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01/10/2009 | FRANCE | N°07/048621

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0156, 01 octobre 2009, 07/048621


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

A.M./P.G.

ARRET No Code nac : 59C4C

contradictoire

DU 01 OCTOBRE 2009

R.G. No 07/04862

AFFAIRE :

Société MIMUSA C.A.

C/

SAS YSL BEAUTE, venant aux droits d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mai 2003 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 8

No Section :

No RG : 2002F03759

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à

:

SCP BOMMART MINAULT

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD

E.D.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE PREMIER OCTOBRE DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

A.M./P.G.

ARRET No Code nac : 59C4C

contradictoire

DU 01 OCTOBRE 2009

R.G. No 07/04862

AFFAIRE :

Société MIMUSA C.A.

C/

SAS YSL BEAUTE, venant aux droits d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mai 2003 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 8

No Section :

No RG : 2002F03759

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP BOMMART MINAULT

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD

E.D.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE PREMIER OCTOBRE DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (chambre commerciale, financière et économique,) du 20 février 2007 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles, 12ème chambre, 1ère section, RG no 03/4706 le 19 février 2004.

Société MIMUSA C.A. société de droit vénézuélien, ayant son siège Galpon, 2 avenidas Elias Rodriguez, Zone Industrial Las Tejeras - ESTRADO ARAGUA, VENEZUELA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP BOMMART MINAULT, avoués - No du dossier 034669

Rep/assistant : Me Anne COUSIN, avocat au barreau de PARIS.

****************

DEFENDERESSES DEVANT LA COUR DE RENVOI

SAS YSL BEAUTE, venant aux droits d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS suite à un apport partiel d'actifs en date du 4 juin 2007 à effet rétroactif au 1er janvier 2007 Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 439 533 530 RCS NANTERRE, ayant son siège 28/34 Boulevard du Parc 92200 NEUILLY SUR SEINE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Autre(s) qualité(s) : dans 07/05161 (Fond), dans 07/05161 (Fond), dans 07/05161 (Fond)

S.A. YVES SAINT LAURENT PARFUMS assigné par MIMUSA C.A après arrêt en réouverture des débats du 7 octobre 2008 Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 329 746 945 RCS NANTERRE ayant son siège 28/34 Boulevard du Parc 92200 NEUILLY SUR SEINE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentées par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - No du dossier 0744569

Rep/assistant : la SCP FENEON et DELABRIERE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS (P.585).

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Juin 2009, Monsieur Albert MARON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur)

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL

Vu la communication de l'affaire au ministère public en date du 07 février 2008 ;

FAITS ET PROCEDURE :

Par contrat en date du 10 janvier 1991, la société YVES SAINT LAURENT PARFUMS (ci-après YSLP) a confié à la société MIMUSA l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire vénézuélien.

Ce contrat, d'une durée initiale de deux années ayant commencé à courir le 1er janvier 1991, a ensuite été renouvelé tacitement.

Il était prévu que les parties avaient la faculté de dénoncer le contrat moyennant le respect d'un préavis de six mois, ramené à trois mois au terme d'un avenant en date du 25 juin 1993.

Le 28 juin 2002, la société YSLP qui reprochait à la société MIMUSA divers manquements à ses obligations contractuelles, lui a notifié le non renouvellement de l'accord de distribution au 31 décembre 2002.

C'est dans ces circonstances que la société MIMUSA qui reprochait, de son côté, à la société YSLP la violation d'obligations contractuelles et la rupture brutale et abusive de leurs relations commerciales, a assigné cette dernière devant le tribunal de commerce de NANTERRE, par acte en date du 14 novembre 2002.

Par jugement en date du 16 mai 2003, le tribunal a dit que l'interruption par la société YSLP de ses relations commerciales avec la société MIMUSA présentait un caractère abusif et a condamné la première à payer à la seconde la somme de 379.471 euros de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2002, anatocisme et 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer ainsi, les premiers juges ont retenu que la société YSLP avait bloqué ses livraisons depuis fin 2001, que les retards de paiement qu'elle invoquait avaient cessé le 08 mars 2002, que la non acceptation par la société MIMUSA de la modification des conditions de paiement ne pouvait justifier l'inexécution par la société YSLP de ses obligations et que les autres manquements qu'elle évoquait ne le pouvaient pas non plus, outre le fait qu'ils n'étaient pas mentionnés dans sa télécopie du 15 juin 2002.

