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18/03/2010 | FRANCE | N°09/00672

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 1, 18 mars 2010, 09/00672


COUR D'APPELDE VERSAILLES
DR
Code nac : 39H
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 18 MARS 2010
R.G. No 09/00672
AFFAIRE :
S.A. EPSON FRANCE
C/
S.A. BOX OFFICE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRENo chambre : 2No RG : 2007F03235
Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : - SCP KEIME GUTTIN JARRY- SCP DEBRAY-CHEMINREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT MARS DEUX MILLE DIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant

dans l'affaire entre :
S.A. EPSON FRANCEayant son siège 148-150 rue Victor Hugo 92305 LEVALLOIS PERRET CEDE...

COUR D'APPELDE VERSAILLES
DR
Code nac : 39H
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 18 MARS 2010
R.G. No 09/00672
AFFAIRE :
S.A. EPSON FRANCE
C/
S.A. BOX OFFICE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRENo chambre : 2No RG : 2007F03235
Expéditions exécutoiresExpéditionsdélivrées le : à : - SCP KEIME GUTTIN JARRY- SCP DEBRAY-CHEMINREPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX HUIT MARS DEUX MILLE DIX,La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. EPSON FRANCEayant son siège 148-150 rue Victor Hugo 92305 LEVALLOIS PERRET CEDEX, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Concluant par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - No du dossier 09000055Plaidant par Me Elodie LORIAUD, collaboratrice de Me Franck BERTHAULT, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE
****************
S.A. BOX OFFICEayant son siège 18 rue Trezel 92300 LEVALLOIS PERRET, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Concluant par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués - No du dossier 09000093Plaidant par Me Elsa MEDINA, membre de la SELARL MARTIN VINCENT et ASSOCIES, société d'avocats au barreau de NICE

INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Février 2010, Madame Dominique ROSENTHAL, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Dominique ROSENTHAL, président,Madame Marie-Hélène POINSEAUX, conseiller, Monsieur Claude TESTUT, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLEVu l'appel interjeté le 26 janvier 2009, par la société Epson France d'un jugement rendu le 17 décembre 2008 par le tribunal de commerce de Nanterre qui :* l'a déclarée recevable à agir,
* l'a déboutée de ses demandes,
* a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
* a condamné la société Epson France aux dépens.
Vu les dernières écritures en date du 25 novembre 2009, par lesquelles la société Epson France, poursuivant l'infirmation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle l'a déclarée recevable à agir, demande à la Cour de :* dire que le site internet www.onlyoneink.com exploité par la société Box Office caractérise une publicité trompeuse ainsi qu'une publicité comparative illicite constitutive de concurrence déloyale,
* interdire à la société Box Office de diffuser toute publicité sur quelque support que ce soit, contenant des prix censés correspondre aux prix des cartouches "EPSON" qui ne seraient pas conformes aux prix pratiqués sur ledit site,
* condamner la société Box Office au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts,
* condamner la société Box Office à publier, dans le délai de sept jours suivant la notification du jugement à intervenir, sur la page de son site www.onlyoneink.com, un encart aux fins de publication judiciaire sur un espace occupant la moitié de la page d'accueil et ce, pendant trois mois,
* assortir cette condamnation d'une astreinte de 500 euros par heure de retard constatée à compter de l'expiration du délai de sept jours, soit à compter de 00h00 le huitième jour suivant celui de la notification du jugement,

* condamner la société Box Office au remboursement des frais de publication de l'encart dont les termes seront fixés par le jugement dans les journaux ou périodiques de son choix dans la limite de 20.000 euros et sur présentation de factures,
* débouter la société Box Office de ses demandes,
* condamner la société Box Office au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de constat d'huissier engagés pour le procès-verbal des 5, 9 et 16 juillet 2007.
Vu les dernières écritures en date du 21 septembre 2009, aux termes desquelles la société Box Office prie la Cour de :• à titre principal,* infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Epson France a un intérêt à agir et qu'elle est recevable,
* déclarer irrecevable l'action de la société Epson France,
• à titre subsidiaire,* dire que le site internet www.onlyoneink.com ne contient pas d'informations trompeuses et/ou constitutives d'une publicité comparative illicite,
* dire que la société Epson France ne justifie d'aucun préjudice consécutif aux faits reprochés,
* dire la société Epson France mal fondée en ce qu'elle invoque l'article L.121-1 du code de la consommation prohibant la seule publicité trompeuse,
* dire que les conditions de la responsabilité civile ne sont pas réunies,
* en conséquence, confirmer le jugement déféré,
• en tout état de cause,* infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages et intérêts,

* condamner la société Epson France au versement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de celle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

SUR CE, LA COUR
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :* la société Epson France est la filiale française de la société Seiko Epson Corporation, de droit japonais, qui fabrique et commercialise notamment des imprimantes et des cartouches,
* elle est le distributeur en France des produits vendus sous la marque "EPSON", et les propose notamment sur un site internet www.buyepson.fr,
* la société Box Office a pour activité la vente de produits de papeterie et fournitures de bureau par l'intermédiaire de son site internet www.welcomeoffice.com,
* elle a exploité également un site www.onlyoneink.com proposant des cartouches d'encre de la marque "PELIKAN" compatibles avec les imprimantes des constructeurs tels que la société Seiko Epson Corporation,
* reprochant à la société Box Office de se livrer sur son site www.onlyoneink.com à un comparatif entre les prix des cartouches de marque "EPSON" et ceux des cartouches de marque "PELIKAN", d'afficher des prix mensongers, la société Epson France a fait procéder à un constat d'huissier les 5, 9 et 16 juillet 2007,
* c'est dans ces circonstances, que la société Epson France a assigné la société Box Office devant le tribunal de commerce de Nanterre ;

Sur la recevabilité à agir de la société Epson France :
Considérant que la société Box Office soulève le défaut d'intérêt à agir de la société Epson France faisant valoir que la comparaison opérée sur le site www.onlyoneink.com ne vise pas les prix de vente de cette société mais ceux pratiqués par les distributeurs et les revendeurs dans des catalogues de vente par correspondance ;
Mais considérant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l'action et que l'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès ;
Qu'il s'ensuit que la société Epson France, qui se prévaut de l'existence d'une faute qui lui cause un préjudice, justifie d'un intérêt et est recevable à agir ;
Sur les demandes de la société Epson France :
Considérant que la société Epson France fonde son action au visa des articles L.121-1 et L.121-8 du code de la consommation ;
Que selon les dispositions du premier texte légal, une pratique commerciale est trompeuse si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien, le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente ;
Que le second texte dispose que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si elle n'est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
Que la violation de ces dispositions constitue des actes de concurrence déloyale ;

Considérant en l'espèce, qu'il n'est pas contesté d'une part, que la société Box Office s'est livrée sur son site internet à un comparatif des prix des cartouches "PELIKAN" et des prix des cartouches "EPSON" et d'autre part, que sur ce site, la société Box Office présente ces prix comme les prix constatés ;
Considérant que la société Box Office fait valoir qu'il n'est fait aucune référence aux prix pratiqués par la société Epson France, notamment sur son site www.buyepson.fr, de sorte que cette société ne serait pas visée dans la comparaison incriminée, celle-ci visant expressément les distributeurs et revendeurs, particulièrement les sociétés JPG et JM Bruneau qui vendent leurs produits sur catalogues ;

Considérant que l'examen du procès-verbal de constat d'huissier reproduisant les extraits des pages du site incriminé, auquel la cour s'est livrée, révèle que les prix indiqués dans la comparaison incriminée sont assortis de deux astérisques renvoyant en bas de page à la mention suivante : Prix généralement constatés dans les catalogues de VPC pour les cartouches constructeurs ; que les prix des cartouches "EPSON" sont identifiés dans la colonne prix constatés ;
Que force est de constater que les astérisques renvoient en bas de page à une mention qui est apposée en très petits caractères de couleur blanche sur un bandeau en couleur bleue et est à peine lisible ;
Que par ailleurs, la publicité incriminée, qui vise à comparer les prix des cartouches "PELIKAN" à ceux des cartouches "EPSON" n'indique nullement que les prix auxquels il est fait référence seraient ceux pratiqués par les sociétés JM Bruneau et JPG, de sorte que la comparaison litigieuse renverra le consommateur normalement avisé aux tarifs de la société Epson France, celle-ci, bien que non nommément désignée, étant aisément identifiable et implicitement identifiée ;
Considérant que pour être licite la comparaison doit être déterminée et déterminable ; qu'en l'occurrence les termes de la publicité comparative litigieuse, qui font seulement état des prix généralement constatés dans les catalogues de VPC, ne sont pas clairement énoncés, le consommateur ne pouvant déterminer quel est le distributeur visé ;

Considérant que la publicité comparative est autorisée si elle est loyale et véridique et n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur ;
Que la société Box Office ne saurait se retrancher derrière les prix de vente relevés dans deux seuls catalogues de vente par correspondance datés de mai 2007, édités respectivement par les sociétés JM Bruneau et JPG ;
Qu'en effet, la publicité comparative ne doit pas être parcellaire et doit résulter d'une étude exhaustive ;
Que la société Epson France fait valoir que les prix annoncés dans ces deux catalogues auxquels il est fait référence ne sont pas représentatifs et ne correspondent pas au prix du marché ;
Que cette affirmation est corroborée par la production aux débats d'extraits de page internet et de catalogues de vente par correspondance révélant que les prix couramment pratiqués tant par elle-même sur son site internet www.buyepson.fr, que par les sociétés Fnac, Office Dépôt, Surcouf, Viking, Immac Wstore, sont généralement inférieurs à ceux proposés dans les deux catalogues opposés et reproduits sur la publicité comparative de la société Box Office ;
Qu'il appartenait à cette dernière de vérifier que les prix auxquels elle s'est référée dans sa publicité étaient représentatifs du prix de vente des cartouches "EPSON" sur le marché et qu'elle fondait sa comparaison sur des informations sincères et véridiques ;
Considérant qu'il s'ensuit que la société Box Office s'est livrée à une publicité trompeuse et comparative illicite caractérisant un acte de concurrence déloyale ;
Que par voie de conséquence, la décision déférée sera réformée ;

Sur les mesures réparatrices :
Considérant qu'il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice commercial pour la société Epson France, fût-il seulement moral, qui sera réparé par l'allocation de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Considérant qu'il sera interdit à la société Box Office la poursuite des agissements illicites ; que le site internet litigieux n'étant plus exploité, la mesure de publication du présent arrêt n'est pas nécessaire ;

Sur la demande reconventionnelle :
Considérant que la solution du litige commande de rejeter la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par la société Box Office pour procédure abusive, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

Sur les autres demandes :
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que la société Box Office ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société Epson France une indemnité de 10.000 euros ;

PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
- CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la société Epson France recevable à agir et débouté la société Box Office de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Le RÉFORME pour le surplus et STATUANT A NOUVEAU :
- CONDAMNE la société Box Office à payer à la société Epson France la somme de 15.000 euros (quinze mille euros) en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son préjudice,
- INTERDIT à la société Box Office la poursuite des agissements illicites,
- CONDAMNE la société Box Office à payer à la société Epson France la somme de 10.000 euros (dix mille euros) au titre des frais irrépétibles d'appel,
- REJETTE toutes autres demandes contraires à la motivation,
- CONDAMNE la société Box Office aux dépens qui comprennent les frais de constat d'huissier et DIT que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par la SCP Keime Guttin Jarry, avoués.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Dominique ROSENTHAL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12ème chambre section 1
Numéro d'arrêt : 09/00672
Date de la décision : 18/03/2010

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Faute - Publicité

La publicité comparative est autorisée si elle est loyale et véridique et n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur et que la comparaison est déterminée et déterminable. En revanche, constitue un acte de concurrence déloyale, toute publicité qui, reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de natu- re à induire en erreur et portant notamment sur l'existence, la disponibilité ou la nature du bien, le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent. En l'espèce, la publicité incriminée, qui vise à comparer les prix de produits concurrents, renvoie le consommateur normalement avisé aux tarifs de la société fabricante, celle-ci, bien que non nommément désignée, étant ai- sément identifiable et implicitement identifiée. La publicité comparative ne doit pas être parcellaire et doit résulter d'une étude exhaustive et, qu'il appartenait à la société mise en cause de vé- rifier que les prix auxquels elle s'est référée dans sa publicité étaient représentatifs du prix de vente des produits sur le marché et qu'elle fondait sa comparaison sur des informations sincères et véridiques. Il s'ensuit que la société mise en cause s'est livrée à une publicité trompeuse et comparative illicite caractérisant un acte de concurrence déloyale


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 17 décembre 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2010-03-18;09.00672 ?
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