La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2010 | FRANCE | N°09/02886

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15ème chambre, 22 septembre 2010, 09/02886


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2010

R. G. No 09/ 02886

AFFAIRE :

S. A. CHEP FRANCE

C/
Mustapha Y...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Mai 2009 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
Section : Activités diverses
No RG : 07/ 00905

Copies exécutoires délivrées à :

Me Virginie DELESTRE
Me François TUFFET

Copies certifiées conformes délivrées à :

S. A. CHEP FRANC

E

Mustapha Y...

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 80A

15ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 22 SEPTEMBRE 2010

R. G. No 09/ 02886

AFFAIRE :

S. A. CHEP FRANCE

C/
Mustapha Y...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 29 Mai 2009 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
Section : Activités diverses
No RG : 07/ 00905

Copies exécutoires délivrées à :

Me Virginie DELESTRE
Me François TUFFET

Copies certifiées conformes délivrées à :

S. A. CHEP FRANCE

Mustapha Y...

le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. CHEP FRANCE
1 rue Mozart
92112 CLICHY

représentée par Me Virginie DELESTRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1234

APPELANT
****************

Monsieur Mustapha Y...
...
93300 AUBERVILLIERS

représenté par Me François TUFFET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D 1173

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2010, en audience publique, devant la cour composé (e) de :

Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président,
Monsieur Hubert LIFFRAN, conseiller,
Madame Annick DE MARTEL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT
M. Y... a été engagé en qualité de réparateur manutentionnaire par la société CHEP France, selon contrat de travail à durée déterminée du 21 avril 1988, puis en qualité de cariste, selon contrat de travail à durée indéterminée du 3 février 1989.

Par avenant du 30 novembre 1992, il devenait cariste, chef de cour, puis cariste chef d'équipe à compter du 1er septembre 1995. Il percevait un salaire mensuel de 2. 371, 83 € et la relation de travail était soumise à la convention collective des entreprises de commerce, location et de réparation de tracteurs, machines et matériels agricoles.
Mis à pied à titre conservatoire, M. Y... était convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 15 février 2007.

Par lettre RAR du 26 février suivant, il a été licencié pour faute grave.

M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes de demandes tendant à voir déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé à son encontre et condamner son employeur à lui verser diverses sommes à ce titre.

Par jugement de départage rendu le 29 mai 2009, le conseil de prud'hommes de NANTERRE (section commerce) a :

- dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

En conséquence,

- condamné la SA CHEP France à verser à M. Y... les sommes de :
· 1. 778, 91 € à titre de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire
· 177, 90 € à titre de congés payés sur rappel de salaires
· 4. 743, 66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
· 474, 37 € à titre de congés payés sur préavis
· 17. 431, 96 € à titre d'indemnité de licenciement
· intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2007
· 20. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
· les intérêts au taux légal à compter du jugement

-ordonné le remboursement par la SA CHEP France aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. Y... du jour de son licenciement au jour du jugement, à concurrence de un mois dans les conditions prévues à l'article L. 1235-2 ; 3 et 11 contrat de travail

-ordonné l'exécution provisoire de droit (articles R. 1454-15 et R. 1454-28 contrat de travail)

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2. 371, 83 €

- ordonné à la SA CHEP France la remise à M. Y..., dans le délai de 1 mois à compter de la notification de la décision, d'un certificat de travail, d'une attestation ASSEDIC et d'un bulletin de salaire récapitulatif, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard tout en s'en réservant la liquidation

-débouté les parties du surplus de leurs demandes

-condamné la SA CHEP France à payer à M. Y... la somme de 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

*

La SA CHEP France a régulièrement relevé appel de la décision.

Par conclusions écrites et déposées au greffe, la SA CHEP France présente les demandes suivantes :

A titre principal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et fait droit aux demandes indemnitaires de M. Y...

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. Y... de sa demande de rappel de prime d'ancienneté sur le fondement de la convention collective nationale no3131

A titre infiniment subsidiaire,

- requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

- condamner M. Y... à payer à la société la somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-condamner M. Y... aux entiers dépens.

Par conclusions écrites visées par le greffier à l'audience et soutenues oralement, M. Y... demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les condamnations prises à l'encontre de la société, à l'exception de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau
-de condamner la société à lui payer la somme de 82. 385 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-de condamner la SA CHEP France à lui remettre un certificat de travail et une attestation ASSEDIC rectifiés sous astreinte,

- de condamner la SA CHEP France à lui payer 2500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour renvoie à ces conclusions déposées et soutenues à l'audience, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

-sur les motifs du licenciement

La lettre de licenciement du 26 février 2007 est ainsi motivée :