Les premiers juges en ont ainsi déduit que l'inexécution de ses obligations par la société YSLP depuis le 08 mars 2002 correspondait à une rupture des relations commerciales sans préavis qui, comme telle, présentait un caractère abusif.

Le tribunal a encore considéré que le refus par la société YSLP de la commercialisation par la société MIMUSA de la "gamme NU" n'était pas justifié.

Il a en revanche estimé que la société YSLP n'était pas responsable d'une commercialisation parallèle de ses produits sur le marché vénézuélien, qui était le fait d'un distributeur porto-ricain.

Les premiers juges ont enfin rejeté les autres demandes, notamment de dommages et intérêts complémentaires et de poursuite du contrat.

Les sociétés YSLP et MIMUSA ont régulièrement interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt en date du 19 février 2004, la cour de ce siège a infirmé le jugement déféré et statuant à nouveau a débouté MIMUSA de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer à YSLP la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 20 février 2007, la Cour de cassation, constatant que, pour rejeter la demande de MIMUSA en indemnisation du préjudice que lui avait causé la faute commise par YSLP en n'agissant pas contre les distributeurs qui méconnaissaient son exclusivité, l'arrêt du 19 février 2004 avait retenu que le distributeur indélicat ayant été identifié, il appartenait à MIMUSA d'engager à son encontre les actions qu'elle estimait utiles sans pouvoir reprocher son inaction à YSLP a relevé qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartient au fournisseur de faire respecter l'exclusivité qu'il a concédée, la cour d'appel avait violé les articles 1134 et 1135 du code civil.

Dans ces conditions, elle a cassé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il avait rejeté la demande de MIMUSA en réparation du préjudice causé par la violation de l'exclusivité qu'YSLP lui avait consentie.

Devant la cour de ce siège, autrement composée, désignée comme juridiction de renvoi, MIMUSA a conclu contre la SAS YSL BEAUTE (YSLB). Elle faisait valoir que les pièce produites par YSLB (qui concluait en défense) étaient insusceptibles d'apporter la preuve de ce que la société YSLP aurait respecté son obligation de faire respecter l'exclusivité qu'elle lui avait consenti sur le territoire vénézuélien.

Il n'est en effet pas contesté qu'elle s'est trouvée confrontée pendant la durée d'exécution du contrat qui la liait à YSLP à la concurrence illicite d'importateurs parallèles des produits de cette marque. Or le fournisseur un devoir de contrôle du réseau de distribution qui lui impose, notamment, de sanctionner les distributeurs défaillants.

Certes, cette obligation n'est qu'une obligation de moyens, mais une obligation de moyens renforcée et le distributeur a la charge de la preuve de la mise en oeuvre, par lui, de tous les moyens nécessaires à une lutte efficace contre le marché parallèle. Or, par les pièces qu'elle produit, YSLB n'apportait pas cette preuve.

MIMUSA soulignait que, dans un article paru dans les Echos, YSLP reconnaissait que, jusqu'au "nettoyage du circuit de la distribution et la chasse aux ventes parallèles", en 2000 et 2001, 11% du chiffre d'affaires de la société était réalisé dans ce cadre. On ne saurait réduire ce marché, pour le Vénézuéla, au seul flacon dont fait état YSLP...

Au demeurant, dès avant le 1er janvier 1991, les relations contractuelles entre MIMUSA et YSLP étaient marquées par la faible protection dont bénéficiait le distributeur face aux agissements des parallélistes internationaux. C'est, d'ailleurs, le caractère endémique du marché gris qui avait conduit MIMUSA à contester le projet d'avenant à son contrat de distribution qu'elle estimait déséquilibré en sa défaveur.

YSLP avait manqué à ses obligations en se montrant défaillante dans le codage des produits et, contrairement à ses allégations, MIMUSA, loin de se refuser à mettre en place le codage des produits s'était, à de nombreuses reprises réjouie de l'annonce, par YSLP, de ses intentions de lutter "sans aucune concession" contre le marché parallèle.

