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20/06/2012 | FRANCE | N°11/01283

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 20 juin 2012, 11/01283


Code nac : 80A 15ème chambre

ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 20 JUIN 2012
R. G. No 11/ 01283
AFFAIRE :
SA SOCIETE EUROPEENNE DE PRESSE ET D'EDITION-SEPE

C/ Françoise X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 17 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT Section : Activités diverses No RG : 10/ 01424

Copies exécutoires délivrées à :

Me Pascale GUEDJ Me Martin PRADEL

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA SOCIETE EUROPEENNE DE PRESSE ET D'EDITION-SEP

E
Françoise X...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE DOUZE, La cour d'appel...

Code nac : 80A 15ème chambre

ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 20 JUIN 2012
R. G. No 11/ 01283
AFFAIRE :
SA SOCIETE EUROPEENNE DE PRESSE ET D'EDITION-SEPE

C/ Françoise X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 17 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT Section : Activités diverses No RG : 10/ 01424

Copies exécutoires délivrées à :

Me Pascale GUEDJ Me Martin PRADEL

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA SOCIETE EUROPEENNE DE PRESSE ET D'EDITION-SEPE
Françoise X...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE DOUZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA SOCIETE EUROPEENNE DE PRESSE ET D'EDITION-SEPE 60 bis Rue de Bellevue 92100 BOULOGNE BILLANCOURT

M. Christian Y..., ancien directeur général de la société était présent à audience, assistée de Me Pascale GUEDJ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0537

APPELANTE ****************

Madame Françoise X... née le 21 janvier 1946... 92200 NEUILLY SUR SEINE

comparant en personne, assistée de Me Martin PRADEL de la SELURL Martin PRADEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0909

INTIMEE ****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente, Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller, Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
Statuant sur l'appel interjeté d'une part, par la société Européenne de Presse et d'Edition dite S. E. P. E, d'autre part, par Mme Françoise X... contre le jugement déféré prononcé par la juridiction prud'homale, qui saisie le 30 juin 2008 par celle-ci dans le cadre d'un litige l'opposant à son ancien employeur, d'une demande tendant dans son dernier état de la procédure, à titre principal, à voir prononcer la nullité de son licenciement pour harcèlement moral, à obtenir des indemnités à caractère salarial et indemnitaire ainsi qu'une indemnité de procédure, a fixé le salaire brut mensuel moyen de la salariée sur les trois derniers mois à la somme de 2. 264, 97 €, dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, alloué à la salariée la somme de 30. 511, 35 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, celle de 27. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de procédure de 950 €, débouté la salariée de toutes ses autres demandes (sur le fondement du harcèlement moral et de la discrimination), débouté l'employeur de sa demande au titre des frais irrépétibles, ordonné la remise des documents sociaux, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit et condamné la société S. E. P. E aux entiers dépens.
**
Mme Françoise X... a été engagée par CDI à temps plein en date du 9 juin 1982 en qualité d'attachée à la direction commerciale par la société S. E. P. E qui a pour activité l'édition d'une revue spécialisée destinée à l'industrie de l'emballage. Elle a poursuivi son activité à partir du 1er mars 1993 à temps partiel en vertu d'un nouveau contrat de travail en date du 26 février 1993, soit 85 h par mois, moyennant une rémunération de 8. 000 francs, outre un 13ème mois et une commission de 3, 8 % sur le montant du chiffre d'affaire publicitaire qu'elle aura réalisé à partir des clients qui lui auront été confiés. Elle est chargée selon son contrat de travail de prospecter la clientèle et notamment de la prise d'ordres de publicité pour la revue " Emballage Digest " qu'édite la société S. E. P. E sous la responsabilité de la direction commerciale qui lui confiera le suivi des clients annonçeurs potentiels de la publication. A partir de 1996, sa qualification professionnelle est chef de publicité. Parallèlement à ses fonctions exercées au sein de la société S. E. P. E, Mme Françoise X... occupait des fonctions d'attachée commerciale depuis mai 2001 au sein de la société World Press On Line, société concurrente, mais n'en a informé son employeur que tardivement La société S. E. P. E a proposé à Mme Françoise X... un départ anticipé à la retraite à compter du 1er juin 2007 en vertu de l'article 34 de la convention collective par courrier du 15 février 2007, celle-ci ayant atteint l'âge de 60 ans, en lui proposant de lui verser la somme de 15. 000 €, ce qui a été refusé par celle-ci en juin suivant au motif qu'après avoir pris rendez-vous à la CNAV, il lui est impossible de prétendre à des droits à la retraite en continuant d'exercer une activité salariée et que la somme proposée est très inférieure aux droits auxquelles elle peut prétendre en 25 ans d'ancienneté, soit au minimum 50. 000 €. Elle a été en arrêt de travail du 9 au 22 juillet, du 12 septembre au 9 novembre 2007 (mi-temps thérapeutique) et du 20 novembre 2007 au 8 janvier 2008. Après son retour de congé maladie le mardi 8 janvier 2008, une convocation à entretien préalable lui était notifiée le 16 janvier 2008 pour le 30 janvier suivant à 10h et par lettre du 14 février 2008, l'employeur lui notifiait son licenciement pour faute. Elle a été dispensée de l'exécution de son préavis de trois mois qui lui a été payé. La relation de travail a pris fin le 15 mai 2008 avec le versement d'une indemnité de licenciement de 10. 258, 11 € et d'une indemnité compensatrice de congés payés de 2. 538, 26 €. La convention collective applicable est celle des cadres de la presse d'information spécialisée et la société emploie moins de 11 salariés (6 salariés en décembre 2007 dont deux au service commercial : Mme B... et Mme X...). La moyenne des trois derniers mois de salaire est de 2. 264, 97 €. **Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions des parties qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience qui développent leurs prétentions et leurs moyens.

MOTIFS DE LA DECISION
Considérant que la salariée sollicite à titre principal que soit prononcée la nullité de son licenciement pour harcèlement moral et le versement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, à titre subsidiaire, elle demande de constater que son licenciement est fondé sur un motif discriminatoire à raison de son âge et de son état de santé, à titre infiniment subsidiaire, qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- Sur la demande de nullité du licenciement fondé sur le harcèlement moral
Considérant qu'aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Qu'en vertu de l'article L. 1152-3, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire, est nul ;
Que selon l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ;
Considérant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Considérant en l'espèce, que par courrier en date du 14 février 2008 signé par M. Alexandre Y..., président actuel de la société S. E. P. E, celle-ci a procédé au licenciement de Mme X... en lui reprochant pour l'essentiel (lettre de plus de 5 pages) ses relations conflictuelles avec Mme Laurence B..., directrice commerciale, son abus sans limite de sa liberté d'expression à l'égard de sa supérieure hiérarchique et son agressivité à l'occasion d'échange de mails, estimant que ce comportement fautif à l'égard de Mme B... est de nature à perturber gravement le service commercial et le bon fonctionnement de l'entreprise, alors que la salariée a fait l'objet de plusieurs mises en garde au cours du dernier trimestre 2007 (quatre avertissements) dont elle n'a pas tenu compte et que la société est une petite structure au sein de laquelle les rapports de confiance mutuelle et de cordialité sont essentiels, soulignant que les relations conflictuelles que la salariée entretient et ses agissements réitérés sont constitutifs d'une faute dont le caractère de gravité n'est pas retenu eu égard à son ancienne collaboration ;
Que la salariée estime que son licenciement prononcé à l'âge de 62 ans est la conséquence d'un projet discriminatoire dans un contexte de harcèlement moral, que l'employeur souhaitait se séparer d'elle en raison de son âge, prétend qu'elle a subi pendant quelques années une conjonction et une répétition d'agissements provenant de son employeur ou de ses représentants ayant pour but de l'écarter de son poste de travail en dégradant ses conditions de travail et surtout à compromettre son avenir professionnel en souhaitant son départ anticipé à la retraite, qu'elle souligne qu'à l'exception de quelques soucis de santé du fait d'une capsulite rétractile à l'origine d'un arrêt de travail de mars 2002 à février 2003, qu'elle a toujours été présente à son poste de travail et a travaillé de manière totalement dévouée pendant toute sa carrière de près de 30 ans au sein de la S. E. P. E, que son employeur lui a fait une proposition abusive de départ à la retraite le 15 février 2007 à l'âge de 62 ans, que la société a tout mis en oeuvre pour l'isoler en lui imposant de nouvelles contraintes incompatibles avec ses fonctions de directrice de la communication en ne respectant pas les directives de la médecine du travail au titre de l'aménagement de son poste et en lui supprimant l'ensemble de ses prérogatives et de ses outils de travail pour l'empêcher de travailler à distance (sa boîte mail professionnelle étant systématiquement consultée et vidée), que suite à son refus de mise à la retraite par la société en 2007, elle a subi une mise à l'écart de la part de son employeur, outre la mise en place de mesures destinées à limiter à l'extrême la liberté dans l'organisation de son travail dont elle jouit pendant plus de 25 ans, son employeur lui ayant déclaré verbalement qu'il allait lui livrer " la guerre ", qu'à partir de 2007, il lui est demandé de justifier de ses heures de travail, qu'elle a dû s'entourer des services d'un avocat afin de se voir appliquer l'indexation de son salaire ainsi que le règlement d'une partie de ses indemnités journalières pour maladie, qu'alors que son nom apparaissait dans " l'ours " de la revue publiée par la société S. E. P. E en qualité de directrice de la communication, l'intitulé de son poste a été brusquement remplacé en 2007 par celui de " chef de la publicité ", que cette rétrogradation de fait rendue publique, constitue une nouvelle manoeuvre de la société visant à détériorer son image à l'origine d'un état d'épuisement moral et d'une dépression (arrêt de travail du 9 juillet 2007) ;
Considérant que Mme X..., chef de publicité au sein de la société S. E. P. E, chargée de prospecter la clientèle et notamment de la prise d'ordres de publicité pour la revue " Emballage Digest " qu'édite la société, exerce ses fonctions à temps partiel avec le statut de cadre et est placée sous la responsabilité de la direction commerciale qui lui confiera le suivi des clients annonçeurs potentiels de la publication, moyennant une rémunération de 8. 000 francs (soit à partir de janvier 2008, la somme de 1. 711, 15 €), outre un 13ème mois et une commission de 3, 8 % sur le montant du chiffre d'affaire publicitaire qu'elle aura réalisé à partir des clients qui lui auront été confiés et la direction ne conteste pas que la salariée dispose de la faculté de répartir son nombre d'heures mensuel (84, 5) en fonction des impératifs de ses fonctions ;
Considérant que la salariée justifie au vu des pièces produites de l'existence d'un conflit très tendu avec sa supérieure hiérarchique, Mme Laurence B... s'exprimant à travers l'échange de courriels virulents entre elles, entre octobre 2007 et janvier 2008, dans lesquels elle dénonce la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, un manque de considération lié à un sentiment d'exclusion et de mise à l'écart dans l'organisation du travail, exprime une souffrance morale du fait des agissements de son N + 1 : " Je suis dans un état moral déplorable pour ne pas dire plus, je ne sais pas comment je pourrai tenir longtemps dans une telle ambiance de suspicion et de mépris à mon égard "- mail du 29 octobre 2007 " Merci de me donner du travail "- mail du 7 novembre 2007 " Cela fait déjà une heure que je suis au bureau et que je ne peux rien faire. Une fois de plus tout est fait pour me bloquer dans mon travail. Je vous remercie donc de me restituer tous les mails reçus depuis mon arrêt de travail afin que je puisse recontacter les sociétés dont j'ai la charge. Dans toutes les sociétés du monde, un directeur commercial planifie le travail de ses collaborateurs et n'entrave en rien la bonne marche de leur travail. Je devrais avoir sur mon ordinateur tous les mails reçus et vos réponses, or là, c'est comme si je ne faisais plus partie de la société "- mail du 9 janvier 2008 à 10. 31 faisant suite à un précédent mail du même jour à 9. 52 déclarant ne pas comprendre que ses mails aient été effacés " Dans toutes les sociétés du monde après un arrêt maladie, tout chef de service fait une réunion avec ses collaborateurs afin de les mettre au courant de ce qui s'est passé pendant son absence, ce qui n'a pas été mon cas, je n'ai même pas eu droit à un " Comment allez-vous ", j'espère mieux ou simplement " bonne année " que je vous ai souhaitée dans ce fameux mail (...) Je note simplement que vous avez mis plus de quatre jours pour me répondre, de toute façons vous ne me parlez plus ni ne me saluez plus quand vous arrivez au bureau. " Je vous redemande une fois de plus et c'est la dernière de ne plus fumer sur le pallier du bureau, malgré mes nombreux mails, vous continuez et cela me rend malade, ce qui est le cas au moment où je vous écris ce mail " (...)- mail du 14 janvier 2008 " (...) Je n'ai plus le temps de répondre à votre agressivité à mon égard. (...) Je vous demande formellement une fois de plus de m'informer quand vous rentrez en contact avec un des clients qui m'ont été attribués et de m'attribuer les commissions qui me reviennent. Je vous redemande une fois de plus de ne pas fumer sur le pallier du bureau comme ce matin. C'est horrible, je vis un calvaire, je ne comprends pas votre attitude à systématiquement m'exclure de tout-mail du 16 janvier 2008

Que par ailleurs, la salarié produit diverses pièces tendant à démontrer qu'elle s'est vu supprimer l'ensemble de ses outils de travail, n'ayant plus accès aux fichiers commerciaux, aux réunions éditoriales, ni aux demandes de prospect, qu'elle a été en arrêt de travail du fait d'un état d'épuisement moral et de dépression le 9 juillet 2007 ;
Que la salariée établissant la matérialité de faits précis et concordants constituant selon elle un harcèlement moral, il convient d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ;
Considérant que l'employeur conteste les griefs avancés par la salariée, demande de confirmer le jugement qui a rejeté les prétentions de la salariée à propos des faits de harcèlement dont elle aurait été victime, rappelant que les premiers juges ont écarté ce chef de demande au motif que la salariée ne s'est jamais plainte de harcèlement moral auprès de son employeur, ce qui aurait permis à la direction de mettre en oeuvre l'enquête prévue par la loi, que les échanges de courriers entre la salariée et sa supérieure hiérarchique font la preuve d'un conflit exacerbé qui entraînait nécessairement la dégradation rapide des rapports humains entre collaborateurs d'une même entreprise surtout si cette dernière est de taille réduite, que les courriels échangés entre la salariée et son N + 1 sont d'une même virulence et ne décèlent pas une volonté de nuire à la salariée ;
Considérant qu'il soutient que depuis 2004, la salariée a tenté par différents moyens de préparer et de provoquer sa sortie de la société, que suite à l'échec des négociations sur un départ à la retraite, celle-ci va s'employer dès juillet 2007, à harceler sa directrice commerciale, Mme B..., ce qui va justifier l'envoi de quatre lettres d'avertissement sur les six derniers mois de l'année 2007, que durant le second semestre 2007, les propos et réactions démesurées et totalement inappropriés de la salariée démontrent clairement la volonté de celle-ci de se monter un dossier en vue de préparer la rupture de son contrat de travail, qu'à la lecture des échanges de mails, la salariée n'est pas dans une posture de défense ou de résistance mais bien celle de provocation et d'attaque, que la société a été contrainte d'initier un licenciement disciplinaire à l'encontre de la salariée à la suite d'avertissements manifestement demeurés sans effet, que passant outre les demandes de rappels à l'ordre de sa direction (novembre 2007), la salariée a continué à critiquer sans fondement et sans aucune retenue sa supérieure hiérarchique avec l'objectif évident de la provoquer (harcèlement par l'envoi de mails agressifs le 9, 11, 14 et 16 janvier 2008), que les faits reprochés réitérés consitituent un acte d'insubordination manifeste à l'égard de sa supérieure hiérarchique, que la salariée refuse de se soumettre à ses obligations contractuelles et au contrôle de sa direction, que la salariée refuse de façon réitérée d'une part, de communiquer l'affectation des heures de travail pour le mois achevé et le planning prévisionnel pour le mois à venir du fait qu'elle travaille à temps partiel, d'autre part, d'effectuer sa mission dans les locaux de la société et durant les heures d'ouverture de l'entreprise, que la salariée refuse de reporter ses diligences à la direction commerciale à laquelle elle est rattachée, que la direction n'a ni admis ni toléré les manquements de la salariée, qu'il ne peut lui être reproché une quelconque carence dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire ;
Considérant que l'employeur rétorque que la salariée disposait d'un fauteuil adapté et s'est conformé aux prescriptions de la médecine du travail du 20 février 2003, que la possibilité d'un départ à la retraite dans l'hypothèse où la salariée disposerait de tous ses trimestres est conforme aux dispositions conventionnelles en vigueur, qu'il a demandé à la salariée par courrier du 31 octobre 2005 de correspondre par mails avec ses clients à partir de son adresse mail professionnelle et non personnelle, qu'il conteste les prétendues menaces verbales alléguées par la salariée ainsi que les demandes verbales faites auprès du N + 1 à propos des déplacements de la salariée et fait observer que la salariée n'avait pas la qualité contractuelle de " directrice de la communication " ;
Considérant que depuis 2004, la question de la répartition et du décompte du temps de travail de Mme X... qui est la seule salariée à bénéficier d'un temps partiel au sein de l'entreprise à caractère familial qui compte six salariés en décembre 2007 et qui ne dispose pas de représentants du personnel, l'oppose de façon récurrente à la société S. E. P. E, laquelle ne conteste pas qu'il appartient à la salariée, compte tenu de la spécificité de ses fonctions de prospection, de répartir ses horaires selon ses exigences profesionnelles (courrier de la société du 31 octobre 2005- pièce 13), alors d'une part, que l'employeur qui se plaint du peu de présence de la salariée dans les locaux de l'entreprise, aurait pu mettre en place un système de pointeuse pour relever le temps de travail de la salariée afin de garantir la fiabilité du décompte de son temps de travail, que d'autre part, la suppression de la communication entre la salariée et le N + 1 (plus jeune et qui a moins d'ancienneté-embauche le 16 novembre 1993 et qui est née le 2 décembre 1964 selon le registre du personnel) par l'absence de réunions ainsi que la carence dans l'encadrement (l'employeur confirme l'absence de communication entre la salariée et son N + 1 du fait de la suppression depuis plusieurs années de la conférence de rédaction et de compte-rendu de conférence) et les difficultés consécutives du reporting, sont un vecteur de malaise et de perte du lien social qui a favorisé l'émergence d'un conflit interpersonnel, ponctué d'actes d'insubordination de la part de la salariée et d'échanges de mails empreints de violence verbale, ressentis comme du harcèlement par Mme B... ainsi qu'il résulte du mail du 16 janvier 2008, adressé le jour de la convocation à entretien préalable, du mail du 17 janvier 2008 et du compte-rendu d'entretien préalable au licenciement ;
Que dès le 4 juillet 2007 (puis le 5 septembre 2007), la salariée a dénoncé une situation de harcèlement moral auprès de M. Christian Y..., directeur général à l'époque de la société S. E. P. E (pièce 14) après réception du courrier de celui-ci en date du 27 juin 2007 évoquant notamment la question de sa mise à la retraite compte tenu de son âge et rappelant avoir découvert tardivement que la salariée avait un autre emploi dans une société concurrente depuis 2002, qualifié par la direction de " sujet particulièrement délicat qui devra être solutionné " ;
Que l'employeur verse aux débats trois courriers recommandés de recadrage, du 31 octobre 2005, rappelant à la salariée qu'elle ne respecte pas la durée de son temps de travail (pas de décompte et de répartition de ses heures de travail en fin de mois et pas de prévision pour le mois à venir), du 16 mars 2006 rappelant à la salariée qu'il lui a demandé d'établir chaque mois son décompte d'heures de travail, qu'elle doit accepter l'organisation de la société et l'autorité hiérarchique de sa direction, lui demandant de rétablir un dialogue constructif avec Mme B... et de relancer davantage la prospection de nouveaux clients, du 27 juin 2007, lui rappelant qu'il lui incombe de rendre compte chaque mois à Mme B... de l'état de ses diligences passées et de son planning prévisionnel, lui reprochant l'insuffisance de ses résultats commerciaux et un courrier recommandé en date du 2 octobre 2007 en réponse au courrier de la salariée du 13 septembre à propos du sentiment général que celle-ci exprime ressentir au sein de l'entreprise sous forme de discrimination ;
Qu'il n'est produit qu'un seul " avertissement " en date du 8 novembre 2007 adressé sous forme de courriel à la salariée, M. Christian Y... faisant savoir à la salarié qu'il est impératif qu'elle se concentre davantage sur la bonne exécution de ses obligations contractelles et qu'elle cesse de susciter des controverses avec sa supérieure hiérarchique ;
Mais considérant que la société reproche notamment à la salariée l'insuffisance de ses résultats commerciaux " qui s'avère préoccupante dans le contexte de concurrence auquel notre entreprise se trouve confrontée " ‘ courrier du 27 juin 2007- pièce 15, alors qu'aucun objectif chiffré ne lui a jamais été communiqué ;

