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14/05/2009 | FRANCE | N°07/07662

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0156, 14 mai 2009, 07/07662


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

Réouverture des débats

A.M./P.G.

ARRET No Code nac : 59C

contradictoire

DU 14 MAI 2009

R.G. No 07/07662

AFFAIRE :

S.A.R.L. INTERNATIONAL TRADING MARKET (ITM)

...C/

YSL BEAUTE HOLDING anciennement dénommée YSL BEAUTE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 5

No Section :

No RG : 2006F2469

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP KEIME GUTTIN JARRY

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATORZE MAI DEUX MILLE NEUF,

La c...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

Réouverture des débats

A.M./P.G.

ARRET No Code nac : 59C

contradictoire

DU 14 MAI 2009

R.G. No 07/07662

AFFAIRE :

S.A.R.L. INTERNATIONAL TRADING MARKET (ITM)

...C/

YSL BEAUTE HOLDING anciennement dénommée YSL BEAUTE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 5

No Section :

No RG : 2006F2469

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP KEIME GUTTIN JARRY

SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUATORZE MAI DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. INTERNATIONAL TRADING MARKET (ITM) Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 394 104 459 RCS PARIS, ayant son siège 231 rue Saint Honoré 75008 PARIS, agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège.

Société LUXE LINE société de droit ukrainien, ayant son siège 48A Artyoma street, KHARKOV UKRAINE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentées par la SCP KEIME GUTTIN JARRY, avoués - No du dossier 07000924

Rep/assistant : la SCP PSL PLACKTOR SAINT HARDOUIN LESEC, avocats au barreau de PARIS.

APPELANTES

****************

YSL BEAUTE HOLDING Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 304 941 776 RCS NANTERRE, anciennement dénommée YSL BEAUTE ayant son siège 28/34 Boulevard du Parc 92200 NEUILLY SUR SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

S.A.S. YVES SAINT LAURENT devenue SAS YSL BEAUTE Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 439 533 530 RCS NANTERREn par suite d'un apport partiel d'actifs intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007 ayant son siège 28/34 Boulevard du Parc 92200 NEUILLY SUR SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

S.A.S. CLASSIC PARFUMS devenue SAS YSL BEAUTE par suite d'une fusion par absorption intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, ayant son siège 20/26 Boulevard du Parc

92521 NEUILLY-SUR-SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège

S.A.S. STELLA MC CARTNEY PARFUMS devenue SAS YSL BEAUTE par suite d'une fusion par absorption intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, ayant son siège 20-26 Boulevard du Parc 92521 NEUILLY-SUR-SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

S.A. PARFUMS DU PARC anciennement dénommée PARFUMS VAN CLEEF ET ARPELS devenue SAS YSL BEAUTE par suite d'une fusion par absorption intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, ayant son siège 20/26 Boulevard du Parc 92521 NEUILLY-SUR-SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

S.A.S. ALEXANDER MC QUEEN PARFUMS devenue SAS YSL BEAUTE par suite d'une fusion par absorption intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, ayant son siège 20-26 Boulevard du Parc 92521 NEUILLY-SUR-SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

S.A.S. PARFUMS STERN PARFUMS OSCAR DE LA RENTA devenue SAS YSL BEAUTE par suite d'une fusion par absorption intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007, ayant son sièg e 20/26 Boulevard du Parc 92521 NEUILLY-SUR-SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

S.A.S. ROGER ET GALLETdevenue SAS YSL BEAUTE par suite d'un apport partiel d'actifs intervenue le 04 juin 2007 avec effet rétroactif au 1er janvier 2007 ayant son siège 20/26 Boulevard du Parc 92521 NEUILLY-SUR-SEINE, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité audit siège.

représentées par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, avoués - No du dossier 0744655

Rep/assistant : Me Alain FENEON, avocat au barreau de PARIS (P.525).

