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13/10/2010 | FRANCE | N°09/03775

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15, 13 octobre 2010, 09/03775


COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A MCC 15ème chambre Renvoi après cassation

ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 OCTOBRE 2010
R. G. No 09/ 03775
AFFAIRE :
Philippe X... C/ S. A. S. UNIVERSAL MUSIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Novembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS No Section : E No RG : 03/ 4892

Copies exécutoires délivrées à :

Me Isabelle WEKSTEIN-STEG Me Pierre CORNUT-GENTILLE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Philippe X...
S. A. S. UNIVERSAL MUSIC
le : REPUBL

IQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'a...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 80A MCC 15ème chambre Renvoi après cassation

ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 13 OCTOBRE 2010
R. G. No 09/ 03775
AFFAIRE :
Philippe X... C/ S. A. S. UNIVERSAL MUSIC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Novembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS No Section : E No RG : 03/ 4892

Copies exécutoires délivrées à :

Me Isabelle WEKSTEIN-STEG Me Pierre CORNUT-GENTILLE

Copies certifiées conformes délivrées à :

Philippe X...
S. A. S. UNIVERSAL MUSIC
le : REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 28 octobre 2009 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 23 septembre 2009 cassant et annulant l'arrêt rendu le 11 octobre 2007 par la cour d'appel de PARIS 21 chambre B
Monsieur Philippe X...... 92330 SCEAUX

comparant en personne, assisté de Me BOMMART-MINAULT, avoué à la Cour, Me Isabelle WEKSTEIN-STEG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 608

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S. A. S. UNIVERSAL MUSIC 20/ 22 rue des Fossés St-Jacques 75235 PARIS CEDEX 15

représentée par Me Pierre CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P 71

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Septembre 2010, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, Madame Marie-Claude CALOT, Conseiller, Madame Nicole BURKEL, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi, dans l'affaire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Pierre-Louis LANE

PROCEDURE
M. X... a régulièrement saisi la Cour d'appel de Versailles désignée comme Cour de renvoi (déclaration de saisine du 28 octobre 2009).
FAITS
M. X... a été engagé par lettre d'engagement du 6 octobre 1969 par la société PHILIPS en qualité d'assistant preneur de son.
Par lettre du 20 octobre 1973, il était engagé par la société PHONOGRAM en qualité de producteur au service artistique
Le 1er juillet 1992, M. X... devenait " managing director " de POLYGRAM MUSIC et à ce titre, bénéficiaire du régime d'allocations d'entraide de la SACEM à compter du 4 novembre 1992, dit R. A. E. S.
Par « lettre d'accord » du 27 janvier 1994, il se voyait confier, en plus de ses fonctions, le suivi de l'exploitation des enregistrements de Jane Y... et de Serge Z... sous forme de phonogrammes et vidéogrammes.
Le 10 juillet 2002, M. X... était convoqué à un entretien préalable fixé au 15 juillet suivant.
Par lettre du 17 juillet 2002, il faisait l'objet d'un licenciement pour motif réel et sérieux tout en étant dispensé d'exécuter son préavis, M. X... étant alors âgé de 55 ans, comme étant né le 23 juin 1947.
M. X... a saisi le CPH de Paris de demandes :
- tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre de régularisation des comptes de redevances
DECISIONS
Par jugement de départage rendu le 7 novembre 2005, le CPH de PARIS (section encadrement chambre 5) a :
* Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse-en conséquence, condamné la société UNIVERSAL MUSIC, ci-après désignée société U. M, à payer à M. X... la somme de 200. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement-ordonné à la société UM de rembourser à l'ASSEDIC compétente les indemnités de chômage payées à M. X... à compter du jour de son licenciement et dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage

* Sur la demande de complément de retraite R. A. E. S :
- débouté M. X... de sa demande * Sur les autres demandes

