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01/04/2010 | FRANCE | N°09/00420

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5ème chambre, 01 avril 2010, 09/00420


COUR D'APPELDE VERSAILLESCode nac : 80A

5ème Chambre

Renvoi après cassation
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 01 AVRIL 2010
R.G. No 09/00420
AFFAIRE :
S.A.R.L. HARRY WINSTON en la personne de son représentant légal

C/Nicole X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2003 par le Conseil de Prud'hommes de PARISNo Section : EncadrementNo RG : 01/16054

Copies exécutoires délivrées à :
Me Philippe BERNMe Benoît GIRARDIN

Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.R.L. HARRY WINSTON en la personne de

son représentant légal
Nicole X...

LE PREMIER AVRIL DEUX MILLE DIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant da...

COUR D'APPELDE VERSAILLESCode nac : 80A

5ème Chambre

Renvoi après cassation
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 01 AVRIL 2010
R.G. No 09/00420
AFFAIRE :
S.A.R.L. HARRY WINSTON en la personne de son représentant légal

C/Nicole X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Décembre 2003 par le Conseil de Prud'hommes de PARISNo Section : EncadrementNo RG : 01/16054

Copies exécutoires délivrées à :
Me Philippe BERNMe Benoît GIRARDIN

Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.R.L. HARRY WINSTON en la personne de son représentant légal
Nicole X...

LE PREMIER AVRIL DEUX MILLE DIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 02 février 2010en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2008 cassant et annulant l'arrêt rendu le 29 mars 2007 par la cour d'appel de PARIS (22ème chambre C)
S.A.R.L. HARRY WINSTON agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié de droit au siège social sis : 29 Avenue Montaigne75008 PARISreprésentée par Me Philippe BERN (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E984)

****************DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
Madame Nicole X......75016 PARIScomparante en personne, assistée de Me Benoît GIRARDIN (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J 094)

