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25/05/2011 | FRANCE | N°10/00032

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 25 mai 2011, 10/00032


COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
5, Rue Carnot RP 1113
78011 VERSAILLES CEDEX
15ème chambre
ARRÊT DU 25/ 05/ 2011

REFUS DE TRANSMISSION
DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DOSSIER : 10/ 00032

No Minute :

Demandeur à la question prioritaire :

Monsieur Thierry X...
...
92160 ANTONY

Représenté par M. Bernard Y... (mandataire syndical F. O)
...
77850 HERICY

Défendeur :

SARL HOPITAL PRIVE D'ANTONY
1 rue Velpeau
92160 ANTONY

Représentée par la SCP BARTHELEMY ET ASSOCI

ES (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)

COMPOSITION :

Jean-Michel LIMOUJOUX, Président
Marie-Claude CALOT, Conseiller rapporteur
Isabell...

COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
5, Rue Carnot RP 1113
78011 VERSAILLES CEDEX
15ème chambre
ARRÊT DU 25/ 05/ 2011

REFUS DE TRANSMISSION
DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

DOSSIER : 10/ 00032

No Minute :

Demandeur à la question prioritaire :

Monsieur Thierry X...
...
92160 ANTONY

Représenté par M. Bernard Y... (mandataire syndical F. O)
...
77850 HERICY

Défendeur :

SARL HOPITAL PRIVE D'ANTONY
1 rue Velpeau
92160 ANTONY

Représentée par la SCP BARTHELEMY ET ASSOCIES (avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND)

COMPOSITION :

Jean-Michel LIMOUJOUX, Président
Marie-Claude CALOT, Conseiller rapporteur
Isabelle OLLAT, Conseiller

assisté de Pierre-Louis LANE, greffier

Vu l'article 23-1 de l'ordonnance no58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et suivants ;

Vu les articles 126-1 et suivants du Code de Procédure Civile ;

Vu la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité déposée par un écrit distinct et motivé le 15 Décembre 2010,

par M. Bernard Y...- mandataire syndical F. O

Vu les observations formulées
par M. Bernard Y...- mandataire syndical F. O, au nom de M. X...

et par la SCP BARTHELEMY ET ASSOCIES au nom de la SARL HOPITAL PRIVE D'ANTONY

parties au procès

Vu l'arrêt avant-dire droit en date du 12 janvier 2011

Vu l'avis du ministère public en date du 29 avril 2011 communiqué aux parties

En l'espèce, M. Bernard Y...- mandataire syndical F. O, au nom de M. X...

soulève dans son écrit distinct et motivé, l'inconstitutionnalité de la loi du 27 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes, en invoquant le fait que la notion d'unicité d'instance propre au droit du travail, introduite en dérogation avec les règles du code civil par la loi du 27 mars 1907, peut produire un véritable déni de justice en se fondant sur un arrêt rendu le 16 novembre 2010 (pourvoi no0970404) par la chambre sociale qui a au visa de l'article R. 1452-6 du code du travail, cassé l'arrêt déféré au motif que la règle de l'unicité de l'instance résultant de ce texte n'est applicable que lorsque l'instance précédente s'est achevée par un jugement sur le fond, qui opère un revirement de jurisprudence quant aux conditions d'application de la règle dite de l'unicité d'instance, consigné dans un communiqué de presse, qui affirme qu'une application stricte de cette règle, peut avoir pour conséquence un véritable déni de justice, qu'il ajoute que la règle de l'unicité d'instance ne saurait s'appliquer à un jugement ayant fait l'objet d'une requête en omission de statuer, que cette règle empêche le salarié de faire valoir ses droits en justice et se substitue aux règles de révision judiciaire en matière civile, demandant que le conseil constitutionnel déclare non-conforme à la constitution " cette loi de 1907 (article R 1452-6 du code du travail) ".

Il a demandé d'écarter le moyen d'irrecevabilité de l'appel soulevé par la société intimée, au motif que la règle de l'unicité d'instance, invoquée par son adversaire, ne saurait s'appliquer à un jugement ayant fait l'objet d'une requête en omission de statuer, que cette règle destinée à éviter un éparpillement des procédures, est particulièrement restrictive par rapport aux droits des parties, que cette disposition légale dérogatoire à la règle commune a pour conséquence une quasi-impossibilité pour chacune des parties, de faire valoir ses droits et d'avoir accès à une justice équitable, que cette dérogation restrictive s'avère discriminatoire pour les salariés, que la restriction apportée quant au respect du droit à une justice équitable s'oppose à un droit fondamental qui est celui de pouvoir obtenir justice à la suite de la découverte de faits non pris en compte dans une instance, car découverts après qu'un jugement sur le fond ait été prononcé, que cette loi a pour conséquence de s'opposer dans la réalité aux règles de la révision judiciaire en matière civile.

