COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11ème chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 25 AOUT 2009
R.G. N° 07/04549
AFFAIRE :
S.A.S. FAURECIA BLOC AVANT
C/
[C] [X]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juillet 2007 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
Section : Industrie
N° RG : 06/00326
Copies exécutoires délivrées à :
Me Hélène NEGRO-DUVAL
Me Flora CHENEL
Copies certifiées conformes délivrées à :
S.A.S. FAURECIA BLOC AVANT
[C] [R]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ AOUT DEUX MILLE NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. FAURECIA BLOC AVANT
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hélène NEGRO-DUVAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R95
APPELANTE
****************
Madame [C] [X]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Comparante en personne, assistée de Me Flora CHENEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K 0137
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mars 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette SANT, présidente chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Colette SANT, présidente,
Madame Anne BEAUVOIS, conseillère,
Madame Brigitte GUIEN-VIDON, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Hélène FOUGERAT,
FAITS ET PROCÉDURE,
Mme [X] a été engagée, à compter du 29 mars 1978, en qualité d'agent de fabrication, par la société Aciers et Outillage Peugeot, devenue Faurecia Bloc Avant.
Mme [X] occupait en dernier lieu le poste de retoucheuse.
Le 15 novembre 2005, le médecin du travail a émis l'avis suivant : « Ne doit pas être exposée à des ambiances sonores de plus de 70 décibels (bruits de fond et bruits impulsionnels) ' ne peut pas porter de protections auditives ».
Lors d'une seconde visite, le 5 décembre 2005, le médecin du travail a déclaré la salariée « inapte à tous les postes proposés par l'entreprise ».
Convoquée par lettre du 6 décembre 2005 à un entretien fixé le 13 décembre 2005 préalable à un éventuel licenciement, Mme [X] a été licenciée par lettre du 16 décembre 2005.
Par jugement rendu le 17 juillet 2007, le conseil de prud'hommes de Nanterre, saisi par Mme [X] d'une contestation de son licenciement, a condamné la société Faurecia Bloc Avant à payer à Mme [X] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité de préavis et une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Faurecia Bloc Avant a régulièrement relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées à l'audience, la société Faurecia Bloc Avant demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la salariée de ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer 1.700 € sur le fondement l'article 700 du Code de procédure civile.
Par conclusions déposées à l'audience, Mme [X] demande à la Cour
- de porter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée en première instance à la somme de 43.963,20 € ,
- de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'indemnité de préavis,
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de congés payés afférents au préavis et de condamner l'employeur à lui payer à ce titre 366,36 € ,
- de condamner la société Faurecia Bloc Avant à lui payer 1.500 € sur le fondement l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Faurecia Bloc Avant soutient que
- le licenciement de Mme [X] a été prononcé dans le cadre d'une maladie non professionnelle et donc les dispositions du jugement relatives à une obligation de solliciter l'avis des délégués du personnel et aux sanctions prévues par l'article L. 122-32-7 du Code du travail sont sans fondement,
- elle a effectué une recherche de reclassement sérieuse, loyale et approfondie, en relation avec le médecin du travail, à l'intérieur du groupe Faurecia et dans les conditions prévues par la loi,
- le motif du licenciement résulte d'une impossibilité de reclassement de Mme [X], il n'a aucun caractère économique, l'emploi de la salariée n'ayant pas été supprimé.
Mme [X] fait valoir que
- le 5 décembre 2005, le médecin du travail l'a déclarée inapte aux postes « proposés » par l'entreprise,
- aucune offre de reclassement écrite et précise ne lui a été faite,
- contrairement aux dires de la société, elle a toujours été en mesure de porter des protections auditives, seul le port de ces protections de manière continue pendant 8 heures lui était insupportable,
- la société ne rapporte pas la preuve que tous les postes disponibles au sein de l'entreprise et du groupe ne correspondaient pas à son aptitude auditive,
- le véritable motif de son licenciement est la suppression de son poste de retoucheuse.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions précitées soutenues à l'audience.
SUR CE, LA COUR :
Mme [X] a été licenciée pour le motif énoncé en ces termes :
« Le 26 septembre 2005, suite à un déplacement en ligne de votre poste de travail au bâtiment 8, vous avez expliqué à votre superviseur que la localisation de ce poste ne correspondait pas à vos aptitudes "auditives".
Votre responsable d'atelier vous a fait remarquer que ce poste était conforme à votre dernière aptitude résiduelle en date du 23 mars 2005.
Vous nous avez alors précisé le 26 septembre 2005, pour la première fois :
. que votre aptitude en date du 23 mars 2005 ne correspondait pas à votre situation,
. que vous ne pouviez pas supporter pendant 08h00 vos bouchons auriculaires fournis sur mesures par le service médical.
En conséquence, vous avez été reçue le jour même par votre responsable d'atelier en présence de votre superviseur. Les mesures conservatoires suivantes vous ont été signifiées dans l'attente d'un avis d'aptitude cohérent par rapport aux nouvelles informations portées à notre connaissance :
. retour au bâtiment dans le local de retouche,
. interdiction de se servir de la presse de dessertissage,
. interdiction de se rendre à l'atelier bâtiment 8,
. utilisation de bouchons pour sortir du local du bâtiment 9.
A cette fin, nous avons pris un rendez-vous avec le médecin du travail le 27 septembre 2005.
L'aptitude résiduelle en date du 27 septembre 2005 précise : ne doit pas porter de protections auditives (ni casque, ni bouchons).
Le médecin du travail a informé le responsable d'atelier qu'un rendez-vous avait été pris chez le spécialiste le 17 octobre 2005.
Vous étiez en congé du 30 octobre 2005 au 14 novembre 2005.
Vous avez passé votre première visite le 15 novembre 2005. Suite à cette première visite médicale du 15 novembre 2005, nous vous avons signifié que nous n'avions aucun poste à vous proposer aussi comparable que possible à votre dernier emploi occupé et correspondant à votre aptitude résiduelle en date du 15 novembre 2005 :
. ne doit pas être exposée à des ambiances sonores de plus de 70 décibels (bruit de fond et bruits impulsionnels),
. ne peut pas porter de protections auditives.
Vous nous avez précisé le 15 novembre 2005, l'étendue du cadre de votre reclassement, limité à quelques établissements FAURECIA dans le bassin d'emploi de [Localité 5].
Nous avons demandé au médecin du travail de nous fixer les conditions pour la recherche de votre reclassement.
Nous vous avons invité à une évaluation de vos compétences dans un organisme agréé à [Localité 5].
Après échange pendant toute la période, nous avons fait parvenir au médecin du travail le 5 décembre 2005, un état analytique de l'ensemble de nos recherches de reclassement.
Le 5 décembre 2005, l'avis médical délivré lors de la seconde visite médicale vous déclare inapte à tous les postes dans l'entreprise.
Après étude de votre dernier poste, nous avons recherché dès le 15 novembre 2005 un reclassement approprié à vos capacités aussi comparable que possible à votre précédent emploi, compte tenu des conclusions des avis médicaux en date des 15 novembre 2005 et 05 décembre 2005.
Nous avons élargi le cadre de notre recherche au-delà des limites que vous nous aviez fixées le 15 novembre 2005, afin de ne pas passer à côté d'une possibilité de reclassement.
Dans nos différentes recherches de reclassement, nous avons relevé un risque élevé de vous voir exposée à des bruits impulsionnels non compatibles avec votre aptitude résiduelle sauf à vous isoler complètement. Vous ne pouvez pas porter de protections auriculaires. De plus, le risque de vous voir exposée à des bruits non maîtrisés et non compatibles sur le parcours dans l'établissement jusqu'à votre lieu d'un travail ne sont pas négligeables.
Nous ne sommes pas en mesure en raison de notre organisation, de procéder aux aménagements structurels rendus nécessaires pour vous garantir un accès à votre lieu de travail et des conditions de travail compatibles avec votre état de santé.
Dans certains cas, vous ne pourriez exécuter qu'une partie des tâches (par exemple poste APA : pas de prélèvements de pièces ni de tris de pièces, ce qui est la base du métier).
Dans d'autres cas, (Laboratoire de métrologie ou CTS laboratoire électronique par exemple) les niveaux de qualification ne sont pas compatibles avec les résultats de votre évaluation.
En conclusion de toutes ces recherches, nous sommes dans l'impossibilité de pourvoir à votre reclassement.
Pour ce motif, nous vous notifions par la présente lettre, la rupture de votre contrat de travail. Cette rupture interviendra sans préavis dés la première présentation de cette lettre.
A l'occasion de l'entretien, vous nous avez fait part de difficultés financières. En conséquence, nous vous accordons, eu égard à votre situation personnelle, une indemnité exceptionnelle correspondant à la perte de rémunération relative à la période de recherche de reclassement ».
Le 12 octobre 1990, le médecin du travail a préconisé l'éloignement le plus possible de la salariée du bruit.
Par la suite, dans le cadre de visites de reprise après maladie, le médecin du travail a émis les avis indiquant que la salariée devait (8 juin 1995) être éloignée « le plus possible des bruits excessifs » ou (18 octobre 2000) ne pas « travailler à proximité d'une source de bruit important », en septembre 2001, qu'elle ne devait « pas travailler dans une ambiance dépassant 80db » et le 23 novembre 2004 lors d'une visite annuelle le médecin du travail a émis un avis d'aptitude de la salariée avec la restriction : « ne doit pas être exposée au bruit ».
Le 23 mars 2005, selon la fiche d'aptitude établie par le médecin du travail, à sa demande, la salariée a été examinée par le médecin du travail qui l'a déclarée « apte avec restrictions ' ne doit pas travailler dans des zones bruyantes (plus de 80 décibels pendant 8 heures) »
Le 27 septembre 2005, lors d'une visite à la demande de l'employeur, le médecin du travail a émis l'avis suivant : « ne doit pas porter de protections auditives (ni casque ni bouchons) », la fiche d'aptitude indiquant que la salariée occupe le poste « retouches moteurs ».