-donné acte à la société U. M de son offre de payer à M. X... une provision de 5. 000 € sur la prime producteur, sous réserve de demander le remboursement d'un éventuel trop perçu et de faire l'avance des frais d'expertise
-avant dire droit, tous droits et moyens des parties étant réservés : * désigné en qualité d'expert M. Alain A..., expert-comptable, notamment pour le bonus de 1992 à 2002 afin de rechercher sur quelle base est calculé le bonus annuel pour les cadres ayant des responsabilités comparables dans la société UM et dans le groupe auquel elle appartient ainsi que faire les comptes entre les parties pour ce qui concerne la prime producteur, le bonus de 1992 à 2002, l'incidence de la prime producteur et du bonus sur les congés payés et l'indemnité conventionnelle de licenciement

* fixé à 5. 000 € la provision à valoir sur les frais d'expertise, qui sera consignée par la société U. M-condamné la société U. M aux dépens ainsi qu'à verser la somme de 1. 500 € à M. X... au titre des frais non compris dans les dépens exposés
Sur l'appel relevé par M. X..., la Cour d'appel de PARIS (21ème chambre B), par arrêt du 11 octobre 2007, a :
- infirmé le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a ordonné une expertise portant sur le bonus demandé par M. X... et fixé à la somme qu'il a retenue l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
- dit que les opérations de l'expertise, confiée à M. A..., se limiteront, dans les termes du jugement déféré, à faire les comptes entre les parties s'agissant de la seule prime producteur due à M. X... ainsi que l'incidence éventuelle de la somme ainsi déterminée sur les indemnités conventionnelle de licenciement et de congés payés
-condamné la société U. M à verser à M. X... les sommes suivantes : 525. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 152. 449 € à titre de rappel de bonus 15. 244, 90 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents 14. 292, 09 € à titre d'indemnité complémentaire de licenciement 2. 500 € au titre de l'article 700 CPC

-confirmé le jugement pour le surplus
Y ajoutant
-dit la prescription quinquennale ne s'appliquant pas au rappel de prime-producteur éventuellement dû
-débouté les parties de leurs autres demandes-condamné la société U. M à payer à M. X... une indemnité de 2. 500 € au titre de l'article 700 CPC-condamné la société U. M aux dépens

M. X... a été débouté par arrêt en date du 15 mai 2008 de sa demande en rectification d'erreur matérielle affectant l'arrêt rendu le 11 octobre 2007.
Sur le pourvoi formé par la société U. M et sur le pourvoi formé par M. X..., la Cour de cassation, Chambre sociale, par arrêt en date du 23 septembre 2009, a :
- rejeté le pourvoi contre l'arrêt rectificatif du 15 mai 2008- cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 octobre 2007 : *en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande liée au régime d'allocation d'entraide de la SACEM et condamné la société U. M à payer la somme de 14. 292, 09 €, à titre d'indemnité complémentaire de licenciement-laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens-condamné la société U. M à payer à M. X... la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 CPP

DEMANDES
Par conclusions écrites et déposées au greffe, M. X..., appelant et demandeur à la saisine de la jurdiction de renvoi, présente les demandes suivantes :
Vu l'article 1134 du code civil
• A titre principal, condamner la société U. M à lui verser la somme de 1. 056. 562, 80 € au titre des sommes qu'il aurait dû percevoir de la S. A. C. E. M en application du régime d'allocations d'entraide de la S. A. C. E. M (R. A. E. S) • Subsidiairement, condamner la société U. M à lui verser la somme de 935. 358, 54 € au titre des sommes qu'il aurait dû percevoir de la S. A. C. E. M en application du régime du R. A. E. S, par prise en compte des droits générés par toutes les sociétés d'édition acquises par le groupe UNIVERSAL postérieurement au 3 décembre 1996 • A titre infiniment subsidiaire, condamner la société U. M à lui verser la somme de 801. 338, 78 € au titre des sommes qu'il aurait dû percevoir de la S. A. C. E. M en application du régime du R. A. E. S, par prise en compte des droits générés les sociétés FANTASIAS et EM PRODUCTIONS • condamner la société U. M à lui verser la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du CPC

