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13/07/2011 | FRANCE | N°09/03901

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 13 juillet 2011, 09/03901


COUR D'APPELDE VERSAILLES
Code nac : 80A15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 JUILLET 2011
R.G. No 09/03901
AFFAIRE :
Rosan X...

C/S.A. ALCATEL LUCENT FRANCE, en la personne deMme Aurelia Y... D.R.H

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLESSection : Activités diversesNo RG : 08/1204

Copies exécutoires délivrées à :
Me Martine SCEMAMAMe Christine LECOMTE

Copies certifiées conformes délivrées à :
Rosan X...
S.A. ALCATEL, en la

personne de son représentant légal, la RESPONSABLE SERVICE PROJET

Monsieur Rosan X...né le 06 Août 1948 à POINTE A...

COUR D'APPELDE VERSAILLES
Code nac : 80A15ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 JUILLET 2011
R.G. No 09/03901
AFFAIRE :
Rosan X...

C/S.A. ALCATEL LUCENT FRANCE, en la personne deMme Aurelia Y... D.R.H

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 01 Septembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLESSection : Activités diversesNo RG : 08/1204

Copies exécutoires délivrées à :
Me Martine SCEMAMAMe Christine LECOMTE

Copies certifiées conformes délivrées à :
Rosan X...
S.A. ALCATEL, en la personne de son représentant légal, la RESPONSABLE SERVICE PROJET

Monsieur Rosan X...né le 06 Août 1948 à POINTE A PITRE (97110)...60110 MERU
comparant en personne, assisté de Me Martine SCEMAMA, avocat au barreau de PARIS

****************

S.A. ALCATELLUCENT FRANCE , en la personne de son représentant légal Madame Aurelia Y... D.R.H 3 RUE Octave Gréard75007 PARIS
représentée par Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS

****************

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller,Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE,
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Monsieur Rosan X..., qui occupe le poste d'agent de service technique à la société ALCATEL LUCENT FRANCE, est appelant d'un jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Versailles, Section Industrie, en date du 1er septembre 2009, dans une affaire l'opposant à la société ALCATEL CIT, devenue ALCATEL-LUCENT FRANCE.

M. Rosan X..., né le 6 août 1948, a été engagé à l'âge de 22 ans, le 2 février 1971 par la société L.T.T (Lignes Télégraphiques et Téléphoniques) en qualité d'agent technique sur des chantiers permanents pour les liaisons de lignes téléphoniques.
Le 10 juillet 1973, il est nommé aide soudeur, III, 3 avec un salaire de 1. 291, 50 francs.
La société L.T.T devenait la société les Câbles de Lyon, puis Alcatel Cable.
A compter du 1er juin 1986, sa qualification professionnelle au sein de la société les Câbles de Lyon devient niveau II Echelon 3, coefficient 190, P2 soudeur principal avec une augmentation de sa rémunération (de 5. 414 francs à 5. 654 francs).
L'activité du département Chantiers de la société Alcatel Cable auquel M. X... était rattaché, a été transférée à la société ALCATEL Cable Contracting SA à compter du 1er mai 1992 en application de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail et celui-ci prend la qualification d'agent technique H.Q niveau III, échelon 1, coefficient 215, à compter du 1er octobre 1993, portant son salaire de 7. 409 francs à 7. 702 francs.
Par avenant en date du 28 novembre 1996 au nom de la société ALCATEL CONTRACTING, il était sédentarisé à l'établissement de Clichy au sein de l'entreprise ALCATEL à compter du 1er décembre 1996, avec la qualification de contremaître, niveau IV, échelon 3, coefficient 285, avec un salaire de base de 11. 500 F, outre prime de maîtrise de 8 %, la convention collective étant celle de la métallurgie de la région parisienne.
Son contrat était transféré à la société ALCATEL CIT à compter du 1er novembre 2002 en application de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail, et il était rattaché administrativement à l'établissement de Nanterre Pons d'Alcatel CIT, sans modification des autres clauses du contrat de travail, notamment ses rémunération, ancienneté et qualification.
Le 13 avril 2004, il a accepté sa nouvelle affectation de Nanterre à Vélizy à compter du 1er janvier 2005 et il recevait une prime de transfert de 3. 448 € dans le cadre d'un PSE.
Le 14 janvier 2005, M. Rosan X... avait un entretien avec sa supérieure hiérarchique à propos d'un changement de statut (alors agent de maîtrise) et il lui était demandé de choisir entre le statut d'agent de service technique ou de technicien (salaire actuel de 2. 152 € pour un nouveau salaire de 2. 175 €, mais réduction de la prime d'ancienneté), étant le seul agent de maîtrise de l'établissement de Vélizy.
A partir d'octobre 2006, une demande d'entrevue était adressée à la direction de la société Alcatel par une déléguée syndicale à propos de l'examen du statut de M. X... (révision de son coefficient et mise en adéquation de son salaire).

Il obtenait un entretien le 16 janvier 2008 à propos de son statut et il lui était précisé le 4 février 2008 que dans le fichier des R.H, il est passé IV 3 285 au 1er janvier 2003, correspondant à l'intégration d'Alco dans Alcatel Cit.
Par lettre du 15 avril 2008, il est promu à compter du 1er avril 2008 niveau V échelon 1 coefficient 305 (dernier niveau avant le statut cadre) et son salaire est porté à 2. 430 €.

Le 27 novembre 2008, monsieur Rosan X..., âgé de 60 ans, après avoir refusé un dispositif de pré-retraite en 2003, a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir un rappel de salaires, des dommages-intérêts pour discrimination professionnelle et non-respect de la procédure conventionnelle en matière d'évolution de carrière, la régularisation du coefficient applicable sous astreinte de 100 € par jour, outre le bénéfice de l'exécution provisoire et une indemnité de procédure.
Par jugement en date du 1er septembre 2009, le conseil de prud'hommes de Versailles, Section Industrie, a : - débouté monsieur Rosan X... de l'intégralité de ses demandes- condamné monsieur Rosan X... aux dépens.
***Par décision en date du 7 juillet 2010, la cour de céans, a en application des dispositions des articles 21 et suivants de la loi du 8 février 1995 et des articles 131-1 et suivants du Code de procédure civile, fait droit à la demande des parties tendant à la désignation d'un médiateur judiciaire et désigné monsieur Christian JACQUIOT, 12 rue de I'Abreuvoir 92400 Courbevoie (tél. 09 60 43 65 52), comme médiateur judiciaire.
Après échec de la mesure de médiation judiciaire, les parties ont été convoquées à l'audience du 11 mai 2011.***Par conclusions écrites, visées par le greffier et soutenues oralement, M. X..., appelant, demande à la cour de :
• déclarer M. X... recevable en son appel• infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions• condamner la société ALCATEL à verser à M. X... la somme de 100. 000 € au titre des dommages-intérêts pour non-respect du principe d'égalité entre salariés et discrimination salariale et de carrière• condamner la société ALCATEL à régulariser le coefficient applicable sous astreinte de 100 € par jour, soit passage au coefficient 395, niveau 5, échelon 3• condamner la société ALCATEL à verser à M. X... la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du CPC
Le conseil du salarié a confirmé avoir renoncé en cause d'appel à la demande au titre du rappel de salaires.
M. X... à l'appui de son appel, fait valoir qu'il a fait toute sa carrière au sein du groupe Alcatel, qu'à compter des années 1990, il a été effacé du tableau d'avancement et écarté du bénéfice des accords d'entreprise signés par Alcatel au motif que chacun de ces établissements, et singulièrement celui d'Alcatel Cit intégré par lui en 2002, représentait des unités juridiques spécifiques, distinctes les unes des autres.Il soutient que le conseil de prud'hommes semble tout ignorer des dispositions des articles L 1224-1 et L 1224-2 du code du travail, que cette juridiction a méconnu l'existence du groupe Alcatel attesté par l'employeur lui-même, la continuité de son contrat de travail, que son coefficient 285 va être gelé pendant 12 ans, soit de 1996 jusqu'en avril 2008 sans que des réserves soient émises sur son travail, que ses compétences ont été largement reconnues et utilisées par son employeur, que sa promotion tardive le 1er avril 2008 est la conséquence de la méconnaissance de la direction de son classement au sein de l'entreprise, comme cela va se révéler en mai 2008, ayant renseigné son supérieur sur son coefficient, que la distinction entre Alco et Alcatel Cit est inopérante et lui a porté un lourd préjudice, que le transfert de son contrat de travail s'impose au salarié, que la société Alcatel aurait dû le convoquer huit ans après son dernier coefficient intervenu en 1996, soit dès le 1er décembre 2004, en violation du principe d'égalité entre les salariés et en vertu de l'accord d'entreprise du 9 avril 1992, ainsi que l'a rappelé la cour de cassation octroyant à une salariée recrutée antérieurement à la mise en oeuvre d'un accord dans un arrêt du 23 mars 2011, qu'en se dispensant de le convoquer et de lui permettre de faire valoir son point de vue, défendre ses droits à une promotion, la société Alcatel a violé ses obligations, qu'il a demandé à partir de l'année 2006 un entretien pour réexaminer son statut, finalement obtenu le 16 janvier 2008, que le comportement de la société Alcatel est vexatoire et discriminatoire.Il fait observer qu'il appartient à l'employeur de réparer son préjudice de carrière, qu'il a bénéficié du coefficient 285 dès 1996 et non à compter du 1er janvier 2003, comme affirmé par Alcatel, que la preuve de la discrimination se déduit notamment du fait qu'il était resté le seul agent technique sur le site sur lequel il travaillait en 2005, c'est-à-dire à l'échelon le plus bas du personnel composant cet établissement, qu'eu égard à son ancienneté et à l'évolution de ses fonctions, ce statut était parfaitement inadéquat, que la demande qui lui a été faite en janvier 2005 lui demandant de choisir son statut dans un délai de 3 jours, démontre que son choix ne méritait en fait aucune réflexion sérieuse et qu'il a été constamment pénalisé dans l'évolution de sa carrière, que le coefficient demandé n'est que l'expression d'une promotion totalement conforme à l'évolution des carrières au sein de l'entreprise.
Par conclusions écrites, visées par le greffier et soutenues oralement, la société ALCATEL LUCENT FRANCE, intimée, demande à la cour de :
• confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de l'intégralité de ses demandes• le condamner aux dépens tant de première instance que d'appel
L'employeur objecte que la société Alcatel Cit aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Alcatel Lucent, n'a été l'employeur de M. X... qu'à compter du 1er novembre 2002, qu'il ne saurait donc lui être reproché le non-avancement de M. X... depuis 1996, que la société L.T.T ou la société les Câbles de Lyon n'ont jamais fait partie du groupe Alcatel, que le salarié a bénéficié d'une reprise d'ancienneté, que celui-ci a fait l'objet de promotions et d'augmentations régulières de salaire contrairement à ce qu'il soutient, qu'il est positionné au-dessus du salaire moyen des établissements de la société et également de celui de l'établissement de Vélizy, qu'il a fait l'objet d'augmentations de salaire régulièrement depuis le 1er janvier 1998 au vu du tableau produit, que celui-ci ne peut donc prétendre avoir été mis de côté ou même oublié, qu'il ne justifie pas de l'attribution du coefficient 395, que le choix d'un nouveau statut demandé en 2005 n'a eu aucune incidence sur sa situation et ne lui a jamais été présenté comme une promotion, qu'il s'agissait d'une simple harmonisation des statuts au sein de l'établissement.
Il réplique que le tableau établi par le salarié n'est pas une référence significative, prenant en compte les augmentations moyennes de la société pour calculer un salaire théorique, que les changements de niveau et d'échelon ne sont nullement obligatoires, que l'attribution d'un coefficient doit correspondre aux fonctions réellement exercées par le salarié en application des règles conventionnelles applicables au sein de l'entreprise, que la classification dans la métallurgie résulte d'un accord national du 21 juillet 1975, que M. X... est agent de service technique, classé au niveau V, soit le niveau le plus élevé de cette catégorie, que le salarié qui réclame l'échelon 395, n'a pas passé 10 ans au niveau V échelon 3 coefficient 365, passage obligé pour bénéficier du coefficient 395, que le poste occupé par M. X... justifie l'application du coefficient 305 et du niveau V échelon 1, qu'il appartient à l'employeur d'apprécier le changement de classification au cours de l'évolution professionnelle du salarié, que contrairement à ce que celui-ci pense, la société n'a pas oublié qu'il était classé depuis 1996 au coefficient 285, que son supérieur hiérarchique n'avait accès qu'aux références figurant sur son ordinateur renseigné à