Que manifestement, la société S. E. P. E depuis 2004 et de façon évidente à compter du second semestre 2007, a modifié les conditions de travail de la salariée en l'obligeant à la soumettre à un système d'auto-déclaration pour le décompte de ses heures de travail au sein de l'entreprise, du fait de son travail à temps partiel, à l'origine pour elle d'un sentiment de harcèlement discriminatoire, alors qu'en sa qualité de cadre et de chef de publicité, elle " dispose de la faculté de répartir son nombre d'heures mensuel en fonction des impératifs de ses fonctions " ainsi que le rappelle la lettre de licenciement ;

Que les échanges de mails entre Mme X... et Mme B... en janvier 2008 au retour de l'arrêt maladie de la salariée, démontrent que celle-ci était dans un état complet d'épuisement physique et mental " burn-out ", stade ultime de dépression, que les mails adressés à sa supérieure hiérarchique, comme le souligne la salariée, avaient précisément pour objet de résister contre les mesures de harcèlement moral dont elle était victime, la cour soulignant qu'il ne lui a pas été produit la fiche relative à la visite médicale de reprise de la salariée à l'issue de son arrêt de travail de plus de huit semaines ;
Que comme le fait valoir la salariée, les messages évoqués dans la lettre de licenciement reflètent seulement ses revendications les plus légitimes, à savoir exercer sa profession avec les outils utiles et indispensables, qu'il ne lui appartenait pas d'informer Mme B... de sa date de reprise, qu'elle a respecté son obligation de remise d'un planning prévisonnel et de l'état de ses diligences, que le grief tiré de l'absence de prévisibilité de son emploi du temps est inexact ;
Considérant que les éléments de preuve fournis par l'employeur ne démontrent pas que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, en conséquence, il convient de prononcer la nullité du licenciement de Mme X... sur le fondement de l'article L. 1152-3 du code du travail ;
Considérant que la salariée sollicite le paiement de la somme de 50. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime et celle de 21. 179, 64 € (dispositif des conclusions) ou 34. 431, 96 € (conclusions page 16) représentant 12 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts en raison du licenciement abusif dont elle a été victime ;
Que le jugement sera confirmé ce qu'il fixé le salaire brut mensuel moyen de Mme Françoise X... sur les trois derniers mois à la somme de 2. 264, 97 € ;
Considérant qu'il sera alloué à la salariée la somme de 10. 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;
Que s'agissant d'une procédure orale, la cour retient le montant des dommages et intérêts sollicités pour licenciement abusif tel que spécifié dans le corps des conclusions et il sera alloué à la salariée de ce chef la somme de 27. 000 € correspondant à l'indemnité fixée par la juridiction prud'homale sur le fondement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 12 mois de salaire ;

- Sur la demande pour irrégularité de la procédure de licenciement

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce chef de demande, dès lors que les faits survenus à l'issue de l'entretien préalable, soit l'envoi de quatre mails le 30 janvier 2008 à partir de 10 h, brièvement visés dans la lettre de licenciement, n'ont pas contribué à fonder le motif du licenciement, au regard des faits antérieurs ;
- Sur la demande en paiement du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement
Considérant que la salariée a perçu le 15 mai 2008 à titre d'indemnité de licenciement la somme de 10. 258, 11 € calculée sur la base d'une ancienneté de 26 années dont les 15 dernières années travaillées à temps partiel (mi-temps), en faisant application des modalités prévues en cas de licenciement pour faute en application de la convention collective ;
Considérant que la salariée sollicite le versement de la somme complémentaire de 31. 870, 33 € par application de l'article 33 de la convention collective en se prévalant d'un salaire de base de 2. 264, 97 € et d'une indemnité calculée sur la base du salaire mensuel majoré de un douzième pour tenir compte du 13ème mois, d'une ancienneté de 25, 9 années avec le statut de cadre, qui permet de fixer son indemnité à 42. 128, 44 € brut, alors que l'employeur s'oppose au versement de ce complément ;
Que le jugement qui a alloué la somme de 30. 511, 35 € sera infirmé sur le quantum et il sera alloué à la salariée la somme de 31. 870, 33 € de ce chef ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il convient d'allouer à la salariée une indemnité en complément de celle accordée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement
ORDONNE la jonction des procédures d'appel
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a fixé le salaire brut mensuel moyen de Mme Françoise X... sur les trois derniers mois à la somme de 2. 264, 97 €, condamné la SA S. E. P. E à verser à Mme Françoise X... la somme de 950 € au titre des frais irrépétibles, ordonné la remise des documents sociaux et condamné la SA S. E. P. E aux dépens

L'INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,
PRONONCE la nullité du licenciement de Mme Françoise X... pour harcèlement moral
CONDAMNE la SA S. E. P. E verser à Mme Françoise X... les sommes suivantes :-10. 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral-27. 000 € titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

CONDAMNE la SA S. E. P. E verser à Mme Françoise X... les somme de 31. 870, 33 € à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement
DEBOUTE Mme Françoise X... de sa demande au titre de l'irrégularité du licenciement
REJETTE toute autre demande
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA S. E. P. E verser à Mme Françoise X... la somme de 2. 300 € au titre de l'article 700 du CPC
CONDAMNE la SA S. E. P. E aux entiers dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Madame GIACOMINI, Faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 11/01283
Date de la décision : 20/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2012-06-20;11.01283 ?
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