Par conclusions écrites et déposées au greffe, la société U. M, intimée, présente les demandes suivantes :
Vu l'article 1134 CC
• limiter la condamnation de la société U. M à verser à M. X... à la somme de 35. 530, 87 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la perte de chance de se constituer des droits supérieurs au titre du R. A. E. S • débouter M. X... du surplus de ses demandes, fins et prétentions • condamner M. X... aux dépens

MOTIFS de LA DECISION

-Sur la demande de M. X... liée au bénéfice du régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M (R. A. E. S)
Considérant que M. X... fait valoir que la société intimée n'a pas respecté son engagement défini dans la lettre du 3 décembre 1996, en cas de rachat d'une ou plusieurs sociétés d'édition graphique, de le nommer dans la mesure du possible, à un poste de direction de cette société, de sorte qu'il puisse acquérir le nombre de points lui permettant d'obtenir une retraite S. A. C. E. M au taux maximum, alors que la perception du R. A. E. S, selon les règles de la S. A. C. E. M, n'intervenait qu'après un minimum de dix années validées, que cette obligation s'apparente plus à une obligation de résultat que de moyens, que la lettre-avenant du 3 décembre 1996 n'apporte aucune restriction à l'obligation de le nommer dirigeant bénéficiaire du R. A. E. S, que le simple respect par la société U. M de cet engagement aurait dû lui permettre de valider entre le 26 juin 1992 et le 19 janvier 2003, date à laquelle il était toujours salarié de ladite société, la durée minimum de 10 années nécessaires à l'obtention du R. A. E. S, que les postes proposés par U. M ne pouvaient pas lui permettre de bénéficier de points R. A. E. S, qu'il n'était qu'invité à faire acte de candidature pour le poste de vice-président international DVD Marketing ;
Qu'il ajoute que la société LARSEN dont il a été nommé président et bénéficiaire du R. A. E. S le 1er mars 2002, était une société trop jeune pour générer des points validés, que les deux sociétés d'édition appartenant à UNIVERSAL dont il a été nommé gérant et bénéficiaire du R. A. E. S entre 1997 et 2001, ont généré, pour la société Peekabbo Productions, 0 point et la société MN Productions, de faibles points, alors que pendant cette période, plusieurs sociétés d'édition dont il aurait pu être nommé bénéficiaire du R. A. E. S, avaient été acquises par la société U. M, étant précisé qu'aucune de ces personnes n'occupait de fonction effective dans une société d'édition graphique ;
Considérant que la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE réplique qu'elle a remis le 29 juillet 2010 à l'appelant un chèque d'un montant de 42. 876, 29 € en règlement du complément sollicité au titre de son indemnité conventionnelle de licenciement conformément à l'arrêt rendu le 23 septembre 2009 par la cour de cassation ;
Qu'elle fait valoir que le litige opposant les parties au titre du R. A. E. S, n'est pas la suite de la rupture du contrat de travail, mais la conséquence de la nomination et de la libre révocation des mandataires sociaux, que l'appelant a bénéficié du R. A. E. S du 26 juin 1992 au 10 février 1997, ayant rejoint la direction générale de la division Back Catalogue de la société POLYGRAM SA, qui n'est pas une société d'édition, que l'obligation mise à sa charge dans l'avenant au contrat de travail en date du 3 décembre 1996 relève d'une obligation de moyens et non de résultat et ne relève pas des sociétés sur lesquelles la société POLYGRAM SA n'exerce aucun contrôle direct ou indirect ;
Que s'agissant de l'exécution de bonne foi de son engagement contractuel, elle fait valoir que la désignation des dirigeants des sociétés visées par l'appelant, outre une autre personne oubliée, a été effectuée sans méconnaître ses droits, que la désignation d'une personne à la tête d'une société doit être décidée en considération des qualités de cette personne et ne peut avoir pour seul motif d'accorder des avantages financiers (tels qu'un " golden parachute " ou le bénéfice du R. A. E. S) à celui qui y prétend, que par application du principe de l'effet relatif des conventions, la société U. M FRANCE SAS était seule engagée par l'avenant au contrat de travail de l'appelant en date du 3 décembre 1996 ;
Considérant que pour bénéficier du régime d'allocations d'entraide, la personne concernée doit être âgé d'au moins 55 ans, avoir été " la personne bénéficiaire " d'une ou plusieurs sociétés d'édition pendant au moins 10 années sur l'ensemble de sa carrière dans des sociétés totalisant elles-mêmes dix années de présence à la S. A. C. E. M dont trois années validées et totaliser un minimum de 150 points au titre du droit d'exécution publique et/ ou de droit de reproduction mécanique (DEP et DRM) et trois années validées, selon l'article 8 du règlement du régime d'allocations d'entraide ;
Considérant que la cour de cassation, dans son arrêt en date du 23 septembre 2009 cassant l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du11 octobre 2007, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande liée au régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M, a dit, au visa de l'article 1134 du code civil, :
" Attendu que pour débouter M. X... de sa demande liée au régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M, la cour d'appel a retenu que M. X... a été dirigeant des sociétés MN Productions et Peekaboo Productions (adhérentes au R. A. E. S, même si ces sociétés n'ont généré qu'un petit nombre de points de retraite) et qu'il lui a été proposé la présidence d'une société d'édition Larsen ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Universal Music, qui s'était engagée à nommer M. X... dans des emplois de direction des sociétés d'édition graphique qu'elle acquerrait de telle sorte qu'il puisse bénéficier d'une pension de retraite au taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M, ne lui avait pas proposé divers emplois de direction des sociétés dont elle avait pris le contrôle alors que ces postes auraient donné à l'intéressé la possibilité d'acquérir des droits à pension supérieurs à ceux dont il pourra bénéficier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé le texte susvisé " ;