****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Janvier 2010, devant la cour composée de :
Madame Jeanne MININI, président,Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,dans l'affaire,
Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Mme Nicole X... (âgée de 53 ans) a été engagée par la société Harry Winston (assurant le négoce de la joaillerie) selon contrat de travail à durée indéterminée prenant effet à compter du 17 avril 2001 en qualité de directrice du département marketing pour l'Europe et le Moyen Orient, statut cadre, l'entreprise appliquant la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie. En contrepartie de l'exécution de son travail Mme Nicole X... devait percevoir une rémunération annuelle fixée à 1 090 500 francs bruts incluant un 13ème mois et un bonus dont le montant était laissé à l'appréciation discrétionnaire de la société mère implantée aux Etats Unis à New York.
Le contrat de travail a prévu une période d'essai de trois mois, renouvelable une fois d'un commun accord pour une durée au plus égale à trois mois. Enfin une clause de non concurrence a été insérée dans le contrat de travail rédigée en ces termes : " Pendant une période de 12 mois, Mme Nicole X... s'engage postérieurement à la date effective de cessation de ses fonctions, quelle qu'en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes à celle de la société, sauf autorisation écrite et préalable de la société. Cette obligation est limitée aux activités de création, production, vente de bijoux de luxe ou de montres. En contrepartie, Mme Nicole X... aura droit à une indemnité mensuelle égale à la moitié de la moyenne mensuelle des appointements perçus au cours des 12 derniers mois précédant son départ. Cette indemnité lui sera versée pendant la durée d'application de la clause. La société Harry Winston aura la possibilité de s'exonérer du paiement en libérant Mme Nicole X... par écrit dans les 8 jours suivant la notification du préavis ou de la rupture effective du contrat de travail. Dans cette dernière hypothèse, l'indemnité en sera pas due à Mme Nicole X...".
La société Harry Winston a mis fin au contrat de travail pendant la première partie de la période d'essai soit à compter du 25 juin 2001. Mme Nicole X... a contesté la rupture de son contrat de travail et a sollicité en vain le règlement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence.* * * *
Mme Nicole X... a fait convoquer dès le 7 décembre 2001 la société Harry Winston devant le conseil de prud'hommes de Paris afin d'obtenir le paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et le paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence dès lors que son employeur n'avait pas levé cette clause lors de la cessation de ses fonctions.
Par jugement en date du 9 décembre 2003, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, a :- débouté Mme Nicole X... de sa demande d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai,- condamné la société Harry Winston à lui verser la somme de 74 796,03 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence outre intérêts au taux légal à compter du jugement,- condamné la société Harry Winston au paiement d'une indemnité de 1 525 euros au titre des frais de procédure.
Sur appel de la société Harry Winston, la cour d'appel de Paris, 22ème chambre C, par arrêt en date du 29 mars 2007 a :- confirmé le jugement déféré ayant rejeté la demande d'indemnisation au titre de la rupture du contrat de travail,- par contre infirmé cette décision et débouté Mme Nicole X... de sa demande au titre de la clause de non concurrence.
Sur pourvoi formé par Mme Nicole X..., la Cour de cassation, chambre sociale, par arrêt en date du 22 octobre 2008, a, au visa de l'article 1134 du code civil, cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris mais seulement en ce qu'il a, infirmant le jugement, débouté l'intéressée de sa demande en paiement de la contrepartie contractuelle de la clause de non concurrence. La Haute juridiction a reproché à la cour de n'avoir pas recherché, comme il lui était demandé, si les parties étaient convenues ou non de rendre la clause de non concurrence applicable dès la période d'essai.
La société Harry Winston a régulièrement saisi la cour d'appel de Versailles le 3 février 2009 désignée comme cour de renvoi.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 28 janvier 2010 par lesquelles la société Harry Winston a demandé à la présente cour d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris et de débouter Mme Nicole X... de sa demande au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence. Elle fait observer que la clause de non concurrence telle qu'insérée dans le contrat de travail de Mme Nicole X... n'étant pas limitée dans l'espace se trouve entachée de nullité, ce qui devait permettre à la salariée de s'en prévaloir. Elle relève en outre que le contrat de travail ayant été résilié pendant la période d'essai, la clause de non concurrence s'est trouvée par là même privée d'effet. Elle constate que dans les conditions de rédaction de la clause de non concurrence les parties n'ont pas entendu la rendre applicable dès la période d'essai puisqu'elles n'ont pas visé cette hypothèse ni fait mention d'une date concernant la rupture du contrat de travail.A titre subsidiaire, la société Harry Winston entend voir limiter le montant de la contrepartie financière de la clause de non concurrence à la somme de 12 973,50 euros en divisant le montant des sommes perçues par Mme Nicole X... (déduction faite de l'indemnité compensatrice de congés payés) par 12 pour l'obtention de la moyenne mensuelle, cette somme étant réduite de moitié conformément à la rédaction de la clause et multipliée par les 12 mois prévus pour l'application de l'interdiction de concurrence.La société Harry Winston a conclu au rejet des autres demandes présentées par Mme Nicole X... et à la condamnation de cette dernière au paiement d'une indemnité de 5 000 euros au titre des frais de procédure exposés pour la défense de ses intérêts.
Mme Nicole X..., rappelant les conditions de son embauche par la société Harry Winston, l'importance des fonctions confiées et la rédaction très vague de la clause de non concurrence n'excluant nullement son application pendant la période d'essai, demande à la cour de dire que la clause de non concurrence prévue au contrat de travail était applicable à la rupture du contrat au cours de la période d'essai et qu'elle a légitimement droit à une indemnité du fait du préjudice considérable qu'elle a subi du fait de la rupture brutale du contrat de travail et du non respect par son employeur de la clause de non concurrence l'ayant laissée sans travail et sans rémunération de remplacement pendant de longs mois. Elle demande en conséquence à la cour de condamner la société Harry Winston au paiement des sommes de :- 88 997 euros au titre de l'indemnité due pour le respect de la clause de non concurrence,- 38 364 euros à titre de dommages-intérêts pour le non paiement par la société de l'indemnité de non-concurrence,- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 28 janvier 2001.

MOTIFS DE LA DÉCISION
1- sur la validité de la clause de non concurrence en période d'essai
Considérant que la clause de non concurrence est limitée dans le temps (12 mois) ainsi qu'à certaines activités mais ne comporte aucune restriction quant à son étendue dans l'espace; que toutefois une telle irrégularité, préjudiciable aux seuls intérêts de Mme Nicole X..., ne peut être soulevée par la société Harry Winston rédacteur de la clause;
Considérant que la clause de non concurrence rédigée dans les termes généraux suivants: "Pendant une période de 12 mois, Mme Nicole X... s'engage postérieurement à la date effective de cessation de ses fonctions, quelle qu'en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement des fonctions similaires ou concurrentes à celle de la société, sauf autorisation écrite et préalable de la société. Cette obligation est limitée aux activités de création, production, vente de bijoux de luxe ou de montres" n'exclut pas son application en cas de rupture du contrat de travail pendant la période d'essai dès lors :- que la cause de la cessation des fonctions a été volontairement laissée indéterminée par l'insertion de la mention "quelle qu'en soit la cause", cette cause pouvant dès lors se rapporter à un licenciement, à une démission ou à toute autre mode de rupture à l'initiative de l'une ou l'autre des parties et notamment à la rupture en période d'essai,- que la liberté de la société Harry Winston de mettre fin au contrat de travail pendant la période d'essai n'était pas entravée par la rédaction de la clause puisqu'elle pouvait s'exonérer du paiement de la contrepartie financière en libérant Mme Nicole X... de son obligation de non concurrence dans le délai de 8 jours suivant la notification de la rupture effective du contrat de travail,- qu'enfin, en raison de l'importance des nouvelles fonctions confiées à Mme Nicole X... lui donnant accès dès les premiers jours de son activité, tant au siège de la société Harry Winston qu'auprès de la maison mère à New York, à la consultation de documents importants relatifs aux prix pratiqués et à la composition de la clientèle, les parties ont pu parfaitement souhaiter d'une part protéger les intérêts financiers et économiques de la société contre une reprise immédiate par la salariée d'une activité directement concurrente dans le secteur restreint du négoce des bijoux de luxe et d'autre part permettre à cette même salariée d'obtenir rapidement une indemnisation pour la gène occasionnée pendant une période d'inactivité prenant effet dès la rupture des relations professionnelles,
Considérant qu'il convient donc de confirmer en son principe le jugement déféré qui a reconnu que la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail devait recevoir application en cas de rupture pendant la période d'essai;

2- sur le montant de l'indemnité
Considérant qu'étant rédigée en ces termes :" En contrepartie, Mme Nicole X... aura droit à une indemnité mensuelle égale à la moitié de la moyenne mensuelle des appointements perçus au cours des 12 derniers mois précédant son départ. Cette indemnité lui sera versée pendant la durée d'application de la clause" la contrepartie financière doit être calculée en prenant en considération :- la totalité des sommes versées à Mme Nicole X... pendant l'exécution du contrat de travail y compris l'indemnité compensatrice de congés payés versée lors de la rupture dès lors que cette indemnité est destinée à compenser la perte de rémunération résultant de la prise des congés,- la fixation d'une moyenne sur l'exercice de trois mois d'activité,
Considérant que la contrepartie financière s'établit donc à la somme de 447 566,25 francs, soit 68231,03 euros ainsi calculée : 38 715,86 + 83 884,62 + 101 182,65 = 223 783,13 : 3 = 74594,37 : 2 = 37 297,18 * 12 = 447 566,25 francs);

3- sur les autres demandes
Considérant qu'en ayant maintenu les effets de la clause de non concurrence postérieurement à la rupture du contrat de travail sans verser à Mme Nicole X... la contrepartie financière fixée par le contrat, la société Harry Winston a occasionné un préjudice distinct à la salariée privée à la fois de toute rémunération de remplacement et de toute possibilité d'exercer une activité rémunérée dans le secteur concurrentiel ; qu'il convient donc de lui accorder une indemnité complémentaire de 2 000 euros;
Considérant enfin qu'il convient d'accorder à Mme Nicole X... la somme globale de 5 000 euros au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; qu'aucune somme n'est due à la société Harry Winston qui succombe dans toutes ses prétentions;

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et sur renvoi après cassation,
CONFIRME le jugement rendu le 9 décembre 2003 par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a fait droit en son principe au paiement d'une contrepartie financière à la clause de non concurrence après rupture du contrat de travail en période d'essai,
L'INFIRME pour le surplus et statuant à nouveau :
CONDAMNE la société Harry Winston à payer à Mme Nicole X... les sommes de :• 68 231,03 euros au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence,• 2 000 euros à titre de dommages-intérêts complémentaires,• 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes,
CONDAMNE la société Harry Winston aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.

Arrêt prononcé publiquement par Madame Jeanne MININI, Président.Arrêt signé par Madame Jeanne MININI, Président et Madame Christiane PINOT, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 09/00420
Date de la décision : 01/04/2010

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Clause de non-concurrence - Application - Conditions

Une clause de non-concurrence rédigée en termes généraux n'exclut pas son application en cas de rupture du contrat de travail pendant la période d'essai dès lors que la cause de la cessation des fonctions du salarié a été volontairement laissée indéterminée par les parties, que la liberté de l'employeur de mettre fin au contrat de travail pendant la période d'essai n'est pas entravée puisqu'il peut s'exonérer du paiement de la contrepartie financière en libérant le salarié de son obligation de non-concurrence, et dès lors que les parties ont pu vouloir tout à la fois protéger les intérêts financiers de l'entreprise évoluant dans un secteur commercial restreint et permettre au salarié d'obtenir rapidement une indemnisation pour la gène occasionnée pendant la période d'inactivité prenant effet dès la rupture des relations professionnelles


Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 09 décembre 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2010-04-01;09.00420 ?
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