La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/05/2012 | FRANCE | N°10/00120

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 23 mai 2012, 10/00120


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80C

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2012

R. G. No 10/ 00120

AFFAIRE :

Yves X...

C/
Me. Y...- C...-D...-Mandataire liquidateur de SA ENTREPRISE Z...
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 27 Octobre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Encadrement
No RG : 07/ 550

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sylvain ROUMIER

Copies certifiées conformes délivrÃ

©es à :

Yves X...

Me. Y...- C...-D...-Mandataire liquidateur de SA ENTREPRISE Z..., S. A. R. L. ART CAD, Charles Henri Z..., mandataire liquidateur amia...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80C

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 23 MAI 2012

R. G. No 10/ 00120

AFFAIRE :

Yves X...

C/
Me. Y...- C...-D...-Mandataire liquidateur de SA ENTREPRISE Z...
...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 27 Octobre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'ARGENTEUIL
Section : Encadrement
No RG : 07/ 550

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sylvain ROUMIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

Yves X...

Me. Y...- C...-D...-Mandataire liquidateur de SA ENTREPRISE Z..., S. A. R. L. ART CAD, Charles Henri Z..., mandataire liquidateur amiable de la SARL ART CD, UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MAI DEUX MILLE DOUZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Yves X...
né le 04 Août 1949
...
95100 ARGENTEUIL

comparant en personne et assisté par Me Sylvain ROUMIER, avocat au barreau de VAL D'OISE

APPELANT
****************
Me Y...- Mandataire liquidateur de Société anonyme à directoire ENTREPRISE Z...
3-5-7 avenue PAUL DOUMER
92500 RUEIL MALMAISON

représenté par ANGELY MANCEAU avocat au barreau de PARIS

S. A. R. L. ART CAD, représentée par Monsieur Charles Henri Z..., liquidateur amiable
16, Ave Sainte FOY
92200 NEUILLY SUR SEINE

représenté par Me Sabine ANGELY MANCEAU, avocat au barreau de PARIS

UNEDIC AGS CGEA LEVALLOIS PERRET IDF OUEST
130 rue victor hugo
92309 LEVALLOIS-PERRET CEDEX

représenté par la SCP HADENGUE, avocats au barreau de VERSAILLES

INTIMES
****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 26 Mars 2012, en audience publique, devant la cour composé (e) de :

Madame Patricia RICHET, Présidente,
Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,
Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANEM X... a été embauché le 1er janvier 1976 par la société Z... ayant pour objet la restauration du patrimoine, en qualité de métreur dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

En 2002, la société Z... invoquant les difficultés budgétaires induites par la réduction des subventions accordées par le ministère de la Culture a proposé au salarié un poste en Bretagne que celui-ci a refusé en raison de l'éloignement de son domicile et de contingences familiales. Il a été licencié pour motif économique par lettre recommandée du 13 décembre 2002.
Une transaction a été signée entre la société Z... et M X... par laquelle celui-ci recevait une indemnité forfaitaire de rupture de 31 500, 00 euros en contrepartie d'un désistement d'instance et d'action.

Le 02 janvier 2003, M X... était recruté par la société ART CAD filiale de la société Z... en qualité d'économiste de la construction pour une durée hebdomadaire de 17 h 30 répartie à raison de 4 heures les 4 premiers jours de la semaine et 1 h 30 le vendredi. Son salaire mensuel était fixé à 2 650 euros.

Cette société à fait l'objet d'une liquidation amiable en octobre 2007 suite aux mauvais résultats enregistrés en 2005 et 2006.

Dans ce contexte, M X... a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement dont la date était fixée au 1er juin 2007.

Trois postes de reclassement ont été proposés au salarié :

- un poste de métreur à Mignères aux mêmes conditions de travail et de salaire que dans la société ART CAD ayant fait l'objet d'un courrier daté du16 mai 2007 que le salarié conteste avoir reçu mais dont la perspective à été évoquée lors de l'entretien préalable ;
- un poste de métreur à Tremblay dans les mêmes conditions d'horaires et de salaire avec maintien de son ancienneté acquise au service de la société ART CAD par courrier du 19 juin 2007 ;
- un poste de métreur à Marillac (33) dans les mêmes conditions d'horaires et de salaires par courrier du 19 juin 2007.