En réalité, le programme de marquage mis en place par YSLP était parfaitement inefficace, comme cette société l'avait elle-même reconnu.

Outre le fait qu'elle avait manqué à ses obligations en instaurant un système de codage défaillant, YSLP avait, parallèlement, accru de façon unilatérale les obligations du distributeur. En réalité, sous couvert de lutte contre le marché parallèle, YSLP avait obtenu de son distributeur des engagements qu'il n'aurait, autrement, pas accepté. L'analyse de l'avenant montre bien que la nouvelle politique instaurée par YSLP reposait essentiellement sur l'accroissement des obligations d'information et de confidentialité du distributeur, alors que c'est au fournisseur qu'il appartient de garantir l'étanchéité de son réseau de distribution.

Pour prendre le cas du produit qui, selon YSLP, serait l'unique objet du débat, cette société reconnaissaitt elle-même que le distributeur indélicat avait été identifié mais qu'ayant déjà reçu antérieurement un courrier de sa part, elle n'avait pas jugé utile d'engager une action complémentaire, ni même de le réitérer.

Les pièces produites comportaient également trois memorandum -postérieurs à la dernière transmission, par MIMUSA, des produits achetés sur le marché parallèle et donc en réaction à ces acquisitions-.

Leur analyse montre que le territoire vénézuélien n'était concerné par aucune des actions entreprises et qu'en outre les actions se limitaient à ce qui paraissait être, au mieux, de simples sommations.

Si YSLP ne pouvait agir en justice contre le vendeur du produit identifié mis en vente sur la marché parallèle, il lui était toutefois possible d'engager d'autres actions plus efficaces qu'une simple lettre recommandée qu'elle n'avait pas même réitérée.

En outre, YSLP ne disait rien sur les mesures qu'elle aurait pu prendre pour lutter contre la revente de produits volés, contre le réseau de grossistes à l'international et contre la contrebande.

Sur les actions entreprises par YSLP après la rupture du contrat, il résultait des propres pièces d'YSLP que ses efforts s'étaient accrus courant 2004 puisqu'elle avait mis au point une base de données consacrée à la lutte contre le marché parallèle et élaboré une procédure de lutte contre le marché gris. Tous les documents détaillant et permettant de mesurer l'ampleur du marché gris sont postérieurs à la rupture du contrat de distribution.

Pour autant, MIMUSA avait constaté la persistance du marché parallèle au Vénézuela (sites internet, achat d'un parfum Kouros à Caracas, boutique "Perfumeria Parisien" à Caracas...). L'attestation même du distributeur Dipacar vient seulement indiquer qu'elle "n'a jamais relevé au Vénézuela de faits pertinents ou toute présence de parfums Yves Saint Laurent de nature à diminuer (ses) bénéfices".

S'agissant du préjudice subi par elle, MIMUSA l'évaluait à environ 20% de sa marge brute annuelle depuis janvier 1991, soit 536 184 USD, ou, subisdiairement, 294 901,20 USD. Elle demandait condamnation d'YSLB à lui payer l'une ou subsidiairement l'autre de ces sommes. Plus subsidiairement, si la cour estimait que les pièces produites par elle étaient insuffisantes à justifier de son préjudice, elle sollicitait une expertise. Elle demandait enfin condamnation d'YSLB à lui payer 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS YSL BEAUTE concluait en défense et faisait valoir que, sur le territoire vénézuelien, seuls cinq produits avaient été découverts comme provenant du maché parallèle. Seule la provenance de l'un d'entre eux avait pu être déterminée (ABC NETHERLANDS, installé à PORTO RICO).

Eu égard à la cassation intervenue, le débat devant la cour de renvoi ne portait que sur la seule question du respect, "par YSLB" de son obligation.

Certes, concluait YSLB, elle adhérait au principe rappelé par la Cour de cassation, de protection de l'exclusivité du distributeur sur son territoire. Pour autant, le fournisseur n'est tenu que d'une obligation de moyens -et non point d'une "obligation de moyens renforcée". Dès lors, la charge de la preuve de l'inexécution de l'obligation de moyens pèse sur le distributeur. Par analogie, l'obligation de conseil et de renseignement entre professionnels est, elle aussi, une obligation de moyens.

