COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
H.L./J.M.
5ème Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 DECEMBRE 2009
R.G. N° 08/03470
AFFAIRE :
[H] [K] [L]
C/
S.A.S. RENAULT en la personne de son représentant légal
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Septembre 2008 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : 07/1716
Copies exécutoires délivrées à :
Me Gilbert BELLO TCHAPDA
Me Catherine LE JOUAN
Copies certifiées conformes délivrées à :
[H] [K] [L]
S.A.S. RENAULT en la personne de son représentant légal
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [H] [K] [L]
[Adresse 2]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Gilbert BELLO TCHAPDA (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2112)
APPELANT
****************
S.A.S. RENAULT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit au siège social sis :
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Catherine LE JOUAN (avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1135)
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 22 Octobre 2009, en audience publique, devant la cour composé(e) de :
Madame Jeanne MININI, président,
Madame Catherine ROUAUD-FOLLIARD, Conseiller,
Madame Isabelle OLLAT, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Christiane PINOT
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M. [H] [K] [L] a été initialement engagé à compter du 3 février 1997 en qualité d'ingénieur par la société SODICAM, faisant partie du groupe Renault, et a travaillé jusqu'en 2005 en Espagne. En février 2005 il a été transféré au sein de la direction des opérations internationales en qualité de cadre et le 13 juillet 2005 il a conclu un nouveau contrat de travail avec la société Renault pour occuper à compter du 1er septembre 2005 un emploi de cadre sous la responsabilité de M. [E] [Y], directeur moyen-orient/afrique francophone Renault.
Au cours de l'année 2007 la société Renault a entendu développer avec le groupe Optorg un partenariat pour assurer la distribution de ses véhicules dans les pays d'Afrique centrale. M. [H] [K] [L] a manifesté un intérêt pour un tel projet en inscrivant dans ses objectifs pour l'année 2007 la finalisation des négociations avec le groupe Optorg au plus tôt. Dans le cadre de ses fonctions, M. [H] [K] [L] a envisagé très rapidement la possibilité d'entrer dans les effectifs du groupe Optorg et de quitter la société Renault.
Par courrier en date du 11 juin 2007 adressé à la société Renault, M. [H] [K] [L], rappelant les conditions de son départ fixées selon son précédent courrier en date du 16 mai 2007, a donné sa démission avec prise d'effet le 11 septembre 2007. La société Renault, par lettre en date du 14 juin 2007, a pris acte de cette démission et a indiqué à M. [H] [K] [L] que son préavis d'une durée de trois mois couvrait la période du 11 juin 2007 au 11 septembre 2007, date de la fin du contrat de travail, rappelant toutefois au salarié qu'elle l'avait dispensé d'effectuer son préavis.
M. [H] [K] [L] a été embauché à compter du 11 juin 2007 par la société de distribution internationale, société faisant partie du groupe Optorg, en qualité de responsable VP, position cadre, le contrat de travail prévoyant une période d'essai de trois mois. M. [H] [K] [L] a cessé de faire partie des effectifs de cette société le 3 septembre 2007.
Par lettre en date du 6 septembre 2007 M. [H] [K] [L] a indiqué à la société Renault qu'il renonçait à solliciter la rupture de son contrat de travail à partir du 11 septembre 2007 et qu'il souhaitait reprendre ses fonctions au sein de l'entreprise. La société Renault n'a pas donné suite à cette requête et a adressé à M. [H] [K] [L] les documents de rupture du contrat de travail.
****
Invoquant l'absence de caractère définitif de sa démission à la date de sa rétractation et faisant état d'une faute commise par la société Renault dans sa négociation d'un nouvel emploi au sein du groupe Optorg, M. [H] [K] [L] l'a fait convoquer le 12 novembre 2007 devant le Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir le paiement des salaires depuis le 11 septembre 2007 et la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts après avoir fait constater que le refus de toute réintégration s'analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 4 septembre 2008 le Conseil de Prud'hommes a débouté M. [H] [K] [L] de toutes ses demandes.
M. [H] [K] [L] a régulièrement relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées et développées oralement à l'audience du 22 octobre 2009 par lesquelles il a demandé à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Renault au paiement des sommes de :
83 843 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
33 995,30 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 11 septembre 2007 au 30 juin 2008 à parfaire si refus de réintégration,
2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [H] [K] [L] soutient que sa lettre de démission en date du 11 juin 2007 n'était pas claire et non équivoque et qu'en toute hypothèse elle ne devait prendre effet qu'à compter du 11 septembre 2007. En conséquence ayant valablement remis en cause sa démission par son courrier en date du 6 septembre, antérieur à la prise définitive d'effet de sa démission, la société Renault devait procéder à sa réintégration dans ses effectifs, son refus devant s'analyser en une rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse. Il fait en outre observer que sa démission n'était fondée que par l'assurance donnée par la société Renault d'être embauché chez Optorg, son partenaire exclusif pour l'Afrique centrale. Enfin il souligne qu'il a été contraint de rechercher un autre emploi puis de démissionner en raison des mauvaises conditions de travail rencontrées au sein de la société Renault.
