.

La société Carrefour hypermarchés a conclu au rejet des demandes présentées par Mme X... tant au titre de l'annulation de la mise à pied notifiée le 9 octobre 2009 qu'en ce qui concerne la rupture du contrat de travail. Elle rappelle tout d'abord que très peu de temps après son embauche, elle a dû attirer l'attention de Mme X... sur les difficultés rencontrées avec ses collègues, avec ses supérieurs hiérarchiques et du fait du non respect des horaires et des instructions données dans le cadre de ses fonctions. Elle produit aux débats de très nombreuses attestations par lesquelles les collègues de Mme X... mettent en évidence son emportement régulier dès que des observations lui sont adressées et les insultes qu'elle profère facilement.
La société Carrefour hypermarchés a sollicité enfin la condamnation de Mme X... au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre des frais de procédure qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 21 juin 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

-sur la mise à pied notifiée le 9 octobre 2009

Considérant que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 9 octobre 2009 la société Carrefour hypermarchés a notifié à Mme X... une mise à pied de trois jours pour sanctionner son mauvais comportement avec ses collègues et sa supérieure hiérarchique ;

Considérant que la sanction prononcée a été contestée par Mme X... ;

Considérant surtout que le motif de la sanction prononcée est très imprécis dès lors qu'il fait simplement mention d'un manque de respect envers les collègues et la responsable hiérarchique et d'une propension de la salariée à se mettre en colère dès que sa supérieure hiérarchique lui fait des remarques ;
Considérant que l'imprécision des faits et l'absence, dans le courrier de notification de la sanction, de toute description d'événements susceptibles d'établir la nature réelle du comportement adopté par Mme X... ne permettent pas à la juridiction d'apprécier le caractère sérieux des fautes reprochées et la proportionnalité de la sanction par rapport à de tels faits ; qu'en conséquence il convient d'annuler la sanction et de condamner la société Carrefour hypermarchés au paiement du salaire non versé pendant l'application de la sanction ;

- sur la rupture du contrat de travail

Considérant selon l'article L. 1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail que " lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur " ; que selon l'article L. 1232-1 du même code tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ; qu'enfin selon l'article L. 1235-1 " en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;

Considérant au cas présent que la société Carrefour hypermarchés a notifié à Mme X... la rupture de son contrat de travail en invoquant à nouveau un mauvais comportement s'étant traduit à deux reprises, les 29 janvier 2010 et le 2 février 2010, par des cris et des propos malveillants et en toute hypothèse inappropriés vis-à-vis de sa supérieure hiérarchique, Mme Y...;

Considérant que Mme X... a contesté les faits ainsi dénoncés selon courrier en date du 9 mars 2010 ;

Considérant que si Mme X... a, au cours des trois années précédant la rupture du contrat de travail, fait l'objet d'un courrier lui rappelant ses obligations en matière de contrôles des produits mis en vente et d'une lettre de sensibilisation sur le respect des horaires de travail, il convient de relever qu'aucune remarque n'a jamais été formulée concernant la qualité du travail effectué par cette salariée présente dans l'entreprise depuis près de six années et qui a fait l'objet, trois ans après son embauche, d'une affectation à un poste d'assistante de vente spécialisée, ce qui traduisait la satisfaction de son employeur pour le travail réalisé ;

Considérant que pour démontrer la réalité des faits commis les 29 janvier 2010 et 2 février 2010, la société Carrefour hypermarchés produit aux débats un courriel transmis à sa hiérarchie par Mme Y...relatant les événements au cours duquel Mme X... aurait manqué de respect à son égard notamment en la traitant de menteuse et de voleuse ; qu'il convient de relever que les propos prétendument tenus par Mme X... sont en fait constitutifs d'une riposte à un comportement adopté à son égard par Mme Y...qui est vécu comme injuste (s'agissant de la saleté du matériel utilisé par Mme X... et d'une difficulté quant au comptage des congés de celle-ci) ; qu'en outre ces faits ne sont pas corroborés par des témoignages précis et circonstanciés permettant de relever le comportement volontairement agressif de Mme X... à l'égard de sa supérieure hiérarchique ; qu'enfin Mme X... communique des témoignages qui permettent de constater qu'au sein de l'établissement existait un climat peu propice à un travail serein du fait d'un management agressif de la part de personnes en charge du contrôle de l'activité des salariées de niveau inférieur sans intervention des personnes réellement en charge de la direction de l'établissement auxquelles il était pourtant rapporté divers incidents ; que dans un tel contexte, le comportement un peu vif manifesté par Mme X... pour défendre ses droits n'est pas constitutif d'une faute justifiant la rupture de son contrat de travail ;

Considérant que le jugement déféré doit être infirmé ;

Considérant qu'après avoir pris en considération les circonstances de la rupture et les difficultés rencontrées par Mme X... pour retrouver un nouvel emploi, la cour condamne la société Carrefour hypermarchés à lui verser la somme de 17 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices consécutifs au non respect de la procédure de licenciement et à la rupture injustifiée de son contrat de travail ;

Considérant enfin qu'il convient d'accorder à Mme X... la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe et par décision contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 27 janvier 2011 par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil,

ANNULE la mise à pied notifiée le 9 octobre 2009 et DIT que le licenciement prononcé le 12 février 2010 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Carrefour hypermarchés à verser à Mme X... les sommes de :
• 170 euros au titre du salaire impayé au cours de la mise à pied outre 17 euros au titre des congés payés afférents,
• 17 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la société Carrefour hypermarchés des indemnités de chômage versées à Mme X... dans la limite de quatre mois d'indemnités consécutives au licenciement,

ORDONNE la notification par les soins du Greffe de la présente décision à Pôle emploi TSA 32001 75987 Paris Cedex 20,

CONDAMNE la société Carrefour hypermarchés aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par Madame Jeanne MININI, président et Madame Céline FARDIN, greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 11/007408
Date de la décision : 20/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2012-09-20;11.007408 ?
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