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Mars 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Albert MARON, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur)

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

FAITS ET PROCEDURE :

Les sociétés YVES SAINT LAURENT PARFUMS, CLASSIC PARFUMS, STELLA MC CARTNEY PARFUMS, PARFUMS DU PARC (anciennement VAN CLEEF et ARPELS SA), ALEXANDER MC QUEEN PARFUMS, PARFUMS STERN et ROGER et GALLET exploitaient respectivement les marques de parfumerie: YVES SAINT LAURENT, ERMENEGILDO ZEGNA, STELLA MC CARTNEY, VAN CLEEF et ARPELS, ALEXANDER MC QUEEN, OSCAR DE LA RENTA, et ROGER et GALLET.

Elles se sont vues substituer depuis le 1er janvier 2007 la SAS YSL BEAUTE, suite à une réorganisation ayant consisté en un apport partiel d'actifs d'YVES SAINT LAURENT PARFUMS et de ROGER et GALLET au profit d'YSL BEAUTE et d'une fusion par absorption pour les autres sociétés.

Est aussi attraite en la cause l'ancienne société YSL BEAUTE, aujourd'hui YSL BEAUTE HOLDING, qui indique ne pas exploiter pas les marques ci-dessus désignées.

La société ITM exerce une activité de distribution de produits cosmétiques et de parfumerie. Elle représente par ailleurs en France la société LUXE LINE pour l'achat de ces produits et leur expédition vers l'Ukraine.

La société LUXE LINE, société de droit Ukrainien, qui exerce elle aussi une activité de distribution de produits cosmétiques et de parfumerie.

Le 21 octobre 1999, par lettre simple, YSL BEAUTE a chargé ITM de distribuer ses produits en UKRAINE.

ITM a effectué cette activité en partenariat avec LUXE LINE.

En 2003, YSL BEAUTE a demandé à ITM et LUXE LINE de prendre contact avec le groupe BROCARD, chaîne de détail en UKRAINE représentant différentes marques de produits similaires, afin de s'accorder sur les conditions d'un partenariat. A la fin de l'année 2003, ITM et LUXE LINE, d'une part et BROCARD, d'autre part, n'étaient pas parvenus à un accord.

YSL BEAUTE a alors proposé à LUXE LINE de formaliser une relation de distributeur non exclusif pour une durée de deux ans, pour l'ensemble de ses produits, en se réservant toutefois la possibilité de livrer les chaînes de détail ukrainiennes avec lesquelles LUXE LINE ne parviendrait pas à travailler. De leur côté, ITM et LUXE LINE ont demandé qu'un contrat de distribution exclusive soit conclu pour une durée de dix années, avec reconduction automatique, en acceptant que certaines exceptions soient prévues de façon limitative et exhaustive, notamment pour les chaînes internationales.

Aucun accord n'ayant pu être trouvé, YSL BEAUTE a adressé à ITM et LUXE LINE, les 23 juillet et 31 août 2004, une lettre recommandée avec accusé de réception notifiant la cessation de leurs relations commerciales à effet au 31 janvier 2005. Seule LUXE LINE a accusé réception de ce courrier.

Pendant la période de préavis, ITM et LUXE LINE ont passé de nouvelles commandes à YSL BEAUTE. Par courrier du 26 janvier 2005, YSL BEAUTE a adressé à ITM/LUXE LINE un document relatif à la procédure de rachat des stocks. Les parties n'ont pu parvenir à un accord sur le montant des stocks.

Par assignations des 28 septembre 2004, 25 mai 2005, 4 et 7 avril 2006, ITM/LUXE LINE a assigné les sociétés du groupe YSL BEAUTE devant le tribunal de commerce de Nanterre afin de voir dire que la rupture du contrat de distribution exclusive par YSL BEAUTE était fautive et constitutive d'un abus de dépendance économique, et sollicitait à ce titre le paiement d'une somme de 3 millions d'euros à titre de dommages et intérêts. ITM/LUXE LINE demandait également que soit ordonnée le rachat de ses stocks par YSL BEAUTE. Suite à un désaccord sur le montant des stocks, un inventaire a été réalisé contradictoirement du 1er au 3 août 2006, dans les entrepôts de la société LUXE LINE à Kharkov.