Il résulte d'un compte rendu du 27 septembre 2005 de M. [W], que cette consultation du médecin du travail a été provoquée par une contestation par Mme [X] de son affectation le 26 septembre 2005 du poste de retouches moteurs à celui de Flasquage AGS qu'elle estimait ne pas correspondre à ses aptitudes auditives, évoquant, alors que M. [W] lui indiquait que le poste était conforme, une nuance de bruit de fond et de bruit de pointe ; qu'après l'avis du médecin du travail du 27 septembre, Mme [X] a été replacée au bâtiment 9 dans l'attente « d'une réponse médicale claire sur son aptitude ».
Le courriel de M. [S] du 24 octobre 2005, confirme le retour de la salariée, après l'avis du 27 septembre 2005 du médecin du travail, dans son poste de retouches moteurs avec interdiction d'utiliser les presses à démonter les moteurs trop bruyantes, M. [S] ajoutant que le 24 octobre 2005, il a été indiqué à la salariée ses nouvelles conditions de travail résultant de sa visite chez son spécialiste, à savoir : ne pas aller dans l'atelier, travailler dans un local portes fermées, ne pas utiliser les presses à démonter les moteurs, utiliser les bouchons d'oreilles pour sortir du local puisqu'elle était susceptible de croiser un chariot élévateur bruyant.
Le 17 octobre 2005, le médecin spécialiste de la salariée lui a établi un certificat indiquant qu'elle ne doit pas être exposée à des ambiances sonores de 80DB ou plus au travail surtout s'il s'agit de bruits impulsionnels et qu'elle pourra travailler à des seuils de 70 à 80 DB à condition de porter des protections auditives au bruit.
Enfin le médecin du travail a émis les avis des 15 novembre (Ne doit pas être exposée à des ambiances sonores de plus de 70 décibels (bruits de fond et bruits impulsionnels) ' ne peut pas porter de protections auditives) et 5 décembre 2005 (inapte à tous les postes proposés par l'entreprise).
Soutenant que depuis 1981, elle souffrait d'une surdité à l'oreille droite en raison d'un syndrome ostopongieux, Mme [X] ne conteste pas que son inaptitude physique n'a pas, même partiellement, une origine professionnelle.
A tort les premiers juges ont fait application des dispositions des articles L. 122-32-5 et L. 122-32-7 du Code du travail, applicables seulement au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
L'inaptitude de la salariée constatée en 2005 ne résulte que de l'évolution d'une inaptitude qui s'était révélée antérieurement, en 1990, sans événement accidentel.
L'employeur a une obligation générale d'adaptation du poste de tout salarié à son état de santé.
S'inscrivant dans le cadre de cette obligation, la recherche par l'employeur d'un reclassement, adaptée à l'évolution de l'état de santé de Mme [X] trouve son fondement dans les dispositions de l'article L. 241-10-1 du Code du travail, hors toute obligation de respecter les dispositions de l'article R 241-51-1.
L'employeur a procédé à cette recherche en collaboration avec le médecin du travail venu dans l'entreprise et auquel l'employeur a soumis des postes de reclassement
Sollicité par l'employeur le 18 novembre 2005, pour qu'il lui précise quels étaient les postes types et les lieux types susceptibles d'accueillir la salariée, le médecin du travail, le même jour, donnant à l'employeur quelques exemples d'intensité sonore (les 70dB sont atteints lorsqu'on élève la voix sans crier, une personne qui tape sur le clavier de son PC perçoit un bruit d'environ 65dB, un crayon de type marqueur qui tombe sur un bureau d'une hauteur de 5 cm créé un bruit de 75db''), a répondu que le seul type de poste qui peut convenir à l'état de santé de Mme [X] est un poste dans un bureau correctement insonorisé, la salariée ne pouvant porter de protection auditive en permanence.
Le médecin du travail, le 3 décembre 2005, a encore indiqué à l'employeur que Mme [X] ne devait pas être reclassée dans un atelier de production.
N'étant pas établi que la société Faurecia faisait partie du groupe PSA Peugeot, l'employeur justifie de ses recherches, compte tenu des préconisations du médecin du travail, au niveau du groupe Faurecia, y compris dans les établissements dans lesquels la salariée ne souhaitait pas être reclassée.
La dernière fiche du médecin du travail, qui n'a pas été émise dans le cadre des dispositions de l'article R.241-51-1 du Code du travail qui ne sont pas applicables, s'interprétant comme la constatation par le médecin du travail, auquel l'employeur a soumis ses recherches, de l'incompatibilité entre les postes disponibles et l'état de santé de l'intéressée, le licenciement motivé par l'inaptitude de la salariée et l'impossibilité de son reclassement est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera donc infirmé et Mme [X] sera déboutée de sa demande, y compris de l'indemnité de préavis qu'elle n'était pas en mesure d'exécuter.
Mme [X] sera condamnée aux dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris,
DIT le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse,
DEBOUTE Mme [X] de ses demandes,
CONDAMNE Mme [X] aux dépens,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt prononcé et signé par Madame Colette SANT, présidente, et signé par Madame Hélène FOUGERAT, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER,La PRESIDENTE,