COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 80A
15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 20 JUIN 2012
R. G. No 10/ 05436
AFFAIRE :
Roxane X...
C/ SARL GEBERIT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 20 Octobre 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT Section : Activités diverses No RG : 09/ 02211
Copies exécutoires délivrées à :
Me Karine HISEL Me Sylvain PAPELOUX
Copies certifiées conformes délivrées à :
Roxane X...
SARL GEBERIT
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JUIN DEUX MILLE DOUZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Roxane X... née le 22 Octobre 1951 à PARIS (12o) ... 91370 VERRIERES LE BUISSON
comparant en personne, assistée de Me Karine HISEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2408
APPELANTE **************** SARL GEBERIT 23/ 25 rue de Villeneuve Parc Tertiaire SILIC BP 20432 94150 RUNGIS
représentée par Me Sylvain PAPELOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0356
INTIMEE ****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 19 Mars 2012, en audience publique, devant la cour composé (e) de :
Madame Patricia RICHET, Présidente, Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller, Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE Statuant sur l'appel interjeté par Mme Roxane A... épouse X... contre le jugement déféré prononcé par la juridiction prud'homale, qui saisie le 20 juin 2008 par celle-ci dans le cadre d'un litige l'opposant à son ancien employeur, la société GEBERIT, d'une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des indemnités à caractère salarial et une indemnité de procédure, a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes au motif que " sur les circonstances de la rupture, la société GEBERIT n'a fait que subir les évènements qui lui ont été imposés du fait de la salariée et de ses problèmes de santé " et mis les dépens à la charge de la salariée.
**
Mme Roxane X... a été engagée par CDI en date du 14 mai 1990 en qualité de secrétaire, coefficient 190, catégorie ETAM, moyennant un salaire de 9. 000 francs par la SARL GEBERIT qui commercialise en France des mécanismes de chasse d'eau, des canalisations et des systèmes d'évacuation. Elle a ensuite évolué dans l'entreprise en tant qu'assistante gestion commerciale en 1993, puis assistante du directeur régional Nord en 1997, puis assistante chef des ventes à compter du 1er juillet 2004. Elle est arrêtée au mois de novembre 2006 pour maladie pour cause de surmenage. Après l'échec dans la négociation d'un licenciement économique en mars 2007, la salariée a conservé son poste de travail au sein de l'entreprise. Après plusieurs arrêts de travail en juillet et août 2007, la salariée est en arrêt de travail du 1er octobre 2007 au 31 janvier 2008 pour dépression. Une convocation à entretien préalable lui était notifiée le 28 février 2008 pour le 10 mars 2008 et par lettre du 13 mars 2008, l'employeur lui notifiait son licenciement pour inaptitude définitive à tous les postes de l'entreprise constatée par la médecine du travail le 1er février 2008 dans le cadre de la visite de reprise, sans possibilité de reclassement La relation de travail a pris fin le 14 mars 2008 avec le versement d'une indemnité de licenciement de 10. 350, 88 € et d'une indemnité compensatrice de congés payés de 3. 171, 79 €. La convention collective applicable est celle du commerce de gros et la société emploie plus de 11 salariés. La moyenne des trois derniers mois de salaire est de 2. 287, 58 € et au dernier état de la relation contractuelle, la salariée avait le niveau V, échelon 2.
** Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux conclusions des parties qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience qui développent leurs prétentions et leurs moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la rupture du contrat de travail
Considérant selon l'article L. 1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail que " lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur " ;
Considérant selon l'article L. 1232-1 du même code, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;
Considérant enfin selon l'article L. 1235-1 " qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;
Que les motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement fixent les termes et les limites du litige et la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis, c'est-à-dire, matériellement vérifiables ;
Qu'un salarié ne peut être licencié que pour des faits précis et objectifs qui lui sont personnellement imputables ;
Considérant en l'espèce, que par courrier en date du 13 mars 2008, la société GEBERIT a procédé au licenciement de Mme X... en se prévalant des conséquences de son inaptitude physique constatée par la médecine du travail le 1er février 2008 : " Inapte définitivement à tous les postes de l'entreprise. Protocole d'urgence en une seule visite (article R 241-51-1 du code du travail) pour danger immédiat-Pourrait être apte à un poste à domicile sans aucune relation avec la hiérarchie ", en l'absence de possibilité de reclassement au sein de l'entreprise ou du groupe et pour nécessité de remplacement pour pourvoir à son poste à titre définitif ;
Que la salariée soutient qu'il lui était tout à fait possible de réaliser de son domicile un certain nombre de tâches moyennant la mise en place d'un réseau informatique entre son domicile et le siège de la société, que l'employeur lui a imposé une charge de travail démesurée, qu'elle dénonce les méthodes de harcèlement moral de l'employeur, que le constat d'inaptitude du salarié à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement, que l'employeur ne rapporte pas la preuve que son absence ait perturbé le bon fonctionnement de son service et qu'il aurait été particulièrement urgent et indispensable de la remplacer définitivement d'autant qu'il ne confiait qu'une partie de tâches liées au poste, qu'elle aurait pu effectuer de son domicile les tâches confiées aux intérimaires ;