En parallèle, YSL BEAUTE a assigné ITM et LUXE LINE devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de factures. Par jugement en date du 28 novembre 2005, cette juridiction a condamné ITM et LUXE LINE au paiement d'une somme de 101 707, 04 euros, majorée des intérêts au taux légal, ainsi qu'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Après avoir fait appel de cette décision, ITM et LUXE LINE se sont désistées.

Après jonction des différentes instances, le tribunal de commerce de Nanterre a, par jugement en date du 14 septembre 2007, ordonné la reprise, par YSL BEAUTE, des stocks demeurés en possession de LUXE LINE, pour un montant de 176 611, 27 euros, ordonné, après compensation avec les factures dues par ITM et LUXE LINE à YSL BEAUTE, l'exécution provisoire de cette décision, tout en précisant que faute pour LUXE LINE de restituer à YSL BEAUTE les stocks de leurs produits conformément à l'inventaire du 3 août 2006, LUXE LINE serait condamnée à une astreinte provisoire de 750 euros par jour de retard à compter du vingtième jour suivant la signification de la décision. Il a par ailleurs débouté ITM et LUXE LINE de toutes leurs autres demandes.

ITM et LUXE LINE a interjeté appel de ce jugement. Par ailleurs, en exécution de ce jugement, YSL BEAUTE a remis à ITM et LUXE LINE, le 6 décembre 2007, en contrepartie de l'enlèvement des stocks, un chèque de 45 910,12 euros, montant arrêté provisoirement, après compensation avec la créance résultant du jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 novembre 2005. En outre, ITM et LUXE LINE ont refusé de rendre les produits « In love again », ainsi que des présentoirs fournis par YSL BEAUTE.

ITM et LUXE LINE estiment que YSL BEAUTE a abusivement rompu leurs relations contractuelles, dans la mesure où les motifs de rupture invoqués par YSL BEAUTE sont fallacieux.

Elles font valoir qu'YSL BEAUTE soutient que le chiffre d'affaires réalisé par ITM et LUXE LINE était insuffisant, alors qu'en dépit du contexte économique et politique en Ukraine, ITM et LUXE LINE est parvenu à accroître notoirement la pénétration du marché, en réalisant un chiffre d'affaires de plus de 1 000 000 d'euros en 2004.

YSL BEAUTE leur reproche à tort de n'avoir pu trouver un accord avec des chaînes de distribution telles que le groupe BROCARD, dès lors qu'elle imposait des lignes directrices de vente et leur interdisait de travailler avec ce groupe qui, d'une part, développait un marché parallèle contre lequel YSL BEAUTE luttait, d'autre part ne faisait que des achats en gros, alors qu'YSL BEAUTE exigeait de ses distributeurs exclusifs qu'ils ne livrent que des points de vente « détail ». Concernant le grief selon lequel LUXE LINE ne serait jamais parvenue à distribuer ses produits auprès de l'ESCALE, cette affirmation serait mensongère, ITM et LUXE LINE distribuant les produits des marques YSL BEAUTE dans les principaux magasins L'ESCALE, et notamment ceux situés à Kiev, à Kharkov et à Donetsk.

ITM et LUXE LINE considèrent que la rupture du contrat de concession exclusive a été décidée par YSL BEAUTE qui, dans un but de rentabilité : elle voulait investir tous les circuits de distribution de produits cosmétiques en Ukraine, sans égard pour le réseau déjà implanté dans le cadre de la concession exclusive et en abandonnant sa volonté de lutte contre l'économie souterraine. Pour ce faire, YSL BEAUTE aurait feint d'inciter ITM et LUXE LINE à conclure avec BROCARD un partenariat qui était voué à l'échec, eu égard à leurs relations antérieures, conformes aux exigences d'YSL BEAUTE.

YSL BEAUTE proposait alors de conclure avec ITM et LUXE LINE un contrat de distribution non exclusive, alors que celle-ci était prête à conclure un contrat de distribution exclusive comportant des exceptions pour un certain nombre de distributeurs énumérés en annexe du contrat. C'est pourquoi ITM et LUXE LINE considèrent que l'origine de la rupture de leurs relations contractuelles est totalement imputable à YSL BEAUTE, qui voulait leur imposer un contrat les condamnant, à plus ou moins court terme, à l'exclusion du marché ukrainien.