compter du 1er novembre 2002, date de reprise par la société Alcatel Cit des salariés venant de la société Alcatel Contracting, que l'accord d'entreprise est uniquement applicable au personnel de la société Alcatel Cit et non à l'ensemble des sociétés du groupe, que la société ayant repris le salarié dans ses effectifs à compter du 1er novembre 2002, elle n'avait l'obligation de le convoquer que 8 ans plus tard, soit avant le 1er novembre 2010, qu'il a été promu le 1er avril 2008 au coefficient 305 soit avant les huit ans, qu'il a eu un entretien avec sa hiérarchie en 2003 au cours duquel il lui a été expliqué que la qualité de son travail ne permettait pas une promotion en terme de changement de niveau, ni de coefficient pour l'instant, que ce n'est qu'une fois qu'il a donné toute satisfaction dans sa nouvelle affectation au sein du projet RTE en 2005, que la société l'a promu au niveau V, dernier niveau avant le statut cadre, que l'accord d'entreprise prévoit la tenue d'un entretien, mais n'indique nullement un passage automatique tous les 8 ans à l'échelon supérieur, que M. X... ne saurait invoquer une rupture d'égalité avec les autres salariés, que l'arrêt cité du 23 mars 2011 ne peut concerner le cas de M. X..., qu'il verse un arrêt rendu par la cour de céans le 19 mai 2010 dans une affaire ayant opposé un salarié à la société Alcatel Cit, demandant l'application du coefficient 365.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect du principe d'égalité entre salariés et discrimination salariale et de carrière
Considérant que l'article L.1132-1 du code du travail dispose qu'« aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération..., d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation..., en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap » ;
Que lorsque une telle discrimination est invoquée, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire, de soumettre au juge des éléments de faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et il incombe à l'employeur, par application de l'article L 1134-1, s'il conteste le caractère discriminatoire du traitement réservé à l'intéressé, d'établir que la disparité des situations constatée est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Considérant en l'espèce, que pour rejeter ce chef de demande et dire que le préjudice de carrière n'est pas avéré, les premiers juges ont dit que le salarié était promu niveau V, échelon 1, coefficient 305 avec effet au 1er avril 2008, soit moins de huit années après son transfert le 1er novembre 2002, c'est-à-dire avant d'être touché par la limite d'ancienneté fixée au 1er novembre 2010 ;
Mais considérant que lors du transfert du contrat de travail de M. X... avec la société Alcatel Contracting au sein de la société ALCATEL CIT à compter du 1er novembre 2002 en application des dispositions des articles L 122-12 alinéa 2 et L 122-12-1 du code du travail, alors en vigueur, il était spécifié l'absence de modification des autres clauses du contrat de travail, notamment ses rémunération, ancienneté et qualification ;
Que nécessairement, du fait de la poursuite du contrat initial et de la reprise d'ancienneté au 2 février 1971, son nouvel employeur ne pouvait ignorer dans la progression de carrière du salarié, son changement de classification au sein de l'entreprise à compter du 1er décembre 1996, avec la qualification de contremaître, niveau IV, échelon 3, coefficient 285, par application de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne prévoyant une grille de classification des emplois d'ouvriers, administratifs-techniciens et agents de maîtrise, instituée par l'accord national du 21 juillet 1975 visant à faciliter le déroulement de carrière de ces catégories professionnelles et à valoriser l'expérience professionnelle, alors que la société Alcatel-Lucent fixait arbitrairement ce changement de classement individuel au 1er janvier 2003, correspondant selon "le fichier R.H" à la date de transfert du contrat de travail du salarié au sein de la société ALCATEL CIT et à l'intégration de la société ALCATEL CONTRACTING dans ALCATEL CIT et faisait bénéficier celui-ci d'une promotion seulement à compter du 1er avril 2008 en le classant niveau V échelon 1 coefficient 305 (dernier niveau avant le statut des ingénieurs et cadres), alors que la notion d'unité économique et sociale est sans effet sur l'application de l'article L 122-12, devenu l'article L 1224-1, auquel elle ne peut faire échec ;
Considérant que M. X... ne peut se prévaloir pour la période antérieure au 1er novembre 2002, date du transfert de son contrat de travail au sein de la société ALCATEL CIT, de la violation des dispositions de l'accord d'entreprise du 9 avril 1992, entré en vigueur le 1er mai 1992 ( correspondant à la date du transfert de l'activité du département Chantiers de la société Alcatel Cable auquel M. X... était rattaché, à la société Alcatel Cable Contracting SA par application de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail, dont l'activité a été reprise par la société Alcatel Cit), prévoyant un entretien pour tout salarié ayant acquis 8 ans d'ancienneté dans le même coefficient, ayant pour objet un examen de sa situation, dès lors que, comme le soutient l'employeur, cet accord d'entreprise est uniquement applicable, selon ses termes exprès, "à l'ensemble des établissements de la société Alcatel Cit" et non à l'ensemble des sociétés du groupe Alcatel, telles que la société Alcatel Cable Contracting SA ;
Mais considérant que le gel du coefficient attribué à M. X... entre le 1er décembre 1996 et le 1er avril 2008, soit pendant plus de 11 ans, l'absence de promotion professionnelle, de changement de coefficient et d'entretien annuel d'évaluation sur une si longue période, devait conduire l'employeur, faute de justifier d'une insuffisance professionnelle caractérisée du salarié, à prendre l'initiative pour assurer l'évolution professionnelle de M. X... conformément aux accords collectifs applicables, en vertu de l'ancien article L 122-12-1 du code du travail, devenu l'article L 1224-2 ;
Considérant que selon l'accord national du 21 juillet 1975 sur la classification, les catégories ouvriers, employés, techniciens, dessinateurs et agents de maîtrise sont regroupées en 5 niveaux, chaque niveau étant subdivisé en 3 échelons et chaque échelon étant affecté d'un coefficient hiérarchique, cette classification ayant notamment pour objet de déterminer des rémunérations minimales hiérarchiques par accord collectif territorial ;
Que selon les bulletins de salaire produits aux débats, M. X... était :
- au 1er juillet 1973 aide soudeur III 3 salaire de base de 1. 291, 50 F- au 1er avril 1986 P2 soudeur principal niveau II échelon 3 coefficient 190 salaire passant de 5. 414 F à 5. 654 F- au 1er octobre 1993 qualification : agent technique HQ niveau III Echelon 1 Coefficient 215, salaire passant de 7. 409 F à 7. 702 F (salaire minimum de 6. 740 F)-au 1er décembre 1996, promotion à l'emploi de contremaître classification Niveau IV Echelon 3 Coefficient 285 (salaire minimum de 8. 934 F), statut des agents de maîtrise- janvier 2005 : passage au statut d'agent de service technique (supplément de 0, 63 €), classification "administratifs- techniciens"- au 1er avril 2008, promotion à l'emploi d'agent des services techniques classification niveau V Echelon 1 Coefficient 305 (salaire de base de 2. 525 €)Qu'il en résulte que le salarié a connu une progression de carrière constante, du fait de l'élévation de niveau et d'échelon dans la classification "ouvriers", puis dans la classification " agents de maîtrise", puis "administratifs-techniciens" à partir de janvier 2005 ;Qu'il a mis 25 ans pour passer de la classification "ouvriers " à celle de "agents de maîtrise", puis 8 ans, pour passer à celle "d'administratifs-techniciens " sans que cette nouvelle classification entre janvier 2005 et le 30 mars 2008 lui apporte une augmentation significative de revenu (supplément de 0, 63 €) ;