En l'espèce, "YSLB", comme tout fabricant, avait les mêmes intérêts que son distributeur, s'agissant de la protection de l'exclusivité. Elle avait confié par contrat du 10 janvier 1991, à MIMUSA, l'exclusivité de la distribution de ses produits sur le territoire vénézuélien et l'article 12 du contrat prévoyait que le distributeur devait signaler au fabricant, sans délai, tous les actes susceptibles de porter atteinte aux marques distribuées, ce même article stipulant que si le fabricant estimait devoir intenter une action judiciaire ou protéger ses droits et intérêts, il bénéficierait du concours du distributeur.

En l'espèce, l'inaction reprochée à "YSLB" ne peut être source de responsabilité. MIMUSA ne démontre pas que les conditions étaient réunies pour que fut engagée une action contre ABC NETHERLANDS. En effet, le droit vénézuélien ne permet pas d'action contre une société de distribution, dès lors que celle-ci a acquis légalement ses produits. Or telle est bien la définition du marché parallèle, ce qu'admet d'ailleurs, implicitement, MIMUSA dans ses conclusions.

Plus généralement, du fait de la législation vénézuélienne, l'importation des produits comme ceux faisant l'objet du contrat de distribution exclusive ne peut se faire, par un autre que le fabricant, que par contrebande.

Enfin, ABC NETHERLANDS n'était pas un distributeur, mais un simple détaillant. Faute de pouvoir agir dans le cadre d'un contrat de distribution, "YSLB" n'avait pu que la mettre sous quotas et surveiller ses commandes.

En fait, la découverte d'un seul produit montrait au contraire l'efficacité des moyens de lutte contre la marché gris mis en place par "YSLB". D'une façon générale, YSLB insistait sur l'importance des moyens qu'elle mettait en oeuvre pour lutter contre le marché parallèle.

YSLB estimait par ailleurs que MIMUSA avait participé à son propre préjudice en refusant de signer l'avenant que lui proposait "YSLB" tendant à instaurer un double codage. Les dysfonctionnements dont cette société faisait état avaient certes existé, mais seulement en période de rodage de la mise en oeuvre de ce nouveau moyen de lutte.

Les photos produites par MIMUSA pour tenter de justifier son préjudice ne sont pas datées et la référence à internet n'est, non plus, pas probante ne permettant pas de faire de distinction entre les produits de contrefaçon et ceux issus du marché parallèle.

Très subsidiairement, YSLB contestait que le préjudice qu'aurait subi MIMUSA puisse être évalué à 20% de sa marge brute, pendant toute la durée du contrat. Par ailleurs, les chiffres mis en avant par sa présidente ne sauraient, non plus, servir de référence pour estimer ledit préjudice. L'essentiel du marché parallèle est, en effet, situé aux Etats-Unis.

Toujours en ce qui concerne le préjudice, YSLB faisait valoir le principe de minimisation du dommage qui impose à la victime de minimiser ses demandes et qui est de droit positif français dans les relations internationales depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1988, de la Convention de Vienne du 17 avril 1980, et notamment de son article 77.

Très subsidiairement, sur la demande d'expertise, YSLB estimait cette demande sans objet dès lors que la preuve d'un manquement de "YSLB" à son obligation de moyens n'était pas rapportée. En outre, l'article 146 du code de procédure civile s'opposerait à ce qu'il y soit fait droit.

YSLB sollicitait, enfin, condamnation de MIMUSA à lui payer 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 7 octobre 2008, la cour de ce siège a rendu un arrêt de réouverture des débats, invitant les parties à conclure sur la qualité à agir d'YSLB dans la présente instance, considérant qu'il ne résultait d'aucun des documents versés aux débats qu'YSLB venait aux droits d'YSLP.

YSL BEAUTE a alors communiqué un traité d'apport partiel d'actif du 4 juin 2007, un procès-verbal des décisions de l'associé unique YSL B2 du 4 juin 2007, un extrait K bis d'YSLB du 14 octobre 2008 et une "publication au journal d'annonce légales justifiant de la subrogation d'YSL dans les droits de la SA Yves Saint-Laurent".

MIMUSA a de son côté assigné YVES SAINT LAURENT PARFUMS, le 12 janvier 2009, pour le cas où la cour jugerait que les droits et actions de cette société en cause dans la présente instance étaient restés dans son patrimoine.

Elle conclut donc à la fois contre contre YSLB et YSLP. Bien que considérant, à titre principal, qu'YSLB est venue aux droits d'YSLP, elle estime, à titre subsidiaire que, comme tous les contrats de franchise, les contrats de distribution exclusifs, tel que celui qui a été conclu avec YSLP, sont conclus en considération de la personne. Or, MIMUSA n'a pas donné son accord pour la transmission au profit d'YSLB des droits et actions découlant de la convention arrivée à son terme en décembre 2002, lesquels sont donc restés dans le patrimoine d'YSLP.

La SAS YVES SAINT LAURENT PARFUMS conclut en défense, par uniques conclusions en date du 30 janvier 2009, en estimant qu'YSL BEAUTE a bien qualité à agir dans la présente instance.

En effet, par traité d'apport partiel d'actif du 4 juin 2007, YSLP a apporté à YSLB 2 son activité principale, à l'exclusion de son portefeuille de marques et brevets et ses titres de participation. Ainsi, YSLP a fait apport à YSLB 2 de l'ensemble de ses éléments (actifs et passifs), biens, droits et valeurs de toute nature présents dans son patrimoine au 1er janvier 2007.

Suite à cette opération, YSLB 2 a changé de dénomination pour devenir YSL BEAUTE.

Par conséquent, YSL BEAUTE vient aux droits d'YSLP, ce qui lui confère qualité à agir dans la présente instance.

Contrairement à ce que fait valoir MIMUSA, un contrat de distribution n'étant, contrairement à un contrat de franchise, pas conclu en considération de la personne du distributeur, l'accord de ce dernier n'est pas nécessaire à la transmission du contrat par l'effet d'un apport partiel d'actif.

A titre infiniment subsidiaire, et si la cour venait à maintenir YVES SAINT LAURENT PARFUMS en la cause, cette société demande qu'il lui soit "donné acte de ce qu'elle reprend l'ensemble de l'argumentation au fond développée par elle dans ses précédentes conclusions et dans les conclusions récapitulatives qui seront déposées dans le cadre de la présente instance".

Par ailleurs, en poursuivant la présente instance, MIMUSA a conduit YVES SAINT LAURENT PARFUMS à engager des frais irrépétibles, qu'il serait inéquitable que cette dernière conserve à charge.

YVES SAINT LAURENT PARFUMS conclut en conséquence à la condamnation de MIMUSA à lui payer une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Attendu, sur la qualité à agir en défense d'YSLB et d'YSLP, qu'il est constant que le contrat de distribution exclusive à l'origine du présent litige a été signé entre YVES SAINT LAURENT PARFUMS SA, d'une part, et MIMUSA, d'autre part;

Attendu que par traité d'apport partiel d'actifs du 4 juin 2007, placé sous le régime des scissions prévu aux articles L236-16 à L236-22 du code de commerce, YVES SAINT LAURENT PARFUMS a fait apport « sous les garanties ordinaires de droit, ainsi que celles exprimées aux présentes et sous les conditions suspensives ci-après prévues, à YSL B2, qui l'accepte, de l'ensemble de ses éléments (actifs et passifs), biens, droits et valeurs de toute nature composant au 1er janvier 2007 la Branche d'Activité Apportée, étant précisé que lesdits apports ci-après énumérés concernent exclusivement la Branche d'Activité Apportée», à savoir l'activité principale opérationnelle de conception, fabrication et de distribution des produits de parfums, de maquillages et cosmétiques conçus et commercialisés sous la marque YVES SAINT LAURENT, à l'exclusion de son portefeuille de marques et brevets et de ses titres de participation;

Attendu qu'il n'est ni justifié ni allégué que MIMUSA aurait donné son accord à la transmission des droits qu'elle tient du contrat de distribution exclusive signé entre YVES SAINT LAURENT PARFUMS et elle qui est à l'origine du présent litige;

