COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
H.L./C.R.F.
5ème Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2010
R.G. N° 07/02811
AFFAIRE :
[V] [Z]
C/
S.A.S. AMESYS CONSEIL venant aux droits de la S.A. ARTWARE en la personne de son représentant légal
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Avril 2007 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : 06/01108
Copies exécutoires délivrées à :
Me Brigitte VIRAT
Me Elisabeth AUDOUARD
Copies certifiées conformes délivrées à :
[V] [Z]
S.A.S. AMESYS CONSEIL venant aux droits de la S.A. ARTWARE en la personne de son représentant légal
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE DIX,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [V] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Brigitte VIRAT (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A897)
APPELANT
****************
S.A.S. AMESYS CONSEIL venant aux droits de la S.A. ARTWARE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Elisabeth AUDOUARD (avocat au barreau de MARSEILLE) substitué par Me Nicolas SANFELLE (avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445)
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jeanne MININI, président chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Jeanne MININI, président,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT,
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [Z] a été engagé par la société Artware selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 3 septembre 2001 en qualité de responsable d'agence et affecté au sein de l'agence d'Ile-de-France. Il a été promu directeur d'agence à compter du 1er janvier 2002. Sa rémunération était composée d'une partie fixe (4 000 euros) et d'une partie variable fixée semestriellement.
Les relations entre M. [Z] et le dirigeant de la société Artware (M. [W]) se sont détériorées au cours de l'année 2004. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 24 août 2004 M. [Z] s'est plaint de l'absence de fixation de ses objectifs au titre de l'année 2004 rendant incertain le paiement de sa rémunération variable. En réponse, la société Artware a précisé avoir transmis un avenant fixant les modalités de paiement de la rémunération variable et a indiqué toutefois qu'en l'absence de signature d'un avenant le dernier mode de calcul fixé par le dernier avenant devrait recevoir application.
Le 8 octobre 2004 la société Artware a adressé à M. [Z] un avertissement (non reçu en raison du déménagement effectué par le salarié sans information donnée à son employeur sur sa nouvelle adresse) lui reprochant un mauvais comportement en interne, le non respect des missions confiées et les mauvais résultats financiers de l'agence parisienne. La société Artware a informé M. [Z] qu'à compter du 11 octobre 2004 c'est Mme [Y] qui prendrait la direction de l'agence.
Le 12 octobre 2004 une altercation a opposé au sein de l'agence parisienne M. [Z] à Mme [Y]. La société Artware a fait notifier par huissier à M. [Z] une convocation à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement datée du 11 octobre 2004 avec mise à pied à titre conservatoire. M. [Z] a été prié de quitter immédiatement l'agence. Puis, selon lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 26 octobre 2004 la société Artware a notifié à M. [Z] son licenciement pour faute grave lui reprochant :
- l'envoi le 8 octobre 2004 au dirigeant de la société d'un courriel dont le contenu et les termes menaçants ne sont pas compatibles avec son statut de cadre et sont constitutifs d'une insubordination, un tel comportement étant réitéré par téléphone le lundi suivant,
- le refus de participer le 12 octobre 2004 au matin à une conférence téléphonique,
- le refus le même 12 octobre 2004 de laisser déplacer le fax imprimante dans le bureau de Mme [Y] en faisant preuve de violence à l'égard de cette personne.
***
Contestant le motif du licenciement, M. [Z] a fait convoquer le 18 novembre 2004 la société Artware devant le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, d'une indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il a sollicité également le versement de la prime pour l'année 2004.
Par jugement en date du 19 avril 2007 le conseil de prud'hommes a débouté M. [Z] de toutes ses demandes.
M. [Z] a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 12 novembre 2009 par lesquelles il a sollicité l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de la société Amesys Conseil, venant aux droits de la société Artware, au paiement des sommes de :
- 23 975 euros au titre de la prime due pour la période de janvier 2004 à octobre 2004 en prenant en considération la somme versée au cours de l'année 2003 du fait de l'absence de fixation par la société Artware de nouveaux objectifs au titre de l'année 2004 malgré les réclamations présentées,
- 19 192,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
- 7 101,22 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 3 198,50 euros à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire,
- 63 975 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
ces sommes étant calculées sur la base d'une rémunération moyenne de 6 397,50 euros et ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [Z] conteste les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement et après avoir rappelé les conditions de création de la société Artware et de son entrée dans cette société, il a fait observer qu'en fait les relations avec le dirigeant se sont dégradées à partir du moment où ce dernier a refusé de respecter les engagements initiaux tenant à sa participation au capital de la filiale de la société qui devait être créée en Ile-de-France.
La société Amesys Conseil, venant aux droits de la société Artware, a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. [Z] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que M. [Z] n'a pas voulu négocier les objectifs 2004 alors qu'il y avait un dégradation notable des résultats quantitatifs au premier semestre, ce qui explique que les relations professionnelles se sont détériorées. Elle précise que pour assurer le redressement de l'agence d'Ile-de-France elle a été contrainte de recruter un nouveau directeur commercial, Mme [Y], dont les fonctions n'entraînaient aucune modification des conditions d'exécution par M. [Z] de son contrat de travail.
La société Amesys Conseil conteste devoir une prime variable au titre de l'année 2004 en l'absence de toute marge nette dégagée au cours du premier semestre au sein de l'agence d'Ile-de-France. Elle estime rapporter la preuve de la réalité et de la gravité des griefs à l'origine de l'engagement de la procédure disciplinaire.
