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08/02/2012 | FRANCE | N°10/00237

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 08 février 2012, 10/00237


COUR D'APPELDE VERSAILLES

Code nac : 80A15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 08 FEVRIER 2012
R.G. No 10/00237
AFFAIRE :
Thierry X...

C/France Y... décédée le 22 juillet 2010 à RUEIL MALMAISON /92

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Décembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYESection : Activités diversesNo RG : 08/715

Copies exécutoires délivrées à :
Me Philippe CASSAGNESMe Eve LABALTE

Copies certifiées conformes délivrées à :
Thierry X...
France Y...

décédée le 22 juillet 2010 à RUEIL MALMAISON /92, Serge Bernard Charlezs Y... agissant en reprise d'instance de sa fille Fr...

COUR D'APPELDE VERSAILLES

Code nac : 80A15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 08 FEVRIER 2012
R.G. No 10/00237
AFFAIRE :
Thierry X...

C/France Y... décédée le 22 juillet 2010 à RUEIL MALMAISON /92

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Décembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYESection : Activités diversesNo RG : 08/715

Copies exécutoires délivrées à :
Me Philippe CASSAGNESMe Eve LABALTE

Copies certifiées conformes délivrées à :
Thierry X...
France Y... décédée le 22 juillet 2010 à RUEIL MALMAISON /92, Serge Bernard Charlezs Y... agissant en reprise d'instance de sa fille France Y... décédée le 22 juillet 2010, Augusta Y... A... agissant en reprise d'instance de sa fille France Y... décédée le 22 juillet 2010

LE HUIT FEVRIER DEUX MILLE DOUZE,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Thierry X......78290 CROISSY SUR SEINE
représenté par Me Philippe CASSAGNES, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANT****************Mademoiselle France Y... décédée le 22 juillet 2010 à RUEIL MALMAISON /92
Monsieur Serge Bernard Charlezs Y... agissant en reprise d'instance de sa fille France Y... décédée le 22 juillet 2010...78160 MARLY LE ROI
représenté par Me Eve LABALTE, avocat au barreau de PARIS
Madame Augusta Y... A... agissant en reprise d'instance de sa fille France Y... décédée le 22 juillet 2010...78160 MARLY LE ROI
représentée par Me Eve LABALTE, avocat au barreau de PARIS
INTIMES****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente,Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,Monsieur Hubert DE BECDELIÈVRE, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,

Mme France Y... a été embauchée, par contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2007, en qualité de conseillère en assurance par le cabinet Thierry X... pour une durée hebdomadaire de 35 heures et une rémunération mensuelle brute de 1 910,00 euros.

¨Par lettre du 18 avril 2008, elle se voyait notifier une mesure de mise à pied de 4 jours pour des injures et violences verbales proférées la veille contre M X... .
Toutefois, cette sanction était levée par un courrier du 06 mai 2008 dans lequel monsieur X... indiquait qu'il souhaitait voir repartir leur collaboration sur de meilleures bases.

Mme Y... qui souffrait par ailleurs d'un cancer du pancréas était arrêtée du 18 avril jusqu'au 10 mai 2008, reprenait son activité jusqu'au 15 octobre, puis était de nouveau arrêtée jusqu'au 30 octobre.
Le 31 octobre, elle ne se présentait pas à son poste sans apporter de justificatif de son absence;
Elle reprenait ensuite son poste du premier au 5 novembre. À partir de cette date, elle ne se présentait plus à son poste sans justifier de son absence avant le 20 novembre . L'employeur, prenant acte de cette absence irrégulière, convoquait Mme Y... par lettre recommandée du 12 novembre2008, à un entretien préalable dont la date était fixée au 21 novembre.
Elle faisait parvenir à son employeur par LRAR du 17 novembre reçue le 20 un avis d'arrêt de travail daté du 05 novembre justifiant son absence par une "Dépression suite à un harcèlement que j'ai déjà noté le 18 avril 2008 alors qu'elle essaye de combattre un cancer pancréatique avec proliférations hépatiques .
Elle se présentait au rendez vous du 21 novembre accompagnée d'un conseiller mais M X... refusait de la recevoir ayant décidé de reporter cet entretien au 09 décembre, ce dont il avait avisé la salariée par une lettre recommandée reçue la veille . Mme Y... ne déférait pas à ce nouveau rendez vous .

Mme Y... était licenciée pour faute lourde par lettre recommandée du 12 décembre 2008 au motif suivant :
" vous vous êtes abstenue, manifestement dans le but de désorganiser mon entreprise, de m'adresser dans le délai de 3 jours ouvrés votre justificatif d'absence depuis le 06 novembre 2008.
" Je n'ai reçu ce dernier, sans aucune explication de votre part, par envoi recommandé avec accusé de réception que le 20 novembre 2008".

Estimant son licenciement abusif Mme Y... a saisi le 31 décembre 2008 le Conseil de Prud'hommes de St Germain en Laye de demandes tendant à la condamnation du cabinet Thierry X... au paiement des sommes de :
- 50 000, 00 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif; - 2 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Par jugement du 03 décembre 2009, le Conseil de Prud'hommes a déclaré le licenciement abusif et a condamné M X... à payer à celle-ci les sommes de :
- 8 000,00 euros à titre de dommages et intérêts; - 800,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
En rappelant que les intérêts légaux sont dus à compter du jour du prononcé du jugement;
Cette décision a également débouté M X... de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

M X... a régulièrement relevé appel dudit jugement. .
Mme France Y... est décédée le 22 juillet 2010.
M Serge Bernard Charles Y... et Mme Augusta A... épouse Y... parents et uniques ayant droit de la salariée ont repris l'instance pendante devant la Cour d'appel ;
DEVANT LA COUR :
Par conclusions déposées le 12 décembre 2011 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, M X... a demandé à la Cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement attaqué et de débouter les époux Y... de leurs demandes.
Par conclusions déposées le 12 décembre 2011 et développées oralement auxquelles il est expressément fait référence, les époux Y... ont demandé à la Cour :
À titre principal :
- de constater la nullité du licenciement - de condamner en conséquence le Cabinet Thierry X... au paiement de la somme de 50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite;
à titre subsidiaire :
- dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, - dire le licenciement abusif et vexatoire; - condamner en conséquence le Cabinet Thierry X... au paiement de la somme de50 000,00 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef ;
À titre infiniment subsidaiaire :
Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 8 000,00 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause :
Condamner le Cabinet Thierry X... au paiement de la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

MOTIFS DE LA DECISION :

Mme Y... invoque la nullité du licenciement en se fondant sur l'article 1132-1 du Code du travail selon lequel : " aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé" et l'article 1132-4 selon lequel " toute disposition ou toute acte contraire à l'égard d'un salarié est nul de plein droit".
Elle soutient que le motif de licenciement invoqué est manifestement lié à sa maladie .
Toutefois, le motif invoqué dans la lettre de licenciement n'est pas la maladie elle même mais le retard mis par la salarié à avertir l'employeur de son absence et la désorganisation que ce retard a provoqué dans le fonctionnement de l'entreprise.
Le licenciement peut être valablement causé par la désorganisation provoquée dans l'entreprise par les absences du salarié pour cause de maladie et a fortiori lorsque cette désorganisation est amplifiée par un manquement du salarié à son obligation d'avertir l'employeur dans le délai prescrit .
Les époux Y... ne peuvent invoquer la nullité du licenciement sur le fondement des articles sus rappelés.
Au soutien de ses prétentions le Cabinet Thierry X... fait valoir que :
Mme Y... était tenue de justifier des motifs de son absence dans les 3 jours . Or l'employeur n' en a été avisé que le 20 novembre soit 15 jours plus tard . La salariée a encore attendu 4 jours après la réception de sa convocation à entretien préalable qui visait cette absence de justification avant de poster le certificat médical.
Elle n'apporte aucune justification à cet envoi tardif. Elle n'était pas dans l'incapacité de se déplacer pour poster la lettre puisqu'elle a pu venir à l'entretien du 21 novembre;
Par ailleurs, Mme Y..., unique employée, était particulièrement bien placée pour savoir que son absence perturbait gravement le fonctionnement du cabinet.
Elle savait qu'en s'abstenant de justifier de son absence pour raisons médicales, elle rendait impossible son remplacement .
On doit en déduire que c'est à dessein et dans l'intention de nuire que Mlle Y... s'est abstenue de fournir ce justificatif en temps utile et raisonnable .

Les époux Y... répliquent à ces arguments :
- que l'employeur, informé de la maladie de leur fille au moment de l'embauche, connaissait le motif de son arrêt de travail avant d'en avoir reçu la justification et souhaitait la licencier pour cette raison ; que la faute lourde n'est quasiment jamais invoquée à l'appui d'un licenciement s'agissant d'une faute d'une exceptionnelle gravité commise avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise et que seuls relèvent d'une telle qualification le vol, le sabotage, la violence, le faux et usage de faux .
- que M X... se contente d'invoquer la désorganisation de son entreprise sans s'attarder sur la nature des désordres provoqués par le retard et sans invoquer une seule raison qui aurait pu inciter Mlle Y... à nuire à son employeur.
Ils rappellent également qu'en droit, le seul fait pour un salarié dont l'employeur a connaissance de l'état de santé d'omettre de justifier une nouvelle prolongation de son absence à la date d'expiration d'un arrêt de travail pour maladie ne suffit pas à caractériser l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l'espèce, les intimés soutiennent que leur fille avait averti l'employeur de ses problèmes de santé dès avant son embauche . Ce point est établi par le courrier adressé par M X... à Mlle Y... le 06 mai 2008 dans lequel celui-ci écrit :
"Vous insinuez que la mise à pied disciplinaire dont vous avez fait l'objet serait liée à votre maladie. Ceci est totalement faux car je vous rappelle qu'au moment de votre embauche en octobre 2007, vous m'aviez déjà parlé de votre état de santé".
Il n'est pas contestable qu'elle a été absente pour cause de sa maladie du 18 avril au 10 mai puis du 15 octobre au 30 octobre.
Elle n'a repris le travail que du 03 au 05 novembre avant d'être à nouveau arrêtée.
L'employeur qui a reçu les justifications médicales de ces arrêts ne pouvait ignorer les causes de la dernière absence de Mlle Y... et il est douteux qu'il ait attendu 15 jours pour s'informer de la situation de celle-ci si son absence lui avait causé le préjudice qu'il invoque.
Il ne justifie d'ailleurs pas avoir dû la remplacer pendant les deux précédentes absences maladie ni pendant la dernière dont la durée s'étend du 05 décembre jusqu'à son licenciement.
La preuve n'est donc pas rapportée que le retard mis par Mlle Y... à aviser son employeur de son absence, la 3ème absence dans un délai de 7 mois, a empêché M X... de pourvoir à son remplacement et a ainsi préjudicié au fonctionnement de l'entreprise.
Par ailleurs l'intention de nuire n'est pas caractérisée en l'absence d'éléments de nature à établir que l'absence de Mlle Y... rendait nécessaire son remplacement ou qu'elle ait sciemment omis d'informer son employeur dans le but de désorganiser le fonctionnement du cabinet.
Il est vraisemblable que l'importance des problèmes de santé de Mlle Y... la lourdeur du traitement qu'elle a subi, l'état d'abattement bien compréhensible dans lequel elle devait se trouver aient émoussé sa vigilance, sa présence d'esprit et sa volonté de manière à rendre excusable un certain relâchement .

Au vu de ces éléments il convient d'approuver le décision prud'hommale en ce qu'elle a considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
S'agissant du montant des dommages et intérêts il convient d'observer que l'ancienneté de Mlle Y... et la taille de l'entreprise ne permettent pas de faire application de l'indemnité plancher de 6 mois de salaires prévue par l'article 1235-1 du Code du travail.
L'indemnité doit couvrir le préjudice subi par la salariée .
Les intimés ne produisent pas de pièces de nature à établir ce montant mais invoquent des difficultés financières de leur fille ayant nécessité le recours à des amis pour payer ses loyers et produisent un bon de secours d'un montant de 120 euros établi le 17 décembre 2008 par la Direction des territoires d'action sociale de Versailles . Ils soutiennent que ces expédients ont été nécessités par le refus de l'employeur de faire les démarches nécessaires à la perception par la salariée des indemnités journalières de maladie. Toutefois, cette inertie n'a causé à Mlle Y... qu'une gène passagère de trésorerie et non un manque à gagner.
Il apparaît également que le montant alloué par les premiers juges à titre de dommages et intérêts n'a pas tenu suffisamment compte des circonstances du licenciement qui sans être à proprement parler vexatoires , apparaissent particulièrement difficile à vivre compte tenu de la maladie de Mlle Y... et de l'état dépressif qui l'a accompagné.
La Cour réformera le jugement de ce chef et fixera plus justement à 12 000,00 euros le montant de ces dommages et intérêts.
En revanche, le Conseil des Prud'hommes a fait une juste application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Il apparaît équitable de dédommager les époux Y... de leurs frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel dans la limite de 2 000,00 euros ;
Le Cabinet Thierry X... sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS la Cour statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions hormis sur le montant des à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Réformant de ce chef et statuant à nouveau :
Condamne le Cabinet Thierry X... à verser aux époux Y... la somme de 12 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
AJOUTANT :
Condamne le Cabinet Thierry X... à verser aux époux Y... la somme de 2 000,00 sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne le Cabinet Thierry X... aux dépens de l'appel ;

Arrêt- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé parMadame CALOT Conseiller en l'absence de Madame Marie-Paule DESCARD-MAZABRAUD, Présidente empechée et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/00237
Date de la décision : 08/02/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2012-02-08;10.00237 ?
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