Ces propositions n'ayant pas été acceptées par le salarié, son licenciement lui a été notifié par lettre recommandée reçue le 08 octobre 2007 dans les termes suivants :

" Les difficultés économiques de notre secteur d'activité de restauration de patrimoine ancien auquel vous appartenez se sont traduites pour l'exercice 2005 par une baisse du chiffre d'affaires et une perte d'exploitation et la fragilité du léger redressement du premier semestre 2007 nous conduisent, afin de sauvegarder notre compétitivité, à réorganiser notre mode de fonctionnement en supprimant le poste d'économiste de la construction que vous exercez à votre domicile.

En effet, il est nécessaire, pour permettre une meilleure productivité, que les métreurs accomplissent leurs tâches dans les locaux des agences pour lesquelles ils travaillent ".

Contestant le bien fondé de son licenciement, M X... a saisi le Conseil de Prud'hommes d'Argenteuil de demandes tendant à voir déclarer son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement des sommes de :

-153 700, 00 euros à titre de rappel de salaires sur la période du 02 janvier 2003 au 10 octobre 2007 ;
-15 370, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-7 950, 00 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis ;
-795, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-43 036, 00 euros et subsidiairement 19 981, 00 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ;
-31 800, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
-198 800, 00 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M X... a également demandé la remise d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC et de bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 250, 00 euros par jour de retard.

Il a demandé enfin le paiement des intérêts légaux de ces sommes capitalisés par année entière.

La SARL ART CAD, représentée par son liquidateur amiable M Charles Henri Z... a formé des demandes reconventionnelles tendant à la condamnation du salarié au paiement de sommes de :

-1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par jugement du 27 octobre 2009, le Conseil de Prud'hommes a rejeté l'ensemble de ces demandes.

Les juges prud'hommaux ont considéré que la société ART CAD avait parfaitement respecté la procédure en vigueur pour licencier le salarié ; qu'aucune demande ne peut être formée contre la société Z... du fait de la transaction intervenue ; que les demandes contre celle-ci notamment la demande de reprise d'ancienneté ne sont pas recevables ; qu'aucun contrôle des heures travaillées par le salarié ne pouvait être effectué du fait que celui-ci travaillait à son domicile ; qu'aucun justificatif de ces heures n'avait d'ailleurs été fourni ; que la société ART CAD justifiait très largement et concrètement des difficultés économiques qu'elle avait rencontrées au cours des exercices 2005 et 2006 et du fait qu'elle avait réellement recherché toutes les possibilités de reclassement du salarié ; que celui-ci avait décliné toutes les offres présentées et s'était mis volontairement en situation d'être licencié.

M X... a régulièrement relevé appel de cette décision.

DEVANT LA COUR :

Par conclusions déposées le 26 mars 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, M X... a demandé à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner solidairement les sociétés ART CAD et Z... subsidiairement fixer au passif de ces sociétés les sommes de :

-153 700, 00 euros à titre de rappel de salaires du 02 janvier 2003 au 10 octobre 2007 ;
-15 370, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-7 950, 00 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis ;
-795, 00 euros au titre des congés payés y afférents ;
-43 076 euros ou à défaut 19 981, 00 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement ;
-31 800, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
-198 800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-5 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il a également demandé à la Cour :

- d'ordonner la remise, sous astreinte journalière de 250 euros par jour de retard et par document, de bulletins de paie, attestation ASSEDIC, certificat de travail conformes aux dispositions de l'arrêt à intervenir,

- de condamner les sociétés ART CAD et Z... à verser à M X... et, en tant que de besoin, fixer au passif desdites sociétés les intérêts au taux légal des sommes ci-dessus capitalisés par année entière conformément à l'article 1154 du Code civil,

- de dire les condamnations ci-dessus opposables à l'AGS CGEA,

A titre subsidiaire, il a demandé à voir prononcer les mêmes condamnations à l'égard de la seule société ART CAD.