Considérant que si le changement de classification de niveau et d'échelon au cours de l'évolution professionnelle du salarié relève de l'appréciation du pouvoir de direction de l'employeur en faisant application des quatre critères définis dans l'accord collectif (autonomie, responsabilité, type d'activité, connaissances requises), il est manifeste qu'à la date du 4 février 2008, le fichier RH de la société Alcatel-Lucent indiquait que " M. X... est passé IV 3 285 au 1er janvier 2003", en méconnaissance du bénéfice de cette classification acquise depuis le 1er décembre 1996 au sein de l'entreprise, du fait de la succession de divers employeurs et privant le salarié de la possibilité de se prévaloir de l'accord d'entreprise du 9 avril 1992 sur les différentes mesures destinées à favoriser le développement de carrière du personnel ouvrier et collaborateur, du fait qu'il avait été recruté au sein du groupe le 2 février 1971, soit plus de vingt ans avant l'entrée en vigueur de cet accord et sans mesure particulière au profit des salariés dans cette situation ;
Considérant que la situation particulière de M. X..., seul agent de maîtrise de l'établissement de Vélizy à la date du 14 janvier 2005, conduisait le service des ressources humaines à lui proposer un changement de statut, en agent de service technique, avec une augmentation quasiment nulle de son revenu, mais sans révision du coefficient hiérarchique ;
Qu'entre le 1er décembre 1996 et le 1er avril 2008, le salarié, alors en fin de carrière, n'a connu aucune progression en termes de niveau et d'échelon, bénéficiant pourtant d'une grande ancienneté et d'une expérience en matière d'encadrement, sans que l'employeur ne produise de pièces contemporaines à cette période sur la supposée faible compétence professionnelle du salarié, de nature à justifier le ralentissement de sa promotion et ne pouvant contester qu'il fixait la classification du salarié au Niveau IV Echelon 3 Coefficient 285 au 1er janvier 2003, ignorant que cette classification remontait au 1er décembre 1996, soit 6 ans auparavant, malgré la reprise d'ancienneté au sein du groupe depuis le 2 février 1971, selon les attestations délivrées par le directeur de l'établissement Alcatel-Lucent France de Vélizy en date du 7 et 11 avril 2011 et conformément aux stipulations figurant sur les bulletins de salaire ;
Que les seules augmentations de salaire de M. X... depuis le 1er janvier 1998 au vu du tableau produit par l'employeur, résultent de l'augmentation du coût de la vie ;
Considérant que le nouvel employeur n'a pas respecté les obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification dans sa situation juridique, le 1er novembre 2002, en particulier l'accord collectif du 21 juillet 1975 sur la classification, destiné à faciliter le déroulement de carrière des ouvriers, administratifs-techniciens et agents de maîtrise, même si le salarié est positionné au-dessus du salaire moyen des établissements de la société et du salaire minimum conventionnel pour son coefficient (pièce 13) ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le nouvel employeur, en ignorant en 2008 la classification acquise par le salarié dès 1996 au sein de l'entreprise, n'a pas respecté le principe d'égalité de traitement entre des salariés placés dans une situation identique, même en l'absence d'éléments de comparaison entre salariés de l'entreprise effectuant le même travail ou un travail de valeur égale, dès lors que M. X... était le seul agent de maîtrise de l'établissement de Vélizy à la date du 14 janvier 2005 ;
Que celui-ci a eu à souffrir du manque de reconnaissance professionnelle de la part de ses supérieurs et s'est heurté pendant de longs mois au silence de sa hiérarchie qui cherchait à différer l'examen de son statut, réclamé dès octobre 2006, attitude s'analysant en une abstention fautive, allant à l'encontre de l'intérêt légitime du salarié;