Mais considérant que l'employeur réplique à juste titre que la lettre de licenciement est tout à fait explicite sur les motifs du licenciement de la salariée, à savoir à titre principal, les conséquences de son inaptitude définitive constatée médicalement et à titre subsidiaire, les nécessités de son remplacement par un titulaire définitif à son poste (article 48 de la convention collective prévoyant une garantie d'emploi réduite à trois mois en cas de nécessité du remplacement définitif du salarié absent et qui autorise l'employeur après mise en demeure préalable du salarié d'avoir à reprendre le travail, restée infructueuse, à engager une procédure de licenciement), que la salariée ne s'est jamais plainte d'avoir été victime de harcèlement moral au cours de l'exécution de son contrat de travail ;
Considérant que l'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher l'existence d'une possibilité de reclassement du salarié, au besoin par la mise en oeuvre de mesures, telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail des articles L1226-2 et L 1226-10 du code du travail ;
Considérant que comme le souligne l'employeur et au vu des pièces produites (pièces 18), il n'existe pas de poste à domicile sans aucune relation avec la hiérarchie, au sein de l'entreprise ou du groupe ;
Que par ailleurs, si l'article L 1132-1 du code du travail interdit à l'employeur de licencier un salarié en raison notamment de son état de santé, ces dispositions ne s'opposent pas à son licenciement motivé non par l'état de santé, mais par la situation objective de l'entreprise, dont le fonctionnement est gravement perturbé par l'absence prolongée du salarié, comme en l'espèce depuis quatre mois au regard du support apporté au chef des ventes, entraînant la nécessité de procéder au remplacement définitif de Mme X... en sa qualité d'assistante chef des ventes, ce qui a été réalisé par l'embauche à ces fonctions de M. Christophe B... par CDI en date du 17 juillet 2008 avec prise d'effet au 18 août 2008 et faisant suite à une proposition d'embauche du 30 juin 2008, soit trois mois après le licenciement de la salariée ;
Que le licenciement de Mme X... étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnité de ce chef ;
- Sur le rappel d'heures supplémentaires
Considérant que selon l'article L. 212-1-1, devenu L. 3171-4, du code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Que la jurisprudence a précisé que s'il résulte de l'article L. 212-1-1 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments ;
Considérant en l'espèce, que le contrat de travail de la salariée du 14 mai 1990 fixe ses horaires comme suit : de 8h à 11h 45, de 13h à 17h 15, le vendredi de 12 h 45 à 16 h et ses bulletins de salaire mentionnent un volume de 151, 67 heures mensuelles ;
Considérant que la salariée qui formule une demande à hauteur de 14. 546, 40 € pour la période allant du 23 juin 2003 au 30 septembre 2007 (1h par jour, soit 5 heures supplémentaires par semaine), soutient qu'elle était amenée à effectuer un nombre d'heures supplémentaires important pour faire face à toutes les missions qui lui étaient dévolues ;
Que pour répondre à l'obligation d'apporter préalablement au juge des éléments venant étayer sa demande, elle produit des attestations d'anciens collègues établissant qu'elle arrivait de bonne heure au bureau avant la prise officielle de son travail, déjeunant sur place, des courriels adressés avant 8 h du matin et après 18 h ;
Que l'employeur réplique qu'il existe un accord relatif aux horaires intitulé règlement relatif au fonctionnement des horaires variables, que la salariée n'a pas respecté les modalités mises en place dans l'entreprise et qu'il ne saurait y être passé outre, qu'à la lecture des relevés de la badgeuse pour la période du 1er janvier 2005 au 22 mai 2007, la salariée a en tout et pour tout comptabilisé 334, 85 heures de présence sans correction sur la période, que sur la période du 1er juillet 2004 au 30 septembre 2007, cela donne 495 heures de dépassement alors que la salariée revendique 1. 100 heures, que les témoignages produits par la salariée sont démentis par le relevé de la pointeuse, la salariée prenant des pauses déjeuner, que celle-ci a bénéficié d'heures de récupération, qu'elle ne produit pas les relevés manuels validés par le chef de service prévus au règlement relatif au fonctionnement des horaires variables du 20 décembre 1999 (article 5) et ne démontre pas que des heures supplémentaires lui aient été demandées par son responsable hiérarchique ou par la direction de l'entreprise, l'article 5 précisant que les heures qui seraient effectuées à l'initiative du salarié au-delà de l'horaire théorique éventuellement augmenté du crédit reportable de 10 heures, seraient perdues ; Mais considérant que l'employeur n'apporte pas d'élément contraire pour la période du 24 juin 2003 au 30 juin 2004 ; Qu'au regard des éléments de preuve produits, il sera alloué à la salariée la somme de 2. 300 € de ce chef ;
- Sur le repos compensateur
Considérant que la salariée demande la somme de 7. 274 € au titre des heures supplémentaires effectuées sur une période de 5 ans, alors que l'employeur s'oppose à la demande ;
Mais considérant que l'absence de repos compensateur est seulement à l'origine d'un préjudice subi par la salariée ; Qu'il lui sera alloué de ce chef une indemnité de 500 € ;
- Sur le travail dissimulé
Considérant que la salariée sera débouté de sa demande au titre du travail dissimulé, faute de démontrer que l'employeur se soit soustrait de façon intentionnelle à ses obligations ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable de rejeter la demande respective de chacune des parties ;
PAR CES MOTIFS LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Mme Roxane X... de sa demande au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
CONDAMNE la SARL GEBERIT verser à Mme Roxane X... les sommes suivantes :
-2. 300 € à titre de rappel d'heures supplémentaires-500 € à titre de dommages-intérêts pour violation du repos compensateur obligatoire avec intérêts au taux légal à compter de la demande pour la créance salariale et à compter du présent arrêt pour la créance indemnitaire
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus en application de l'article 1154 du code civil
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la SARL GEBERIT aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Madame GIACOMINI, Faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,