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10/11/2009 | FRANCE | N°08/07587

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12ème chambre section 1, 10 novembre 2009, 08/07587


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

DR
Code nac : 39D
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 10 NOVEMBRE 2009
R. G. No 08 / 07587
AFFAIRE :
S. A. R. L. RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES
C /
- Société BERNARD FRANCE-Société CARRE BLANC DISTRIBUTION-Société CARRE BLANC BOUTIQUES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 01 No RG : 07 / 02311

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à :- SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD-SC

P LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU-SCP JUPIN et ALGRIN

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

DR
Code nac : 39D
12ème chambre section 1
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 10 NOVEMBRE 2009
R. G. No 08 / 07587
AFFAIRE :
S. A. R. L. RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES
C /
- Société BERNARD FRANCE-Société CARRE BLANC DISTRIBUTION-Société CARRE BLANC BOUTIQUES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2008 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 01 No RG : 07 / 02311

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à :- SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD-SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU-SCP JUPIN et ALGRIN

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. R. L. RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES ayant son siège rue de Versailles 2410 VILLE D'AVRAY, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Concluant par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués dossier 0845778 Plaidant par Me OU Siv-Huor collaboratrice de Me Simon CHRISTIAEN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE ****************

- Société BERNARD FRANCEayant son siège Rue de Reckem Zone Industrielle de TOURCOING NORD 59960 NEUVILLE EN FERRAIN, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Concluant par la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU, avoués-No du dossier 280656 Plaidant par Me Anne NOGRET-CARREGA, avocat au barreau de PARIS

-Société CARRE BLANC DISTRIBUTION ayant son siège 12/14 Rond Point des Champs Elysées 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Concluant par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués-No du dossier 0024977 Plaidant par Me Serge LEDERMAN, avocat au barreau de PARIS

-Société CARRE BLANC BOUTIQUES ayant son siège 12/14 Rond Point des Champs Elysées 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Concluant par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués-No du dossier 0024977 Plaidant par Me Serge LEDERMAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Octobre 2009, Madame Dominique ROSENTHAL, président, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Dominique ROSENTHAL, président, Madame Dominique LONNE, conseiller, Monsieur Claude TESTUT, conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MAREVILLE Vu l'appel interjeté le 3 octobre 2008, par la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES d'un jugement rendu le 16 septembre 2008 par le tribunal de commerce de Nanterre qui a :

* dit les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES recevables en leurs demandes à l'encontre de la société BERNARD FRANCEet de la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES,
* débouté la société BERNARD FRANCE de sa demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon,
* condamné la société BERNARD FRANCE à payer à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 60. 000 euros au titre de la contrefaçon du dessin " AKTOS ", déboutant pour le surplus,
* condamné la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à garantir la société BERNARD FRANCE de la condamnation prononcée,
* débouté les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES de leurs demandes au titre d'actes de concurrence déloyale et parasitaires,
* ordonné aux sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE de cesser l'importation, la commercialisation, l'offre à la vente et la vente d'articles reproduisant ou imitant le dessin " AKTOS " et ce, dans un délai de 1 jour franc à compter de la signification du jugement, sous astreinte de 1. 500 euros par infraction constatée passé ce délai,
* débouté les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES de leurs demandes complémentaires visant aux publications du jugement,
* débouté la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES de ses demandes reconventionnelles,
* condamné la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à verser à chacune des sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES la somme de 7. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens comprenant les frais de saisie contrefaçon.
Vu les dernières écritures en date du 22 septembre 2009, par lesquelles la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES, poursuivant la réformation de la décision entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté les prétentions émises au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, demande à la Cour de :
* déclarer nul le procès-verbal de saisie contrefaçon dressé le 27 mars 2007,
* constater que les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES n'établissent pas, la première, sa qualité à agir, et les deux, les atteintes pour contrefaçon et pour concurrence déloyale et parasitaire,
* condamner in solidum les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES au versement de la somme de 200. 000 euros en réparation de son préjudice pécuniaire et la somme de 50. 000 euros en réparation de son préjudice moral pour procédure abusive,
* condamner chacune de ces sociétés au paiement de la somme de 30. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Vu les dernières écritures en date du 12 août 2008, aux termes desquelles la société BERNARD FRANCE, formant appel incident, prie la Cour de :
* réformer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé sa condamnation au paiement de la somme de 60. 000 euros au titre de la contrefaçon, prononcé des mesures d'interdiction,
* dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale et parasitaire,
* dire que les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES ne justifient pas de leur préjudice,
* débouter les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES de leurs demandes,
*subsidiairement, dire que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES devra la garantir de toute condamnation,
* confirmer sur ce point le jugement, sauf à étendre la garantie aux astreintes, dépens et autres frais,
* confirmer la décision en ce qu'elle a débouté les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,
* condamner les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES au versement de la somme de 10. 000 euros pour procédure abusive et de celle de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Vu les dernières écritures en date du 28 septembre 2009, par lesquelles les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES demandent à la Cour de :
• confirmer le jugement en ce qu'il a : * dit la société CARRE BLANC DISTRIBUTION recevable en ses demandes au titre d'actes de contrefaçon,

