COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
DR
Code nac : 55B
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 06 MAI 2010
R.G. No 08/08551
AFFAIRE :
S.A.S. TRAIT-D'UNION
C/
S.A. SCHENKER
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Septembre 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre : 4
No Section :
No RG : 2007F03127
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me Claire RICARD
- SCP GAS
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE SIX MAI DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. TRAIT-D'UNION
Ayant son siège
8 avenue de Fondeyre Bâtiment A
31200 TOULOUSE
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
concluant par par Me Claire RICARD - No du dossier 280624
plaidant par Me Nathalie VINCENT (avocat au barreau de TOULOUSE)
substituée par Me VELLA Marjorie
APPELANTE
****************
S.A. SCHENKER
ayant son siège
37 Route Principale du Port
92230 GENNEVILLIERS
agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
concluant par par la SCP GAS - No du dossier 20090571
plaidant par : Me Séverine HOTELLIER-DELAGE (avocat au barreau de PARIS)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mars 2010, Madame Dominique ROSENTHAL, présidente ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Mme Marie-Hélène POINSEAUX, Conseiller,
M. Claude TESTUT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
Vu l'appel interjeté le 10 novembre 2008, par la société Trait d'union d'un jugement rendu le 19 septembre 2008 par le tribunal de commerce de Nanterre qui:
* l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,
* l'a condamnée à payer à la société Schenker la somme de 68.129,95 euros au titre du solde de factures impayées et la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 21 janvier 2010, par lesquelles la société Trait d'union, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise, demande à la cour de:
• à titre principal,
* dire que l'action engagée à l'encontre de la société Schenker est recevable tant pour les opérations réalisées en France que celles réalisées en Chine,
* dire que la société Schenker a engagé sa responsabilité en raison de nombreuses fautes commises dans l'exécution de sa mission et doit réparation,
* condamner la société Schenker au paiement de la somme de 393.864,64 euros à titre de dommages et intérêts se décomposant comme suit:
- 12.743 euros représentant la surfacturation engendrée par le manque de structure de la société Schenker,
- 63.000 euros correspondant aux remises commerciales accordées suite aux multiples retards de livraisons imputables à la société Schenker,
- 141.970,64 euros du fait de la nécessité de brader son stock en fin de saison suite aux nombreuses annulations qu'elle a dû subir,
- 800 euros au titre des frais de port,
- 18.700 euros au titre des amendes douanières qu'elle a payées à la suite des incohérences entre les lettres maritimes établies par la société Schenker et la réalité du nombre de colis envoyés par ces sociétés au départ de Chine,
- 33.700 euros correspondant à la perte de marchandises par la société Schenker, à laquelle il convient d'ajouter la perte de marge qu'elle a subie,
- 10.851 euros liés à la nécessité de faire intervenir la société Bansard suite à l'incompétence de la société Schenker,
- 75.000 euros eu égard à la perte de chance de conserver et développer sa clientèle,
- 37.100 euros au titre du préjudice commercial,
• à titre subsidiaire,
* prononcer la nullité des deux mandats de représentation en douane de février 2006 et janvier 2007 pour erreur sur les qualités substantielles de la personne,
* condamner la société Schenker au paiement de la somme de 393.864,64 euros à titre de dommages et intérêts,
• en tout état de cause :
* ordonner la compensation entre les sommes dues,
* condamner la société Schenker au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
Vu les dernières écritures en date du 23 février 2010, aux termes desquelles la société Schenker prie la cour de:
• à titre principal:
* confirmer le jugement entrepris,
* y ajoutant, dire qu'elle est une personne morale distincte de la société Schenker Chine,
* dire que la société Trait d'union ne pouvait l'ignorer pour avoir passé deux contrats distincts, l'un avec la société Schenker en sa qualité de commissionnaires en douane, l'autre avec la société Schenker Chine en qualité de transitaire,
* dire que sa responsabilité ne saurait être engagée à raison des actes prétendument fautifs de la société Schenker Chine,
* la mettre hors de cause,
. à titre subsidiaire, si la cour venait à considérer que sa responsabilité pouvait être engagée par les actes accomplis par la société Schenker Chine en vertu de la théorie de l'apparence:
* dire qu'en sa qualité de transitaire, elle n'a nullement engagé sa responsabilité,
* la mettre hors de cause à raison des diligences accomplies par la société Schenker Chine,
• en tout état de cause:
* dire qu'elle a accompli l'ensemble des diligences lui incombant en sa qualité de commissionnaires en douane,
* dire que les griefs formulés par la société Trait d'union ne sont aucunement justifiés,
* dire qu'elle n'a pu engager sa responsabilité au titre des difficultés rencontrées par la société Trait d'union dans l'importation de marchandises en provenance de Chine,
* la mettre hors de cause,
• à titre très subsidiaire,
* dire que la société Trait d'union ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait subi un préjudice dont elle évalue le montant à 393.864,64 euros,
* rejeter l'ensemble des demandes formées,
• en tout état de cause,
* confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Trait d'union au règlement des factures remises à son attention et dont elle n'a pas adressé le règlement
* dire que la société Trait d'union est finalement débitrice à son égard de la somme totale de 58.629,95 euros au titre des factures émises entre le 2 février 2007 et le 14 juin 2007, la somme de 9.500 euros en remboursement de l'amende douanière ayant finalement été acquittée par ses soins,
* condamner la société Trait d'union au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens;
SUR CE, LA COUR,
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties; qu'il convient de rappeler que :
* la société Trait d'union importe de Chine des vêtements fabriqués par la société Kungao,
* selon deux mandats de représentation en douane datés des 17 février 2006 et 18 janvier 2007, la société Trait d'union a confié à la société de droit français Schenker S.A le pouvoir de la représenter auprès de l'administration des douanes, de signer en son nom et pour son compte toutes déclarations en douane à l'importation et à l'exportation,
* la société Schenker s'est vue confier le soin de dédouaner entre le 1er janvier et le 31 mars 2007, sept conteneurs pour le compte de la société Trait d'union,
* des incidents étant intervenus dans les opérations de dédouanement de trois conteneurs, une partie des marchandises n'a pu être livrée à la société Trait d'union dans les délais, une autre partie a du être réexpédiée en Chine,
* le dédouanement des autres conteneurs a été transmis à la société Ziegler sur instructions de la société Trait d'union,
* par courrier du 21 mai 2007, le conseil de la société Trait d'union a reproché à la société Schenker diverses fautes et lui a réclamé réparation du préjudice subi par sa cliente estimé à 300.000 euros,
* c'est dans ces circonstances, que la société Trait d'union a assigné la société Schenker devant le tribunal de commerce de Nanterre afin que soit constaté son manquement à son obligation de conseil et que lui soit allouée la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur la responsabilité de la société Schenker:
Considérant que la société Trait d'union fait valoir qu'elle a contracté avec la société Schenker qui s'est présentée comme une structure internationale et s'est substituée la société Schenker China en qualité de transitaire, sans qu'elle ne consente à cette substitution; qu'elle ajoute que les dysfonctionnements rencontrés proviennent tant de l'empotage des marchandises en Chine par la société Schenker China que des défaillances en France de la société Schenker;
considérant que la société Schenker réplique que la société Trait d'union et son fournisseur la société Kungao ont directement traité avec la société Schenker China qui est un tiers à la procédure;
considérant que la société Schenker justifie être la filiale française de la société Schenker Allemagne et être une entité juridique indépendante de la société Schenker China Ltd;
considérant qu'il est établi et non contesté que les deux mandats confiés par la société Trait d'union à la société Schenker les 17 février 2006 et 18 janvier 2007, sont exclusivement des mandats de représentation en douane, l'obligeant à un devoir de conseil envers son client et à accomplir directement les formalités douanières au nom et pour le compte de celui-ci;
que conformément à ces mandats, la société Schenker a pour seule qualité celle de commissionnaire en douane; qu'elle n'est ni commissionnaire de transport, ni transitaire;
qu'il n'est pas démontré qu'au-delà du mandat de commissionnaire en douane, la société Trait d'union aurait confié à la société Schenker une mission de surveillance, de coordination et de contrôle des marchandises en Chine;
que dès lors, contrairement à ce que soutient la société Trait d'union, la société Schenker n'a pu substituer la société Schenker Chine dans un mandat de transit qui ne lui a pas été confié;
que force est de constater que la société Trait d'union, demanderesse à la procédure, s'abstient de produire aux débats les contrats de transport conclus (transitaire, commissionnaire de transport); qu'au contraire, la société Schenker verse une offre relative à une prestation logistique datée du 8 janvier 2007, émanant de la société Schenker China, adressée à la société Kungao, établissant des contacts entre ces deux sociétés et faisant état du transit des marchandises en Chine par la société Schenker China pour être expédiées en France selon lettre de transport maritime selon incoterms FOB; que si cette offre tarifaire n'est pas signée, elle constitue néanmoins un commencement de preuve par écrit;
considérant que dans ces conditions, dès lors que les mandats des 17 février 2006 et 18 janvier 2007 ne portent que sur un mandat de représentation douanière confié à la société Schenker, la société Trait d'union n'établit pas d'une part, qu'elle aurait eu l'intention de confier la mission d'importer les marchandises dans leur intégralité à la société Schenker qui aurait substitué la société Schenker China en qualité de transitaire et d'autre part, qu'elle aurait été abusée par l'apparence de la société Schenker;
considérant par voie de conséquence, que la société Trait d'union ne peut reprocher à la société Schenker que les seuls manquements à ses obligations de commissionnaire en douane;
considérant qu'il n'est pas démenti que le premier conteneur devait arriver en France le 16 janvier 2007; qu'il résulte de la lettre de transport maritime que les marchandises étaient expédiées par le prestataire de la société Kungao, la société Shangaï United International Ocean Shipping Agency, transportées par la société Mediterranean Shipping Company selon incoterms CFR;
qu'il résulte d'un échange de courriels, que dès le 12 janvier 2007, la société Schenker n'a cessé de réclamer aux sociétés Trait d'union et Kungao les documents nécessaires au dédouanement (certificats d'origine, licences d'importation, bon de chargement);
que la société Schenker a pris possession du conteneur à Marseille qu'elle a transféré à Blagnac pour qu'il y soit dédouané; que l'administration des douanes a signalé une anomalie entre les factures et les listes de colisage, de sorte qu'il a été procédé à un dépotage et au comptage des 4.748 colis pendant trois semaines;
que ces opérations ont révélé des disparités qui ont donné lieu à une amende douanière; qu'il n'est pas démenti que les irrégularités constatées proviennent des conditions d'empotage réalisées en amont en Chine;
considérant qu'il a été ci-dessus retenu d'une part, que la société Schenker n'était pas transitaire en Chine et d'autre part, que l'envoi de ce premier conteneur a été réalisé sous incoterms CFR impliquant au vendeur la charge de l'empotage;
que de sorte, aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Schenker en sa qualité de commissionnaire en douane, qui ignorait le contenu des colis et ne pouvait se fonder que sur les documents transmis dans le même temps et déterminer la nomenclature au vu de ces documents;
considérant que les deuxième et troisième conteneurs sont partis à une semaine d'intervalle aux mois de janvier et février 2007, depuis les entrepôts de la société Schenker China, selon incoterms FOB;
que le 29 janvier 2007, la société Schenker, en sa qualité de commissionnaire de douane, a adressé aux sociétés Kungao et Trait d'union un courriel leur rappelant des différences de références entre les factures et le packing list;
que de nouveau, lors des visites douanières, ont été mises en évidence des erreurs portant sur le nombre de colis, de valeurs, de licences non présentées, de sorte que ces deux autres conteneurs ont du être également dépotés;
que les vérifications menées par l'administration douanière provenant de l'absence de conformité de ces marchandises entrées sur le territoire français avec les factures et licences, ne sont pas davantage imputables à la société Schenker;
considérant que la société Trait d'union prétend également que la société Schenker aurait été défaillante dans la réexpédition des marchandises;
mais considérant que dans la mesure où les importations des marchandises de Chine ont conduit l'administration des douanes à procéder à des contrôles, des retards liés à l'irrégularité des documents de transport ont nécessairement été pris sans qu'ils puissent être imputés à faute à la société Schenker;
qu'il n'est nullement établi par ailleurs, par les procès-verbaux de constat d'huissier versés aux débats, que des retours de marchandises auraient été effectués au mépris de licences d'importation;
considérant que la société Trait d'union n'est pas davantage fondée à reprocher à la société Schenker de ne l'avoir pas informée qu'elle ne possédait pas de local en sous-douane dans sa représentation à Blagnac; qu'en effet, il ressort d'un échange de courriels du mois de janvier 2006, que cette situation était connue de la société Trait d'union;
considérant que la société Trait d'union prétend enfin que la société Schenker aurait commis des erreurs sur la forme et le type de transport concernant la réexpédition des marchandises;
mais considérant que le 2 mars 2007, il a été convenu entre la société Schenker et la société Trait d'union du retour des marchandises à Shangaï et qu'une facture a été établie le 1er mars 2007; que ce n'est que le 6 mars 2007, que la société Trait d'union a adressé un mail à la société Schenker lui précisant qu'elle aurait préféré qu'une partie de la marchandise soit envoyée à Hong Kong;
que dans ces conditions, la société Schenker a mis à disposition de la société Bansard International, transitaire choisi par la société Trait d'union, les colis pour un réacheminement vers Hong Kong; qu'ainsi force est de constater que la société Trait d'union ne démontre pas quelle faute aurait été commise par la société Schenker, en sa qualité de commissionnaire en douane;
considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement contractuel n'est imputable à la société Schenker, de sorte que la décision déférée, qui a débouté la société Trait d'union de ses demandes, sera confirmée;
Sur la demande subsidiaire d'annulation des mandats pour erreur:
Considérant que la société Trait d'union demande subsidiairement à la cour, au visa de l'article 1110 du code civil, de prononcer la nullité des deux mandats de représentation en douane;
mais considérant que la société Trait d'union ne saurait prétendre s'être trompée sur la qualité de la personne à laquelle elle a confié ces mandats, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue;
Sur la demande reconventionnelle:
Considérant que la société Schenker sollicite reconventionnellement paiement de plusieurs factures s'élevant en cause d'appel à la somme de 58.629,95 euros, compte tenu d'un règlement de la somme de 9.500 euros;
que cette somme n'est pas contestée par la société Trait d'union;
que par voie de conséquence, réformant la décision entreprise sur le montant de la somme due, la société Trait d'union sera condamnée au paiement de la somme de 58.629,95 euros;
Sur les autres demandes:
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société Trait d'union ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; qu'en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société Schenker une indemnité complémentaire de 10.000 euros;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré, sauf sur le montant de la somme due par la société Trait d'union à la société Schenker,
Statuant à nouveau sur ce point:
CONDAMNE la société Trait d'union à payer à la société Schenker la somme de 58.629,95 euros, (cinquante huit mille six cent vingt neuf euros et quatre vingt quinze cts)
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Trait d'union à payer à la société Schenker la somme complémentaire de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
REJETTE toutes autres demandes contraires à la motivation,
CONDAMNE la société Trait d'union aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,