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21/09/2011 | FRANCE | N°09/04366

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 21 septembre 2011, 09/04366


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 21 SEPTEMBRE 2011
R. G. No 09/ 04366
AFFAIRE :
Erik X...

C/ S. A. S. GENZYME

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 26 Octobre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE Section : Activités diverses No RG : 08/ 625

Copies exécutoires délivrées à :

Me Gérard TAIEB Me Arielle TORDJMANN

Copies certifiées conformes délivrées à :

Erik X...
S. A. S. GENZYME
LE VI

NGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Erik X......

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 21 SEPTEMBRE 2011
R. G. No 09/ 04366
AFFAIRE :
Erik X...

C/ S. A. S. GENZYME

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 26 Octobre 2009 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de ST GERMAIN EN LAYE Section : Activités diverses No RG : 08/ 625

Copies exécutoires délivrées à :

Me Gérard TAIEB Me Arielle TORDJMANN

Copies certifiées conformes délivrées à :

Erik X...
S. A. S. GENZYME
LE VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Erik X... né le 08 Mai 1955 ... 92100 BOULOGNE-BILLANCOURT

comparant en personne, assisté de Me Gérard TAIEB, avocat au barreau de PARIS

APPELANT ****************

S. A. S. GENZYME 33/ 35 Bd de la Paix 78105 ST GERMAIN EN LAYE CEDEX

représentée par Me Arielle TORDJMANN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 06 Juin 2011, en audience publique, devant la cour composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller, Madame Annie VAISSETTE, Conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN PROCEDURE

M. X... a régulièrement fait appel le 4 novembre 2009 du jugement déféré, l'appel portant sur le débouté de l'ensemble des demandes et en ce que le jugement a mis les dépens à sa charge.
FAITS
M. Erik X..., né le 8 mai 1955, après avoir démissionné par lettre du 5 septembre 2005 du laboratoire Sanofi-Aventis, a été engagé à compter du 24 octobre 2005 par contrat à durée indéterminée du 20 octobre 2005 par la société GENZYME, qui est un établissement pharmaceutique, en qualité de Directeur Senior de recherche clinique pour la division Bio Surgery Europe, statut cadre, groupe IX niveau B, moyennant un salaire annuel fixe de 130. 000 € sur 12 mois et une partie variable pouvant aller jusqu'à 20 % de cette rémunération à objectifs atteints définis dans le plan de bonus.
Son salaire a été augmenté à deux reprises en 2006 du fait de sa contribution au succès de la société.
Après le départ de M. Y..., c'est M. Khazal Z... qui devient le supérieur hiérarchique de M. X... début 2007.
Au dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel était de 12. 445 € brut.
Une convocation à entretien préalable était notifiée au salarié le 5 mai 2008 pour le 19 mai 2008.
Par lettre du 28 mai 2008, la société lui notifiait son licenciement pour insuffisance professionnelle avec dispense de préavis (difficultés dans l'encadrement d'une équipe, insuffisance de reporting liée à une indigence des connaissances scientifiques, manque d'autorité et de charisme, insuffisances constatées dans l'évaluation de performances réalisée le 14 décembre 2007, contestation de son autorité par ses collaborateurs et par ses homologues étrangers).
Le salarié a contesté son licenciement par courrier du 6 juin 2008 et a saisi la juridiction prud'homale le 18 novembre 2008 pour faire juger que son licenciement est nul pour harcèlement moral, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes.
L'entreprise emploie plus de 11 salariés et la convention collective est celle de l'industrie pharmaceutique.

DECISION DEFEREE

Par jugement rendu le 26 octobre 2009, le CPH de St-Germain en Laye (section Encadrement) a :
- dit que le licienciement de M. X... a pour objet une cause réelle et sérieuse-débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes-débouté la société GENZYME de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du CPC-condamné M. X... aux dépens

DEMANDES
Par conclusions écrites, déposées au greffe et soutenues oralement, M. X..., appelant, présente les demandes suivantes :
• réformer le jugement en toutes ses dispositions • A titre principal, vu les articles L 1152-3, L 1222-1 et L 4121-1 du code du travail • dire et juger que le licenciement de M. X... est nul pour harcèlement moral • condamner la société GENZYME au paiement de la somme de 149. 340 € à titre de réparation du préjudice matériel, celle de 74. 670 € à titre de réparation du préjudice moral et celle de 74. 670 € à titre de réparation du préjudice de carrière • A titre subsidiaire, vu les articles L 1235-3, L 1222-1 et L 4121-1 du code du travail • dire et juger que le licenciement de M. X... est dépourvu de motif réel et sérieux • condamner la société GENZYME au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 149. 340 € • condamner la société GENZYME au paiement d'une indemnité de 74. 670 € à titre de réparation du préjudice causé par le caractère vexatoire et brutal de la rupture • condamner la société GENZYME au paiement d'une indemnité de 74. 670 € à titre de réparation du préjudice de carrière • condamner la la société GENZYME au paiement d'une indemnité 5. 000 € au titre de l'article 700 du CPC

L'appelant fait valoir qu'il a fait l'objet de harcèlement pendant l'exécution de son contrat de travail, qu'il a été catapulté au sein d'une équipe en conflit avec son pouvoir central, que son supérieur hiérarchique, M. Khazal Z..., qui occupait le poste de Senior VP Clinical Research ne lui a apporté aucun soutien et s'est attaché à le discréditer et à l'humilier dans ses fonctions professionnelles, que ces agissements se sont traduits par des attaques graduelles : suppression de postes en 2007 avec surcroît de travail, que des tensions existaient entre le groupe de Paris et le siège central de Genzyme, ce qui a eu pour effet d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail et de le soumettre à une pression psychologique constante : rétrogradation structurelle de son poste en avril 2008, que malgré son état dépressif depuis mars 2007, il n'a pas été en arrêt de travail. Il ajoute que les termes employés dans la lettre de licenciement ont un caractère volontairement insultant au regard de ses capacités universitaires et professionnelles, que son départ s'est fait dans des conditions brutales et vexatoires, alors qu'il a reçu sa prime de bonus en mars 2008 (24. 192 €). Subsidiairement, il fait valoir que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, que le conseil a renversé la charge de la preuve au titre des éléments propres à caractériser l'insuffisance professionnelle, que les reproches précisés dans la lettre de licenciement sont formulés en termes vagues et généraux et ne visent pas de faits précis et objectifs, que la société ne démontre pas les insuffisances alléguées contre lui de façon précise et manifeste (attestations postérieures à la lettre de licenciement), que l'employeur utilise le compte-rendu d'entretien annuel 2007 établi le 14 décembre comme élément à charge, alors qu'il s'agit d'un document confidentiel (art. L 1222-3 alinéa 2 du code du travail), que ce bilan d'évaluation n'a pas été préparé par l'intéressé, que les reproches mentionnés dans la lettre de licenciement sont infondés.

Par conclusions écrites et déposées au greffe et soutenues oralement, la SAS GENZYME, intimée, présente les demandes suivantes :
• confirmer le jugement en toutes ses dispositions • condamner l'appelant à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC L'employeur réplique que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, que le salarié était dans l'incapacité d'assurer ses fonctions d'encadrement d'une équipe, que tous les interlocuteurs au sein de la société sont unanimes pour souligner les insuffisances du salarié, que son évaluation de performances réalisée à la fin du mois de décembre 2007 révélait de sérieuses lacunes (atteinte partielle des objectifs ou échec total dans certaines rubriques), que l'intéressé a signé ses commentaires manuscrits, que les attestations produites établissent la perte totale de confiance de la direction des études cliniques aux Etats-Unis vis à vis du salarié.

MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral
Considérant qu'aux termes des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Que selon l'article L. 1154-1 du même code, en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ;
Considérant en l'espèce, que dès son courrier du 6 juin 2008 contestant la mesure de licenciement, le salarié a évoqué le contexte des relations entretenues avec M. Khazal Z... (N + 1) au cours des mois passés, " une réduction drastique des moyens notamment humains a engendré ainsi une surcharge de travail et de stress directement à l'origine de la dégradation de son état de santé parfaitement diagnostiquée par M. Z... ", ajoutant qu'il subit de la part de celui-ci de véritables actes d'humiliation, matérialisés à partir du mois d'avril par une rétrogradation structurelle de son poste à l'origine d'une déstabilisation psychologique de sa part ;
Que pour justifier de l'altération de son état de santé en lien avec son environnement de travail, le salarié produit un certificat médical du 9 juin 2008 précisant qu'il présente depuis mars 2007 une dégradation de son état de santé avec dépression nécessitant un traitement, poussée tensionnelle, malaise, ainsi qu'un second certificat émanant du même médecin daté du 1er octobre 2010 précisant que l'intéressé est sous traitement anxio dépressif depuis octobre 2007 ;
Que cet état dépressif a été suspecté par M. Z..., dès lors que l'entretien d'appréciation de performance de M. X... du 14 décembre 2007 relate l'envoi d'un mail du 3 août 2007 au salarié, précisant qu'il est apparu au N + 1 après discussion, que le niveau d'énergie du salarié s'était affaibli ces temps derniers, ce qui lui indiquait que les prochaines vacances de celui-ci sont très nécessaires pour restaurer sa motivation et son énergie ;
Que le salarié en signant l'entretien a précisé : " Ayant lu cette évaluation, je suis d'accord que j'aurais pu donner une meilleure année, mais je suis en désaccord sur les détails énoncés. Les raisons de ma performance ont été discutées avec Kaz. Des mesures ont été prises par moi-même pour faire face à la situation. J'ai pleinement confiance que des modifications seront apportées pour 2008. En fait, des changements sont apportés au moment où ceci est écrit au niveau des équipes et des projets. Ils seront bénéfiques conduisant à améliorer la structure de l'équipe, donner une meilleure communication et un leadership clair. Je m'attends à être en mesure de montrer d'ici peu et montrer à Kaz que je peux changer de vitesse et être de retour aux affaires comme d'habitude et meilleur " ;
Considérant que le salarié s'est retrouvé en conflit avec l'équipe Bio Energy américaine qui le tient pour responsable de la perte de confiance dans la performance de l'équipe Europe, sans recevoir de soutien de la part de son N + 1, que son comportement d'homme consensuel est décrié par son supérieur hiérarchique dans son entretien d'évaluation, alors que celui-ci dispose de connaissances et de compétences unanimement reconnues dans son secteur d'activité et produit pour le justifier, de nombreuses attestations donnant des appréciations élogieuses sur son cursus professionnel, notamment au sein du laboratoire Sanofi-Aventis pendant 17 années ;
Qu'au vu des organigrammes produits (pièces 24 et 25), M. Z... a supprimé trois des quatre personnes de l'équipe de M. X... présents en 2006 sans en assurer leur remplacement, générant un surcroît de travail pour le salarié (ce qui résulte également de l'entretien d'évaluation de M. A...) ;
Que M. X..., pourtant pressenti en janvier 2008 pour être " medical monitor ", a finalement été évincé de l'équipe de qualité clinique au cours d'une réunion de management du 12 mars 2008 (pièce 14) ;
Considérant que la circonstance que le salarié ait reçu une prime de bonus en mars 2008 de 24. 192 € au titre de l'année 2007, soit le maximum du bonus (20 %) du fait que tous ses objectifs étaient atteints, ne peut que corroborer, comme le fait valoir M. X..., que les relations de travail s'étaient modifiées, qu'il subissait des pressions dans son travail, que les relations avec l'équipe Biosurgery américaine s'avéraient tendues, qu'il avait perdu leur soutien (attestation de M. F...) du fait qu'on lui reprochait de ne pas partager la culture d'entreprise Genzyme ;
Considérant que la relation des faits qui vient d'être précisée et sa chronologie laisse présumer que le salarié a subi des agissements répétés de harcèlement moral de la part de l'encadrement de la société, qui ont eu pour effet, au vu des pièces médicales produites, une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, peu importe que l'état dépressif médicalement constaté n'ait pas nécessité un arrêt de travail ;
Que les éléments de preuve fournis par l'employeur ne démontre pas que ces mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral ;
Considérant qu'il convient par voie de conséquence, de prononcer la nullité du licenciement par application de l'article L 1152-3 du code du travail ;
Considérant qu'en réparation du préjudice patrimonial subi par le salarié, il lui sera alloué la somme de 60. 000 €, celle de 30. 000 € en réparation du préjudice moral subi (du fait des termes employés dans la lettre de licenciement qui ont un caractère volontairement insultant au regard des capacités universitaires et professionnelles du salarié), outre la somme de 10. 000 € pour préjudice de carrière ;

- Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant qu'il sera alloué une indemnité de procédure à l'appelant en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de M. Erik X... intervenu le 28 mai 2008 est nul en application des dispositions de l'article L 1152-3 du code du travail

CONDAMNE la SAS GENZYME à payer M. Erik X... la somme de 60. 000 € à titre de réparation du préjudice matériel, celle de 30. 000 € à titre de réparation du préjudice moral et celle de 10. 000 € à titre de réparation du préjudice de carrière
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS GENZYME à payer à M. Erik X... une indemnité de 3. 000 € au titre de l'article 700 du CPC
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la SAS GENZYME aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/04366
Date de la décision : 21/09/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 24 avril 2013, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 11-26.883, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2011-09-21;09.04366 ?
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