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10/09/2009 | FRANCE | N°08/01853

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0156, 10 septembre 2009, 08/01853


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12e chambre section 2

ARRET N° Code nac : 59A

contradictoire
DU 10 SEPTEMBRE 2009
R. G. N° 08 / 01853
AFFAIRE :
Me Patrick X...- Liquidateur amiable de la S. A. R. L. SOCIETE PARTENARIAT MATERIEL LOISIRS

C / E. U. R. L. CMB

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2008 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES N° Chambre : 3 N° Section : N° RG : 2007F3973

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Jean-Pierre BINOCHE SCP DEBRAY-CHEMIN

LE DIX SEPTEM

BRE DEUX MILLE NEUF, La cour d''appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SOCIETE PARTENAR...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12e chambre section 2

ARRET N° Code nac : 59A

contradictoire
DU 10 SEPTEMBRE 2009
R. G. N° 08 / 01853
AFFAIRE :
Me Patrick X...- Liquidateur amiable de la S. A. R. L. SOCIETE PARTENARIAT MATERIEL LOISIRS

C / E. U. R. L. CMB

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Février 2008 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES N° Chambre : 3 N° Section : N° RG : 2007F3973

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Jean-Pierre BINOCHE SCP DEBRAY-CHEMIN

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF, La cour d''appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SOCIETE PARTENARIAT MATERIEL LOISIRS " PML ", S. A. R. L. ayant son siège 21 rue de Téhéran 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
APPELANTE
Société en liquidation amiable et représentée par :
Me Patrick X...- Liquidateur amiable de la S. A. R. L. SOCIETE PARTENARIAT MATERIEL LOISIRS demeurant...
INTERVENANT VOLONTAIRE
représentés par Me Jean-Pierre BINOCHE, avoué-N° du dossier 138 / 08 Rep / assistant : Me Valérie PICHON, avocat au barreau de PARIS.

****************
E. U. R. L. CMB ayant son siège 10 place de l'Eglise 89630 QUARRE LES TOMBES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués-N° du dossier 08000470 Rep / assistant : Me Alexia LEVEILLE-NIZEROLLE, avocat au barreau de PARIS (B. 864).

INTIMEE ****************

Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Albert MARON, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur) Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Denise VAILLANT,
FAITS ET PROCEDURE :
L'EURL CMB exploite un fonds de commerce de débit de boissons à CARRE-LES-TOMBES, village d'environ 750 âmes dans l'Yonne.
Début mai 2007, son exploitante, Micheline Y... a été démarchée par PARTENARIAT MATERIEL LOISIRS (PML) qui lui a proposé la location d'une machine à glaces italiennes.
Le 11 mai 2007, elle a signé un contrat par lequel PML lui donnait en location une telle machine pour une durée de soixante mois, moyennant un loyer journalier de 15 € HT. Elle a remis à PML un chèque de caution de 2 700 €.
Le 14 mai, elle a adressé à PML un courrier manifestant sa volonté d'annuler le contrat. PML a rejeté cette demande.
Le 25 mai 2007, PML est venue installer la machine et Micheline Y... en a refusé la livraison.
Le 31 mai, CMB mettait PML en demeure de lui restituer le chèque de garantie. Celui-ci avait, en réalité, été encaissé par PML dès le 23 mai.
Le 1er juin, PML indiquait la possibilité d'un règlement amiable sans en préciser autrement le contenu.
Le 7 juin, CMB faisait une proposition de règlement amiable qu'elle réitérait le 14 juin, après que PML ait menacé d'engager une procédure.
Par acte en date du 9 juillet 2007, CMB assignait PML devant le tribunal de commerce de VERSAILLES pour obtenir l'annulation du contrat pour dol, la restitution du montant de la garantie et 1 500 € de dommages intérêts.
De son côté, PML demandait que CMB soit condamnée à recevoir la machine objet du contrat et à payer le loyer convenu. Subsidiairement, elle demandait la résiliation du contrat, la condamnation de CMB à lui payer 10 575 € de clause pénale et 2 000 € de dommages intérêts.
Par le jugement déféré, en date du 8 février 2008, le tribunal de commerce de VERSAILLES a fait droit aux demandes de CMB, sauf en ce qui concerne les dommages intérêts.
PML fait l'objet d'une liquidation amiable et Patrick X... a été désigné liquidateur. Il est intervenu volontairement et a repris l'instance introduite par PML.
Au soutien de l'appel qu'elle a interjeté contre cette décision, PML et aujourd'hui Patrick X... contestent tout dol.
Micheline Y..., âgée de 59 ans, est commerçante depuis six ans. Elle a l'habitude des démarchages. Elle prétend que les démarcheurs de PML seraient venus à une heure qui ne lui convenait pas et se contente de l'affirmer, alors qu'elle aurait pu leur demander de revenir.
Les attestations versées aux débats, et établies pour les besoins de la cause, indiquent que le café était animé mais ne précisent aucune manoeuvre frauduleuse.
Aucun élément versé aux débats ne vient corroborer l'accord oral dont elle se prévaut sur la durée du contrat.
Micheline Y... a apposé, sur le contrat, outre sa signature, quelques mots et son cachet commercial, ce qui démontre qu'elle a pris le temps d'examiner le contrat.
Elle a en outre établi un chèque de caution, ce qui démontre qu'il n'y a eu aucun effet de surprise.
Enfin, la phrase modifiée dans le contrat est extrê mement claire et ne permet aucune équivoque.
Le refus de livraison est fantaisiste et démontre la mauvaise foi de CMB.
Compte tenu du comportement fautif de CMB, PML et Patrick X... demandent sa condamnation à payer le montant de la clause pénale, soit 10 575 € et 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CMB fait valoir que Micheline Y..., âgée de soixante ans, exploite seule son commerce. A une heure d'affluence, il lui est nécessairement difficile de contrôler la réalité des conditions contractuelles qui lui étaient soumises.
Or il lui a verbalement été indiqué, par les démarcheurs de PML, qui se sont présentés à une heure d'affluence, que la durée du contrat était réduite à six mois, ce qu'ils ont, lui a-t-il semblé, fait en portant de faççon manuscrite sur celui-ci la mention 6 mois en remplacement de la mention 12 mois.
Le contrat signé est nul pour dol. Il repose en premier lieu sur le mensonge, mais aussi sur les diverses manoeuvres qui l'ont accompagné.
Après une premiè re visite, les démarcheurs de PML sont revenus dans l'atablissement de CMB toujours à une mê me heure d'affluence.
La durée réelle du contrat n'a jamais été évoquée et le remplacement de la mention de « 12 mois » par celle de « 6 mois » a été déterminante du consentement de le gérante de CMB, âgée de soixante ans, de condition modeste et gérant une modeste entreprise dans un petit village (750 habitants) créant une fausse apparence relativement à la durée du contrat.
L'intention dolosive. En effet, le contrat est composé de quatre articles : « désignation du matériel », « entretien et assurance », sous-location, cession » et « défaillance ». Aucun article spécifique n'est consacré aux conditions essentielles que sont la durée, les modalités de paiement, aux modalités de paiement, au montant du prix, au dépôt de garantie et à la résiliation. L'ensemble de ces éléments figure sous la clause « désignation du matériel », en première page, alors que la signature doit figurer en seconde page.
Le dol résulte également d'éléments extérieurs au contrat : volonté, de la part de PML, de livrer à une date antérieure à la date prévue, encaissement du chèque de garantie de 2 700 €.
Cette erreur a été déterminante du consentement de CMB, une machine à glaces italiennes ne pouvant être d'une utilité proportionnelle à son coût de location sur cinq ans, dans le modeste commerce de CMB.