"... Le 31 janvier 2007, notre Direction a été alertée de faits particulièrement graves. En effet, Madame A..., employée de notre prestataire TOUNETT, qui assure l'entretien de nos locaux, a fait part à plusieurs personnes de la société, de faits d'agression sexuelle à son encontre. Madame A... vous a nommément désigné comme l'auteur de ces faits.
Nous avons immédiatement diligenté une enquête interne destinée à recueillir le maximum d'informations afin de vérifier le sérieux et la véracité des accusations portées. En tout premier lieu, a été interrogé le Responsable de Madame A.... Simultanément, celle-ci était reçue en entretien par le Responsable du site de VLC, Monsieur X.... Ce dernier s'est entretenu longuement avec Madame A..., laquelle a donné un récit long et extrêmement détaillé des faits ; qui seraient donc survenus le jeudi 25 janvier 2007.
A cette occasion, Madame A... a donné de nombreux détails, fournissant des explications très circonstanciées. Madame A... indique en effet qu'après des invitations verbales de votre part à un rapport sexuel, vous auriez baissé votre pantalon ainsi que votre caleçon avant de vous diriger vers elle en dépit de ses protestations et de poser vos deux mains sur ses seins.
Madame A... a également précisé qu'elle avait fait part de cet incident grave à son employeur, Monsieur C.... Nous avons donc pris contact avec ce dernier, lequel a effectivement confirmé avoir reçu de la part de Madame A... une plainte en ce sens et recueilli le détail de faits identiques à ceux qui nous ont été rapportés par ailleurs.
Avant d'être avisé de la situation, Monsieur X... avait reçu un message de la part de Madame A..., lequel sollicitait un changement d'horaire, sans fournir plus d'explications. Ce n'est que lors de son entretien du vendredi 2 février 2007 avec Monsieur X... que Madame A... a indiqué avoir fait une telle demande, après le 25 janvier 2007, dans l'objectif de ne plus être confronté avec vous d'une part.

D'autre part, Madame A... indiquait avoir été très choquée et avoir hésité, dans un premier temps, à évoquer les faits de peur de représailles ou de perdre son emploi.
In fine, cette dernière a finalement porté plainte le 6 février 2007 à la gendarmerie de son domicile pour agression sexuelle, vous mettant nommément en cause.
Telles sont les conditions dans lesquelles nous n'avons eu d'autre choix, face à la gravité des faits et la concordance des éléments recueillis, que d'initier une procédure. Le principe de précaution nous a contraints à vous notifier une mise à pied à titre conservatoire.
D'ores et déjà, et compte tenu des éléments en notre possession ainsi que des résultats de l'enquête interne qui a continué à être diligentée, la situation nous apparaît suffisamment avérée et grave pour envisager la rupture de votre contrat.
Qui plus est, lors de l'entretien préalable au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur Cheickna Amala D..., Délégué Syndical, vous avez adopté une attitude pour le moins surprenante.

Ainsi, vous avez nié, dans un premier temps, avant finalement de reconnaître que vous étiez effectivement sur les lieux au jour et à l'heure dite. Vous avez même reconnu avoir eu une altercation verbale avec Madame A... sans toutefois être en mesure de donner de plus amples précisions.
Enfin, vous avez soudainement déclaré que Madame A... aurait des moeurs plus que légères et qu'il était de notoriété publique " qu'elle couche avec la moitié de l'usine ".
De tels propos sont inacceptables. De deux choses l'une, ou bien vos allégations sont purement mensongères et de nature gravement diffamatoires. Ou bien vos allégations sont avérées et vous admettez ainsi être pleinement informé de comportements particulièrement déplacés et n'ayant aucune place dans l'enceinte d'une entreprise, sans pour autant avoir jugé utile d'informer la Direction.
En votre qualité de Chef d'Equipe, un tel comportement est inacceptable. Nous ne pouvons admettre que, par votre silence, vous couvriez et cautionniez ainsi des faits aussi graves susceptibles de nuire à la réputation de notre Société et de mettre enjeu sa responsabilité. En conséquence de quoi, et quelque soit l'issue de la procédure pénale intentée à votre encontre, l'ensemble des éléments ci-dessus exposés justifie pleinement la rupture immédiate de votre contrat de travail, sans préavis, ni indemnité (...).

- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement

Il appartient à la SA CHEP France d'établir que les fautes qu'elle invoque dans ce courrier sont réelles et d'une gravité telle qu'elles justifient le licenciement immédiat de M. Y..., à qui profite le doute.

Les faits ont été exposés à plusieurs reprise et sont rapportés dans la lettre de licenciement.

Il est constant qu'aucun témoin n'a assisté à cette scène et que M. Y... n'a jamais fait l'objet par le passé de ce type de grief. De nombreuses attestations ont été versées aux débats pour affirmer qu'il n'avait jamais eu de propos ou de gestes déplacés, et pour vanter ses qualités humaines et professionnelles.

