Code nac : 80A 15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 14 SEPTEMBRE 2011
R. G. No 10/ 01834
AFFAIRE :
S. N. C. RESIDENCE LES CHARMILLES
C/ Line Y...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 18 Février 2010 par le Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire de MONTMORENCY Section : Activités diverses No RG : 09/ 00572
Copies exécutoires délivrées à :
Me Brigitte ROBILLIARD LASTEL Me Manfred ESSOMBE
Copies certifiées conformes délivrées à :
S. N. C. RESIDENCE LES CHARMILLES
Line Y...
LE QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S. N. C. RESIDENCE LES CHARMILLES 1 rue des Charmilles 95560 MONTSOULT
représentée par Me Brigitte ROBILLIARD LASTEL, avocat au barreau de PARIS
**************** Madame Line Y... ... Bât. C 95200 SARCELLES
représentée par Me Manfred ESSOMBE, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller, Madame Christine FAVEREAU, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC,
PROCEDURE
La SNC Résidence les Charmilles a régulièrement interjeté appel du jugement déféré le 11 mars 2010, l'appel portant sur l'ensemble des dispositions du jugement.
FAITS Mme Line Y..., née le 11 février 1961 à Fort-de-France, a été engagée par la société Résidence les Charmilles à Montsoult (95), établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (E. P. A. D) par CDI à temps partiel en date du 20 mai 2001 en qualité d'agent de service, puis par CDI à temps plein en date 30 août 2004 en qualité d'auxiliaire de vie de nuit, filière : hébergement et vie sociale, niveau employée, coefficient 200 de la convention collective de l'hospitalisation privée (C. C unique), moyennant une rémunération brute de 1. 750 €.
Les horaires de la salariée étaient les lundi et mardi : de 19h 45 à 8 heures, les vendredi, samedi et dimanche : de 19h 45 à 8h et la semaine suivante les mercredis et jeudis de 19h 45 à 8 heures.
Ses heures de pause étaient entre 23h 30 et 1h.
Une convocation à entretien préalable lui était notifiée par la société le 9 février 2009 pour le 18 février et par lettre du 4 mars 2009, la société Résidence les Charmilles lui notifiait son licenciement pour faute grave, privative des indemnités de rupture.
Mme Line Y... contestait le licenciement par courrier en date du 31 mars 2009 et demandait sa réintégration au sein de l'établissement, affirmant ne pas dormir pendant ses heures de travail, mais se reposer pendant son temps de pause, que M. A..., le résident la mettant en cause, a démenti son grief d'agressivité à son égard, se considérant comme une personne consciencieuse, appliquée et attentive dans son travail, ayant 8 ans d'ancienneté.
Par courrier du 21 avril 2009, le gérant de l'établissement déclarait s'opposer à la demande de réintégration de la salariée et maintenait la mesure de licenciement prononcé.
La moyenne de ses 3 derniers mois de salaire était de 1. 800 € et la salariée bénéficiait de plus de 2 ans d'ancienneté.
L'établissement emploie plus de 11 salariés.
Mme Line Y... a saisi le C. P. H le 11 mai 2009 de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre.
Suite à une décision de caducité prononcée le 11 juin 2009, la demande a été réinscrite le 25 juin 2009.