* débouté la société BERNARD FRANCE de sa demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon,
* interdit aux sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE la poursuite des actes illicites sous astreinte,
* débouté la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES de ses demandes reconventionnelles,
* condamné la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
• réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau : * débouter la société BERNARD FRANCE et la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES de leurs demandes en dommages et intérêts pour procédure abusive,

* condamner in solidum les sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE à payer à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 120. 000 euros au titre de la contrefaçon du dessin " AKTOS ",
* dire que les sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE ont commis des actes distincts de concurrence déloyale et parasitaires à leur préjudice,
* condamner in solidum les sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE au paiement, à chacune d'elles, de la somme de 50. 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaires,
* ordonner la publication de la décision à intervenir, en entier ou par extraits, dans trois journaux périodiques ou magazines de leur choix, aux frais avancés des sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE, sans que le coût global de ces insertions n'excède la somme de 20. 000 euros HT, au plus tard dans un délai de quatre mois après la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard,
* ordonner à la société BERNARD FRANCE de publier, à ses frais, le dispositif de la décision à intervenir, sur la page d'accueil de son site internet accessible à l'adresse www. bernard. fr pendant une période de un mois, au plus tard dans le délai de quatre mois après la signification de la décision et ce, sous astreinte de 1. 000 euros par jour de retard,
* condamner in solidum les sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE à verser, à chacune d'elles, la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
SUR CE, LA COUR
Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que : * la société CARRE BLANC, créée en 1981, a pour activité la création et la fabrication de linge de maison qu'elle commercialise sous l'enseigne et la marque " CARRE BLANC ",

* la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, constituée en 1995, a fondé un réseau de franchise comptant 185 magasins distribuant les produits " CARRE BLANC ",
* la société CARRE BLANC BOUTIQUES, créée également en 1995, gère les boutiques à l'enseigne CARRE BLANC,
* la société CARRE BLANC DISTRIBUTION revendique des droits patrimoniaux d'auteur sur un dessin de broderie, dénommé " AKTOS ", créé au mois de septembre 2003,
* ce dessin, dont la création a été constatée par huissier le 11 septembre 2003, a été déposé le 3 mars 2004, à titre de modèle à l'INPI, sous le no041046,
* la société CARRE BLANC DISTRIBUTION a eu connaissance d'une offre promotionnelle par la société BERNARD FRANCE, qui exploite une activité de vente par correspondance de meubles et de fournitures de bureau, d'un " ensemble en éponge bambou ", pour toute commande passée entre le 1er et le 29 janvier 2007,
* estimant que sur cet ensemble de linge, draps de bain, serviettes, essuie mains, était apposé un motif brodé reproduisant les caractéristiques de son dessin " AKTOS ", la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, dûment autorisée par ordonnance présidentielle, a fait procéder le 27 mars 2007, à une saisie contrefaçon dans les locaux de la société BERNARD FRANCE,
* ces opérations ont révélé que les articles litigieux avaient été fournis par la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES,
* c'est dans ces circonstances, que les sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES ont assigné, devant le tribunal de commerce de Nanterre, les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES en contrefaçon et en concurrence déloyale ;
Sur la validité du procès-verbal de saisie contrefaçon :
Considérant que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES soulève la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon exposant qu'en méconnaissance de l'ordonnance présidentielle, l'huissier instrumentaire a saisi le bon de livraison et la facture des produits litigieux ;
Considérant que, pour s'opposer à cette demande, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION invoque, à bon droit, son irrecevabilité au motif qu'elle constitue une exception de procédure qui aurait dû être soulevée in limine litis ;
Qu'en effet, la demande en nullité de ces procédures ne constitue pas une fin de non-recevoir soumise aux dispositions des articles 122 et suivants du Code de procédure civile, mais effectivement une exception de nullité qui, en tant que telle, devait, en application des dispositions des articles 74 et 112 du même Code, être soulevée avant toute défense au fond ;
Or considérant qu'il résulte de la procédure de première instance que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES n'a pas soulevé devant le tribunal, avant toute défense au fond, la nullité des opérations de saisie contrefaçon ;
Que par voie de conséquence, la décision déférée, qui a rejeté cette exception, mérite confirmation ;
Sur la titularité des droits de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION :
Considérant que pour s'opposer aux actes de contrefaçon et de concurrence déloyale reprochés, la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES conteste la titularité des droits revendiqués par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION et la société CARRE BLANC BOUTIQUES ;
Considérant qu'il convient de relever que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION agit au seul fondement de la protection accordée au titre du Livre I du Code de la propriété intellectuelle et fait grief aux sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE d'avoir reproduit ou imité le dessin original " AKTOS " dont elle revendique les droits patrimoniaux de l'auteur ;
Qu'en revanche, la société CARRE BLANC BOUTIQUES, en sa qualité de distributeur ne fonde ses prétentions qu'au visa de l'article 1382 du Code civil en raison d'actes incriminés de concurrence déloyale ;
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION revendique le bénéfice des dispositions de l'article L. 113-1 du Code de la propriété intellectuelle aux termes desquelles, la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ;
Que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES conteste l'application au profit de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de cette présomption, faisant valoir qu'elle n'est pas étayée juridiquement, que les faits censés corroborer cette présomption ne sont nullement démontrés, que l'exploitation du motif revendiqué " AKTOS " est insignifiante ;
Considérant qu'il n'est pas démenti, que la présomption de titularité des droits n'exonère pas la partie qui entend s'en prévaloir de rapporter la preuve d'une création déterminée à une date certaine ;
Considérant en l'espèce, que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION a fait procéder au constat de la création du dessin " AKTOS " par huissier de justice qui a établi un procès-verbal le 11 septembre 2003 ;
Que cette société verse aux débats un catalogue " CARRE BLANC " de sa collection printemps / été 2004 sur lequel figure en photographie légendée " Aktos " le motif revendiqué, brodé sur un drap de bain ;
Qu'il s'ensuit qu'à la date de la reproduction litigieuse, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION exploitait commercialement sous son nom la création litigieuse ; qu'en l'absence de toute revendication de la part de la ou des personnes physiques ayant réalisé ce dessin, ces actes d'exploitation sont de nature à faire présumer à l'égard des tiers présumés contrefacteurs qu'elle est titulaire sur cette oeuvre, quelle qu'en soit sa qualification, du droit de propriété incorporelle de l'auteur ;
