COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 80A 15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 12 OCTOBRE 2011
R. G. No 10/ 03472
AFFAIRE :
S. A. S. THOMAS et HARRISON
C/ Stéphanie X...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 17 Mai 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de NANTERRE Section : Activités diverses No RG : 08/ 03484
Copies exécutoires délivrées à :
Me Laëtitia SIMONIN-DARD Me Catherine LAUDOU
Copies certifiées conformes délivrées à :
S. A. S. THOMAS et HARRISON
Stéphanie X...
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE ONZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S. A. S. THOMAS et HARRISON 26 rue Petit 92110 CLICHY
représentée par Me Laëtitia SIMONIN-DARD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
APPELANTE
****************
Mademoiselle Stéphanie X... 84 bis rue Martre 92110 CLICHY
comparant en personne, assistée de Me Catherine LAUDOU, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller, Madame Christine FAVEREAU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
FAITS
Mme Stéphanie X..., née le 20 novembre 1971, a été engagée par la société THOMAS et HARRISON, qui a pour activité les travaux de peinture, décoration et ravalement, par CDI à temps partiel en date du 20 mars 1995 en qualité de standardiste, échelon ETAM, 1er échelon, coefficient 345 (130 h/ mois). Une convocation à entretien préalable lui était notifiée par la société le 13 octobre 2008 pour le 21 octobre 2008 avec mise à pied à titre conservatoire à compter du 13 octobre et par lettre du 24 octobre 2008, la société THOMAS et HARRISON lui notifiait son licenciement pour faute grave, privative des indemnités de rupture, contesté par la salariée par courrier du 30 octobre. Mme X... bénéficiait de plus de 2 ans d'ancienneté, elle occupait depuis janvier 1999 les fonctions d'assistante commerciale (169 h/ mois) en vertu d'un avenant. Elle est classée au 1er échelon, coefficient 500, niveau C de la convention collective ETAM du bâtiment de la région parisienne et son salaire brut mensuel est de 1. 900, 85 € en son dernier état. L'entreprise fait partie du groupe Bechet, groupe dont l'effectif n'est plus que d'une centaine de personnes en 2008. Mme X... a saisi le C. P. H le 20 novembre 2008 de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre.
PROCEDURE
La SAS THOMAS et HARRISON a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 28 juin 2010, l'appel portant sur la totalité du jugement.
DECISION DEFEREE
Par jugement rendu le 17 mai 2010, le C. P. H de Nanterre (section Industrie) a :
- dit que le licenciement de Mme X... est sans cause réelle et sérieuse-condamné la société THOMAS et HARRISON à payer à Mme X... les sommes suivantes : * 820, 80 € au titre de salaire correspondant à la période de mise à pied * 82, 08 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents * 3. 801, 70 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis * 380, 01 € au titre des congés payés afférents * 6. 992, 87 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement * 12. 500 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse * 1. 425, 64 € à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois 2008 * 142, 56 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents * 740, 46 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du DIF * 1. 500 € au titre de l'article 700 du CPC-condamné la société à remettre à Mlle X... les bulletins de paie et attestation Assedic rectifiés, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard quinze jours après la notification du jugement et pendant 15 jours-débouté Mme X... du surplus de ses demandes-débouté la socété THOMAS et HARRISON de sa demande reconventionelle-condamné la socété THOMAS et HARRISON aux dépens
DEMANDES
Vu les conclusions, visées par le greffe et soutenues oralement par la société THOMAS et HARRISON, appelante, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- constater que Mme X... a été remplie de ses droits au titre de la conclusion, l'exécution et la rupture de son contrat de travail-débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes-infirmer le jugement en toutes ses dispositions-ordonner à Mme X... la restitution des sommes perçues en exécution du jugement-à titre subsidiaire,- constater la cause réelle et sérieuse à l'origine du licenciement-en tout état de cause,- dire et juger que le licenciement de Mme X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse-condamner Mme X... au paiement de la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par Mlle X..., intimée, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- confirmer le jugement en son principe en déclarant le licenciement de Mlle X... dépourvu de cause réelle et sérieuse, mais en infirmant le montant de l'indemnité-condamner la société THOMAS et HARRISON à payer à Mme X... les sommes suivantes : * 820, 80 € au titre de salaire correspondant à la période de mise à pied * 82, 08 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents * 3. 801, 70 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis * 380, 01 € au titre des congés payés afférents * 6. 992, 87 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement * 25. 000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse * 1. 425, 64 € à titre de rappel de salaire pour le 13ème mois 2008 * 142, 56 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents * 740, 46 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier du DIF * 2. 392 € au titre de l'article 700 du CPC
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la rupture du contrat de travail
Considérant selon l'article L. 1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail que " lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur " ;
Considérant selon l'article L. 1232-1 du même code, que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;
Considérant enfin selon l'article L. 1235-1 " qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;
Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l'autre partie d'en rapporter seul la preuve et de démontrer qu'il a contraint le salarié à quitter son emploi dès la constatation de la faute ;
Considérant en l'espèce, que par courrier en date du 24 octobre 2008, la société a procédé au licenciement pour faute grave de Mme X... eu égard à son refus soudain et persistant d'exécuter une tâche entrant dans ses attributions, attitude constitutive d'une insubordination ;
Considérant que la société THOMAS et HARRISON rappelle qu'un salarié doit respecter les ordres de l'employeur et ne peut en principe, refuser d'exécuter une tâche conforme à ses attributions ou accessoire à celle-ci, soutient que la salariée a refusé en juillet 2008 d'exécuter certaines de ses missions qu'elle effectuait auparavant (tri, réception, ouverture et distribution du courrier), qu'il n'y a pas eu modification unilatérale du contrat de travail de la salariée, que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié, précise qu'après le départ de Mme X..., elle a eu recours à des travailleurs intérimaires pour reprendre les tâches de standardiste et administrative de celle-ci, objecte qu'on ne peut reprocher à l'employeur de réorganiser la société et ses services et de revoir la répartition des tâches ;
Considérant que le salariée réplique que le départ au mois d'août 2008 de Mme Y..., dans le cadre d'un licenciement, qui effectuait une fonction d'assistante de direction, conduisait à lui transférer les tâches de son ancienne collègue, que celles-ci ne se limitaient pas à l'ouverture, à l'enregistrement et à la distribution du courrier, qu'elle devait assurer en outre la saisie des commandes clients, des situations de travaux et factures, des contrats de sous-traitance, des situations des sous-traitants, et taper des courriers, que la proposition de la direction de lui augmenter son salaire de 50 euros ne saurait être sérieusement validée, que la direction avait l'intention de la licencier, que la modification de son contrat de travail ne pouvait lui être imposée unilatéralement, que ses collègues avaient une classification D, supérieure à la sienne, que ni son poste ni celui de Mme Y... n'ont été remplacés ;
Considérant que le refus par un salarié d'effectuer une tâche ne correspondant pas à sa qualification n'est pas fautif ;
Considérant en l'espèce, qu'il résulte des pièces produites aux débats, que la direction a demandé à Mlle X..., après son retour de congé de maternité et après le départ de Mme Y..., d'effectuer les tâches de celle-ci (devis, commandes, factures, traitement du courrier) en plus de ses tâches d'assistante commerciale (d'ordre administratif), telles que mentionnées dans l'avenant du 4 janvier 1999 sans qu'un nouvel avenant au contrat de travail ne soit établi ;
Que le courriel de rappel à l'ordre de l'employeur à la salariée en date du 2 octobre 2008 intitulé " rappel des tâches qui vous sont confiées " inclut des attributions non mentionnées dans l'avenant du 4 janvier 1999 (enregistrement des demandes de devis, convocation des membres élus aux réunions de CE et aux réunions du CHSCT, frappe de devis sur Excel, saisie de commandes clients) ;
Que la salariée a pu accepter un temps d'assurer le traitement du courrier à l'arrivée pendant l'absence de ses collègues, sans pour autant consentir à prendre formellement en charge ces nouvelles tâches en tant que telles, étant précisé que la tolérance par la salariée n'est pas créatrice de droit pour l'employeur ;
Considérant qu'une nouvelle classification des emplois des ETAM du bâtiment (8 niveaux de classement de A à H), est entrée en vigueur depuis le 1er février 2008 en vertu d'un accord paritaire national et reportée sur les bulletins de paie des salariés à compter de juin 2008 (pièce 7 de l'intimée) ;
Que selon courrier en date du 30 mai 2008, la société a accordé à la salariée un classement au niveau C ;
Considérant qu'il est justifié que Mme Y... avait la qualité de secrétaire de direction et était classée ETAM, position V (rémunération de 2. 484 €), alors que Mlle X... occupait un poste d'assistante commerciale, position III (salaire brut mensuel de 1. 900, 85 €), devenu niveau C ;
Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que l'employeur ne pouvait imposer à la salariée une modification de ses fonctions sans un accord formel de celle-ci et qu'à défaut, le refus de l'intéressée ne constituait pas une faute par violation de ses obligations contractuelles ;
Qu'en conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme X... est dénué de cause réelle et sérieuse et alloué des indemnités à la salariée ;
Considérant que la salariée a été licenciée à l'âge de 37 ans et est toujours en recherche d'emploi en dépit de ses recherches actives ;
Qu'au regard du préjudice subi par la salariée et de son ancienneté au sein de l'entreprise (13 ans), le jugement sera réformé du chef du quantum alloué au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sera porté à 20. 000 € ;
Qu'il n'y a pas lieu d'assortir d'astreinte la condamnation de l'employeur à la remise des documents sociaux et le jugement sera réformé de ce chef ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant qu'il sera alloué à la salariée une indemnité complémentaire en complément de celle allouée par les premiers juges ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre de l'astreinte pour la remise des documents sociaux à la charge de l'employeur
Statuant à nouveau de ces chefs,
CONDAMNE la S. A. S THOMAS et HARRISON à payer à Mme X... la somme de 20. 000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la S. A. S THOMAS et HARRISON à remettre à Mlle X... les bulletins de paie et attestation Pôle Emploi rectifiés
Y ajoutant,
CONDAMNE la S. A. S THOMAS et HARRISON à payer à Mme X... la somme de 2. 000 € en application de l'article 700 CPC
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la S. A. S THOMAS et HARRISON aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Claude CALOT Conseiller en l'absence de Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président empeché et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.