Que ce traitement discriminatoire a pénalisé M. X... en termes d'évolution de carrière et de salaire, le privant de la perte de chance de promotion au coefficient 365, alors qu'il travaille au sein de l'entreprise depuis 1971, puisque selon l'avenant du 9 juillet 1990 portant mise à jour de la convention collective applicable : "En application de l'article 7 bis de l'accord national du 21 juillet 1975 modifié sur la classification, le salarié ayant acquis dans l'entreprise plus de 10 années d'expérience dans un emploi du 3ème échelon du niveau V (soit le coefficient 365), peut bénéficier d'une promotion par son employeur à un coefficient 395 pour l'application de l'alinéa 2 de l'article 3 dudit accord, lorsqu'il met en oeuvre à cet échelon une compétence éprouvée" ;
Que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ;
Que si la perte de chance subie par le salarié présente un caractère réel et sérieux, la promotion du salarié par l'employeur au coefficient 395 permettant le passage au statut des ingénieurs et cadres, toutefois cette chance de promotion était faible, faute par le salarié de justifier d'un niveau de compétence équivalent à celui d'un cadre ou d'un ingénieur, c'est-à-dire une compétence éprouvée au sens des dispositions précitées ;
Que s'agissant d'un préjudice éventuel, le dommage subi ne peut faire l'objet que d'une réparation partielle, que la cour estime fixer à 6. 000 € et le jugement sera infirmé de ce chef ;
- Sur la demande de passage au coefficient 395 (niveau V échelon 3) à compter du 1er janvier 2003, sous astreinte de 100 euros par jour
Considérant qu'il appartient au juge saisi d'une demande de classification conventionnelle et d'attribution du coefficient correspondant, soit en l'espèce, du 3ème échelon du niveau V de la classification "administratifs-techniciens" de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, d'analyser les fonctions réellement exercées par le salarié dans l'entreprise et de rechercher si le salarié remplit les critères conventionnels correspondant à la qualification revendiquée ;
Mais considérant que l'employeur objecte à juste titre que le salarié qui réclame l'échelon 395, n'a pas passé 10 ans au niveau V échelon 3 coefficient 365, passage obligé pour bénéficier du coefficient 395, conformément à l'avenant du 9 juillet 1990 portant mise à jour de la convention collective applicable, qu'il a été promu seulement à compter du 1er avril 2008 niveau V échelon 1 coefficient 305 (dernier niveau avant le statut cadre) et que le poste occupé par M. X... au vu du descriptif produit (pièce 15) justifie l'application du coefficient 305 et du niveau V échelon 1 tel que prévu dans la convention collective (pièce 17), faute par le salarié de produire des pièces pertinentes de nature à contester l'attribution de son coefficient hiérarchique ;Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
- Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Considérant que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. X... ainsi spécifié au présent dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par ARRÊT CONTRADICTOIRE,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande de passage au coefficient 395 (niveau V échelon 3) de la convention collective applicable, à compter du 1er janvier 2003
Le réforme pour le surplus
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société ALCATEL-LUCENT FRANCE à verser à M. Rosan X... la somme de 6. 000 € au titre des dommages-intérêts pour non-respect du principe d'égalité entre salariés et discrimination salariale et de carrière, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
Condamne la société ALCATEL-LUCENT FRANCE à verser à M. Rosan X... la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du CPC
Rejette toute autre demande
Condamne la société ALCATEL-LUCENT FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt prononcé par Madame CALOT, Conseiller, par suite de l'empêchement du Président et signé par Madame CALOT, Conseiller et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier présent lors du prononcé. Le GREFFIER, Le PRESIDENT,

,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/03901
Date de la décision : 13/07/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2011-07-13;09.03901 ?
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