Sur la protection du dessin revendiqué :
Considérant que pour bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur, doit être établi le caractère d'originalité de l'oeuvre comme constituant une création présentant des caractéristiques esthétiques et exprimant la personnalité de son auteur au travers des choix qui lui sont propres ;
Considérant que la société BERNARD FRANCE et la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES, soutenant que la création n'est pas clairement définie et relève d'un genre, contestent la protection du dessin revendiqué par le droit d'auteur ;
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION caractérise son motif de broderie par la combinaison des éléments suivants :
- quatre bâtonnets disposés les uns à côté des autres,
- les deux bâtonnets situés à l'extérieur étant parallèles et positionnés de biais,
- ceux situés au centre étant également parallèles mais représentés droits,
- chacun de ces bâtonnets ayant un ton différent dans un dégradé de couleurs du brun au beige clair ;
Qu'il en résulte que la création revendiquée, qui porte sur la représentation de quatre bâtonnets précisément délimités et orientés de manière particulière, est identifiable, de sorte qu'il ne peut être soutenu que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION tenterait à se faire reconnaître un monopole sur un genre de dessin géométrique ;
Considérant que pour dénier au dessin opposé toute originalité, la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES expose qu'il se retrouve dans les alphabets anciens, puis dans les tableaux de nombreux peintres de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle et qu'il a été utilisé par des créateurs en matière de tissu, bien avant la date prétendue de sa création ;
Mais considérant que si les détails extraits des oeuvres LE TALISMAN (1888) de Paul SERUSIER, DANSE DE NEGRE (1911) d'Ernst Ludwig KIRCHNER, PAYSAGE A L'EGLISE (1913) de Wassily KANDISKY, REDRESSEMENT DE LA CROIX (1913) de Wilhem MORGNER, FORMES LUTTANT (1914) de Franz MARC, HOMME ASSIS (1917) de Pablo PICASSO, CONCEPT SPATIAL (1962-1963) de Lucio FONTANA, LA FEMME AU CHAT (1964) de Pablo PICASSO, montrent des traits ou bâtonnets aux contours imprécis, il n'en subsiste pas moins qu'aucune de ces représentations ne divulgue la combinaison des caractéristiques du dessin " AKTOS " telle que précédemment décrite ;
Qu'il en est de même des motifs figurant sur les dessins de tissu déposés à l'INPI par Claude I...et par Jankiel Y..., représentant des séquences de bâtonnets, en ce que le premier dépôt décrit des bandes verticales à motifs baguettes horizontales et obliques et hachurées, et que le second est caractérisé par la superposition de quatre séries de deux séquences de bâtonnets ;
Considérant dès lors que, si les éléments qui composent le dessin de broderie sont effectivement connus et que pris séparément ils appartiennent au fonds commun des représentations géométriques, en revanche leur combinaison, telle que revendiquée, dès lors que l'appréciation portée par la cour doit s'effectuer de manière globale, en fonction de l'aspect d'ensemble produit par la combinaison des différents éléments propres au dessin et non par l'examen de chacun de ces éléments pris individuellement, confère au dessin litigieux une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique qui porte l'empreinte de la personnalité de son auteur ;
Que confirmant la décision déférée, le dessin " AKTOS " est protégeable par le droit d'auteur ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que pour caractériser la contrefaçon, au regard des Livres I et III du Code de la propriété intellectuelle, il convient de prendre en considération la reprise des éléments caractéristiques du dessin " AKTOS " ;
Considérant qu'il résulte de l'examen comparatif des broderies en présence, auquel la cour a procédé, que le dessin, brodé sur le linge de toilette offert par la société BERNARD FRANCE et reproduit sur le document publicitaire qu'elle a diffusé, reprend les éléments caractéristiques précédemment retenus au titre de l'originalité, à savoir :
- quatre bâtonnets disposés les uns à côté des autres,
- les deux bâtonnets situés à l'extérieur étant parallèles et positionnés de biais,
- ceux situés au centre étant également parallèles mais représentés droits,
- chacun de ces bâtonnets ayant un ton différent dans un dégradé de couleurs marron et beige ;
Considérant qu'il importe peu que le motif n'ait pas été reproduit en série ; que par ailleurs, la différence minime des coloris, qui est insignifiante, n'affecte pas la même impression d'ensemble qui se dégage des dessins brodés en présence ;
Considérant que les sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE ne sauraient arguer de leur bonne foi inopérante en cette matière devant les juridictions civiles ;
Considérant par voie de conséquence, que la décision entreprise, qui a retenu des actes de contrefaçon imputables à la société BERNARD FRANCE, sera confirmée ;
Considérant que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES, qui a pour activité la création, la commercialisation de linge en tissu éponge et a vendu à la société BERNARD FRANCE les articles litigieux, a participé aux actes de contrefaçon et à la réalisation du préjudice ;
Que dès lors, réformant le jugement entrepris sur ce point, il convient de retenir également à son encontre des actes de contrefaçon ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