Par conclusions déposées le 26 mars 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, la SARL ART CAD représentée par son liquidateur amiable a demandé à la Cour de déclarer irrecevables les demandes de fixation au passif des sociétés ART CAD et QUELI N de façon solidaire ; à titre subsidiaire, de débouter M X... de l'ensemble de ses prétentions et de le condamner au paiement de la somme de 3 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 26 mars 2012 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, l'UNEDIC agissant en sa qualité de gestionnaire de l'AGS a demandé à la Cour de dire et juger que le statut de co-employeur de la société Z... n'est nullement démontré et de prononcer en conséquence sa mise hors de cause ; subsidiairement, de rejeter les demandes de M X... comme infondées ; et plus subsidiairement de limiter sa garanties à ses obligations légales.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le co-emploi de M X... par les sociétés ART CAD et Z... :

M X... demande à la Cour de considérer la société ART CAD et la société Z... comme ses co-employeurs.

Les intimés résistent à cette demande en faisant valoir que ces sociétés ont été les employeurs successifs mais non simultanés de M X... puisque le contrat de celui-ci avec la SARL ART CAD n'a été conclu qu'après la transaction mettant fin aux relations entre M X... et la société Z....

Il résulte cependant du dossier que la SARL CAD ne possédait pas de locaux propres, que son siège n'était qu'une boîte aux lettres ; qu'elle était gérée par M Charles Henri Z... Directeur de la société Z... et administrée par des salariés de cette entreprise ; que M X... effectuait des études pour le compte de la société Z..., procédait à des visites hebdomadaires au sein des agences Z... de Caen et de Chartres, effectuait des missions qui lui étaient confiées par les directeurs de ces agences en utilisant un véhicule de fonction appartenant à ladite société, ainsi qu'une carte de carburant et des tickets de restaurant délivrés par la société Z....

Les motifs même de la lettre de licenciement font apparaître cette confusion entre les deux sociétés puisqu'il y est fait état de la nécessité de sauvegarder la compétitivité et de réorganiser le mode de fonctionnement, ce qui n'a pas de sens s'il s'agit de la SARL ART CAD dont la dissolution était programmée et constitue le véritable motif du licenciement.

Il existait donc entre les sociétés Z... et ART CAD une confusion d'intérêts, d'activités et de Direction qui permet de considérer celles-ci comme les co-employeurs de M X....

Le fait qu'une transaction ait mis fin aux relations contractuelles instaurées par le contrat de travail conclu le 1er janvier 1976 entre M X... et la société Z... ne fait pas obstacle à la confusion de fait ci-dessus décrite.

Le désistement d'instance et d'action obtenu par la société Z... en contrepartie de la somme de 31 200, 00 euros ne fait pas obstacle à une action nouvelle contre celle-ci prise en sa qualité de co-employeur dans le cadre d'un autre contrat de travail conclu avec une autre société.

Sur le rappel de salaires :

M X... demande à la Cour de considérer qu'il travaillait à plein temps pour la société ART CAD en dépit du fait qu'il avait signé avec celle-ci un contrat à temps partiel ayant fixé ses horaires du lundi au jeudi de 08 h00 à 12 h 00 et le vendredi de 08h00 à 09h30.

La SARL ART CAD rappelle que M X... travaillait à son domicile bien que cela ne soit pas prévu au contrat ce qui, selon elle, exclut toute référence à la durée légale du travail en raison de l'impossibilité de contrôler le temps de travail réel du salarié de sorte qu'il incombe à ce dernier de prouver que le travail qui lui était confié n'était pas réalisable dans le temps imparti ; que celui-ci ne peut demander le paiement d'heures supplémentaires qu'à la condition de prouver que celles-ci ont été demandées par l'employeur mais également réalisées ; qu'en l'espèce, M X... ne produit aucune note et aucune demande lui réclamant des tâches à effectuer et disposait d'une totale liberté d'action.

M X... produit au soutien de sa demande deux attestations d'anciens directeurs d'agence et un récapitulatif chiffré des " mémoires et études de 2000 à 2007 ".