A titre subsidiaire, la société Amesys Conseil fait observer que les indemnités ne peuvent être calculées sur la moyenne de salaire arrêtée par M. [Z] qui ne correspond pas aux sommes perçues au titre de l'année 2004 alors par ailleurs qu'aucun élément n'est apporté concernant la situation du salarié postérieurement à la rupture du contrat de travail.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 12 novembre 2009.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant selon l'article L.1232-6 alinéas 1 et 2 du code du travail (anciens articles L.122-14-1, alinéa 1 et L.122-14-2, alinéa 1) que 'lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur';
Considérant selon l'article L.1232-1 du même code (ancien article L.122-14-3, alinéa 1phrase 1) que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse; qu'ainsi les faits invoqués et les griefs articulés à l'encontre du salarié doivent être exacts et établis et suffisamment pertinents pour justifier le licenciement ;
Considérant enfin selon l'article L.1235-1 (ancien article L.122-14-3, alinéa 1 phrase 1 et alinéa 2) 'qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié' ;
Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de la faute grave de l'autre partie d'en rapporter seul la preuve et de démontrer qu'il a contraint le salarié à quitter son emploi dès la constatation de la faute;
Considérant au cas présent que la société Artware a notifié à M. [Z] son licenciement pour faute grave en lui reprochant d'avoir par écrit (mails en date des 7 et 8 octobre 2004) adressé des menaces au dirigeant de l'entreprise, d'avoir refusé de participer à une réunion téléphonique le 12 octobre 2004 et d'avoir fait preuve d'un comportement violent à l'égard de son nouveau supérieur hiérarchique, Mme [Y];
Considérant que l'analyse des courriels échangés les 7 et 8 octobre 2004 entre M. [W], dirigeant de la société Artware et M. [Z], démontrent l'existence d'un conflit en ce qui concerne la direction de l'agence de [Localité 5], le recrutement de Mme [Y], qui deviendra le supérieur hiérarchique de M. [Z] qui occupait antérieurement et depuis 2002 la direction de l'agence et la répartition des affaires entre les commerciaux et cette nouvelle directrice ; que dans un contexte conflictuel la volonté manifestée par M. [Z] d'obtenir des explications sur la répartition des affaires et sur la persistance de relations entre Mme [Y] et un précédent employeur concurrent, ne peuvent être considérées comme des menaces ou la remise en cause des instructions de la société Artware ;
Considérant que le refus opposé par M. [Z] de participer à une conférence téléphonique le 12 octobre 2004 n'est nullement démontré;
Considérant enfin que la légère altercation entre M. [Z] et Mme [Y] concernant le déplacement d'un fax/imprimante ne peut constituer un motif pertinent de rupture du contrat de travail dès lors que la lecture du courriel de Mme [Y] relatant l'événement au dirigeant de la société Artware ne permet pas d'établir la réalité de violences physiques exercées sur sa personne;
Considérant en conclusion que le licenciement de M. [Z] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ; qu'ainsi le jugement déféré doit être réformé;
Considérant que la rémunération globale servant de base au calcul des indemnités de rupture du contrat de travail doit prendre en considération :
- une partie fixe égale à la somme mensuelle brute de 4 000 euros,
- une partie variable dont les éléments étaient fixés semestriellement par la société Artware pour les périodes de janvier à juin puis de juillet à décembre de chaque année étant reconnu par les parties aux termes de leurs courriers en date des 24 août et 1er septembre 2004 que pour ce qui concerne l'année 2004 aucun accord n'est intervenu, rendant dès lors obligatoire le calcul de la partie variable à partir des éléments retenus au cours du dernier semestre 2003,
- qu'en l'absence de marge nette dégagée par l'agence de [Localité 5] en 2004 aucune somme n'est due à titre de prime pour l'année 2004,
- que pour les douze derniers mois de salaire (1er novembre 2003 au 31 octobre 2004), la rémunération variable s'établit donc à la somme mensuelle brute de 1 437,50 euros (17 250 : 12),
Considérant ainsi que sur la base d'une rémunération (fixe et variable confondus) arrêtée à la somme mensuelle brute de 5 437,50 euros, la société Amesys Conseil devra verser à M. [Z] les sommes de :
- 2 718,75 euros au titre du salaire non payé durant la mise à pied à titre conservatoire,
- 16 312,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents,
- 6 035,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
outre intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2004,
Considérant qu'après avoir pris en considération la faible ancienneté du salarié dans l'entreprise, la reprise par lui d'une nouvelle activité professionnelle en juin 2005 et les conditions de son éviction de la société Artware le 12 octobre 2004, la cour condamne la société Amesys Conseil au paiement d'une somme de 40 000 euros en réparation du préjudice subi par M. [Z] consécutivement à la perte brutale et injustifiée de son emploi;
Considérant enfin qu'il convient d'accorder à M. [Z] la somme de 3 000 euros au titre des frais de procédure exposés au sens des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,
INFIRME le jugement rendu le 19 avril 2007 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
CONDAMNE la société Amesys Conseil à payer à M. [Z] les sommes de :
2 718,75 euros à titre de salaire durant la mise à pied à titre conservatoire,
16 312,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 631,25 euros au titre des congés payés afférents,
6 035,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2004,
40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre intérêts au taux légal à compter de ce jour,
3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [Z] du surplus de ses demandes,
DÉBOUTE la société Amesys Conseil de sa demande reconventionnelle,
CONDAMNE la société Amesys Conseil aux entiers dépens et aux frais d'exécution de la présente décision.
Arrêt prononcé publiquement par Madame Jeanne MININI, Président.
Arrêt signé par Madame Jeanne MININI, Président et Madame Christiane PINOT, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT