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30/04/2009 | FRANCE | N°07/02194

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0156, 30 avril 2009, 07/02194


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

M.B./P.G.

ARRET No Code nac : 59B

contradictoire

DU 30 AVRIL 2009

R.G. No 07/02194

AFFAIRE :

S.A.S TERREAL,

C/

S.A.R.L. AES INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Février 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 3

No Section :

No RG : 2005F04717

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP GAS

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL

ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S TERREAL aya...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

M.B./P.G.

ARRET No Code nac : 59B

contradictoire

DU 30 AVRIL 2009

R.G. No 07/02194

AFFAIRE :

S.A.S TERREAL,

C/

S.A.R.L. AES INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Février 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

No Chambre : 3

No Section :

No RG : 2005F04717

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

SCP GAS

SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE NEUF,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S TERREAL ayant son siège 13-17 rue Pagès 92158 SURESNES CEDEX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP GAS, avoués - No du dossier 20070231

Rep/assistant : Me Pascal POYLO, avocat au barreau de PARIS (A.93).

APPELANTE

****************

S.A.R.L. AES INTERNATIONAL Immatriculée au registre du commerce et des sociétés 444 700 868 RCS BOURG EN BRESSE, ayant son siège 551 Montée de Balmont 01600 REYRIEUX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - No du dossier 20071126

Rep/assistant : Me Eric LAVIROTTE, avocat au barreau de LYON.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Mars 2009 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marion BRYLINSKI, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Albert MARON, Président,

Monsieur Denis COUPIN, conseiller,

Madame Marion BRYLINSKI, conseiller, (rédacteur)

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL,

FAITS ET PROCEDURE

La SARL AES INTERNATIONAL a pour activité l'assistance technique aux entreprises industrielles ou du bâtiment notamment pour des missions techniques ou d'audit ou des domaines spécifiques, et intervient principalement dans les domaines de prévention sécurité du travail, de la qualité de l'environnement, de l'organisation sur les grands chantiers, de la planification et de la logistique d'approvisionnement.

La SAS TERREAL a accepté la proposition qui lui avait été adressée le 12 mai 2004, d'assistance technique pour des travaux de mise en conformité sur 15 sites.

La mission de AES INTERNATIONAL était prévue pour se dérouler en 3 phases distinctes à savoir la phase pré-diagnostique pour le lancement des travaux devant s'achever au 30 Juin 2004, et les phases accompagnement dans les travaux de mise en conformité des machines, et étude et mise en sécurité des zones manutentions wagons, dont l'achèvement était fixé au 31 décembre 2004.

Le prix des prestations de AES INTERNATIONAL, pour l'exécution desquelles il était prévu 3 équipes de 2 personnes supervisées par un chargé d'affaire, s'élevant à un montant total de 605.854 € HT stipulé ferme et définitif, comprenait tous les frais de personnel, de charges sociales et d'indemnités de toute nature, et était payable sur situations mensuelles.

La SARL AES INTERNATIONAL a adressé le 10 janvier 2005, un courrier à la SAS TERREAL indiquant pour chacune des usines le pourcentage d'avancement des travaux, la date d'achèvement de ceux-ci. La SARL AES INTERNATIONAL expliquait les retards constatés par le défaut d'arrêt de la production en temps utile, des remises en cause des choix techniques, le non respect de travaux par les sous-traitants imposés par TERREAL contrairement aux préconisations d'AES, des commandes non passées par TERREAL.

Dans le même courrier elle annonçait l'organisation qu'elle entendait mettre en place pour l'achèvement de la mission, précisant que pour cette prestation normalement facturée 178 658 € HT elle prendrait à sa charge une partie lui incombant dans le dépassement du délai, pour ne facturer que la somme de 126 522 € HT, et sollicitait l'approbation de la SAS TERREAL sur la suite ainsi proposée et l'envoi d'une commande correspondante.

Dans sa réponse datée du 11 Février 2005, la SAS TERREAL adressait protestation sur partie du retard accumulé, rappelait à la SAS TERREAL son obligation de résultat et la mettait en demeure de procéder sans délai à l'accomplissement de sa mission en lui laissant le soin de mettre en oeuvre les moyens humains et matériels nécessaires.

La SARL AES INTERNATIONAL a adressé à la SAS TERREAL, le 29 juin 2005, une facture No 2005/06/06 d'un montant de 13.302,76 € TTC au titre du retard sur paiement de factures, et, le 26 juillet 2005 à l'achèvement des travaux, une nouvelle facture No 2005/07/07 d'un montant de 141.277,50 € TTC pour "travaux supplémentaires dans le cadre de l'accompagnement de mise en conformité des sites de production".

La SAS TERREAL s'étant opposée à ces deux facturations, la SARL AES INTERNATIONAL l'a assignée en paiement des sommes de 13.302,76 € à titre de dommages et intérêts forfaitaires compensant le préjudice subi du fait des retards de paiement, et 141.277,50 € correspondant aux travaux supplémentaires réalisés.

Le Tribunal de Commerce de NANTERRE, par jugement rendu le 20 février 2007 assorti de l'exécution provisoire, a :

- condamné la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL les intérêts au taux légal sur la facture ayant fait l'objet de la mise en demeure du 17 février 2005 ;

- condamné la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 141.277,50 € ;

- condamné la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SAS TERREAL aux entiers dépens.

***

La SAS TERREAL a interjeté appel, et, aux termes de ses dernières écritures en date du 20 janvier 2009, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la Cour, sous le visa des articles 1134, 1146,1153, 1315 et 1793 et suivants du Code Civil, de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS TERREAL au paiement des intérêts de retard sur les sommes visées par la lettre du 17 février 2005 et de la somme de 141.277,50 € en règlement de travaux supplémentaires, et, statuant à nouveau,

- sous le visa des articles 4, 9 et 564 du Code de Procédure Civile, déclarer la demande de la SARL AES INTERNATIONAL relative aux pénalités de retard de l'article L 441-6 du Code de Commerce est irrecevable comme étant présentée pour la première fois devant la Cour d'Appel ;

- débouter la SARL AES INTERNATIONAL de sa demande en paiement des intérêts moratoires et des pénalités de retard de l'article L 441-6 du Code de Commerce ;

- débouter la SARL AES INTERNATIONAL de sa demande en condamnation de la SAS TERREAL à lui verser une somme de 141.277,50 € au titre des travaux supplémentaires prétendument réalisés ou à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- condamner la SARL AES INTERNATIONAL au paiement de la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

***

La SARL AES INTERNATIONAL, aux termes de ses dernières écritures en date du 6 juin 2008, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens développés, demande à la Cour, sous le visa des articles 1134, 1153, 1154 et 1793 du Code Civil, et L.441-6 du code de commerce, de :

- déclarer la SAS TERREAL irrecevable et mal fondée en son appel, et, faisant droit à son appel incident ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS TERREAL au paiement des sommes de 141.277,50 € en principal, 2.000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens ;

- infirmer le jugement entrepris pour le surplus, et, statuant à nouveau,

- condamner la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 13.302,76 € à titre de dommages et intérêts forfaitaires compensant le préjudice subi du fait des retards de paiement des factures ;

- dire que la condamnation de la SAS TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 141.277,50 € sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 27 septembre 2005, et ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code Civil ;

SUBSIDIAIREMENT, si la Cour estimait ne pas devoir condamner la SAS TERREAL à des dommages et intérêts forfaitaires pour retard de paiement,

- condamner la SAS TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL les intérêts au taux de la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points ou, très subsidiairement, au taux d'une fois et demie le taux légal, sur les sommes de :

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/07/05, du 3 août 2004 au 29 octobre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/08/04, du 1er septembre 2004 au 1er décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/09/03, du 30 septembre 2004 au 21 décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/10/03, du 30 octobre 2004 au 21 décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/11/04, du 30 novembre 2004 au 21 décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/12/04, du 31 décembre 2004 au 10 mai 2005, jour de son règlement,

- condamner la SAS TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 141.277,50 € à titre de dommages et intérêts,

PLUS SUBSIDIAIREMENT, si la Cour estimait ne pas devoir faire application de l'article L 441-6 du Code de commerce,

- condamner la SAS TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL les intérêts au taux légal, calculés sur les sommes de

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/08/04, du 19 octobre 2004, jour de la mise en demeure, au 24 novembre 2004, jour du règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/09/03, du 19 octobre 2004, jour de la mise en demeure, au 20 décembre 2004, jour du règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/12/04, du 17 février 2005, jour de la mise en demeure, au 10 mai 2005, jour du règlement,

* condamner la SAS TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 141.277,50€ à titre de dommages et intérêts,

EN TOUTES HYPOTHESES

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code Civil,

- condamner la SAS TERREAL au paiement, à la SARL AES INTERNATIONAL, de la somme complémentaire de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'en tous les dépens d'appel.

DISCUSSION

Sur les conséquences des retards de paiement

La SAS TERREAL souligne qu'elle a réglé les factures de la SARL AES INTERNATIONAL, produites pour la première fois devant la Cour, par virements bancaires échelonnés du 29 octobre 2004 au 10 juillet 2005, soldant le marché d'un montant total de 520 085,38 € TTC par ce dernier règlement ; que les prestations de la SARL AES INTERNATIONAL ne se sont achevées qu'au mois de juillet 2005 ; qu'à plusieurs reprises elle avait fait savoir à la SARL AES INTERNATIONAL qu'elle ne solderait ses règlements que lorsque sa mission serait achevée, c'est à dire lorsque l'ensemble des procès-verbaux de mise en conformité de toutes les usines serait en sa possession.

Se référant à l'article 1153 du code civil, elle prétend que le contrat conclu entre les parties le 12 mai 2004 ne stipulant aucun intérêt de retard, la SARL AES INTERNATIONAL ne saurait valablement lui faire supporter, en dehors de toute mise en demeure, quelqu'intérêt que ce soit ; elle considère que la lettre du 19 octobre 2004 dont se prévaut la SARL AES INTERNATIONAL ne saurait être considérée comme une mise en demeure, ne contenant aucune interpellation, que la mise en demeure du 17 Février 2005 ne concerne que le règlement de la facture 2004/12/04 et ne peut donc constituer le point de départ d'intérêts pour d'autres factures.

Elle soutient que la SARL AES INTERNATIONAL qui se prévaut devant la cour des dispositions de L 441-6 du Code de Commerce n'avait pas formulé de demande au titre des pénalités de retard en première instance, et est irrecevable en ce chef de demande en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause, la SARL AES INTERNATIONAL ne justifie pas avoir communiqué à la SAS TERREAL ses conditions générales de vente dans lesquelles figureraient la mention et le montant des pénalités de retard ainsi que l'exige l'article L 441-6 du Code de Commerce.

***

La SARL AES INTERNATIONAL rappelle les dispositions de l'article 1147 du code civil, ainsi que les modalités de paiement stipulées par le contrat. Détaillant les retards de règlement de diverses factures, elle considère que ceux-ci constituent un manquement aux obligations contractuelles, lui ayant causé un préjudice qu'elle évalue à la somme de 13.302,76 €, et rappelle les termes de ses courriers des 19 octobre 2004 et 17 février 2005 qui selon elle contiennent une interpellation suffisante au sens de l'article 1153 alinéa 3 du Code Civil.

Elle souligne que cette demande d'intérêts est accessoire à sa demande principale et comme telle recevable en cause d'appel.

Elle revendique à titre subsidiaire le bénéfice de dispositions de l'article L.441-6 du Code de commerce, en soulignant qu'aucune mise en demeure préalable n'était nécessaire pour faire courir les intérêts sollicités, et très subsidiairement le cours des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure.

***

La somme de 13 302,76 € réclamée par la SARL AES INTERNATIONAL au titre des retards de paiements a été calculée par application, sur chaque facture payée avec retard et à proportion du nombre de jours écoulés entre la date d'échéance de chaque facture et la date de son règlement effectif, du taux de 11,35% présenté comme correspondant au taux d'intérêt de découvert bancaire.

Ce taux n'était pas contractuellement prévu, et la SARL AES INTERNATIONAL, qui ne prétend ni à plus forte raison ne justifie avoir subi de découvert bancaire, n'établit pas qu'il puisse servir comme mode pertinent d'évaluation du préjudice résultant pour elle du retard de paiement.

Le premier juge en conséquence, a justement débouté la SARL AES INTERNATIONAL de ce chef de demande.

En cause d'appel la SARL AES INTERNATIONAL présente une demande d'indemnisation du retard de paiement de ses factures sur le fondement de l'article L 441-6 du code de commerce ; celle-ci tend aux mêmes fins que la demande initialement fondée en première instance sur les dispositions de l'article 1147 du code civil, elle est donc recevable par application des dispositions de l'article 565 du code de procédure civile.

L'article L 441-6 du code de commerce, en sa version en vigueur à la date du contrat et de son exécution, dispose notamment que "...les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à une fois et demi le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire."

La proposition de services acceptée par la SAS TERREAL prévoit à l'article 9 une retenue de garantie de 5% sur chaque montant de travaux, libérée lorsque les missions seraient achevées.

L'article 10 "conditions de paiement" est rédigé comme suit :

"100% sur situations mensuelles, paiement par chèque bancaire ou virement à réception de facture.

Phase pré-diagnostique : mensualité équivalente à 1/3 du coût de la prestation globale (diminué de la retenue de garantie §9) sur Avril-Mai-Juin 2004

Phase travaux : mensualité équivalente à 1/6 de la prestation globale (diminué de la retenue de garantie §9) sur Juillet - Août - Septembre - Octobre -Novembre et décembre 2004."

Le règlement était ainsi conventionnellement fixé par versements dont les dates d'exigibilité étaient clairement précisées et les montants étaient fixés comme fraction du coût total des travaux prédéterminé, et non en considération du degré d'avancement des travaux, l'achèvement et le résultat de ceux-ci étant garantis par la retenue de 5%.

Dès lors la SAS TERREAL, en ne réglant pas les factures qui lui étaient adressées à leur date d'exigibilité convenue, s'expose aux pénalités prévues par l'article sus visé, qui sont dues de plein droit, sans qu'un rappel ou une mise en demeure soit nécessaire, et même si elles n'ont pas été indiquées dans la proposition de services.

A défaut de stipulation contraire, celles-ci doivent être calculées par référence au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points, à proportion de chacun des retards tels qu'établis par les pièces produites aux débats par la SARL AES INTERNATIONAL et définis dans ses écritures.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Sur les travaux supplémentaires

La SAS TERREAL soutient que le contrat d'assistance du 12 Mai 2004 est bien un contrat conclu à forfait et régi par les dispositions de l'article 1793 du Code Civil, par le choix des parties, la SARL AES INTERNATIONAL à l'origine de l'offre de service présentée après une phase d'audit, et rédactrice du contrat ayant elle même stipulé que " les prix sont fermes et définitifs".

Elle considère que les travaux pour lesquels la SARL AES INTERNATIONAL demande paiement de la somme de 141.277,50 € ne sont pas des travaux supplémentaires, demandés par le maître d'ouvrage, mais des prestations comprises dans le contrat d'assistance du 12 mai 2004 que la SARL AES INTERNATIONAL n'a pas achevées dans le temps prévu, des coûts supplémentaires qui auraient été générés par la rémunération non prévue de collaborateurs, alors que la mission est demeurée inchangée. Elle estime que la SARL AES INTERNATIONAL ne rapporte pas la preuve d'un bouleversement de l'économie du contrat, et que les coûts supplémentaires rendus nécessaires pour la réalisation de la mission et conformément à son objet, doivent rester à la charge de l'entrepreneur.

Elle soutient que les griefs opposés par la SARL AES INTERNATIONAL ne sont pas étayés par d'autres pièces que les correspondances échangées avec la SAS TERREAL, dépourvues de force probante comme émanant de la SARL AES INTERNATIONAL elle même ; que la SARL AES INTERNATIONAL ne rapporte pas la preuve que la SAS TERREAL est de près ou de loin responsable d'un allongement de la durée de sa mission, alors qu'elle même reconnaît sa responsabilité dans le retard apporté à la réalisation de ses prestations ; que la carence en moyens humains de la SARL AES INTERNATIONAL, dénoncée à plusieurs reprises par la SAS TERREAL, est la seule cause de l'allongement de la durée de sa mission de sorte qu'elle devra en subir toutes les conséquences.

Elle estime par ailleurs que la SARL AES INTERNATIONAL ne justifie pas de la nature exacte et du montant des prestations supplémentaires facturées.

Sur la demande présentée titre subsidiaire sous la qualification de dommages et intérêts, la SAS TERREAL fait valoir que la SARL AES INTERNATIONAL qui ne précise pas le fondement juridique de sa demande, ne rapporte pas la preuve de son préjudice, qui ne peut être rapportée par la production d'une facture qu'elle s'établit elle même, ni d'un manquement de la SAS TERREAL à ses obligations contractuelles, ni d'un rapport de causalité entre le manquement et le préjudice.

***

La SARL AES INTERNATIONAL soutient que les travaux supplémentaires dont elle demande paiement ont été rendus nécessaires par l'attitude de la SAS TERREAL et en particulier de ses responsables de sites dont les errements, les remises en question ont conduit à un allongement disproportionné de la durée de son intervention, au delà du terme initialement prévu. Elle souligne que le contrat signé avec la SAS TERREAL n'est pas un marché à forfait ; que l'article 16 du contrat prévoyait que les prix seraient fermes et définitifs, uniquement dans le cadre de la mission dont la durée était limitée à fin décembre 2004, ce prix comprenant les "frais de personnel, de charges sociales, indemnités et primes de toute nature" pendant la durée de la mission.

Elle fait valoir qu'au surplus la notion de marché à forfait concerne les architectes et les entrepreneurs chargés de la construction à forfait d'un bâtiment, ce qui à l'évidence ne correspond pas aux éléments de ce dossier, et que quand bien même il s'agirait d'un marché à forfait, elle serait également recevable à solliciter un paiement complémentaire dans la mesure où sa prestation a été compliquée et retardée par le fait de TERREAL dont le comportement aurait alors bouleversé l'économie du contrat, la mission confiée étant passée de 6 à 11 mois.

Elle précise avoir établi sa facturation sur la base d'une durée de travail supplémentaire de 2,33 mois supplémentaires, soit suivant un calcul au prorata du contrat initial une somme de 168.750€ HT, sur laquelle elle s'est imputé une part de responsabilité à hauteur de 30%.

La SARL AES INTERNATIONAL considère qu'en toute hypothèse la somme de 141.277,50 € correspond au préjudice subi du fait du manquement par la SAS TERREAL à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi.

***

La SARL AES INTERNATIONAL a établi sa proposition de services, pour des prestations à exécuter par son propre personnel dont elle revendiquait l'expérience et la compétence, après avoir réalisé elle même un diagnostic de conformité de l'ensemble des sites concernés par son intervention ; elle a elle même défini sa mission dans toutes ses composantes, déterminé la durée de celle-ci et les moyens en personnels à mettre en oeuvre pour son exécution.

En considération de ces éléments elle a présenté une offre de prix comprenant "tous frais de personnel, de charges sociales, indemnités et primes de toute nature", précisant que les prix fixés dans le cadre de ses propres prestations sont fermes et définitifs.

Le prix ainsi proposé par la SARL AES INTERNATIONAL et accepté par la SAS TERREAL était en conséquence forfaitaire, pour l'accomplissement de la totalité de la mission.

Il est constant que la SARL AES INTERNATIONAL a exécuté la totalité de sa mission, sans que celle-ci ait été modifiée dans ses objectifs et la nature des travaux définis.

Sa facture complémentaire ne se rapporte pas à des travaux supplémentaires à ceux prévus dans sa proposition de services, qui lui auraient été commandés par la SAS TERREAL, mais à un coût en personnel supplémentaire résultant du retard pris dans l'exécution de sa mission telle qu'initialement définie.

La SARL AES INTERNATIONAL argue de diverses causes de retard selon les sites concernés, dont elle reconnaît être pour partie responsable, mais ne les justifie pas autrement que par ses courriers adressés à la SAS TERREAL ou les documents établis par elle même ; les difficultés qu'elle invoque n'ont jamais fait l'objet de constats contradictoires quelle qu'en soit la forme.

La SARL AES INTERNATIONAL ne rapporte pas la preuve de ce que le retard accumulé dans l'exécution de sa mission trouve sa cause dans des événements qui n'auraient pu être prévus pour la détermination de la durée de celle-ci, ou dans des faits constitutifs de fautes imputables à la SAS TERREAL.

Dans ces conditions elle n'est pas fondée à solliciter de la SAS TERREAL paiement de quelque somme que ce soit au titre de travaux supplémentaires, serait-ce même sous la qualification de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera infirmé, en ce qu'il a condamné la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 141.277,50 €.

Sur la capitalisation des intérêts

Les sommes accordées au titre du retard de paiement, sur le fondement de l'article L 441-6 du code de commerce, même si elles sont calculées par référence àun taux d'intérêt, sont des pénalités, et non des intérêts ; les dispositions de l'article 1154 du code civil leur sont en conséquence inapplicables.

Sur les frais et dépens

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l'indemnité de procédure et aux dépens de première instance.

En cause d'appel, la SAS TERREAL supportera les dépens, mais il n'y a pas lieu de prévoir l'allocation d'une indemnité de procédure au profit de la SARL AES INTERNATIONAL.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL les intérêts au taux légal sur la facture ayant fait l'objet de la mise en demeure du 17 février 2005 ;

- condamné la SA TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL la somme de 141.277,50 € ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Condamne la SAS TERREAL à payer à la SARL AES INTERNATIONAL des pénalités au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points, sur les sommes de :

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/07/05, du 3 août 2004 au 29 octobre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/08/04, du 1er septembre 2004 au 1er décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/09/03, du 30 septembre 2004 au 21 décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/10/03, du 30 octobre 2004 au 21 décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/11/04, du 30 novembre 2004 au 21 décembre 2004, jour de son règlement,

* 82.346,85 € TTC correspondant à la facture no 2004/12/04, du 31 décembre 2004 au 10 mai 2005, jour de son règlement ;

Déboute la SARL AES INTERNATIONAL de sa demande en paiement de somme au titre de "travaux supplémentaires" ;

Déboute la SARL AES INTERNATIONAL de sa demande sur le fondement de l'article 1154 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à allocation d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SAS TERREAL aux dépens d'appel, dont recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0156
Numéro d'arrêt : 07/02194
Date de la décision : 30/04/2009

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Dispositions relatives aux conditions de règlement -

Selon l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa version en vigueur à la date du contrat et de son exécution "les conditions de règlement doivent obli- gatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalit- és de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans le cas où les sommes dues sont réglées après cette date, Sauf dispo- sition contraire, qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à une fois et demi le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 7 points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire". Dès lors, à défaut de stipulation contraire, les pénalités ainsi prévues, qui sont de plein droit sans nécessité d'un rappel ou d'une mise en demeure, doivent être calculées par référence au taux d'intérêt appliqué par la B.C.E. à son opération de refinancement la plus récente majorée de 7 points à proportion de chacun des retards tels qu'établis par les pièces produites aux débats. Les sommes accordées au titre du retard du paiement, sur le fondement de l'article L. 441-6 du code de commerce, même si elles sont calculées par référence à un taux d'intérêt, sont des pénalités et non des intérêts, les dispositions du code civil leur sont en conséquence inapplicables


Références :

Article L. 441-6 du code de commerce.

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 20 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-04-30;07.02194 ?
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