***
Par jugement rendu le 18 février 2010, le C. P. H de Nanterre (section Activités diverses) a :
- dit que le licenciement de Mme Line Y... est sans cause réelle et sérieuse-condamné la société Résidence les Charmilles à payer à Mme Line Y... les sommes de : * 2. 782, 79 € à titre d'indemnité légale de licenciement * 3. 515, 10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis *351, 51 € au titre des congés payés y afférents * 10. 600 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse * 800 € au titre de l'article 700 du CPC-débouté Mme Y... du surplus de sa demande-dit que les intérêts légaux dus sur les indemnités de licenciement et préavis courent à compter du 5 mars 2009- dit le jugement exécutoire dans la limite des articles R 1454-14 et R 1454-15 du code du travail-ordonné l'exécution provisoire-mis les dépens à la charge de la société Résidence les Charmilles ***DEMANDES Vu les conclusions de la SNC Résidence les Charmilles, appelante, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions-débouter Mme Line Y... de l'intégralité de ses demandes-la condamner au remboursement de la somme de 5. 971, 70 € versée au titre de l'exécution provisoire-la condamner au paiement de la somme de 2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens
Vu les conclusions écrites, visées par le greffe et soutenues oralement par Mme Line Y..., intimée, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a estimé que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse-condamner la société Résidence les Charmilles au paiement des sommes suivantes : * 3. 515, 10 € brut au titre du préavis, outre la somme de 351, 51 € au titre des congés payés y afférents * 2. 782, 79 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement-fixer à la somme de 30. 600 € les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse-2. 000 € au titre de l'article 700 du CPC-la condamner aux entiers dépens
MOTIFS DE LA DECISION
-Sur la rupture du contrat de travail
Considérant selon l'article L. 1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail que " lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur " ;
Considérant selon l'article L. 1232-1 du même code que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;
Considérant enfin selon l'article L. 1235-1 " qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié " ;
Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ne permettant pas le maintien du salarié pendant la période de préavis ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l'autre partie d'en rapporter seul la preuve et de démontrer qu'il a contraint la salariée à quitter son emploi dès la constatation de la faute ;
Que les motifs énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement fixent les termes et les limites du litige ;
Considérant en l'espèce, que par courrier en date du 4 mars 2009, la société Résidence les Charmilles a procédé au licenciement pour faute de Mme Line Y..., en invoquant :
- son état de sommeil pendant son temps de travail en dehors de ses temps de pause dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 février 2009 constaté par Mme B..., infirmière coordinatrice et en conséquence, son défaut de surveillance des personnes âgée dépendantes-la situation récurrente de cette situation-l'existence d'une plainte d'un résident et de remarques faites par des familles dénonçant le comportement agressif de Mme Line Y... et son manque de respect à l'égard du membre de leur famille hébergé dans la résidence-le moindre comportement irrespectueux ou agressif à l'égard des pensionnaires ne peut être accepté
Considérant que l'employeur soutient à l'appui de son appel, que les premiers juges ont fait une interprétation erronée des faits de la cause, qu'il rapporte au vu des pièces produites, la réalité des faits précis imputés à faute à Mme Y..., que celle-ci adoptait un comportement totalement inacceptable tant vis à vis de ses collègues de travail que des résidents, que dans la nuit du 8 au 9 février 2009, Mme B..., infirmière coordinatrice a surpris celle-ci vers 2h 30 du matin, plongée dans un profond sommeil en dehors de ses temps de pause entre 23h 30 et 1h 30, que la salariée à son arrivée à l'établissement, procédait à la distribution des médicaments aux résidents, voire à une surmédicalisation (pipette de Loxapac, neuroleptique, donnée à une résidente en plus de son comprimé de Tercian) afin qu'ils dorment et ne la dérangent pas, qu'elle prenait son repas et se couchait à 21h 30 jusqu'à 4 ou 5 heures du matin, alors qu'elle a un travail de nuit et doit surveiller les résidents, que selon les pièces produites, la salariée brutalisait les résidents et harcelait une collègue de travail, que l'ensemble des déclarations rapporte les mêmes agissements de la salariée, qui se comportait comme un véritable tortionnaire tant vis à vis des résidents que de sa collègue de travail, Mme C... ;
Considérant que la salariée réplique que jusqu'à son licenciement, elle n'a reçu aucun avertissement ou aucune sanction, que les attestations produites par l'employeur ont été établies pour les besoins de la cause et dénotent le désir de la société de se séparer d'elle avant même les faits qui lui étaient reprochés, qu'elle conteste avoir dormi dans la nuit du 8 au 9 février 2009, que son licenciement est l'illustration d'un complot monté de toute pièce par l'employeur avec la complicité de certains salariés, que les attestations sont hors sujet, que les griefs articulés à son encontre ne sont pas établis et son licenciement est donc abusif ;
Considérant que le conseil de Prud'hommes a dit que le licenciement de Mme Y... n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse du fait de l'absence de témoignages entre 2004 et 2008, de la profusion de ceux-ci lorsqu'est envisagé le licenciement de la salariée, leur teneur, l'absence de fait précis quant à des négligences vis à vis de pensionnaires, l'absence de mise à pied lors de l'entretien préalable ;
Considérant que les attestations établies par Mme C... et Mme D... seront rejetées des débats dès lors que leur date d'établissement, le 4 février 2009 et le 22 janvier 2009, antérieure à la convocation à entretien préalable adressée à Mme Y..., les rend suspectes de partialité ;
Considérant que l'employeur produit aux débats l'attestation établie le 9 février 2009 par Mme B..., infirmière coordinatrice, relatant qu'elle a surpris Mme Y... vers 2h 30 du matin, plongée dans un profond sommeil en dehors de ses temps de pause entre 23h 30 et 1h 30, l'attestation non datée de M. E..., fils d'une résidente, relatant que sa mère s'est plainte à plusieurs reprises du comportement d'une employée, refusant de l'emmener aux toilettes en disant à sa mère qu'elle avait une couche, qu'elle viendrait plus tard ou d'attendre la relève, la décrivant comme très sèche, autoritaire, peu aimable et agressive et comme étant une femme de couleur noire et assez forte et l'attestation de Mme F... datée du 10 février 2009, faisant part de son mécontentement à l'encontre d'une aide-soignante de nuit, Mme Line, qui n'a pas fait preuve de tolérance lorsque sa mère fut malade, ce qui l'a perturbée ;
Considérant que le grief tenant à l'état de sommeil de la salariée pendant son temps de travail en dehors de ses temps de pause dans la nuit du dimanche 8 au lundi 9 février 2009 constaté par Mme B..., infirmière coordinatrice, résulte de l'attestation que celle-ci a rédigée ;
Que toutefois, au regard de la contestation élevée par la salariée faisant valoir qu'elle ne dormait pas cette nuit-là, mais qu'elle se reposait et le fait que Mme B... ne soit pas venue la réveiller pour constater son réel endormissement, ce premier grief n'est pas démontré ;
Considérant en revanche, que les attestations concordantes de M. E... et de Mme F... mettent en évidence le comportement irrespectueux ou agressif de Mme Y... à l'égard de leur mère résidente au sein de l'établissement, un manque de considération et d'absence d'écoute bienveillante de Mme Line Y... à leur égard, qui est antillaise ;
Considérant qu'il en résulte que Mme Line Y... n'a pas effectué une prise en charge adaptée envers certains résidents, alors qu'ayant choisi depuis plus de quatre ans d'exercer ses fonctions dans un établissement accueillant des personnes âgées dépendantes, elle devait être à leur écoute, leur offrir un accompagnement et des soins de qualité afin de garantir les valeurs défendues par la société Résidence les Charmilles et auxquelles les résidents sont en droit d'attendre ;
Qu'en conséquence, le licenciement prononcé pour faute grave doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé en ce qu'il a accordé des dommages-intérêts à la salariée pour licenciement abusif ;
- Sur l'article 700 du CPC
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué une indemnité de 800 € à Mme Y... ;
Qu'en cause d'appel, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du CPC au profit de l'une ou l'autre des parties ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Résidence les Charmilles à payer à Mme Line Y... les sommes de :
* 2. 782, 79 € à titre d'indemnité légale de licenciement * 3. 515, 10 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis *351, 51 € au titre des congés payés y afférents * 800 € au titre de l'article 700 du CPC
L'INFIRME pour le surplus
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de Mme Line Y... est fondé sur une cause réelle et sérieuse
DEBOUTE Mme Line Y... de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la SNC RÉSIDENCE LES CHARMILLES aux entiers dépens.
Arrêt-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,