Considérant que l'accord donné par la société Universal Music le 3 décembre 1996 dans le cadre d'une lettre-avenant au contrat de travail de M. X..., du fait de sa nouvelle affectation professionnelle à la direction de Polygram Back Catalogue et de son départ de la direction de Polygram Editions, et corrélativement de la cessation du bénéfice du R. A. E. S (dite retraite S. A. C. E. M) au titre de Polygram Editions dont il a bénéficié pendant quatre années, dans l'hypothèse d'achat d'une ou plusieurs sociétés d'édition graphique, de nommer M. X... à un poste de direction (gérant à chaque fois que cela sera possible) de cette ou de ces sociétés d'édition de telle sorte qu'il puisse acquérir les points annuels lui permettant d'obtenir le moment venu une retraite S. A. C. E. M au taux maximum (en 1996 le nombre de points nécessaires pour obtenir cette retraite " maximum " était de 313 pour les droits mécaniques et 313 pour les droits d'exécution publique), s'analyse en une obligation de faire, qui se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution de la part du débiteur par application de l'article 1142 du code civil, dès lors que cette obligation ne résulte pas d'un engagement unilatéral, mais d'une convention synallagmatique, signée par la société Polygram SA en la personne de M. Pascal B... et par M. X..., soumise au principe de bonne foi et de loyauté contractuelle ;
Que si la restriction énoncée dans le paragraphe suivant aux termes duquel " Il est bien clair que l'obligation ainsi prise en votre faveur est de moyen et non de résultat de telle sorte par exemple que notre société continuera à avoir toute latitude pour restructurer le cas échéant son organisation juridique par la fusion absorption de sociétés d'édition dans Polygram Editions même si la disparition desdites sociétés a pour effet de vous priver momentanément des points nécessaires à l'obtention de la retraite S. A. C. E. M qui y est attachée ", ne remet pas en cause le principe de la libre révocabilité des mandataires sociaux, ce qui a été mis en oeuvre le 21 sept 2001 lors de la révocation de M. X... en qualité de gérant de la société Peekabbo Productions et de la société MN Productions, elle dénature cependant l'engagement contractuel pris par la société Polygram de le faire bénéficier d'une pension de retraite au taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M, cette restriction s'analysant en une clause potestative, comme faisant dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est en son pouvoir de faire arriver ou d'empêcher ;
Considérant que pour débouter M. X... de sa demande au titre de l'allocation R. A. E. S, le jugement déféré a dit qu'il n'est pas établi que la société UNIVERSAL MUSIC ait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi l'obligation de moyen à laquelle elle s'était engagée ;
Mais considérant que la société Universal Music a manqué à son engagement d'exécuter de bonne foi la convention la liant à M. X... conformément aux dispositions de l'article 1134 du code civil, en ne lui proposant pas à compter du 3 décembre 1996 des emplois de direction des sociétés dont elle avait pris le contrôle, postes qui auraient donné à l'intéressé la possibilité d'acquérir des droits à pension supérieurs à ceux dont il pourra bénéficier, alors qu'elle s'était engagée à nommer M. X... dans des emplois de direction des sociétés d'édition graphique qu'elle acquerrait de telle sorte qu'il puisse bénéficier d'une pension de retraite au taux maximum du régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M, au sens du règlement de la S. A. C. E. M ;