Attendu cependant que les contrats de distribution exclusive sont des contrats qui sont, de part et d'autre, conclus en considération de la personne du co-contractant; qu'en effet si, comme le souligne YSLP, ces contrats sont conclus, par les fournisseurs en considération de la personne des distributeurs, qui doivent notamment répondre à des critères qualitatifs précis, il en est a fortiori de même, s'agissant de la personne des fournisseurs, ceux-ci étant, par définition, fournisseurs de produits qui ont une spécificité et une qualité qui ne les rend fongibles avec aucun autre et ces fournisseurs ayant une image de marque totalement individualisée; que c'est en considération de ces éléments que les distributeurs contractent avec un fournisseur déterminé, la considération de la personne de celui-ci étant essentielle à leur consentement;

Attendu que si le contrat dont bénéficiait MIMUSA n'a pas été renouvelé, le présent litige repose sur l'allégation d'une violation de ses obligations, par YVES SAINT LAURENT PARFUMS, durant l'exécution du contrat de distribution exclusive;

Attendu dans ces conditions que le traité de cession invoqué n'ayant, faute de l'accord de MIMUSA, pas pu avoir pour effet de transmettre à YVES SAINT LAURENT BEAUTE les droits que MIMUSA tient du contrat de distribution exclusive signé avec YVES SAINT LAURENT PARFUMS, c'est cette dernière société qui a seule qualité à défendre la présente instances, MIMUSA ne pouvant faire valoir de droits qu'à son encontre;

Attendu au fond, qu'YVES SAINT LAURENT PARFUMS n'a déposé de conclusions devant la cour de ce siège désignée comme juridiction de renvoi que le 30 janvier 2009; que si, dans ces conclusions, elle demande qu'il lui soit "donné acte de ce qu'elle reprend l'ensemble de l'argumentation au fond développée par elle dans ses précédentes conclusions et dans les conclusions récapitulatives qui seront déposées dans le cadre de la présente instance", elle n'a pas, depuis le 30 janvier 2009, déposé les conclusions récapitulatives annoncées;

Attendu par ailleurs que les précédentes conclusions d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS étaient des conclusions, devant la cour de ce siège, à l'occasion de l'arrêt qui a été censuré,; que ces conclusions, en date du 9 janvier 2004, sont seulement des conclusions en réponse à un incident aux fins de rejet des débats de ses conclusions précédentes, du 3 décembre 2003, lesquelles sont les dernières conclusions au fond déposées par cette société; que seule YVES SAINT LAURENT BEAUTE a conclu au fond devant la cour de ce siège postérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation du 20 février 2007; que ces conclusions, déposées par une personne morale distincte d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS ne sauraient, en toute hypothèse, être prise en considération au profit de cette société;

Attendu que la liste des pièces communiquées à YVES SAINT LAURENT PARFUMS, annexée aux conclusions de MIMUSA du 23 décembre 2008 ne fait l'objet d'aucune contestation de la part d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS dans ses conclusions du 30 janvier 2009;

Attendu que sur son appel et sur la procédure suivie après cassation, MIMUSA demande réparation du préjudice causé par la violation de l'exclusivité qui lui avait été consentie, cette demande constituant le seul point du litige restant à juger, le rejet des autres demandes de MIMUSA ayant acquis un caractère irrévocable;

Attendu qu'il appartient au fournisseur lié à un distributeur par un contrat de distribution exclusive de faire respecter l'exclusivité qu'il a concédée;