Ce faisant, YSL BEAUTE s'est rendue coupable, par des procédés déloyaux, d'un abus manifeste visant à éliminer ITM/LUXE LINE, qui bénéficiait de l'exclusivité de la distribution de ses produits, dans le but de récupérer, à son seul profit, les fruits des efforts commerciaux déployés par celles-ci.

ITM et LUXE LINE considèrent qu'YSL BEAUTE s'est rendue coupable d'un abus de dépendance économique. Elle rappelle tout d'abord que, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1998, l'ordonnance du 1er décembre 1986, condamnant cette pratique, s'applique aux produits achetés en France, même si ces produits doivent être distribués ou revendus à l'étranger. En outre, elle estime que l'exploitation abusive de la dépendance économique peut donner lieu à réparation, sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait pour effet d'empêcher ou de restreindre le jeu de la concurrence.

En l'espèce, ITM et LUXE LINE estiment que leur situation de dépendance économique à l'égard d'YSL BEAUTE est manifeste, puisque la différence d'importance commerciale et financière entre les cocontractants et la notoriété du fournisseur est indiscutable. Par ailleurs, elle considère qu'YSL BEAUTE a abusé du lien de dépendance économique existant entre elles, en les soumettant à des obligations injustifiées, à savoir le retrait de l'exclusivité de la distribution des produits découlant du contrat de 1999, ce qui était totalement injustifié au regard des efforts de développement menés depuis plus de six ans et des résultats obtenus qui étaient en constante croissance.

ITM et LUXE LINE évaluent leur préjudice à trois années de marge nette, eu égard aux efforts de développement qu'elles ont menés, efforts qui bénéficient désormais uniquement à YSL BEAUTE. C'est pourquoi elles demandent à la cour de condamner YSL BEAUTE à leur verser 2 000 000 d'euros de dommages et intérêts.

A propos du rachat des stocks, ITM et LUXE LINE reprochent au tribunal d'avoir validé intégralement la valorisation proposée par YSL BEAUTE. Elles demandent que la valeur des stocks soit fixée conformément à leur inventaire, basé sur l'inventaire contradictoire signé le 3 août 2006 par les parties. Cette valorisation se fonde sur les prix catalogue fixés par YSL BEAUTE, auquel s'applique un coefficient multiplicateur de 1,56, et non 1,55, comme l'a retenu à tort YSL BEAUTE.

Concernant les produits de la gamme « In love again », ITM et LUXE LINE considèrent qu'il ne s'agit pas de produits promotionnels, ayant subi de ce fait une dévalorisation. Par conséquent, YSL BEAUTE devrait les reprendre à hauteur de 65 425 euros, conformément au prix convenu pour la reprise des stocks. En outre, ces stocks ont été remis à une société pour destruction aux frais de la société LUXE LINE.

ITM et LUXE LINE demandent donc qu'YSL BEAUTE soit condamnée à leur payer la somme de 228 425,35 euros, au titre de la reprise des stocks, incluant la valeur des produits de la gamme « In love again », ainsi qu'au remboursement de la somme de 850 euros au titre des frais exposés pour leur destruction.

ITM et LUXE LINE demandent qu'YSL BEAUTE soit condamnée à leur racheter les présentoirs qu'elle a laissés en magasin, à la disposition des distributeurs qui l'ont remplacée, présentoirs qui sont mentionnés dans l'inventaire du 3 août 2006 et qui, contrairement aux allégations d'YSL BEAUTE, sont dans un parfait état de conservation, et donc tout à fait réutilisables. ITM et LUXE LINE évaluent ces présentoirs à la somme de 71 956,81 euros, conformément à la procédure de reprise des stocks.

ITM et LUXE LINE considèrent que le manque de diligence d'YSL BEAUTE pour exécuter son engagement de reprise des stocks leur a causé un préjudice, eu égard aux frais d'assurances, de stockage et de gardiennage qu'elles ont dû assumer. C'est pourquoi elles demandent qu'YSL BEAUTE soit condamnée à leur rembourser ces coûts de stockage, évalués à la somme de 44 018,78 euros.