L'attestation de M A... ancien Directeur de l'agence de CAEN relève que " M X... a toujours été autonome dans l'organisation de son travail et son transfert à l'entreprise Z... à la société ART CAD n'a rien changé " il ajoute que le salarié " a continué à accomplir ses fonctions à plein temps ". Il a reconnu toutefois, dans un courrier établi à la demande de l'employeur, que lors d'un entretien téléphonique, M Yves X... lui avait dicté une attestation à rédiger, ce qu'il a fait bien volontiers pour lui rendre service. Dans ce document, précise t-il, " j'ai mentionné le fait qu'il travaillait à plein temps sans avoir pu le constater personnellement puisque ne travaillant pas dans la même région ".

L'attestation de M B... ancien Directeur de l'agence de Chartres de septembre 2002 à mai 2007 relate que pendant toute cette période, il a confié à M X... " la totalité des dossiers d'appels d'offre, devis, la totalité des mémoires de travaux ainsi que la rédaction des situations mensuelles et décomptes définitifs concernant nos chantiers ".

Toutefois, M X... a été licencié par la société Z... en septembre 2002 à l'époque où l'attestant a pris ses fonctions de sorte que celui-ci n'a pu effectuer de comparaison pertinente entre la charge de travail du salarié dans le cadre de son précédent contrat avec la société Z... et celle qui résulte de son contrat à temps partiel avec la SARL ART CAD.

De plus, M X..., qui ne conteste pas avoir joui d'une grande autonomie, n'a produit aucun ordre de service et ne démontre pas que tous les travaux qu'il a effectués après son embauche par la société ART CAD lui ont été confiés par celle-ci dans le cadre de son forfait horaire.

Le relevé des mémoires et études de 2000 à 2007 produit par M X... ne précise pas quels sont les travaux personnellement réalisés par lui ni les temps nécessaires pour les mener à bien. Ainsi que le relève M A..., le salarié a travaillé essentiellement pour la région Centre depuis qu'il a été embauché par ART CAD. Or, il inclut dans son récapitulé les études de la région Normandie pour laquelle il n'a pas travaillé.

M X... ne fournit d'ailleurs pas de document tels que ses avis d'imposition qui auraient permis de connaître ses ressources réelles et de corroborer ou d'infirmer ses dires.

Il n'a donc pas suffisamment rapporté la preuve de ce qu'il aurait en réalité travaillé à plein temps pour la société ART CAD contrairement à ce qui est stipulé dans le contrat conclu avec celle-ci.

C'est donc à juste titre que sa demande de rappel de salaire à été écartée par le Conseil de Prud'hommes.

Sur le travail dissimulé :

C'est également à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a écarté la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L 8223-1 du Code du travail la preuve n'étant pas rapportée de ce que l'employeur aurait volontairement omis de renseigner la situation exacte du salarié sur les bulletins de salaire.

Sur la cause économique réelle et sérieuse du licenciement :

La lettre de licenciement du 08 octobre 2007 invoque des difficultés économiques du secteur de la restauration du patrimoine ancien qui se sont traduites pour l'exercice 2006 par une baisse du chiffre d'affaires et par une perte d'exploitation au regard de laquelle le léger redressement constaté au premier semestre 2007 est jugé fragile.

Il s'en déduit que l'employeur a décidé de réorganiser le fonctionnement de l'entreprise en supprimant notamment le poste d'économiste de la construction exercé par M X... à son domicile afin de sauvegarder sa compétitivité.

Pour étayer ses allégations concernant les difficultés économiques du secteur, la société ART CAD et le représentant judiciaire de la société Z... font valoir que :

- le résultat d'exploitation de la SARL ART CAD, déjà en perte de 4 275, 00 euros pour l'exercice 2005 s'est gravement détérioré en 2006 où le montant des pertes a atteint 20 267 euros et que ce résultat d'exploitation de l'exercice 2006 serait inférieur à la moitié du capital social.

- le compte d'exploitation de la société Z... affichait lui même une perte de 555 690 euros pour 2006 et de 396 174 pour 2007.