Qu'il résulte de la lettre-avenant du 3 décembre 1996 que la société Universal Music s'engageait à valider au profit de M. X... la durée minimum de 10 années en qualité de personne bénéficiaire d'une société d'édition et que la privation du régime du R. A. E. S ne pouvait être définitive ;
Que M. X... a seulement été invité à poser sa candidature au poste de vice-président international DVD marketing, poste n'ouvrant pas droit au bénéfice du régime du R. A. E. S, ce qui n'est pas contesté, que par ailleurs, le poste de président de la société LARSEN, proposé le 13 décembre 2001 avec effet en mars 2002, ne pouvait lui permettre de cumuler des points pour le régime du R. A. E. S, société ayant moins de dix ans d'existence, ayant été créée en mars 2002 ;
Considérant qu'au vu du récapitulatif établi par la S. A. C. E. M le 9 juin 2004, M. X... ne remplit pas les conditions exigées pour l'obtention des allocations servies par le R. A. E. S, ne totalisant pas un minimum de 150 points au titre du droit d'exécution publique et/ ou de droit de reproduction mécanique et trois années validées, n'ayant pas eu la qualité de bénéficiaire de sociétés d'édition pendant 10 ans ;
Qu'il ressort que depuis le 3 décembre 1996, date à laquelle M. X... a été nommé à la direction de Polygram Back Catalogue et corrélativement date de la cessation du bénéfice du R. A. E. S (dite retraite S. A. C. E. M) au titre de Polygram Editions dont il a bénéficié pendant quatre années, du fait qu'il n'a plus aucune activité dans le domaine de l'édition graphique du groupe, celui-ci a été maintenu comme gérant de deux sociétés, la société Peekabbo Productions et la société MN Productions ;
Que la société Peekaboo Productions, filiale de la société U. M, admise au bénéfice du R. A. E. S le 9 novembre 1992, dissoute par fusion-absorption au profit de la société U. M en date du 31 décembre 2001, ne totalise pas dix années de présence à la S. A. C. E. M (courrier de la S. A. C. E. M du 9 juin 2004) ;
Que la société MN Productions, filiale de la société U. M, admise au bénéfice du R. A. E. S le 16 mai 1989, dissoute par fusion-absorption au profit de la société U. M en date du 31 décembre 2001, ne permet de valider que deux années au profit de M. X... en qualité de personne bénéficiaire (courrier de la S. A. C. E. M du 9 juin 2004) ;
Qu'aucune gérance ne lui a été proposée, permettant l'obtention de points S. A. C. E. M liés à la qualité de gérant d'une société d'édition graphique, nécessaires à l'obtention du taux maximum du R. A. E. S, ouvrant droit au bénéfice de cette allocation, alors que depuis le 3 décembre 1996, la société U. M a acquis quatre sociétés, à savoir, la société Editions musicales Fantasia (en juillet 1999), la société Chaterton (en mars 2000), la société EM Productions (en avril 2000) et la société Desperado (en mars 2000), sociétés générant un nombre important de points au titre du DEP et des DRM (la société Editions musicales Fantasia et la société EM Productions en particulier), en désignant comme bénéficiaire du régime du R. A. E. S, des personnes n'exerçant pas de fonction effective dans une société d'édition graphique ;
Que la société n'a pas exécuté de bonne foi la clause insérée dans la lettre-avenant du 3 décembre 1996 permettant à M. X... de bénéficier du régime du R. A. E. S, ayant été privé de toute possibilité d'obtenir les points qui lui manquaient et de valider les dix années nécessaires à l'attribution d'une allocation au titre du R. A. E. S ;
Qu'à la date de son départ, le 19 janvier 2003, celui-ci totalisait 9 années 4 mois et 17 jours en qualité de personne bénéficiaire au titre du R. A. E. S dont 6, 5 années validées au sein de sociétés d'édition totalisant elles-mêmes 10 années de présence à la S. A. C. E. M et s'est vu attribuer au titre du R. A. E. S, 1. 501, 40 points et 1. 570, 70 points DRM ;
Que le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a dit qu'il n'est pas établi que la société UNIVERSAL MUSIC ait manqué à son obligation d'exécution de bonne foi l'obligation de moyen à laquelle elle s'était engagée ;
- Sur la perte de chance de M. X... de se constituer des droits supérieurs
Considérant que s'agissant de son préjudice, l'appelant soutient qu'il a été privé de toute allocation R. A. E. S, qu'il n'a pas retrouvé d'emploi, ni dans le cadre d'un contrat de travail, ni dans celui d'un mandat social, qu'il a été licencié alors qu'il avait plus de 55 ans et qu'il travaillait pour le même employeur depuis plus de 30 ans, qu'il était au chômage du 19 janvier 2003 après son licenciement au 1er juillet 2007, date de ses 60 ans et de sa retraite, que le gain manqué porte sur l'intégralité de l'allocation qu'il aurait dû percevoir depuis ses 55 ans et jusqu'à son décès, que son espérance de vie après ses 55 ans peut être estimée à 30 ans ;
Considérant que la société intimée réplique, que s'agissant de la perte de chance pour M. X... de se constituer des droits à allocation supérieurs, il ressort de l'arrêt de la cour de cassation qu'il s'agit d'un gain manqué au sens de l'article 1149 du code civil résultant de la différence entre les droits à pension acquis et ceux supérieurs qu'il aurait pu acquérir, que la non-proposition par la société U. M à l'un des postes de direction visés par l'appelant, n'a eu aucune incidence financière sur son éventuel droit à allocation au titre du R. A. E. S, dès lors qu'il n'aurait pu obtenir le nombre de points maximum annuel prévu par le règlement R. A. E. S sur 10 ans, que l'impact de l'espérance de vie doit être prise en considération, que la décision de ne pas lui confier les directions des sociétés Editions musicales Fantasia et EM Productions reposent sur des éléments objectifs, qu'il y a lieu en conséquence d'appliquer un abattement ;
Considérant que la cour de cassation a retenu la notion de perte de chance en énonçant : " Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la société Universal Music, qui s'était engagée à nommer M. X... dans des emplois de direction des sociétés d'édition graphique qu'elle acquerrait de telle sorte qu'il puisse bénéficier d'une pension de retraite au taux maximU. M du régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M, ne lui avait pas proposé divers emplois de direction des sociétés dont elle avait pris le contrôle alors que ces postes auraient donné à l'intéressé la possibilité d'acquérir des droits à pension supérieurs à ceux dont il pourra bénéficier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé le texte susvisé " ;