Elles considèrent qu'YSL BEAUTE a violé ses obligations contractuelles, en ne leur livrant qu'en octobre 2004, une commande passée le 19 août 2004 ; en refusant de lui livrer une commande de « Mascara Volume Effet Faux Cils no1 » ; et en violant l'exclusivité dont elles bénéficiaient, puisqu'elle a commencé à approvisionner les magasins du réseau BROCARD et L'ESCALE, pendant la période de préavis de rupture, alors qu'elle était encore contractuellement engagée vis-à-vis d'elles.

C'est pourquoi elles demandent qu'YSL BEAUTE soit condamnée à leur verser à ce titre 45 000 euros de dommages et intérêts.

Au sujet des 100 000 euros de dommages et intérêts que leur réclame YSL BEAUTE, pour le préjudice subi du fait de la rétention des produits non commercialisables et des présentoirs GTS, ITM et LUXE LINE font valoir qu'elles n'avaient pas à remettre à YSL BEAUTE des produits et présentoirs que celle-ci refuse de leur racheter.

ITM et LUXE LINE demandent qu'YSL BEAUTE soit condamnée à leur verser une somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

YSL BEAUTE demande la confirmation du jugement du 14 septembre 2007, en ce qu'il a débouté ITM et LUXE LINE de leurs prétentions.

Elle soutient que la rupture de ses relations contractuelles avec ITM/LUXE LINE est bien fondée, puisqu'elle résulte de l'intransigeance de ces dernières. En effet, YSL BEAUTE leur proposait un contrat leur garantissant une distribution pour une durée de deux ans, portée à trois ans dans le second projet, bien que sans exclusivité, afin de permettre à YSL BEAUTE de livrer directement les réseaux de détaillants ne travaillant pas avec LUXE LINE. De son côté, ITM et LUXE LINE exigeaient non seulement un contrat exclusif de dix années renouvelable, mais aussi des redevances sur les ventes des distributeurs détaillants avec lesquels jusqu'alors elles ne travaillaient pas, ce qui était inacceptable pour YSL BEAUTE, la conduisant à mettre un terme à leur relation, en respectant toutefois un préavis de six mois, délai raisonnable non contractuellement prévu.

De plus, YSL BEAUTE estime que cette rupture n'est en aucun cas abusive, puisqu'aucun comportement déloyal ne peut lui être reproché. Contrairement à ce que soutiennent ITM et LUXE LINE, YSL BEAUTE ne leur a jamais interdit de travailler avec le groupe BROCARD. Au contraire, elle les a incitées à se rapprocher de ce groupe, ce à quoi ITM et LUXE LINE ne sont pas parvenues, en faisant preuve d'une inertie coupable, démontrant leur volonté de se soustraire à toute collaboration avec BROCARD, et plus généralement avec tout autre intervenant sur le marché ukrainien.

Concernant « l'exploitation abusive de la situation de dépendance économique » dont se prétendent victimes ITM et LUXE LINE, YSL BEAUTE soutient que l'article L. 420-2 du code de commerce, traitant de l'abus de dépendance économique, n'est pas applicable aux opérations à l'étranger, dès lors qu'elles n'ont pas d'effets sur le territoire français, ce qui est le cas en l'espèce.

A titre subsidiaire, YSL BEAUTE souligne qu'elle n'a pu se rendre coupable d'abus de position dominante, dans la mesure où elle ne bénéficie d'aucune position dominante à même d'empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur le marché mondial de la parfumerie, au sein duquel elle ne représente que 5,8% de parts de marché.

En outre, YSL BEAUTE estime qu'ITM et LUXE LINE ne rapportent pas la preuve qu'elles se trouvent dans un état de dépendance économique à son égard, dans la mesure où elles distribuent sur le marché ukrainien les produits de plusieurs autres marques dans le domaine de la parfumerie et de la cosmétique, et qu'elles ont développé d'autres activités, notamment dans le domaine de l'habillement et de la lingerie.