Aussi cette société demande-t-elle confirmation de la décision déférée sur l'annulation du contrat et la restitution du dépôt de garantie, mais son infirmation s'agissant de la demande de dommages intérêts.
A titre très subsidiaire, elle fait valoir que le montant de la clause pénal est manifestement disproportionné.
Elle demande enfin 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Attendu que selon l'article 116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que CMB exploite, par l'intermédiaire de sa gérante, Micheline Y... âgée de 59 ans au moment de la signature du contrat à l'origine du présent litige, un petit commerce de débit de boissons, dans une petite commune de l'Yonne de 750 âmes environ ;
Attendu qu'il n'est pas contesté-et qu'il est démontré par les attestation versées aux débats-que CMB a été démarchée non pas par une personne, mais par deux démarcheurs ;
Attendu qu'il n'est pas contesté-et qu'il est démontré par les attestations versées aux débats-que ces démarcheurs se sont présentés à l'heure d'affluence de clientè le dans l'établissement ; que les attestations montrent que Micheline Y... n'a pas pu prendre connaissance, dans des conditions lui permettant de comprendre la portée des engagements qu'elle prenait, des stipulations contractuelles, étant sans cesse dérangée, par rapport à cette prise de connaissance, par la clientè le (service des clients au bar, jeux de « rapido »- attestation Z...-, mêmes observations et jeux de grattage avec le contrôle toutes les cinq minutes-attestation A...-, mêmes observations avec les journaux-attestation B...-, « mise en place de la presse, la franççaise des jeux et surtout le Keno »- attestation C...-) ;
Attendu par ailleurs que, comme l'ont relevé les premiers juges, le contrat que les démarcheurs ont fait signer à CMB est intrinsèquement rédigé de faççon ambigüüe ; qu'en effet, il faut, surtout pour un non professionnel du droit et notamment pour l'exploitante d'un petit commerce peu aguerrie aux subtilités juridiques, relire le contrat à tête reposée pour comprendre que sa durée est de soixante mois ; qu'ainsi, sous la rubrique « désignation du matériel », il est mentionné que le « prix de location est garanti pendant toute la durée du contrat, soit soixante mois » ; que c'est de cette seule mention que ladite durée résulte ;
Attendu que le démarchage dans ces conditions, soit à l'heure d'affluence de la clientèle, par deux hommes (alors qu'un seul apparaîît nécessaire pour un démarchage commercial loyal, compte tenu une fois encore des circonstances) et la signature d'un contrat intrinsèquement rédigé de façon ambigüüe constituent des manoeuvres pratiquées par PML pour faire signer CMB ;
Attendu que CMB verse aux débats des documents comptables dont il résulte notamment qu'elle a réalisé en 2005 un bénéfice de 13 054 € et en 2006 un bénéfice de 7 251 € ; que ces chiffres sont tout à fait conformes à ce que l'on peut attendre d'un commerce de ce type eu égard à sa situation ;
Attendu qu'il est objectivement économiquement absurde, eu égard à la nature, à la situation et aux conditions d'exploitation du commerce précédemment rappelées, de louer une machine à glaces italiennes pour une durée de soixante mois, soit cinq ans ;
Attendu dans ces conditions qu'il est évident que, sans les manoeuvres précédemment décrites, CMB n'aurait pas contracté ; que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a annulé le contrat pour dol et ordonné la restitution du montant du chèque de garantie ;
Attendu que les manoeuvres précédemment décrites, l'attitude de PML, qui a refusé l'annulation du contrat et encaissé le chè que de garantie alors que la machine n'avait pas été réceptionnée puis contraint CMB à recourir à justice pour faire valoir ses droits en premiè re instance et en appel a causé à celle-ci, qui exploite un modeste commerce qui, si PML avait obtenu gain de cause, n'aurait pu, compte tenu de ses résultats précédemment exposés, qu'être soumis à une procédure de liquidation judiciaire, ont causé à CMB un préjudice moral qui doit être fixé à 1 000 € ;
Attendu que l'équité conduit à condamnation de PML à payer à CMB la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la demande de dommages intérêts formée par CMB,
Condamne PARTENARIAT MATERIEL LOISIRS à payer à CMB la somme de 1 000 € de dommages intérêts et celle de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Admet la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxiè me alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0156
Numéro d'arrêt : 08/01853
Date de la décision : 10/09/2009

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - Manoeuvres d'une partie - / JDF

Doit être annulé sur le fondement de l'article 1116 du code civil, le contrat de location d'une machine à glaces italiennes dont les termes étaient ambigus, conclu à l'issue du démarchage d'une petite commerçante située dans une petite commune à une heure d'affluence de la clientèle, par deux hommes (alors que la présence d'un seul des deux semblait nécessaire). En effet, il apparaît économiquement déraisonnable, eu égard à la nature, à la situation et aux conditions d'exploitation du commerce de louer une machine à glaces italiennes pour une durée de soixante mois, soit cinq ans et qu'il est évident que, sans les manoeuvres précédemment décrites, ladite commerçante n'aurait pas contracté.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Versailles, 08 février 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-09-10;08.01853 ?
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