Considérant que les faits de contrefaçon constituent nécessairement à l'égard de la société CARRE BLANC BOUTIQUES, distributeur des produits de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, des actes de concurrence déloyale en ce qu'ils sont de nature à créer un risque de confusion sur l'origine des produits et lui occasionner un préjudice commercial ;
Considérant que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION reproche également, à bon droit, aux sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE des actes de concurrence déloyale distincts de ceux retenus au titre de la contrefaçon du dessin original dont elle détient les droits patrimoniaux d'auteur ;
Considérant en effet, qu'en choisissant, pour offrir des lots publicitaires au moyen d'un catalogue amplement diffusé, d'associer le motif contrefaisant sur une gamme de linge de toilette en éponge, identique ou similaire aux articles commercialisés par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, de reprendre la même gamme de couleurs (beige et marron), les sociétés RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES et BERNARD FRANCE ont créé un risque de confusion dans l'esprit du consommateur normalement informé et raisonnablement avisé qui sera conduit à attribuer aux produits une origine commune ; que le grief de concurrence déloyale est fondé ;
Considérant en revanche, que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION ne démontre pas que le dessin revendiqué, par la publicité qui en a été faite et les investissements consacrés, était apte à l'identifier aux yeux du public, de sorte que les agissements parasitaires ne sont pas caractérisés ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant qu'il ressort des actes de la procédure que 3. 516 lots de linge ont été fournis par la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à la société BERNARD FRANCE qui les a proposés à sa clientèle comme cadeaux promotionnels pour toute commande effectuée entre le 1er et le 29 janvier et que la masse contrefaisante peut être évaluée à 24. 612 pièces ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société CARRE BLANC DISTRIBUTION gère le réseau de franchise de 185 magasins distribuant ses produits ;
Qu'il n'est pas davantage démenti que la société CARRE BLANC BOUTIQUES gère 23 boutiques à l'enseigne CARRE BLANC ;
Considérant qu'il s'ensuit, que la cour dispose des éléments suffisants pour allouer à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, au titre du gain manqué par les actes de contrefaçon, la somme de 70. 000 euros ;
Que par ailleurs, la mise sur le marché des produits contrefaisants, de qualité inférieure, offerts à titre publicitaire, a porté atteinte à la valeur du dessin original en le banalisant etle dévalorisant auprès de la clientèle incitée à s'en détourner ; que cette atteinte sera également indemnisée par l'octroi à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de la somme de 20. 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Que dans ces circonstances, une indemnité de 90. 000 euros réparera le préjudice subi par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION du fait des actes de contrefaçon, laquelle sera mise à la charge in solidum des sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES ;
Considérant que les agissements déloyaux relevés ont nécessairement causé un préjudice aux sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES, en désorganisant leur réseau de franchise et en laissant supposer à leur clientèle que les produits CARRE BLANC faisaient l'objet d'une " liquidation " à l'occasion d'opérations promotionnelles ;
Que de sorte, le préjudice subi, tant par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION, que par la société CARRE BLANC BOUTIQUES justifie l'allocation, à chacune d'elles, d'une indemnité de 30. 000 euros mise à la charge in solidum des sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES ;
Considérant que les mesures d'interdiction, prononcées par le premier juge pour mettre un terme aux agissements illicites, seront confirmées ;
Considérant qu'il sera fait droit à la mesure de publication du présent arrêt selon les modalités précisées au dispositif de la décision ;
Sur la demande en garantie :
Considérant que la société BERNARD FRANCE, poursuivant la réformation de la décision du premier juge, demande à être garantie de toutes les condamnations prononcées mises à sa charge ;
Considérant que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES ne conteste pas devoir cette garantie ;
Que, réformant la décision, la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES devra garantir la société BERNARD FRANCE de toutes les condamnations prononcées à son encontre ;
Sur les autres demandes :
Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes reconventionnelles formées par les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES pour procédure abusive ;
Considérant qu'il résulte du sens de l'arrêt que ces sociétés ne sauraient bénéficier des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; qu'en revanche, l'équité commande de les condamner in solidum, sur ce même fondement, à verser à chacune des sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES une indemnité complémentaire de 10. 000 euros ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il :- a débouté la société CARRE BLANC DISTRIBUTION de sa demande en contrefaçon formée à l'encontre de la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES,