A titre très subsidiaire, YSL BEAUTE conteste l'existence des différents préjudices invoqués par ITM et LUXE LINE.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice fondé sur le caractère fallacieux des motifs de rupture et l'exploitation abusive de l'état de dépendance économique », YSL BEAUTE conteste les estimations d'ITM et LUXE LINE relatives à la marge nette dont elles auraient pu bénéficier au terme de l'année 2007, sur la base d'une croissance exponentielle de 45% par an. Au regard de la progression moyenne des achats de ses produits par ITM et LUXE LINE, qu'elle évalue à 20% par an, YSL BEAUTE estime que la meilleure hypothèse de chiffre d'affaires pour ITM et LUXE LINE en 2007 aurait été de 979.000 euros, et non 1 941 000 euros comme elles le revendiquent.

Sur la demande indemnitaire de 45.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice prétendument subi du fait de la violation du contrat de distribution exclusive, YSL BEAUTE conteste avoir contracté avec BROCARD, ou même HEXAGONE, avant la fin du délai de préavis accordé à ITM/LUXE LINE. Ainsi, elle n'a pas violé l'exclusivité qu'elle avait accordé à celle-ci pour la durée de leurs relations contractuelles.

S'agissant du prétendu refus et du retard de livraison de certains produits, YSL BEAUTE indique que ces livraisons n'étaient que différées, en attendant de recevoir de la part d'ITM/LUXE LINE la justification de leurs réels besoins, dans la mesure où celles-ci se plaignaient par ailleurs de l'importance de ses stocks, et qu'en outre, elles n'avaient pas encore payé les dernières factures des produits commandés pendant cette période.

Sur la demande de paiement des frais de stockage, YSL BEAUTE considère qu'ITM/LUXE LINE ne rapporte pas la preuve des frais qu'elle aurait engagés, les marchandises ayant été entreposées dans une maison désaffectée de la ville de Kharkov, les justificatifs présentés pour les frais d'entreposage étant incompréhensibles et inexploitables, et aucune équipe de gardiennage n'étant présente le jour de l'inventaire. En outre, YSL BEAUTE prétend n'avoir commis aucune faute dans la cadre de la reprise des stocks, puisqu'elle a fait preuve d'une diligence certaine pour que soit réalisé l'inventaire du 2 août 2006, et que l'impossibilité de parvenir à un accord sur son exécution résultait des prétentions excessives d'ITM/LUXE LINE.

YSL BEAUTE demande l'infirmation du jugement en ce qui concerne les factures dues par ITM et LUXE LINE, dans la mesure où le tribunal n'a retenu que 6 d'entre elles, au motif que leurs copies n'auraient pas été intégrées dans le dossier de plaidoirie, alors qu'en réalité, elles l'ont été, et qu'elles le sont à nouveau en cause d'appel. Ces factures indiquent qu'ITM et LUXE LINE lui sont redevables de la somme de 27 231,37 euros, et non pas 9 319, 83 euros. Par conséquent YSL BEAUTE demande à la cour de condamner ITM et LUXE LINE à lui payer cette somme, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2005, date de sa première demande reconventionnelle, et capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil, comme prévu au contrat.

En ce qui concerne les comptes entre les parties, YSL BEAUTE demande la confirmation du jugement, en ce qu'il a fixé la valeur de reprise des stocks à 156 974, 86 euros. En effet, contrairement à ce que prétendent ITM et LUXE LINE, YSL BEAUTE confirme que les produits promotionnels « In love again » ne sont pas valorisables, car ils ont été fabriqués en 2004 en série limitée et ne sont donc plus commercialisables. A cet égard, elle soutient que le fait que l'inventaire du 4 août 2006 ait classé ces produits dans la colonne « vendables » au lieu de la colonne « endommagés », n'est pas déterminant, dans la mesure où ce classement s'effectue uniquement au vu de l'état des produits et de leur emballage. Le cas des produits « promotionnels » n'a pas fait l'objet d'une colonne spécifique dans le tableau utilisé pour réaliser l'inventaire, et ce n'est qu'au regard de leur référence qu'il a été observé que ces produits n'étaient pas « rachetables ».

Pour autant, ils ne pouvaient pas être conservés par ITM/LUXE LINE, qui prétend avoir procédé à leur destruction sans en rapporter la preuve, ce qui rend vraisemblable leur revente sur un marché parallèle.

S'agissant des présentoirs GTS dont ITM et LUXE LINE réclame le remboursement à YSL BEAUTE, celle-ci conteste l'exactitude de l'affirmation selon laquelle ces présentoirs seraient demeurés dans les points de vente. En ce qui concerne les présentoirs présents dans les stocks d'ITM et LUXE LINE, YSL BEAUTE n'accepte de reprendre que ceux qui sont conservés dans leur emballage d'origine, à l'exclusion de ceux qui sont revenus des points de vente, lesquels sont inutilisables.

Par ailleurs, la valeur de reprise des présentoirs GTS doit tenir compte d'un amortissement sur quatre ans, ce qui aboutit à une somme de 19 636,41 euros, calculée à partir des informations transmises dans les dernières conclusions d'ITM/LUXE LINE.

Par conséquent, YSL BEAUTE demande la confirmation du jugement du 14 septembre 2007, en ce qu'il a valorisé l'ensemble des stocks de ses produits et des présentoirs GTS à la somme de 176.611,27 euros.

YSL BEAUTE relève qu'ITM et LUXE LINE n'ont que partiellement exécuté le jugement du 14 septembre 2007, en refusant de lui rendre un certain nombre de produits sans valeur marchande, ainsi que plus de la moitié des présentoirs GTS, alors que le tribunal avait ordonné la restitution de tous les stocks, évalués forfaitairement.

Au regard des propres prétentions d'ITM et LUXE LINE, YSL BEAUTE estime que la valeur des stocks qui ne lui ont pas été remis n'aurait pas été inférieure à 100 000 euros. En outre, ITM et LUXE LINE prétendent avoir détruit ces stocks, mais sans en rapporter la preuve.

C'est pourquoi YSL BEAUTE sollicite la condamnation in solidum d'ITM et LUXE LINE au paiement d'une somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l'inexécution par elles du jugement du 14 septembre 2007, ce montant liquidant l'astreinte telle que prononcée par le tribunal.

YSL BEAUTE ayant versé à ITM et LUXE LINE la somme de 45.910,12 euros au titre de l'exécution provisoire du jugement du 14 septembre 2007, et ce, en contrepartie de la production d'une caution délivrée à ITM et LUXE LINE par la Banque HSBC pour le même montant, elle demande à la cour de dire que le montant de cette caution devra être libéré pour son intégralité en sa faveur, afin d'être imputé sur les condamnations à intervenir. YSL BEAUTE demande également à la cour de dire que ces condamnations se compenseront à due concurrence.

YSL BEAUTE demande la confirmation du jugement, en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés ITM et LUXE LINE au paiement d'une somme de 1 500 euros en faveur de chacune des sociétés du groupe YSL BEAUTE, en raison des frais de procédure engagés. Elle demande également leur condamnation in solidum aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 10.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, somme que lui sera personnellement versée, puisqu'elle vient en appel aux droits de l'ensemble des sociétés de son groupe.

SUR CE LA COUR

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même, le principe de la contradiction;

Attendu que, devant la cour, les parties sont, sauf lorsqu'un texte exprès y déroge, représentées par le ministère d'avoué; qu'il en résulte que les pièces communiquées en cause d'appel doivent comporter le cachet de l'avoué;

Attendu que le 7 novembre 2008, ITM et LUXE LINE ont communiqué soixante trois pièces (cinquante-et-une communiquées en première instance et douze nouvelles pièces);

Attendu que le dossier remis à la cour par ces parties contient, au demeurant dans le plus grand désordre, seulement douze pièces portant le cachet de l'avoué, à savoir les pièces 1, 2, 3, 6, 7, 8, 11, 13, 14, 33, 42 et 43; qu'aucune de ces pièces n'est l'une de celles seulement communiquées devant la cour mais que toutes ces douze pièces (qui comportent par ailleurs aussi le cachet d'un avocat) semblent être certaines de celles qui avaient déjà fait l'objet d'une communication devant les premiers juges;

Attendu que ledit dossier contient par ailleurs des pièces comportant seulement le cachet d'un avocat; que ces pièces sont numérotées 2, 3, 4 (sous cachet d'Alain FENEON -il semble qu'il s'agisse de pièces communiquées en première instance par YSL-), 8, 11, 13, 14, 17, 18, 21, (sous cachet SCP OBADIA-GERARDIN -cette SCP d'avocats n'apparaît pas en première instance et ce n'est, non plus, pas elle qui a assisté ITM et LUXE LINE devant la cour-), 3, 31, 31-1, 33, 35, 36-1, 36-5, 37, 38, 39, 40, 44, 45, 46, 47 (sous cachet PSL avocats -P pourrait être PALCKTOR et L LESEC), 52, 53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63 (sous cachet PLACKTOR et LESEC); qu'une pièce numérotée 28 semble avoir la marque d'un cachet, mais totalement illisible;

Attendu qu'il est impossible de savoir à quoi correspondent ces pièces; qu'à titre d'exemple, il ne semble pas qu'il y ait eu communication de pièces 31-1, 36-1 ou 36-5 devant les premiers juges;

Attendu qu'additionnerait-on les pièces communiquées sous cachet d'avoué et celles communiquées sous cachet PSL et sous cachet PLACKTOR et LESEC que l'on n'arriverait qu'à trente-neuf pièces, sur les soixante-trois mentionnées dans le bordereau de communication de pièces du 7 novembre 2008; qu'y ajouterait-on la pièce 28 (avec cachet illisible) qu'on ne parviendrait qu'à quarante pièces; que considèrerait-on que les pièces comportant le cachet SCP OBALDIA-GERARDIN ont été communiquées en première instance par ITM et LUXE LINE que l'on arriverait encore qu'à quarante-sept pièces; qu'enfin, même si l'on y ajoutait les trois pièces portant le cachet d'Alain FENEON, il manquerait encore à tout le moins treize pièces, voire plus si l'on observe que, parmi les pièces communiquées sous divers cachets, certaines portant des numéros différents ou les mêmes numéros sont identiques;

Attendu dans ces conditions que la cour est dans l'incapacité de savoir quelles pièces ont été régulièrement soumises au débat contradictoire devant elle ; qu'en toute hypothèse, elle n'est pas en possession de l'intégralité de celles-ci; qu'il y a lieu en conséquence de rouvrir les débats et d'enjoindre à ITM et LUXE LINE de communiquer, avec un intitulé clair pour chacune d'entre elles, l'ensemble des pièces dont elles entendent se prévaloir ;

Attendu qu'il y a lieu d'inviter ITM et LUXE LINE, lorsqu'elles remettront lesdites pièces à la cour, à les présenter dans l'ordre numérique, ce qui évitera tout manque;

Attendu que la présente rouverture des débats est due à la carence d'ITM et LUXE LINE, parties perdantes au présent arrêt au sens de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle engendre des frais irrépétibles que, quelle que soit la décision qui sera rendue au fond il serait inéquitable de laisser à la charge d'YSL BEAUTE et YSL BEAUTE HOLDING;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Rouvre LES DEBATS et enjoint à ITM et LUXE LINE de communiquer, avec un intitulé clair pour chacune d'entre elles, l'ensemble des pièces dont elles entendent se prévaloir ;

Condamne ITM et LUXE LINE à payer à YSL BEAUTE et YSL BEAUTE HOLDING la somme globale de 150 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Renvoie l'affaire à l'audience de plaidoiries du 18 février 2010 à 14H00,

Réserve les dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0156
Numéro d'arrêt : 07/07662
Date de la décision : 14/05/2009

Analyses

FRAIS ET DEPENS - Condamnation - Article 700 du Code de procédure civile - / JDF

Lorsque la réouverture des débats est due à la carence d'une partie, celle-ci est partie perdante au sens de l'article 700 du code de procédure civile et peut être condamnée au paiement de frais irrépétibles sur le fondement de ce texte


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-05-14;07.07662 ?
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