Il estime que cette loi d'administration judiciaire constitue une violation de la déclaration des droits de l'homme, préambule de notre constitution, des règles constitutionnelles et de la convention européenne des droits de l'homme, que le droit à une justice impartiale n'est pas respecté ainsi que le droit fondamental à un accès à la justice.

La SARL HOPITAL PRIVE D'ANTONY a soutenu les termes du mémoire en réponse, transmis à la cour le 26 avril 2011, laissant à celle-ci l'appréciation du sérieux des moyens invoqués au soutien de la question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été soumise par M. X....

Elle rappelle que la loi du 27 mars 1907 fixe en autres le principe de l'unicité d'instance en matière prud'homale, repris à l'article R 1452-6 du code du travail (ancien article R 516-1), avec le tempérament de l'article R 1452-7 du code du travail (ancien article R 516-2).

Elle soulève à titre principal l'irrecevabilité de la demande en vertu des dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la constitution, qui prévoit que la QPC porte sur une " disposition législative ".

A titre subsidiaire, elle demande de rejeter la question prioritaire de constitutionnalité formulée par M. X... au motif de l'absence de son caractère sérieux :

- ce dernier ne cite pas les textes constitutionnels auxquels seraient contraires la loi du 27 mars 1907 fixant notamment le principe de l'unicité de l'instance
-rappelle que le conseil constitutionnel n'a jamais été juge de la conventionnalité des lois
-l'argumentation de M. X... tend à ce que soit déclarée inconstitutionnelle la loi du 27 mars 1907 dans son entière rédaction, ce qui reviendrait à remettre en cause la juridiction du conseil de prud'hommes dans son ensemble et non pas simplement le principe de l'unicité de l'instance
-M. X... fait une interprétation erronée de l'arrêt rendu par la chambre sociale le 16 novembre 2010, alors que la règle de l'unicité de l'instance tend à s'appliquer pour tout litige tranché sur le fond, ce qui correspond à la lettre de l'article R 1452-6 du code du travail
-la règle de l'unicité d'instance n'est pas contraire aux dispositions constitutionnelles garantissant un libre accès à la justice, étant précisé que cette règle ne contrevient pas selon la chambre sociale à l'article 6 de la CEDH (cass. soc 28 octobre 1998 pourvoi no96-43. 038)
- selon la chambre sociale, la règle de l'unicité de l'instance résultant de l'article R 1452-6 n'est applicable que lorsque la première instance s'est achevée par un jugement sur le fond

M. Bernard Y..., au nom de M. X..., a répliqué en se référant à son courrier daté du 2 mai 2011, que la loi de 1907 ne prend pas en compte les constitutions de la 4ème République et de la 5ème République, n'intègre pas la convention de l'O. I. T, soutient que la convention européenne des droits de l'homme ratifiée par la France, a repris les résolutions de l'O. I. T en 1956, que la loi de 1907 ne tient pas compte de la convention de la Haye sur les personnes vulnérables ratifiée par la France et entrée en application le 1er janvier 2009, qu'aucune mise à jour de la loi de 1907 à la lumière de la convention de l'ONU sur les travailleurs handicapés, entrée en application le 20 mars 2010, n'a été entreprise à ce jour.

Vu l'avis du ministère public en date du 29 avril 2011, communiqué aux parties, demandant de déclarer la question prioritaire de constitutionnalité irrecevable, comme s'appliquant à une disposition réglementaire.

MOTIFS DE LA DECISION

-Sur la recevabilité externe de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité

Considérant qu'en application de l'article 61-1 de la constitution du 4 octobre 1958, révisée le 23 juillet 2008, lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ;

Qu'en application de l'article 23-1 de l'ordonnance no58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, devant les juridictions relevant du conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé ;

Considérant en l'espèce, que la cour est saisie d'une demande d'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. X... le 15 décembre 2010 par un écrit distinct et motivé et complété par un écrit du 2 mai 2011 ;

Considérant que le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution a été présenté dans un écrit distinct et motivé ;

Que la demande est donc recevable en la forme ;

- Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation

* Sur l'application de la loi du 27 mars 1907 concernant les conseils de prud'homme au litige

Considérant que selon l'article 23-2, il est procédé à la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité à la cour de cassation, si les conditions suivantes sont remplies :
1o la disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites,
2o elle n'a pas été déclarée conforme à la constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances,
3o la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux

Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la constitution, la QPC porte sur une " disposition législative " ;

Considérant en l'espèce, que la présente question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. X..., porte sur la conformité aux règles constitutionnelles de la loi du 27 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes, qui a notamment introduit dans notre droit positif le principe d'unicité d'instance propre au droit du travail, alors que ce principe est aujourd'hui incorporé et codifié sous forme réglementaire à l'article R. 1452-6 du code du travail (ancien article R 516-1), dans sa rédaction en vigueur depuis le décret du 7 mars 2008 qui dispose que : " Toutes les demandes liées au contrat de travail entre les mêmes parties font, qu'elles émanent du demandeur ou du défendeur, l'objet d'une seule instance.
Cette règle n'est pas applicable lorsque que le fondement des prétentions est né ou est révélé postérieurement à la saisine du conseil des prud'hommes " ;

Considérant que la société Hôpital Privé d'Antony ainsi que le Ministère Public objectent que cette disposition réglementaire reprenant le principe d'unicité d'instance, est exclue du champ d'application de la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la constitution ;

Mais considérant que la loi du 27 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes, adoptée antérieurement à l'entrée en vigueur de la constitution du 4 octobre 1958, n'a pas été expressément abrogée par le décret 73-1048 du 15 novembre 1973, fixant la partie réglementaire du code du travail faute d'être énumérée à l'annexe II, ni par le décret 74-783 du 12 septembre 1974 modifiant les dispositions réglementaires du titre 1er du livre V du code du travail relatives à la procédure prud'homale, en particulier l'article R 516-1 du code du travail ;

Que le moyen pris de l'irrecevabilité de cette QPC sera donc écarté ;

* Sur l'absence de caractère sérieux de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité

Considérant que si M. Y... précise dans son écrit du 2 mai 2011 adressé au conseil de partie intimée : " Contrairement à ce que vous écrivez dans votre requête responsive, nous ne remettons pas en cause la totalité de la loi du 27 mars 1907, mais nous demandons à ce que la loi soit purgée des éléments inconstitutionnels qui l'émaillent, en particulier, ceux permettant l'exception de procédure en matière de droit commun, de l'unicité d'instance que vous qualifiez abusivement de principe ", celui-ci à l'audience du 3 mai 2011, a déclaré qu'il ne pouvait viser un article particulier ou une disposition précise du texte de la loi du 27 mars 1907 et qu'il s'en remettait à sa requête initiale ;

Considérant que M. Y... qui n'a jamais produit au cours des débats ayant donné lieu à deux audiences, la loi du 27 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes, ne conteste pas qu'il ignore la disposition législative évoquant le principe de l'unicité de l'instance, alors que la cour a qui a fait entrer aux débats le corps du texte publié au Dalloz 1907 4ème partie page 89, en présentant ce document aux parties, a fait remarquer que ce texte de loi comporte 82 articles et que seul l'alinéa 5 de l'article 33 est consacré au principe de l'instance unique pour toutes les demandes dérivant du contrat de louage entre les mêmes parties, destiné " à éviter des frais et des lenteurs " ;

Mais considérant que le constituant a souhaité que la question prioritaire de constitutionnalité soit un nouveau droit dont la mise en oeuvre est laissée à la seule appréciation des parties, empêchant à la juridiction saisie de se substituer à la partie demanderesse ;

Considérant que la société Hôpital Privé d'Antony soutient donc à juste titre, que l'argumentation de M. X..., sur qui pèse la charge de rapporter la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention, conformément à l'article 9 du code de procédure civile, tend à ce que soit déclarée inconstitutionnelle la loi du 27 mars 1907 dans son entière rédaction, ce qui reviendrait à remettre en cause la juridiction du conseil de prud'hommes dans son ensemble et non pas simplement le principe de l'unicité de l'instance, sans qu'il soit nécessaire d'analyser les droits et libertés garantis par la constitution auxquels porterait atteinte la loi du 27 mars 1907 ;

Considérant en conséquence, que la présente QPC, faute de présenter un caractère sérieux au sens de l'article 23-2 de la loi organique no2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application du nouvel article 61-1 de la constitution, n'a donc pas lieu d'être transmise à la cour de cassation ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, susceptible du seul recours prévu par l'article 126-7 du code de procédure civile ;

Vu l'article 23-2 de la loi organique no2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application du nouvel article 61-1 de la constitution

Dit n'y avoir lieu à transmission à la cour de cassation de la demande d'examen de la question prioritaire de constitutionnalité de la loi du 27 mars 1907 concernant les conseils de prud'hommes déposée par Bernard Y..., mandataire syndical F. O et présentée au nom de M. X..., par un écrit distinct et motivé le 15 décembre 2010

Dit que les parties et le ministère public seront avisés par tout moyen de la présente décision,

Dit qu'en application de l'article 126-1 du code de procédure civile, le refus de transmettre la question dessaisit la juridiction du moyen tiré de la question prioritaire de constitutionnalité

Dit que la décision de refus de transmission, ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre une décision tranchant tout ou partie du litige

Dit que l'affaire enregistrée sous le no 09/ 04228 (appel de M. X... contre le jugement du 29 septembre 2009 le déboutant de ses demandes en omission de statuer) sera rappelée à l'audience du collégiale du :

LUNDI 03 OCTOBRE 2011 à 09 heures SALLE No 2 PORTE J 1er Etage PORTE J

. Dit que la notification du présent arrêt vaudra convocation des parties pour cette audience

Réserve les dépens

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par M. LIMOUJOUX, Président et par Monsieur LANE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 10/00032
Date de la décision : 25/05/2011
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2011-05-25;10.00032 ?
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