Le salarié réplique, au vu du bilan de 2006, que le chiffre d'affaires de la SARL ART CAD de cet exercice s'est avéré supérieur à celui de 2005 ; que la perte d'exploitation enregistrée en 2006 à hauteur de 20 267 euros résulte pour 16 132 euros d'une dotation exceptionnelle aux amortissements et provisions de sorte que les résultats de l'exercice s'avèrent légèrement supérieurs aux précédents ; que la comparaison des pertes enregistrées par la société Z... montre également une amélioration de ses résultats en 2007.

Il résulte de ces éléments que la baisse du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation des sociétés ART CAD et Z... ne traduisent pas nécessairement des difficultés économiques du secteur d'activité.

Quoiqu'il en soit, la baisse du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation constatés au bilan de 2006 ne sauraient justifier un licenciement en octobre 2007 alors que la reprise s'amorçait.

La véritable raison du licenciement à savoir la dissolution amiable de la SARL ART CAD n'a pas été invoquée dans la lettre de licenciement et par voie de conséquence son lien avec les prétendues difficultés économiques ne peut être établi.

Le second paragraphe de la lettre de licenciement qui évoque la nécessité que les métreurs accomplissent leurs tâches dans les locaux des agences pour lesquelles ils travaillent pour améliorer la productivité ne peut de toute évidence s'appliquer à la société ART CAD qui n'emploie qu'un seul métreur et n'a pas de locaux propres. Un tel argument ne peut être utilement invoqué pour justifier le licenciement de M X... par celle-ci.

Au surplus, comme le relève le salarié, la société ART CAD n'a pas indiqué sur quels éléments objectifs elle s'était fondée pour affirmer que les métreurs devaient travailler dans les agence pour améliorer leur productivité. Il apparaît du reste que M X... se déplaçait dans les agences locales de la société Z... avant comme après son embauche par la société ART CAD et accomplissait de toute manière ses tâches dans les locaux des agences pour lesquelles il travaillait.

L'employeur ne saurait d'ailleurs soutenir sans quelque incohérence que le travail de M X... serait plus productif au sein d'une agence qu'à son domicile alors que celui-ci a été licencié de la société Z... en 2002 pour la raison inverse et a été embauché quelques jours plus tard par la société ART CAD pour effectuer à son domicile les mêmes travaux pour les mêmes personnes.

La SARL ART CAD se contredit elle même lorsqu'elle indique en page 8 de ses écritures que " En l'espèce, il a été décidé non pas de supprimer le poste de M X... mais, pour assurer une meilleure productivité, de lui proposer d'exercer ses fonctions dans les locaux de l'agence pour laquelle il travaille pour permettre une meilleure organisation " tout en affirmant dans la lettre de licenciement que les difficultés économiques du secteur d'activité conduisent à supprimer le poste d'économiste de la construction qu'il exerce à domicile.

Il existe un doute sérieux, au vu de ces éléments, sur la réalité des difficultés invoquées par les sociétés intimées et sur la nécessité économique de la liquidation amiable de la SARL ART CAD et de la suppression de l'emploi de M X... qui en découle.

Le licenciement de celui-ci n'est pas fondé sur une cause économique réelle et sérieuse quoiqu'en ait jugé le Conseil de Prud'hommes.

Le jugement entrepris sera en conséquence réformé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis :

M X... demande un rappel d'indemnité compensatrice de préavis fondée sur un salaire mensuel de 5 300, 00 euros correspondant à un travail à temps plein.

Il n'a pas rapporté la preuve de ce qu'il travaillait à temps complet.

Il n'y a donc pas lieu de calculer l'indemnité compensatrice de préavis sur cette base.

La demande de ce chef sera donc rejetée.

Sur l'indemnité de licenciement :

M X... réclame également un rappel d'indemnité de licenciement tenant compte de son ancienneté depuis le 1er janvier 1976 et de son salaire à temps plein.

Il a perçu une indemnité de licenciement d'un montant de 44 019, 65 euros lors de son départ de la société Z... en 2 002 et ne peut dès lors prétendre à la prise en compte de son ancienneté antérieure à ce versement. Par ailleurs, cette indemnité ne peut être calculée sur un salaire brut mensuel de 5 300, 00 euros la preuve n'ayant pas été rapportée de ce que M X... aurait travaillé à plein temps depuis son embauche par la société ART CAD.

La demande de ce chef sera également rejetée.

Sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

M X... demande une somme de 198 800, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en alléguant qu'il a subi un manque à gagner de 17 277, 55 euros pendant la période qui sépare la date de son licenciement de celle de sa mise à la retraite soit le 1er septembre 2009 ; que cette retraite anticipée l'a également privé des revenus qu'il aurait pu percevoir en travaillant jusqu'à l'âge de 70 ans et dont la perte se chiffre à 77 640, 00 euros ; que le montant de sa retraite sera également diminué du fait de ce départ anticipé ce qui engendre une perte pouvant être estimée à 59 040, 00 euros.

Le salarié ne démontre pas qu'il a été dans l'impossibilité de poursuivre son activité ou contraint de façon définitive de cesser toute activité et de faire valoir ses droits à la retraite qui auraient été amputés de ce fait.

Il ne justifie pas par des pièces pertinentes des conséquences financières réelles de la rupture de son contrat de travail.

Compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de l'entreprise ainsi que des circonstances du licenciement ci-dessus rappelées, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts dûs à M X... du fait de son licenciement à la somme de 25 000, 00 euros.

Il y a lieu de préciser que, compte tenu de la qualité de co-employeur des sociétés ART CAD et Z..., M X... pourra demander à l'une ou à l'autre les paiement des sommes ci-dessus dans la limite de leur montant total sous réserve des dispositions de l'article L 622-21 du Code de commerce qui s'opposent en l'état à toute condamnation de la société Z... au paiement d'une somme d'argent et n'autorisent que l'inscription de sa créance au passif du redressement judiciaire de cette société.

Sur la remise des documents sociaux :

Il sera fait injonction aux sociétés intimées de remettre à M X... des bulletins de salaire, attestation ASSSEDIC, et certificat de travail conformes au présent arrêt.

Sur les intérêts légaux :

Les sommes ci dessus porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le Conseil de Prud'hommes en ce qui concerne la société ART CAD et en ce qui concerne la société Z... de cette date jusqu'à celle du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire qui suspend le cours des intérêts en application des dispositions de l'article L 622-28 du Code de commerce.

Ces intérêts seront capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.

Sur les frais irrépétibles :

Il apparaît équitable de dédommager le salarié de ses frais irrépétibles dans la limite de 1 500, 00 euros.

Sur les dépens :

Les dépens seront à la charge des sociétés intimées et seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.

PAR CES MOTIFS la Cour statuant publiquement et contradictoirement ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions hormis en ce qu'il a débouté M X... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Réformant de ce chef et statuant à nouveau :

Condamne la société ART CAD à verser à M X... :

- la somme de 25 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- la somme de 1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Fixe au passif du redressement judiciaire de la SAAD ENTREPRISE Z... les sommes de :

-25 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit que les sommes ci dessus porteront intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le Conseil de Prud'hommes en ce qui concerne la société ART CAD et en ce qui concerne la société Z... de cette date jusqu'à celle du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire qui suspend le cours des intérêts.

Dit que ces intérêts seront capitalisés par année entière conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil.

Précise que, compte tenu de la qualité de co-employeur des sociétés ART CAD et Z..., M X... pourra demander à l'une ou à l'autre les paiement des sommes ci-dessus dans la limite de leur montant total sous réserve des dispositions de l'article L 622-21 du Code de commerce qui s'opposent en l'état à toute condamnation de la société Z... au paiement d'une somme d'argent.

Déclare le présent arrêt commun et opposable à L'AGS CGEA ;

Dit que les dépens seront laissés à la charge des sociétés ART CAD et Z... et seront employés en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia RICHET, Présidente et par Madame Brigitte ROBERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/00120
Date de la décision : 23/05/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2012-05-23;10.00120 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award