- a rejeté les demandes formées par la société CARRE BLANC DISTRIBUTION et la société CARRE BLANC BOUTIQUES au titre de la concurrence déloyale,
- alloué à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 60. 000 euros (soixante mille euros) à titre de dommages et intérêts, mise à la seule charge de la société BERNARD FRANCE,
- a limité la garantie due par la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES,
- a dit n'y avoir lieu à une mesure de publication,
- Le REFORMANT sur ces points et STATUANT A NOUVEAU :
- DIT que la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION,
- DIT que les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société CARRE BLANC DISTRIBUTION et de la société CARRE BLANC BOUTIQUES,
- CONDAMNE in solidum les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à verser à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 90. 000 euros (quatre vingt dix mille euros) à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice subi par les actes de contrefaçon,
- CONDAMNE in solidum les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à payer tant à la société CARRE BLANC BOUTIQUES qu'à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION la somme de 30. 000 euros (trente mille euros) réparant les préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale,
- CONDAMNE la société RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à garantir la société BERNARD FRANCE de l'intégralité des condamnations mises à sa charge,
- ORDONNE la publication du présent arrêt dans deux journaux ou périodiques, au choix des sociétés CARRE BLANC DISTRIBUTION et CARRE BLANC BOUTIQUES, aux frais avancés et in solidum des sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES, sans que le coût global de ces insertions n'excède à leur charge la somme de 5. 000 euros HT (cinq mille euros),
- Y AJOUTANT,
- CONDAMNE in solidum les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES à payer tant à la société CARRE BLANC DISTRIBUTION qu'à la société CARRE BLANC BOUTIQUES la somme complémentaire de 10. 000 euros (dix mille euros) au titre des frais irrépétibles d'appel,
- REJETTE toutes autres demandes contraires à la motivation,
- CONDAMNE in solidum les sociétés BERNARD FRANCE et RECHERCHE ET CREATION PROMOTIONNELLES aux dépens et DIT que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Dominique ROSENTHAL, président, et par Sabine MAREVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12ème chambre section 1
Numéro d'arrêt : 08/07587
Date de la décision : 10/11/2009

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Concurrence déloyale - Faute - Parasitisme - Caractérisation -

En revanche, la société CARRE BLANC DISTRIBUTION ne démontrant pas que le dessin revendiqué, par la publicité qui en a été faîte et les investissements consacrés, était apte à l'identifier aux yeux du public, les agissements parasitaires ne sont pas caractérisés


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 16 septembre 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-11-10;08.07587 ?
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