Il est tout aussi constant que les griefs reposent sur les seules accusations de Mme A... qui s'est plainte d'une agression sexuelle émanant de M. Y..., le jeudi 25 janvier 2007 à 8H30, alors qu'elle effectuait le ménage dans le vestiaire des hommes, dans le créneau horaire qui lui avait été indiqué par son employeur en sorte qu'elle ne " traînait " pas dans les vestiaire mais effectuait son service, à l'heure qui lui avait été indiquée par son supérieur hiérarchique. C'est au contraire M. Y... qui s'y trouvait à une heure inhabituelle.

Dans la plainte qu'elle déposait un peu plus tard, il est mentionné que les faits sont du 31 janvier et non le 25 janvier 2007 comme l'avait initialement indiqué Mme A.... Cependant, M. Y... a confirmé dans son entretien préalable que leur rencontre avait bien eu lieu le 25 janvier 2007.

Mme A... n'a jamais varié dans son exposé de l'agression dont elle dit avoir fait l'objet de la part de M. Y... ; elle a averti immédiatement M. E..., son responsable au sein de la société TOUNETT qui assure l'entretien des locaux de l'usine CHEP, ainsi que M. F..., son responsable dans l'usine ; elle a sollicité dans les jours suivants un changement de ses plages horaires de travail pour ne pas rencontrer M. Y.... M. F...a transmis l'information à M. X... qui a versé une attestation aux débats (pièce 21 de la SA CHEP France.). Ce changement n'était pas nécessairement de nature à faciliter ses conditions de travail ; il est de nature à laisser supposer que la salariée craignait que se renouvelle ce genre de situation.

Mme A... a été entendue par M. E..., par M. F..., par M. X... puis par la police le 6 février 2007.

Elle n'y a strictement aucune raison de mettre en doute son témoignage et ses accusations répétées. Il n'existait aucun conflit entre elle et M. Y... et elle n'avait aucun intérêt à lui imputer de tels griefs.

La rencontre entre M. Y... et Mme A... dans le vestiaire des hommes, le 25 janvier 2007 (les heures indiquées par M. Y... et par Mme A... étant un peu différentes), et en l'absence de toute autre personne, n'est au demeurant pas contestée par M. Y.... Mais celui-ci soutient qu'il aurait demandé à Mme A... de partir et que c'est elle qui aurait eu un comportement déplacé à son égard. Il a évoqué une altercation verbale.

M. Y... produit une attestation, celle de M. D..., dont il résulterait que Mme A... parlait tout le temps de sexe. De même au cours de l'entretien préalable, M. Y... déclare " qu'elle cherche les mecs, que toutes ses discussions sont basées sur le sexe, qu'elle a un amant dans le dépôt, qu'elle aurait même avorté l'année dernière ".

Ces allégations gratuites et dégradantes ne constituent pas véritablement une réponse aux accusations dont M. Y... faisait l'objet et moins encore une excuse au comportement qu'il a eu avec Mme A....

Dès lors il n'existe aucune raison sérieuse de mettre en doute les affirmations de Mme A... qui n'a pas donné l'image d'une " affabulatrice " inventant un " récit imaginaire " ; en sorte que la SA CHEP France rapporte suffisamment la preuve de la faute grave de M. Y....

Le classement sans suite de la plainte pénale ne permet pas d'écarter la qualification de faute grave.

M. Y... invoque une volonté de la société de se débarrasser de lui à moindre frais ; mais cette hypothèse n'est étayée par aucun élément, le licenciement du salarié étant directement la conséquence de l'attitude de M. Y... envers Mme A....

La SA CHEP France était tenue d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard du personnel travaillant sous sa direction ; la société a diligenté une enquête au cours de laquelle Mme A... a maintenu ses accusations devant les différentes personnes qui l'entendaient. Dès lors, la société ne pouvait maintenir le contrat de travail de M. Y... dont le licenciement pour faute grave est justifié.

Il convient donc d'infirmer le jugement de départage en toutes ses dispositions ; de dire que la société justifie suffisamment d'une faute grave et de rappeler que le présent arrêt constitue un titre permettant à l'employeur d'obtenir la restitution des sommes versées en exécution du jugement du 29 mai 2009.

- sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles et non compris dans les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

-infirme le jugement de départage rendu le 29 mai 2009 par le conseil de prud'hommes de Nanterre, en toutes ses dispositions ;

- dit que le licenciement de M. Y... est fondé sur une faute grave ;

- rappelle que le présent arrêt tient lieu de titre à la société, pour la restitution des sommes versées à M. Y... en exécution du jugement ;

- déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

- condamne M. Y... aux dépens.

Arrêt prononcé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président, et signé par Monsieur Jean-Michel LIMOUJOUX, Président et par Monsieur Pierre-Louis LANE, greffier présent lors du prononcé

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/02886
Date de la décision : 22/09/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2010-09-22;09.02886 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award