Attendu que MIMUSA, a communiqué à YSLP cinq produits achetés sur le marché Vénézuélien et provenant d'une commercialisation parallèle, soulignant que "ces articles sont des produits contrebande vendus ouvertement au Vénézuela, ce qui est pourtant le territoire de distribution exclusive qui nous a été attribué. Ce commerce parallèle est évidemment illicite. Et puisqu'il représente un volume important, il a un coût considérable pour vous comme pour nous" (pièce 11); qu'il n'est pas contesté, par MIMUSA, qu'YVES SAINT LAURENT PARFUMS a identifié un distributeur indélicat; que cependant, MIMUSA fait valoir qu'YSLP s'est abstenue de mettre en oeuvre les moyens suffisants pour mettre un terme aux ventes parallèles et faire respecter ainsi l'exclusivité qui lui était consentie; qu'elle souligne notamment que selon un article paru dans les Echos du 22 septembre 2003 YSLP, reconnaît que jusqu'au "nettoyage du circuit de distribution et la chasse aux ventes parallèles", en 2000 et 2001, plus de 11 % du chiffre d'affaires de la marque YSL étaient réalisés dans ce cadre; qu'elle fait valoir que les relations contractuelles des deux sociétés ont été marquées même avant le 1er janvier 1991 par d'importantes difficultés découlant directement de la faible protection dont bénéficiait le distributeur face aux agissements des parallélistes internationaux, que ce n'est en 2000 que YSLP a souhaité mettre en place un système de codage par les distributeurs des produits et signifiant par là avec évidence que le marché gris était développé au Vénézuela à cette date; qu'elle ajoute que le 5 mai 2000, elle a demandé à Yves Saint Laurent de lui accorder un mandat lui permettant d'agir en justice à l'encontre des "distributeurs parallèles", demande qui n'a eu aucune suite et qu'à chaque visite annuelle des responsables de YSLP au Vénézuela, les responsables des deux sociétés effectuaient un certain nombre de déplacements en commun, notamment sur les sites de vente de produits parallèles, afin de permettre à YSLP d'en mesurer davantage l'ampleur et le dynamisme, soulignant enfin que c'est précisément le caractère endémique du marché gris sur ce territoire qui l'a amenée à contester les dispositions du projet d'avenant à son contrat de distribution, qu'elle estimait très déséquilibré en sa défaveur, et de nature à faire peser sur elle les risques d'une politique de lutte contre le marché parallèle insuffisamment efficace;

Attendu que MIMUSA fait encore valoir que dans ces conditions, la cour n'est pas appelée à examiner le comportement d'YSLP dans sa lutte contre le marché parallèle à la lumière de l'acquisition d'un seul flacon de parfum en 2002;

Attendu cependant que MIMUSA ne justifie pas d'autres ventes effectuées en méconnaissance de l'exclusivité qui lui avait été accordée que celles faisant l'objet de sa pièce 11;

Attendu qu'YVES SAINT LAURENT PARFUMS, qui ne conclut pas au fond, ne fait valoir aucun moyen pour justifier de son inaction alors que, comme le souligne MIMUSA, elle a mené, de façon effective, une lutte contre le "marché gris" après la rupture de ses relations contractuelles avec cette société;

Attendu cependant que si la faute commise par cette société a directement causé un préjudice à MIMUSA, ce préjudice ne saurait, comme le prétend cette dernière, avoir porté sur la durée du contrat; que le seul manquement démontré est ponctuel; que le préjudice qu'il a causé ne saurait être évalué que dans cette mesure; qu'à cet égard la mesure d'expertise sollicitée par MIMUSA serait sans utilité; que la mesure demandée tend en effet à évaluer un préjudice allégué portant sur la durée du contrat; qu'eu égard aux éléments précédemment relevés, le préjudice subi par MIMUSA sera exactement réparé par l'allocation de 5 000 € de dommages intérêts;

Attendu que l'équité conduit à condamnation d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS à payer à MIMUSA la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement et en dernier ressort et sur renvoi après cassation partielle de la décision de la présente cour du 19 février 2007 par arrêt de la cour de cassation rendu le 20 février 2004,

Infirme, dans les limites de la saisine de la cour, le jugement déféré et statuant à nouveau,

Condamne YVES SAINT LAURENT PARFUMS à payer à MIMUSA CA la somme de 5 000 € de dommages intérêts et celle de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens,

Admet la SCP BOMMART-MINAULT, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0156
Numéro d'arrêt : 07/048621
Date de la décision : 01/10/2009

Analyses

CONTRATS DE DISTRIBUTION - / JDF

Les contrats de distribution exclusive sont des contrats qui sont, de part et d'autre, conclus en considération de la personne du co-contractant. Il s'ensuit que dès lors que la société bénéficiaire d'un tel contrat n'a pas donné son accord à la transmission des droits qu'elle tient de celui-ci, elle ne peut faire valoir ces droits qu'à l'encontre de la société avec laquelle elle a signé le contrat de distribution exclusive et non à l'encontre de la société bénéficiaire d'un traité d'apport partiel d'actifs incluant l'activité objet du contrat de distribution exclusive.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 16 mai 2003


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-10-01;07.048621 ?
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