COUR D'APPELDE VERSAILLES
12ème chambre section 2
ARRET N o Code nac : 55B
contradictoire
DU 01 OCTOBRE 2009
R.G. N o 08/04608
AFFAIRE :
S.A.S. TRANSVINS DISTRIBUTION
C/ABX LOGISTICS EUROCARGO (FRANCE) venant aux droits de la Sté MITJAVILLE
LE PREMIER OCTOBRE DEUX MILLE NEUF,La cour d''appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d''appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique,) du 19 février 2008 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 1ère section, RG n o 05/08266. le 02 novembre 2006.
S.A.S. TRANSVINS DISTRIBUTION Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 402 244 370 RCS NANTERRE, ayant son siège 22 Route du Mole, 2-3 Bât C39 CE 222, 92637 GENNEVILLIERS CEDEX, agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP LEFEVRE TARDY et HONGRE BOYELDIEU, avoués - No du dossier 280399Rep/assistant : Me Valéérie GONDARD, avocat au barreau de PARIS.
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DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
ABX LOGISTICS EUROCARGO (FRANCE) venant aux droits de la Sté MITJAVILLE ayant son siège 5, rue du calvaire, BP 207 Centre Réégional de Transport 59812 LESQUIN CEDEX, agissant poursuites et diligences de ses repréésentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
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Composition de la cour :
Monsieur Albert MARON, Président, Monsieur Denis COUPIN, conseiller,Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,
qui en ont déélibéré,Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSELVu la communication de l''affaire au ministère public en date du 28 janvier 2009 ;
Arrêt rédigé avec le concours d'Alexis COLLIN, assistant de justice assermenté, sur directives et sous contrôle des magistrats de la chambre.
FAITS ET PROCEDURE :
La société MITJAVILLE, aux droits de laquelle se trouve la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE, agissant en qualité de commissionnaire de transport, a confié à la société TRANSVINS DISTRIBUTION, les 31 octobre et 20 novembre 2003, le transport de colis de bouteilles de vin, dont une partie a été volée, une autre perdue.
Les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, ALLIANZ MARINE AVIATION, LE CONTINENT, GENERALI, assureurs de la société MITJAVILLE, de même que cette dernière, ont, par exploit en date du 27 octobre 2004, assigné en indemnisation du préjudice total, estimé à 7 555 euros, la société TRANSVINS DISTRIBUTION.
La société TRANSVINS DISTRIBUTION a demandé reconventionnellement la condamnation de la société MITJAVILLE à lui payer la même somme, à titre de dommages et intérêts, faute de lui avoir déclaré la valeur du vin transporté qu'elle aurait alors assuré.
Par jugement du 14 octobre 2005, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté les demanderesses de leurs prétentions et a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société TRANSVINS DISTRIBUTION.
Sur appel interjeté par la société MITJAVILLE et ses assureurs, la cour d'appel de Versailles a, par arrêt rendu le 2 novembre 2006, infirmé le jugement en toutes ses dispositions, condamné la société TRANSVINS DISTRIBUTION à indemniser la société MITJAVILLE de son préjudice, soit 7 555 euros, et débouté la société TRANSVINS DISTRIBUTION de sa demande reconventionnelle, considérant que cette demande était prescrite comme engagée après l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article L. 133-6 paragraphe 4 du code de commerce pour intenter une action récursoire.
Sur pourvoi formé par la société TRANSVINS DISTRIBUTION, la Cour de cassation a rendu, le 19 février 2008, un arrêt de cassation partielle, par lequel elle a cassé et annulé l'arrêt en ce qu'il a dit la société TRANSVINS DISTRIBUTION irrecevable en sa demande en paiement de dommages et intérêts, alors que l'action exercée n'est pas une action récursoire mais une demande reconventionnelle, et qu'ainsi le délai d'un mois prévu à l'article L. 133-6, alinééa 4, du code de commerce ne s'y applique pas. Sur ce point, les parties ont donc été renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.
La société TRANSVINS DISTRIBUTION estime que sa demande en indemnisation dirigée contre la société MITJAVILLE, doit être déclarée recevable dans la mesure où, comme l'a jugé la Cour de cassation, il s'agit d'une demande reconventionnelle, soumise à la prescription annale de l'article L133-6, alinéa 2, du code de commerce, et non pas une action récursoire, soumise à la prescription mensuelle de l'article L133-6, alinéa 4 dudit code.
La société TRANSVINS DISTRIBUTION considère par ailleurs que la prescription annale de l'article L133-6 alinéa 2 du code de commerce n'est pas applicable à sa demande, puisque celle-ci est née uniquement du présent litige. Par conséquent, la société TRANSVINS DISTRIBUTION était dans l'impossibilitéé de formuler sa prétention avant la délivrance de l'exploit introductif d'instance. Or, il est de jurisprudence constante que la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui est dans l'impossibilité d'agir pour avoir de manière légitime et raisonnable, ignoré la naissance de son droit.
En toute hypothèse, la société TRANSVINS DISTRIBUTION relève que, s'il était jugé qu'une telle prescription était applicable, le délai n'aurait pu commencer à courir qu'à compter de la date de délivrance de l'exploit introductif d'instance, soit le 27 octobre 2004, ce qui situe sa date d'expiration au 27 octobre 2005. Ainsi, la demande de dommages et intérêts ayant été formulée par elle le 25 février 2005, n'était pas prescrite.
Sur le fond, la société TRANSVINS DISTRIBUTION estime que la négligence de la société MITJAVILLE, qui a omis de déclarer la valeur des marchandises transportées, lui cause un préjudice, car elle est la cause directe de l'absence de souscription par ses soins d'une assurance particulière pour se préémunir contre la perte ou le vol desdites marchandises, ce qui aurait pu éviter le présent litige.
Par conséquent, elle demande que la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE, venant aux droits de la société MITJAVILLE, soit condamnée à supporter les conséquences financières des disparitions de marchandises, puisqu'elles sont directement liées à la négligence de la société MITJAVILLE.La société TRANSVINS DISTRIBUTION demande ainsi que la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE soit condamnée à lui payer la somme de 7 555 euros à titre de dommages et intérêts.
La société TRANSVINS DISTRIBUTION demande également que la sociéétéé ABX LOGISTICS EUROCARGO France soit condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE, venant aux droits de la société MITJAVILLE, ne conteste pas que la demande de la société TRANSVINS DISTRIBUTION constitue une demande reconventionnelle. Néanmoins, elle considère que la possibilité pour la société TRANSVINS DISTRIBUTION de solliciter une quelconque condamnation à l'encontre de la société MITJAVILLE a pris naissance au moment précis de la réalisation des prestations de transports litigieuses, soit en novembre 2003. Par conséquent, en application du délai de prescription annal prévu à l'article L.133-6, alinéa 2, du code de commerce, la demande reconventionnelle de la société TRANSVINS DISTRIBUTION aurait dû être régularisée au plus tard au cours du mois de novembre 2004, le cas échant, après la délivrance de l'assignation signifiée le 27 octobre 2004. Cette demande était donc prescrite le 25 février 2005, date de régularisation de cette demande par conclusions, étant précisé que la société TRANSVINS DISTRIBUTION avait la possibilité matérielle d'agir avant l'expiration du délai de prescription, contrairement à ce qu'elle affirme.
Subsidiairement, sur le fond, la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE considère que la demande de la société TRANSVINS DISTRIBUTION n'est pas justifiée, puisque la souscription d'une assurance n'est jamais obligatoire et qu'il appartenait le cas échéant, de sa seule initiative, à la société TRANSVINS DISTRIBUTION, de souscrire une assurance destinée à couvrir soit la marchandise, soit sa responsabilité contractuelle de transporteur, en tenant compte notamment de la particularité de la marchandise qui lui avait été confiée.
En toute hypothèse, le recours à la déclaration de valeur, la déclaration d'intérêts à la livraison ou la souscription d'une assurance ne constituent que des options facultatives destinées à garantir une indemnisation rapide, sans toutefois remettre en cause la responsabilité du transporteur, qui continue de répondre des sinistres subis par les marchandises transportées. La société TRANSVINS DISTRIBUTION ne peut donc pas prétendre limiter le montant du préjudice dont elle doit légalement répondre, en sa qualité de transporteur.
La société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE demande donc que la société TRANSVINS soit déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Attendu que la société TRANSVINS DISTRIBUTION a été condamnée à indemniser, à hauteur de 7 555 euros, la société MITJAVILLE, aux droits de laquelle se trouve la société ABX LOGISTICS EUROCARGO France, des préjudices subis du fait de la perte et du vol de marchandises qui lui avaient été confiées par contrat de transport, les 31 octobre et 20 novembre 2003 ; que cette condamnation est devenue irrévocable par un arrêt de cassation partielle, rendu le 19 féévrier 2008, par la chambre commerciale de la Cour de cassation ;
Attendu que la sociétéé TRANSVINS DISTRIBUTION considère que la société MITJAVILLE, aux droits de laquelle se trouve la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE, a manqué à son obligation de l'informer sur la valeur des marchandises qu'elle lui avait confiées, les 31 octobre et 20 novembre 2003 ; qu'en raison de ce manquement, la société TRANSVINS DISTRIBUTION n'a pas été en mesure de conclure une assurance particulière pour se prémunir de la perte ou du vol de ces marchandises ; que la société TRANSVINS DISTRIBUTION a donc été contrainte de supporter seule la charge définitive des condamnations qui ont été prononcées contre elle à la suite de la perte et du vol desdites marchandises ; qu'ainsi la société MITJAVILLE est directement responsable du préjudice subi par la sociéétéé TRANSVINS DISTRIBUTION du fait de ces condamnations ; qu'à ce titre, la société MITJAVILLE doit donc être condamnée à verser à la société TRANSVINS DISTRIBUTION la somme de 7 555 euros ;
Attendu, sur la recevabilité de la demande de TRANSVINS DISTRIBUTION, que c'est par exploit d'huissier en date du 27 octobre 2004, que les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, ALLIANZ MARINE AVIATION, LE CONTINENT, GENERALI, assureurs de la société MITJAVILLE, de même que cette dernière, ont assigné la société TRANSVINS DISTRIBUTION devant le tribunal de commerce de Nanterre ; Attendu que l'alinéa 2 de l'article L. 133-6 du code de commerce, dans sa rédaction inchangée depuis la loi du 17 juin 2008, prévoit que toutes les actions auxquelles peuvent donner lieu un contrat de transport sont prescrites dans le délai d'un an ; que le délai pour intenter chaque action récursoire est lui, aux termes du quatrième alinééa, d'un mois;
Attendu que la demande d'indemnisation formulée par la société TRANSVINS DISTRIBUTION à l'encontre de la société MITJAVILLE, aux droits de laquelle se trouve la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE, repose sur un manquement de la société MITJAVILLE à une obligation d'information, issue du contrat de transport qui la liait à la société TRANSVINS DISTRIBUTION; qu'ainsi, cette demande, formulée par voie de conclusions régularisées le 25 février 2005, n'est pas une action récursoire à l'encontre d'une tierce personne, soumise à la prescription spécifique de l'article L133-6 alinéa, mais une demande reconventionnelle qui doit être soumise au délai de prescription d'un an de l'article L. 133-6 alinéa 2 du code de commerce qui s'applique à toutes les actions auxquelles le contrat de transport peut donner lieu et qui ne sont pas soumises à un délai spéécifique ;
Attendu que si, aux termes de l'alinéa 3 de cet article, le délai de prescription annal court, en cas de perte partielle de la marchandise, du jour où la marchandise restante aura été remise au destinataire, le délai de prescription est suspendu, en cas d'impossibilité d'agir résultant de l'ignorance de son droit par la partie concernée, jusqu'à ce que cette ignorance ait cessé ;
Attendu que le droit à indemnisation invoqué par la société TRANSVINS DISTRIBUTION à l'encontre de la société MITJAVILLE repose sur le manquement allégué de celle-ci à son obligation d'informer la société TRANSVINS sur la valeur particulièrement importante des colis qui lui ont été confiés ; que tant le manquement allégué que cette valeur n'ont pu être connus par la société TRANSVINS DISTRIBUTION qu'au jour où elle a été assignée en paiement de la somme correspondante, soit 7 555 euros ; que cette assignation a été délivrée par exploit en date du 27 octobre 2004 ; qu'ainsi le délai de prescription annal de l'article L. 133-6 du code de commerce n'a commencé à courir contre elle qu'à partir du 27 octobre 2004 ; qu'en consééquence, sa demande d''indemnisation n''était pas prescrite le 25 février 2005, lorsqu'elle a été formulée par voie de conclusions ;
Attendu au fond que, en application de l'article 7 des «« Conditions générales de vente régissant les opérations effectuées par les organisateurs-commissaires de transport »», la possibilité pour le donneur d'ordre de déclarer la valeur des marchandises qu'il confie au transporteur ne constitue qu'une faculté et non une obligation ; que cette déclaration facultative a simplement pour effet d'élever le montant de l''indemnité à verser par le transporteur ; qu'ainsi, le donneur d'ordre qui ne procède pas à cette déclaration de valeur ne commet aucune faute ;
Attendu, en outre, que si le transporteur désire être garanti des condamnations qui peuvent être prononcées contre lui en cas de perte ou de vol des marchandises qui lui ont été confiées, il lui est loisible de souscrire, à ses frais, une assurance particulière à cet effet ; que ni le «« Cahier des charges d'exploitation signé le 1er février 2001 entre la société ABX LOGISTICS et la société TRANSVINS DISTRIBUTION »», ni les «« Conditions générales de vente régissant les opéérations effectuées par les organisateurs-commissaires de transport »», n'imposent au donneur d'ordre de souscrire une telle assurance au bénéfice du transporteur ;
Attendu dans ces conditions que la société MITJAVILLE n'a commis aucune faute en ne déclarant pas la valeur des marchandises qu'elle a confiées à la société TRANSVINS DISTRIBUTION ; qu'il appartenait à la société TRANSVINS DISTRIBUTION de souscrire de sa propre initiative et à ses frais toute assurance qu'elle aurait pu estimer nécessaire, notamment eu égard à la valeur possible des bouteilles de vins qui lui étaient confiées, et dont, en tant que spécialiste dans la distribution et le transport de vins et spiritueux, elle devait connaître la valeur potentielle ; qu'ainsi, la société MITJAVILLE n'est pas responsable du préjudice résultant pour la société TRANSVINS DISTRIBUTION de son obligation d'indemniser MITJAVILLE pour les marchandises qui ont été perdues et volées à l'occasion des transports relatifs aux marchandises remises les 31 octobre et 20 novembre 2003 ;
Attendu qu'il y a lieu, en conséquence, de débouter la société TRANSVINS DISTRIBUTION de l'ensemble de ses prétentions ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE, au titre des frais hors dépens par elle engagée, une somme de 2500 euros ;
Que la société TRANSVINS DISTRIBUTION, qui succombe, sera déboutée de sa demande sur ce point;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de la saisine et après infirmation du jugement sur la demande principale,
- Reçoit la société TRANSVINS DISTRIBUTION en sa demande reconventionnelle, mais la dit mal fondée,
- Condamne la société TRANSVINS DISTRIBUTION à payer à la société ABX LOGISTICS EUROCARGO FRANCE la somme de 2500 euros (deux mille cinq cents) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- La condamne aux dépens et admet la SCP GAS au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la déécision a été remise par le magistrat signataire.