Considérant que seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ;
Que la perte de chance ne présente pas de caractère forfaitaire et ne saurait correspondre qu'à une fraction des différents préjudices subis ;
Que le préjudice subi par M. X... se traduit en gains manqués, ayant été privé de toute allocation du fait qu'il n'a pu valider les dix années de présence comme personne bénéficiaire exigées par la S. A. C. E. M, alors que lors de son licenciement, il travaillait pour le même employeur depuis plus de 30 ans et que depuis, il n'a pas retrouvé d'emploi et n'a pu retrouver un poste de direction dans une société d'édition, ayant été au chômage du 19 janvier 2003 au 1er juillet 2007, date de ses 60 ans et de sa retraite ;
Que les parties sont d'accord sur la valeur des points DEP et DRM au 17 janvier 2003, soit :-7, 52 € pour les points DEP-2, 64 € pour les points DRM

Que toutefois son préjudice ayant consisté en l'impossibilité de faire valoir les points déjà acquis, il doit être limité aux seules fractions des droits à allocation qu'il aurait pu acquérir postérieurement au 3 décembre 1996 au sein de la société Editions musicales Fantasia et de la société EM Productions, soit une somme annuelle totale maximum de 8. 696, 49 € ;
Considérant que ce droit à pension maximal doit être impacté des dispositions régissant l'espérance de vie de l'allocataire, au regard du système d'assurance vieillesse qui fait référence à la notion d'espérance de vie professionnelle, soit 22, 39 ans en 2003, comme le soutient la société intimée ;
Que le préjudice subi par M. X... consistant en la perte de chance de se constituer des droits à allocataire au titre du R. A. E. S, supérieurs s'élève à la somme maximale de 194. 714, 54 € (8. 696, 49 € x 22, 39) ;
Que toutefois cette somme doit subir un abattement, la perte de chance n'étant effective qu'au sein de la société Editions musicales Fantasia et de la société EM Productions et la nomination du gérant et par voie de conséquence de la personne bénéficiaire du RAES, reposant pour une part, sur des éléments objectifs, essentiellement au titre de la société EM Productions ;
Qu'il sera procédé à un abattement de 141. 117, 18 € et la société intimée sera déboutée de sa demande tendant à voir appliquer un abattement supplémentaire de 18. 066, 49 € au titre de la direction de la société Editions Musicales Fantasia ;
Que le préjudice subi par M. X... résultant de la perte de chance de se constituer des droits à allocation au titre du RAES supérieurs, s'élève, après impact de l'espérance de vie et abattement pour la direction de la société EM Productions, à la somme de 53. 597, 36 € ;
Qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M X... de sa demande au titre du complément de retraite R. A. E. S ;

Qu'il sera accordé en outre à M. X... une indemnité de procédure en cause d'appel en complément de celle allouée par les premiers juges ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort
Statuant dans les limites de la cassation prononcée par arrêt en date du 23 septembre 2009
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M X... de sa demande liée au régime d'allocation d'entraide de la S. A. C. E. M
Et statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE à payer à M X... la somme de 53. 597, 36 € à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la perte de chance de se constituer des droits supérieurs auprès de la S. A. C. E. M en application du régime du R. A. E. S
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE à payer à M X... la somme de somme de 2. 000 € au titre des frais irrépétibles
REJETTE toute autre demande
CONDAMNE la société UNIVERSAL MUSIC FRANCE aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
et signé par Monsieur Jean Michel LIMOUJOUX Président et par Monsieur LANE Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15
Numéro d'arrêt : 09/03775
Date de la décision : 13/10/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

ARRET du 14 mars 2012, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 14 mars 2012, 10-27.669, Inédit

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2010-10-13;09.03775 ?
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