La société Renault a conclu à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de M. [H] [K] [L] au paiement d'une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle rappelle que M. [H] [K] [L] a conduit seul les pourparlers en vue de son embauche au sein du groupe Optorg et qu'elle-même n'a fait qu'accepter la démission de ce salarié qui est devenue définitive le 11 juin 2007, date à laquelle il a pris son emploi au sein du groupe Optorg, elle-même ayant accepté de dispenser le salarié de l'exécution du préavis qui courait durant la période du 11 juin au 11 septembre 2007. Elle estime en conséquence que la démission de M. [H] [K] [L] était claire et non équivoque et qu'aucune preuve n'est rapportée concernant l'existence d'un litige ou d'un grief concomitant ou antérieur à la démission qui pourrait remettre en cause celle-ci.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience du 22 octobre 2009.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant qu'il résulte des documents produits aux débats que M. [L] qui entretenait de bonnes relations avec son supérieur hiérarchique, M. [E] [Y], lui a fait part dès le début de l'année 2007 d'une possibilité de faire partie des effectifs du groupe Optorg avec lequel la société Renault était en relation d'affaires pour développer ses ventes de véhicules en Afrique centrale ; que toutefois, aucun document ne permet de dire que la société Renault a pris contact avec le groupe Optorg pour faciliter l'intégration de M. [L] en son sein ; qu'à l'opposé aucun document ne fait état de difficultés rencontrées par M. [L] avec la société Renault dans l'exercice de ses fonctions l'ayant contraint à envisager en mai 2007 son départ de cette entreprise (le seul courriel en date du 13 mars 2007 reprochant à M. [L] la mauvaise exécution d'un travail ponctuel n'étant pas de nature à établir l'existence d'un dénigrement de son travail ou d'un harcèlement rendant impossible son maintien dans l'entreprise ) ; qu'il convient enfin de relever que par courriel en date du 2 avril 2007 adressé à M. [E] [Y], M. [L] a rappelé les conditions de sa négociation personnelle avec l'un des dirigeants du groupe Optorg souhaitant obtenir le soutien de son supérieur hiérarchique mais simplement pour pouvoir quitter dans de bonnes conditions la société Renault ;
Considérant ainsi qu'aucun élément ne permet à M. [L] d'invoquer l'existence d'événements survenus antérieurement ou concomitamment à sa démission de nature à rendre celle-ci équivoque ;
Considérant que par courrier en date du 16 mai 2007 M. [L] a annoncé à son employeur la conclusion d'un accord d'embauche avec le groupe Optorg dont les termes ont fixé le début de sa collaboration au 11 juin 2007 et lui a rappelé les conditions ayant déjà fixé les modalités de son départ de l'entreprise avec de nombreux avantages dont celui d'obtenir le règlement de son salaire pendant la durée de son préavis tout en étant dispensé de tout travail pendant la durée de celui-ci fixée à trois mois ;
Considérant que par son courrier en date du 11 juin 2007, faisant référence au précédent courrier du 16 mai 2007, M. [L] a donc donné sa démission ; que le fait de préciser que cette démission prendrait effet le 11 septembre 2007 ne saurait permettre à M. [L] d'en déduire que le point de départ de cette démission était, d'un commun accord entre les parties, fixée au 11 septembre 2007 ; qu'en effet, ayant été dispensé de tout travail durant le préavis pour la période du 11 juin au 11 septembre 2007, la date de la rupture du contrat de travail du fait de la démission donnée par M. [L] prenait effet au 11 juin 2007, date de l'envoi de la lettre de démission et date de son entrée dans les effectifs de la société de distribution internationale, faisant partie du groupe Optorg ; qu'il convient d'ailleurs de relever que M. [L] n'a élevé aucune critique à réception du courrier établi par la société Renault le 14 juin 2007 prenant acte de la démission, rappelant la dispense de préavis et invitant ce salarié à retirer les documents de rupture de son contrat de travail à l'expiration du préavis ; qu'enfin la production par M. [L] d'un document ni daté ni signé intitulé « fiche de recueil des motifs de démission » et portant la mention « date de la démission : 11 septembre 2007 » ne peut remettre en cause tous les autres documents par lesquels ce salarié a clairement manifesté son intention de quitter la société Renault le 11 juin 2007 ;
Considérant en conséquence que la démission étant claire, non équivoque et définitive à la date du 11 juin 2007, la société Renault a, sans aucune faute de sa part, pu refuser de reprendre M. [L] dans ses effectifs à la date où celui-ci lui a fait part, selon courrier en date du 6 septembre 2007, de la rétractation de sa démission dont le seul motif était lié à la rupture de son contrat de travail avec la société de distribution internationale pendant la période d'essai alors qu'elle-même n'avait jamais conditionné la validité du départ du salarié de l'entreprise à son embauche définitive au sein du groupe Optorg ;
Considérant qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement rendu le 4 septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [H] [K] [L] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé publiquement par Madame Jeanne MININI, Président.
Arrêt signé par Madame Jeanne MININI, Président et Madame Christiane PINOT, Greffier présent lors du prononcé.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT