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08/01/2009 | FRANCE | N°07/02442

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0156, 08 janvier 2009, 07/02442


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12ème chambre section 2
Consultation
ARRET No Code nac : 55Z
contradictoire
DU 08 JANVIER 2009
R. G. No 07 / 02442
AFFAIRE :
S. A. GAN ASSURANCES IARD
C /
S. A. TOTAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Février 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 4 No RG : 2003F4771

Expéditions exécutoires à : SCP DEBRAY-CHEMIN SCP JUPIN et ALGRIN

communication au ministère public E. D

LE HUIT JANVIER DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt s

uivant dans l'affaire entre :

S. A. GAN ASSURANCES IARD ayant son siège 8 / 10 Rue d'Astorg 75008 PARIS CEDEX 0...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

12ème chambre section 2
Consultation
ARRET No Code nac : 55Z
contradictoire
DU 08 JANVIER 2009
R. G. No 07 / 02442
AFFAIRE :
S. A. GAN ASSURANCES IARD
C /
S. A. TOTAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Février 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE No chambre : 4 No RG : 2003F4771

Expéditions exécutoires à : SCP DEBRAY-CHEMIN SCP JUPIN et ALGRIN

communication au ministère public E. D

LE HUIT JANVIER DEUX MILLE NEUF, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S. A. GAN ASSURANCES IARD ayant son siège 8 / 10 Rue d'Astorg 75008 PARIS CEDEX 08, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
S. A. GAN EUROCOURTAGE IARD ayant son siège 8 / 10 rue d'Astorg 75383 PARIS CEDEX 08, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Société XL INSURANCE COMPANY LIMITED ayant son siège Winterthur House 34 Leadenhall Street, LONDON EC3A 1AX, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Société XL INSURANCE COMPANY LIMITED ayant son siège 48 / 50 rue Taitbout 75320 PARIS CEDEX 09, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
S. A. AGF ayant son siège 87 rue de Richelieu 75002 PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
représentées par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués-No du dossier 07000303 Rep / assistant : Me Christian GARDEL, avocat au barreau de PARIS (A. 161) Rep / assistant : Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS (L. 0276).

APPELANTS ****************

S. A. TOTAL ayant son siège 2 Place de la Coupole, LA DEFENSE 6, 92411 COURBEVOIE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
S. A. TOTAL FRANCE ayant son siège 24 Cours Michelet 92800 PUTEAUX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Société TOTAL INTERNATIONAL LTD ayant son siège Clarendon House Church Street West, HAMILTON HM-AA, BERMUDES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Société TOTAL TRANSPORT CORPORATION LTD ayant son siège PO Box 87, 1371 PANAMA 7, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
Représentées par la SCP JUPIN et ALGRIN, avoués-No du dossier 0023461 Rep / assistant : Me Emmanuel FONTAINE, avocat au barreau de PARIS. S. A. AIG EUROPE ayant son siège Tour Aig, La Défense 2, 92079 PARIS LA DEFENSE 2 CEDEX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

Représentée par la SCP DEBRAY-CHEMIN, avoués-No du dossier 07000303 Rep / assistant : Me Christian GARDEL, avocat au barreau de PARIS (A. 161) Rep / assistant : Me François HASCOET, avocat au barreau de PARIS (L. 0276).

INTIMES ****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Septembre 2008, Monsieur Albert MARON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Albert MARON, Président (rédacteur) Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Monsieur Philippe BOIFFIN, conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL
FAITS ET PROCEDURE : Le 12 décembre 1999, le navire ERIKA, pétrolier de vingt-trois ans d'âge, qui battait pavillon maltais et qui transportait une cargaison de plus de 30. 000 tonnes de fuel-oil lourd propriété de TOTAL INTERNATIONAL LTD, chargée au port de DUNKERQUE à destination de LIVOURNE (Italie), était pris dans la tempête qui sévissait alors.

Après avoir lancé un message de détresse, il se brisait en deux à un peu plus de trente-cinq miles au large, au sud-ouest de la pointe de PENMARCH'(FINISTERE).
La partie avant du navire coulait rapidement ; la partie arrière, sombrait le 13 décembre 1999 pendant le remorquage qui, effectué par l'ABEILLE FLANDRE, avait été ordonné par les autorités maritimes françaises.
Environ 10. 000 tonnes de fuel-oil lourd se trouvaient dans la partie avant du navire, 10. 000 tonnes dans la partie arrière, et environ 10. 000 tonnes se déversaient dans la mer, causant ensuite, sur 400 km de côte, une pollution majeure, particulièrement sur les littoraux breton et vendéen.
Outre TOTAL INTERNATIONAL LTD (ci-après TIL), déjà citée, en sa qualité d'acquéreur et propriétaire de la cargaison, diverses sociétés du groupe TOTAL étaient concernées par ce naufrage.
Il s'agissait de TOTAL RAFFINAGE CORPORATION (ci-après TRC) en tant que producteur / vendeur du fuel transporté à bord du navire ERIKA, de TOTAL TRANSPORT CORPORATION (ci-après TTC) en sa qualité d'affréteur au voyage du navire, pour compte des sociétés du groupe TOTAL et notamment TOTAL SA, de TOTAL PETROLEUM SERVICES (ci-après TPS) chargée d'une mission d'assistance de TTC dans le cadre de l'affrètement de navires.
La maison mère, TOTAL SA, était également concernée en raison du concours qu'elle prête à ses filiales pour la sélection des navires affrétables (activité ci-après mentionnée sous le nom de « vetting »).
Le 15 décembre 1999, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de PARIS ouvrait une information judiciaire des chefs de mise en danger d'autrui et de pollution par hydrocarbures.
Le 17 décembre 1999, une mesure d'expertise judiciaire était ordonnée par le président du tribunal de commerce de DUNKERQUE.
Elle était notamment destinée à « rechercher et donner tous éléments (...) permettant d'apprécier les causes et les circonstances ayant conduit à la réalisation du sinistre et de permettre ultérieurement au tribunal compétent de statuer sur les responsabilités ».
Le rapport a été déposé le 28 novembre 2005.
Pour l'essentiel, il attribue la cause du sinistre à des faiblesses de structure du navire dues à l'insuffisance des réparations prévues de concert entre l'armateur et la société de classification lors de sa dernière visite quinquennale de classification réalisée en 1998 à BIJELA.
Le 20 décembre 1999, les sociétés du groupe TOTAL avaient déclaré régulièrement ce sinistre auprès des assureurs, via la société de courtage AON.
Elles demandaient la garantie des responsabilités éventuellement encourues par elles en raison du sinistre de l'ERIKA et, en tout état de cause, la couverture des frais de défense exposés lors des procédures visant ou qui viseraient, directement ou indirectement, à établir leur responsabilité.
La responsabilité de certaines sociétés du groupe TOTAL (Total SA, TTC et TPS) ainsi que d'un salarié du groupe était en effet parallèlement recherchée dans le cadre de l'action pénale consécutive à l'information ouverte à PARIS le 15 décembre.
Diverses actions, devant des juridictions civiles et devant le juge administratif, étaient aussi engagées.
S'agissant de l'action pénale, elle conduisait au renvoi de différents prévenus, et notamment de ces sociétés devant le tribunal correctionnel de PARIS. Les qualifications étaient celles de pollution, de complicité de mise en danger de la vie d'autrui et d'abstention volontaire de prendre des mesures destinées à combattre un sinistre.
De multiples parties civiles, tant personnes morales (associations, collectivités locales, l'Etat) que personnes physiques, se constituaient dans cette procédure pénale et réclamaient l'indemnisation de leur préjudice consécutif au naufrage du navire ERIKA.
Le tribunal correctionnel de PARIS a rendu son jugement le 16 janvier 2008 et prononcé, à l'encontre de Total SA, les condamnations suivantes :- sur le plan pénal, la juridiction répressive a déclaré TOTAL SA coupable pour les faits qualifiés de pollution et l'a condamné à une amende de 375. 000 € ;- en ce qui concerne les actions civiles, le tribunal a condamné TOTAL SA, solidairement avec les autres co-défendeurs dont il a retenu la culpabilité à payer aux parties civiles déclarées recevables une somme globale de :. 163. 906. 833, 35 € au titre des préjudices matériels,. 26. 901. 500, 00 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte portée à la réputation et à l'image,. 1. 315. 066, 60 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à l'environnement,. 614. 000, 00 € en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale,

Soit une somme totale de 192. 737. 399, 95 € répartie comme suit :. 153. 883. 690, 17 € Etat,. 37. 437. 971, 48 € collectivités locales,. 1. 386. 738, 30 € associations,. 29 000, 00 € personnes physiques.

Les autres sociétés poursuivies du groupe TOTAL en particulier l'affréteur, TTC, étaient mises hors de cause, en l'absence de lien de causalité démontré entre les faits qui leur étaient reprochés et le dommage.
TOTAL SA a interjeté appel de ce jugement mais a réglé les montants des condamnations à celles des parties civiles qui ont accepté ce paiement en contrepartie de leur renonciation ou de leur désistement de toute action ou instance pendante ou future.
Le ministère public a également interjeté appel de cette décision et demandé la condamnation de TTC et TPS, mises hors de cause en première instance, du chef de pollution.
Parallèlement à la procédure devant la juridiction correctionnelle, les sociétés du groupe TOTAL ont fait l'objet de nombreuses procédures administratives relatives notamment à des constats d'urgence et à des contraventions de grandes voiries. Certaines sociétés du groupe TOTAL font en outre, actuellement, l'objet de recours en responsabilité civile devant les juridictions civiles (tribunaux de grande instance de BREST et LORIENT, tribunaux de commerce de BREST, LA ROCHE SUR YON, NANTERRE, NANTES, SAINT NAZAIRE et VANNES).

D'autres actions ont donné lieu à un désistement d'action et d'instance des demandeurs ou à leur débouté et TOTAL une partie des actions énumérées ci-dessus sera retirée, suite aux transactions dont il a été question précédemment, conclues avec les parties civiles dans la procédure pénale.
Il n'est pas contesté que les sociétés du groupe TOTAL aient régulièrement informé les assureurs des différentes procédures dirigées à leur encontre afin que soit établie leur responsabilité civile.
Les assureurs ont finalement opposé un refus de garantie tant pour la responsabilité civile des sociétés du groupe TOTAL que pour les frais de défense exposés par ces dernières.
Cette position était motivée, selon une correspondance du GAN en date du 26 juillet 2000 par le fait que les victimes devaient être indemnisées non pas par les sociétés TOTAL mais par le FIPOL, par l'application au cas d'espèce de la clause de la police excluant expressément « les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées au transport maritimes, garanties par Tovalop et Cristal » et par la non-application en l'espèce de la garantie des frais de défense, en conséquence de la non application des garanties de responsabilité civile auxquelles la mise en oeuvre des frais de défense serait subordonnée.
Par courrier en date du 12 juin 2003, AON a mis en demeure les assureurs de prendre en charge les frais de défense des intérêts des sociétés du groupe TOTAL en application des termes de la police.
Ce courrier étant demeuré sans effet, les sociétés du groupe TOTAL ont, par assignation en date du 30 juillet 2003, sollicité judiciairement du tribunal de commerce de NANTERRE condamnation des assureurs à garantir, dans les limites de la police, les sociétés du groupe TOTAL des condamnations en principal, frais et accessoires pouvant être mises à leur charge à l'occasion des procédures recherchant leur responsabilité civile suite au naufrage de l'ERIKA, condamnation solidaire de GAN, AIG, AGF, XL INSURANCE COMPANY LIMITED (dont le siège est à LONDRES) et XL INSURANCE COMPANY LIMITED (dont le siège est à PARIS) à leur payer l'indemnité d'assurance qui leur est due au titre de la police d'assurance Responsabilité Civile no914. 182. 000 et ce, à concurrence du plafond de garantie, soit la somme de 9. 946. 941, 03 € outre intérêts légaux depuis la date de déclaration de sinistre eux-mêmes capitalisés en vertu de l'article 1154 du code de procédure civile à compter de l'acte introductif délivré notamment le 30 juillet 2003 et condamnation solidaire de GAN, AIG, AGF, XL INSURANCE (LONDRES) et XL INSURANCE (PARIS), en outre, à payer à chacune des sociétés TOTAL la somme de 30. 000 € de dommages et intérêts du fait du refus de garantie opposé abusivement.
Par le jugement déféré, en date du 22 février 2007, le tribunal de commerce de NANTERRE a constaté que la police s'appliquait bien au risque maritime résultant du naufrage de l'ERIKA, que l'exclusion spécifique invoquée (§ 27 de la police) n'avait pas lieu à s'appliquer, l'assuré n'étant en rien libéré du risque de voir sa responsabilité recherchée par le FIPOL subrogé dans les droits des victimes qu'il avait indemnisées et que l'assuré devait être indemnisé des frais engagés pour défendre ses intérêts et éviter d'éventuelles condamnations dans l'intérêt commun de l'assuré et de son assureur.
Par voie de conséquence, il a condamné les assureurs à payer à payer la somme de 9. 146. 941, 03 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 1999, date de déclaration du sinistre, avec anatocisme à compter du 08 août 2003, date de l'assignation.
GAN ASSURANCES IARD, GAN EUROCOURTAGE IARD, XL INSURANCE COMPANY LIMITED et les AGF ont interjeté appel de ce jugement.
Au soutien de l'appel interjeté contre cette décision, les compagnies GAN EUROCOURTAGE IARD, XL INSURANCE (LONDRES et PARIS, venant aux droits de WINTHERTHUR), AIG EUROPE et AGF (ci-après « les assureurs ») exposent liminairement l'environnement juridique du contrat d'assurance dont l'exécution est, à tort font elles valoir, demandée.
Sur ce point, les assureurs apportent, en premier lieu, des précisions sur le traitement, au plan international, des risques de pollution maritime.
Les grands groupes pétroliers, soulignent-ils, disposent de ressources qui leur permettent de prendre en charge les conséquences de certains événements, en dehors des mécanismes classiques d'assurance, lorsqu'il n'existe pas, sur le marché d'offres d'assurance suffisantes pour la couverture de certains risques.
Les compagnies d'assurance ont pendant longtemps refusé d'assurer les risques de pollution, c'est pourquoi les Etats concernés ainsi que les acteurs du secteur (compagnie pétrolières, centrales nucléaires...) ont créé des mécanismes spécifiques d'indemnisation.
En matière d'atteintes à l'environnement liées aux pollutions de la mer par les hydrocarbures, depuis la fin des années 1960, diverses conventions internationales et accords professionnels ont permis la mise en place de mécanismes d'indemnisation qui ont influé sur les régimes de responsabilités applicables aux acteurs de la filière.
Les assureurs présentent ces mécanismes et leur évolution, en relatant que c'est le naufrage du pétrolier TORREY-CANYON en 1967 qui a révélé les limites d'un droit maritime complexe et qui a amené les instances internationales (l'Organisation Maritime Internationale) à constituer un comité chargé de faire évoluer, avec des mesures contraignantes, les mécanismes d'indemnisation des victimes de pollution.
Parallèlement, les armateurs, afin d'éviter précisément les mesures trop contraignantes annoncées, mettaient en place une réflexion professionnelle afin de proposer des indemnisations volontaires en dehors de toute notion de responsabilité.
Les travaux de l'OMI ont abouti aux Conventions de 1969 et de 1971, modifiées en 1992.
De leur côté, les initiatives professionnelles ont abouti à la création des plans TOVALOP et CRISTAL.
Les assureurs soulignent que les conventions et les plans professionnels constituent ainsi, ensemble, un système global de responsabilité et d'indemnisation.
Conclue à Bruxelles le 29 novembre 1969, la Convention internationale sur les hydrocarbures de 1969 (CLC) est entrée en vigueur le 19 juin 1975, et a instauré un système de responsabilité objective, centrée sur le propriétaire du navire, limité dans son montant à 210. 000. 000 Frs (32. 014. 293, 62 euros), sauf faute lourde prouvée dudit propriétaire.
Le propriétaire du navire était tenu d'une obligation d'assurance et de créer un fonds d'indemnisation spécifique pour assumer cette responsabilité objective.
Le FIPOL (fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures) a été créé par une convention en date à Bruxelles du 18 décembre 1971, il est entré en vigueur en 1978. Ce fonds est alimenté par la plupart des compagnies pétrolières. Il a pour objet de couvrir les dommages de pollution de mer par hydrocarbure survenus dans les eaux territoriales des Etats membres.
Il intervient au delà du plafond de la CLC 1969, mais, comme celle-ci, son champ d'application était limité par le nombre des Etats signataires, les territoires maritimes concernés et les capitaux disponibles.
Les assureurs soulignent que les victimes de pollution qui demandaient la prise en charge de leurs préjudices par le système CLC / FIPOL en acceptaient les règles, c'est-à-dire qu'elles ne pouvaient agir qu'à l'encontre des propriétaires de navires, de leurs assureurs et du FIPOL lui-même.
Signé le 07 janvier 1969, et entré en vigueur le 06 octobre 1969, le plan TOVALOP est un plan professionnel et volontaire ne concernant que les armateurs pétroliers.
Il repose sur une indemnisation limitée et sans aucun lien avec un mécanisme de responsabilité.
A l'origine conçu comme un plan volontaire et intérimaire, de nature à influer sur les discussions qui étaient à l'époque menées à l'OMI qui ont abouti à la CLC et à la création du FIPOL, le plan TOVALOP a perduré en parallèle du système CLC / FIPOL, afin d'indemniser les conséquences des événements qui n'entraient pas dans le champ d'application de la CLC / FIPOL soit parce qu'ils impliquaient des Etats non signataires, soit parce qu'ils survenaient en dehors du territoire d'application de ces mécanismes.
L'indemnisation des dommages était prise en charge, par la ou les personnes propriétaires et / ou armateurs coque-nue du navire, impliquée (s) ; conformément à un mécanisme convenu et dans la limite de plafonds.
Sur ce point encore, les assureurs soulignent qu'en contrepartie de ce paiement plafonné, une renonciation à agir devant les juridictions, pour la fraction des dommages non indemnisés, était obtenue au bénéfice du payeur.
Le plan TOVALOP étant plafonné, il a été complété, poursuivent les assureurs, par le plan CRISTAL dont l'adoption achève la constitution d'un régime professionnel et volontaire d'indemnisation des dommages de pollution par hydrocarbures.
Les ressources du plan CRISTAL étaient procurées par des contributions volontaires des compagnies pétrolières, prises en leur qualité de producteurs, raffineurs, vendeurs, stockeurs, traders....
Le plan intervenait en complément et au-delà du seuil de TOVALOP, mais il avait également une fonction spécifique : lorsque le FIPOL indemnisait les victimes, CRISTAL remboursait la part que la compagnie pétrolière impliquée dans l'incident pouvait supporter.
En définitive, les mécanismes, issus des conventions internationales, et des accords professionnels allaient cohabiter, le temps que la CLC et le FIPOL répondent effectivement à eux seuls aux besoins des victimes, c'est-à-dire jusqu'à l'entrée en vigueur du protocole de 1992, en 1996.
L'arrivée à son terme du « plan TOVALOP » avait été fixée au 20 février 1997 et il n'était pas reconduit.
Ainsi, ce système CLC / FIPOL était-il modifié par la Convention du 20 novembre 1992 et le protocole du 27 novembre 1992, entrés en vigueur le 30 mai 1996, qui ont élargi son champ d'application, au-delà des eaux territoriales, pour s'appliquer aux zones économiques exclusives (ZEE), augmenté l'indemnisation offerte par le FIPOL, et donc la contribution des compagnies pétrolières et, soulignent à nouveau les assureurs, « immunisé » la responsabilité des armateurs ou affréteurs des navires de façon totale, c'est à dire indépendamment même de la mise en oeuvre par la victime de la Convention.
En effet, l'article III. 4 de la CLC de 1992 stipule que « aucune demande de réparation de dommage par pollution, qu'elle soit ou non fondée sur la présente Convention, ne peut être introduite contre tout affréteur, armateur ou armateur-gérant du navire à moins que le dommage ne résulte de leur fait ou de leur omission personnelle commis avec l'intention de causer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ».
Ce nouveau protocole a, observent les assureurs, été ratifié par la presque totalité des Etats concernés (à l'inverse de la CLC de 1969), de sorte qu'il s'est révélé beaucoup plus efficace pour les acteurs de la filière et notamment pour les compagnies pétrolières, rendant inutile le maintien du système professionnel TOVALOP / CRISTAL.
Depuis la réforme de 1992, entrée en vigueur le 30 mai 1996, la mission de « FIPOL 2 » est double : apporter comme auparavant, un complément aux indemnisations, après atteinte des limites de responsabilité du propriétaire prévues par la CLC, et dans l'hypothèse ou le propriétaire de navire n'est pas responsable de la pollution au sens de la CLC, intervenir comme garant de la réparation des conséquences de la pollution.
Sous l'égide de cette convention et compte tenu du régime légal " canalisé " sur le propriétaire du navire, les grandes compagnies pétrolières ont cédé les navires dont elles étaient propriétaires, au bénéfice d'entreprises " dédiées " naviguant sous des pavillons exotiques, généralement insolvables, sans capacité financières propres permettant de compléter les indemnisations versées par le FIPOL.
Ainsi, les compagnies pétrolières, pour assurer le transport maritime international de leurs produits n'ont, à compter des années 1990 conservé que la qualité d'affréteur, ce qui leur permettait ainsi de bénéficier de l'immunité.
Il en résulte, précisent les assureurs, que, libérées de la qualité de propriétaire de navires, les compagnies pétrolières étaient par la même convaincues d'être dégagées de tout risque de voir leur responsabilité engagée. Et, effectivement, il s'est trouvé que dans les faits, leur responsabilité n'étaient pas recherchée.
A cet égard, immédiatement après le naufrage de l'ERIKA, TOTAL FINA, dans une note d'information du 24 décembre 1999, exposait clairement que seul l'armateur de l'ERIKA « est considéré comme le pollueur et doit en assumer les responsabilités », TOTAL FINA n'assumant pour sa part qu'un « engagement moral de solidarité » et annonçant des mesures prises pour fournir l'assistance à la lutte contre la pollution.
A cette occasion, il a été souligné « l'émotion suscitée en France par la réaction de la Cie TOTAL FINA ELF renvoyant dans l'affaire ERIKA à la responsabilité du transporteur, ce qui en l'espèce était parfaitement justifié sur le plan juridique. On parla d'iniquité, de scandale, quand il ne s'agissait que d'application régulière du droit positif ».
Les assureurs concluent de ce rappel historique que c'est dans ce contexte des années 1990, contexte de croyance des compagnies pétrolières en l'absence de risque de voir leur responsabilité engagée, que doit être analysée la souscription, par le groupe TOTAL, des garanties d'assurance.
C'est dans ce contexte en effet que TOTALFINA a estimé ses risques, avant de se poser la question de l'étendue des assurances à souscrire et de leur meilleure tarification.
Ainsi, lorsqu'elles ont souscrit leur contrat d'assurance, les sociétés du groupe TOTAL, dans le cadre du transport par mer des hydrocarbures qu'elles produisaient et exploitaient, n'intervenaient qu'en qualité d'affréteur. La pratique du " vetting ", consistant pour la compagnie pétrolière à contrôler les navires affrétés, n'existait pas encore et lorsqu'elle le sera, le groupe TOTAL omettra d'en envisager les conséquences et de l'assurer de sorte que le contrat d'assurance de responsabilité civile no 914 182 000 s'est formé, puis a été reconduit, en écartant le risque, de responsabilité du fait des dommages de pollution de mer par hydrocarbures pris en charge par la Convention CLC / FIPOL.
Les conséquences pécuniaires des pollutions maritimes d'origine accidentelle entraient dans le cadre de la CLC. Dès lors, il n'existait pas d'intérêt d'assurance pour TOTAL SA et ni pour aucune des sociétés du groupe, à assurer un risque auquel, elles n'étaient pas exposées.
A cet égard, TOTAL SA est mal fondée à soutenir aujourd'hui, a posteriori, qu'elle était exposée à ce risque au motif qu'en 1999, la catastrophe de l'ERIKA allait amener les victimes et l'opinion publique à vouloir contourner le régime juridique et la pratique de la seule indemnisation par le propriétaire du navire et le FIPOL.
C'est en effet à la date de souscription des garanties qu'il convient de se placer pour rechercher la volonté d'assurance de TOTAL SA et, à cette date, elle se considérait immunisée comme cela ressort notamment de ses multiples déclarations lors de ce sinistre.
S'agissant des conséquences pécuniaires des pollutions maritimes qui n'étaient pas prises en charge par le système CLC / FIPOL, elles étaient indemnisées dans le cadre des plans TOVALOP / CRISTAL. Pour ces pollutions, le risque de responsabilité existait en droit, dès lors que les plans ne prévoyaient aucune immunité, même si, dans les faits, l'intervention de TOVALOP et de CRISTAL était systématique et permettait d'obtenir des renonciations à recours en contrepartie du versement d'indemnités.
Néanmoins, les sociétés du groupe TOTAL étaient exposées à un risque, fut-il infime, qu'elles ont donc, à l'inverse du précédent, souhaité soumettre à l'assureur, mais celui-ci a manifesté sa volonté de ne garantir aucun dommage de pollution de mer par transport d'hydrocarbure, en excluant ce risque.

d'assurance no 914 182 000 en sa version applicable à la date du naufrage de l'ERIKA, à savoir l'avenant no 8 en vigueur pour l'année 1999 avait en effet pour objet : « a) de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité, dans les cas où elle viendrait à être recherchée, en raison de dommages, pertes et / ou préjudices causés au tiers.
Le contrat

b) d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés au tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des faits fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant... ».
Bien entendu, la garantie b, compte tenu de sa spécificité, est exclusive de la garantie a, de sorte que les risques d'atteintes à l'environnement ne relèvent que de cette dernière.
Ainsi, la garantie des assureurs en cas d'atteinte à l'environnement est acquise lorsque lesdites atteintes sont consécutives à des faits fortuits, qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré de certaines activités (recherche, exploration, production, stockage, exploitation, raffinage, transformation, traitement, industrialisation, transport, dépotage, enfûtage, avitaillement, manutention, commercialisation, distribution d'hydrocarbures...) (Chapitre 2 Titre A du contrat d'assurance) mais en matière d'atteinte à l'environnement maritime par hydrocarbure entrant dans le cadre de la CLC, il n'y avait pas de place pour la responsabilité des assurés (hors faute inexcusable, non fortuite et plus encore inassurable), TOTAL n'étant pas propriétaire de navires.
En effet, le seul cas où il peut être fait échec aux immunités prévues par la CLC est celui du « dommage qui résulte de leur fait ou de leur omission personnelle commis avec l'intention de causer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement » (article 3. 4 dernier alinéa de la CLC).
Et les conséquences de cette faute volontaire, condition de l'existence de l'action contre l'assuré en présence d'une pollution maritime par hydrocarbure, qu'elle soit engagée par les tiers victimes, le propriétaire ou le FIPOL subrogés, ne sont évidemment pas assurables (article L 113-1 du code des assurances), et en tous cas pas assurés (ne répondant pas à l'exigence du fait fortuit).
Quant aux dommages de pollution relevant des conventions TOVALOP / CRISTAL, avant leur disparition, ils seront pour compléter le dispositif de non garantie de toutes les pollutions en mer par hydrocarbure, exclus de la garantie.
Les autres risques de responsabilités de pollution étaient couverts, notamment toutes les responsabilités liées au transport terrestre, etc. de la même façon qu'en application de la garantie a, les autres risques liés au transport maritime sont couverts, notamment dommages aux marchandises engageant la responsabilité de TOTAL en tant qu'affréteur, ou dommages causés au navire par les marchandises...
Ainsi, le fait que l'assuré et l'assureur n'aient pas fait entrer dans le champ du contrat la garantie des pollutions maritimes par hydrocarbure, relevant des conventions internationales, ne vide bien évidemment pas le contrat de sa substance et ne rend pas sans effet la déclaration d'activité de l'assuré.
Les assureurs rappellent ensuite les circonstances du naufrage de l'ERIKA, ainsi que les procédures qui s'en sont suivies.
S'agissant de la procédure suivie devant le tribunal correctionnel de PARIS, ils soulignent que, conformément à la Convention CLC de 1992, cette juridiction a écarté toutes responsabilités des sociétés du groupe TOTAL en leur qualité d'affréteur, appliquant à leur bénéfice l'immunité prévue au plan international.
S'il est entré en voie de condamnation à l'encontre de la seule société TOTAL SA, c'est à raison d'une activité que celle-ci n'exerçait pas lorsqu'elle avait souscrit son contrat d'assurance : son activité de vetting mise en place par TOTAL SA à partir de 1991. Ils soulignent qu'à cette époque, TOTAL SA a omis de mesurer les conséquences d'une telle activité sur son éventuelle responsabilité en cas de dommages en mer par hydrocarbure, de sorte qu'elle n'a pas veillé à étendre la garantie à de tels dommages.
C'est uniquement à raison de cette responsabilité en tant que société de vetting que le tribunal a également condamné TOTAL SA à verser aux victimes parties civiles, solidairement avec le propriétaire du navire, le gestionnaire et la société de classification du navire, la somme de 192.000.000 €.
Les assureurs examinent, ensuite, les contrats qui leur sont opposés.
Ils font valoir que les dommages à l'environnement dus au transport maritime d'hydrocarbure entrant dans le cadre de la CLC / FIPOL ne sont pas entrés dans le champ du contrat d'assurance puisque le système mis en place au plan international a canalisé les responsabilités sur le seul propriétaire de navire, qualité que TOTAL n'avait plus au moment ou le contrat d'assurance a été souscrit.
C'est ce qui explique la caractère limité de l'exclusion 27 qui figure au contrat ("Les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées aux transports maritime, garanties par TOVALOP et CRISTAL") dont la portée, estiment-ils, n'a pas été comprise par le premier juge.
Sans doute, cette référence aux plans TOVALOP et CRISTAL était elle anachronique en 1999, ce que TOTAL n'ignorait pas, à l'inverse des compagnies d'assurance mais les parties y ont néanmoins fait référence, ce qui veut dire que la clause dans cette rédaction permettait de délimiter le champ d'application de la garantie.
Cette clause 27 est rédigée comme suit : « par dérogation à toute stipulation contraire, sont seuls exclus des garanties du présent contrat : (…) 27 les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées aux transports maritimes, garanties par TOVALOP et CRISTAL ».
Elle permet de déterminer l'étendue de la garantie consentie, laquelle ne couvre pas les sinistres de pollution maritime par hydrocarbures du fait d'un transport maritime, pris en charge par ailleurs en application de conventions internationales ou des accords professionnels soit sans risque de recours, dans le cas des conventions CLC / FIPOL, de sorte que ces sinistres n'ont pas été soumis à la garantie de l'assureur, soit avec un risque de recours, dans le cas des accords TOVALOP / CRISTAL, mais que l'assureur a refusé de garantir, c'est la raison de l'exclusion 27.
C'est tout le sens de l'exclusion limitée aux atteintes garanties par TOVALOP et CRISTAL et ne visant pas celles garanties par le FIPOL.
Le système CLC / FIPOL canalisait sur le propriétaire de navire les responsabilités, excluant par la même d'autres éventuelles responsabilités, et TOTAL n'étant jamais propriétaire de navires, il n'a pas été fait référence au FIPOL dans la clause d'exclusion 27 ; il n'était pas nécessaire en effet d'exclure ce qui n'était pas entré dans le champ de la garantie.
Par contre les plans TOVALOP et CRISTAL qui n'avaient pas été créés par des conventions internationales mais par de simples accords professionnels, n'avaient pas, eux, créé d'immunité, de sorte que les acteurs de la filière et notamment les armateurs et / ou affréteurs restaient exposés à des recours en responsabilité. C'est ce qui explique l'exclusion des actions fondées sur les atteintes à l'environnement garanties par TOVALOP et CRISTAL, et qu'à l'inverse les atteintes couvertes par FIPOL ne sont pas exclues du contrat d'assurance.
C'est contre l'évidence que les sociétés du groupe TOTAL soutiennent que « cette clause d'exclusion qui fait expressément référence aux accords Tovalop et Cristal précise clairement et formellement que son champ d'application se limite aux seules et uniques conséquences pécuniaires de dommages relevant de ces accords », qu'« il est établi que les conséquences pécuniaires résultant du naufrage de l'Erika survenu le 12 décembre 1999 ne relèvent en aucun cas des accords Tovalop et Cristal qui, au demeurant, ne sont plus en vigueur depuis le 20 février 1997 » et qu'ainsi cette clause « cesse de s'appliquer de plein droit », étant « obsolète et privée de toute portée juridique ».
En effet, dès la souscription du contrat, et plus encore lors des renouvellement successifs, TOTAL savait que les accords professionnels TOVALOP et CRISTAL, étaient voués à la disparition (mais non leur mission) à la suite de l'élargissement des missions du FIPOL. (entrée en vigueur en 1996) qui a repris les domaines d'intervention des plans professionnels dissous.
La commune intention des parties, les règles d'interprétation des contrats des articles 1156 et suivants du code civil et la prise en compte de données historiques précédemment exposées permettent, selon les assureurs, de donner à la clause 27, le sens que les parties lui ont donné : ce qui est garanti sans recours possible par les conventions internationales, n'est pas couvert par le contrat d'assurance.
C'est en effet au moment de la souscription des garanties et en fonction de la commune intention des parties, à cette époque, qu'il convient de se placer pour rechercher les risques que l'assuré et l'assureur ont accepté de faire entrer dans le contrat d'assurance.
Dès lors, estiment les assureurs, les stipulations de police invoquées par les sociétés du groupe TOTAL écartent du périmètre de la garantie les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées aux transports maritimes (et eux seuls) dès lors que leurs conséquences financières relèvent de conventions internationales.
S'agissant des cas non-fortuits, le chapitre III du contrat d'assurance précise que le contrat a pour objet "d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés à des tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des cas fortuits (imprévus) qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant".
Cette condition posée par le contrat pour la mise en oeuvre de l'assurance des « atteintes à l'environnement » a pour objet d'écarter de la garantie certaines de ces atteintes, en raison des conditions de réalisation du risque assuré, et plus précisément du rôle joué par l'assuré dans la réalisation de ce risque.
Compte tenu de la décision du tribunal correctionnel de PARIS qui est entré en voie de condamnation à l'encontre de TOTAL SA, il n'apparaît pas, sous réserve de l'appel qui a été inscrit, que l'élément moral nécessaire avec la qualification pénale retenue, soit compatible avec le cas fortuit requis pour l'application du contrat d'assurance.
Le contrat d'assurance, comme la doctrine, assimile le « cas fortuit » au fait « imprévu », lequel est défini comme l'évènement « qu'il n'y avait aucune raison particulière de penser qu'il se produirait ».
Or, le principe même d'une condamnation pénale de TOTAL SA mais plus encore les motifs retenus par le tribunal qui fonde sa condamnation sur le fait que " le service vetting de la société devenue TOTAL SA n'avait pu ignorer qu'au moment de son acceptation, le navire était âgé de 23 ans, avait successivement porté 8 noms sous trois pavillons, ce qui laissait présumer plusieurs changements de propriétaire. Cette situation pouvait entraîner un risque de discontinuité dans l'entretien du navire. Le choix du mode d'affrètement à temps ou au voyage n'était pas neutre pour la sécurité de ce type de produit... " sont exclusifs de tout cas fortuit, imprévu.
Dans ces conditions et en l'état du jugement rendu le 16 janvier 2008, les conditions de la garantie ne sont pas réunies, les atteintes à l'environnement causées par le naufrage de l'ERIKA n'étant pas " consécutives à des cas fortuits (imprévus) ".
A titre subsidiaire, il serait nécessaire de surseoir à statuer, dans l'attente de la décision pénale définitive qui tranchera de la responsabilité des sociétés prévenues.
Sur la question de la protection juridique, les assureurs considèrent qu'en jugeant que les assureurs devaient leur garantie aux sociétés du groupe TOTAL au titre des frais de défense qu'ils ont engagés en jugeant que « le chapitre III des conditions particulières de la police précise que les frais engagés pour assurer la défense de l'assuré de toutes juridictions, commissions, instances arbitrales ainsi que le paiement de tous frais y afférents sont couverts », le tribunal de commerce de NANTERRE, par le jugement déféré, a méconnu la nature de cette clause.
Les stipulations du contrat concernant l'objet de l'assurance, au sein d'un CHAPITRE III, prévoient que « le présent contrat a pour objet : a) de garantir l'assuré contre les conséquences pécuniaires de sa Responsabilité, dans tous les cas où elle viendrait à être recherchée, en raison de dommages, pertes et / ou préjudices causés aux tiers. La garantie ainsi définie comprend notamment :- la responsabilité incombant à l'Assuré aux termes de toutes conventions, tous accords internationaux présents ou futurs ou concernant les activités garanties,- le remboursement à l'Assuré des frais raisonnablement engagés pour l'accomplissement de toutes opérations destinées à réduire le coût de dommages, pertes et / ou préjudices garantis par le présent contrat ou, qu'il y ait ou non réclamation d'un tiers, à en prévenir la réalisation, l'aggravation ou la propagation.

b) d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés aux tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des faits fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant. Sont garantis également les frais des opérations destinées à prévenir les dommages garantis ou à éviter l'aggravation des dommages garantis. c) d'assumer la défense de l'Assuré devant toutes juridictions, commissions, instances arbitrales, etc. ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépens y afférents. d) d'exercer à la demande de l'Assuré toutes actions contre les tiers responsables à la suite de dommages, pertes et / ou préjudices subis par l'Assuré, auraient relevé de la garantie du présent contrat. »

Contrairement aux prétentions des sociétés du groupe TOTAL, la garantie des frais de défense prévue au c du chapitre III « OBJET DE L'ASSURANCE DE LA POLICE » n'est nullement une assurance de protection juridique autonome des garanties Responsabilité Civile stipulées au contrat qui devrait alors répondre aux prescriptions de l'article L. 127-2 du code des assurances concernant la forme dans laquelle doit être stipulée une assurance spécifique de protection juridique, mais une clause de prise en charge des frais d'une défense dans l'intérêt commun de l'assuré et de l'assureur telle que prévue à l'article L. 127-6- 2o du code des assurances qui édicte que les dispositions concernant l'assurance de protection juridique « ne s'appliquent pas (…) 2o- à l'activité de l'assureur de responsabilité civile pour la défense ou la représentation de son assuré dans toutes procédures judiciaires ou administratives, lorsqu'elle s'exerce en même temps dans l'intérêt de l'assureur. ».
L'article L. 127-2 du code des assurances prévoit en effet que l'assurance de protection juridique doit faire l'objet d'un chapitre distinct dans lequel est précisé le contenu de cette assurance de protection juridique et la prime correspondant à cette garantie spécifique.
Or, la garantie défense stipulée au sein de l'avenant no 008 au contrat no 914. 182. 000 apparaît au sein des garanties " Responsabilité Civile " prévues au contrat, et absolument pas de façon distincte ; par ailleurs aucune prime n'est stipulée correspondant au coût de cette garantie défense.
A titre subsidiaire, les assureurs estime que s'il était jugé qu'ils devaient leur garantie aux intimées au titre de leurs frais de défense, le jugement attaqué ne devrait pas moins être réformé en ce qu'il a jugé que les intérêts dus par eux sur la somme en principal de 9. 146. 141 €, devaient commencer à courir le 20 décembre 1999 (date de déclaration du sinistre) et être capitalisés à compter du 08 août 2003 (date de l'assignation).
Tout d'abord en effet le plafond de garantie du contrat est de 9. 146. 141 € et non pas 9. 946. 941 € comme indiqué par erreur par les intimées.
Ensuite, aucun frais de défense n'avait été engagé par les intimées le 20 décembre 1999, soit 8 jours après le sinistre et la créance n'était donc pas encore née dans leur patrimoine, si bien qu'elle ne peut porter intérêt légaux à compter de cette date.
Ce n'est en effet qu'à compter de ses conclusions du 12 octobre 2005, que TOTAL fait valoir des frais de défense à hauteur d'un montant de 14. 245. 711 €.
En tout état de cause, les intérêts ne sauraient courir, au plus tôt, qu'à compter de l'assignation du 08 août 2003, sur la somme maximale de 8. 624. 292 €, et à compter des conclusions de TOTAL du 12 octobre 2005, sur la somme complémentaire.
Néanmoins, les intérêts ne peuvent courir à compter des dates précitées que pour autant qu'à ces dates, TOTAL ait effectivement subi les débours correspondant.
Bien évidemment, de ce seul fait, le jugement devra être réformé car à la date du 20 décembre 1999, TOTAL n'avait nullement exposé des frais équivalent au plein de sa garantie ; en définitive, les intérêts ne peuvent courir qu'à compter du moment où les deux conditions suivantes sont réunies, à savoir la date où TOTAL a effectivement réglé ces frais, et où elle a mis en demeure, par voie d'assignation puis de conclusions, les assureurs de la payer.
Quant à la capitalisation des intérêts, elle ne peut être due que lorsque les intérêts eux-mêmes seront dus pour une année entière, de sorte que les principes ci-dessus énoncés (point de départ au 08 août 2003 au plus tôt, et à la date effective d'engagement des frais au plus tard) auront bien évidemment une incidence sur l'application de l'article 1154 du code civil.
La capitalisation des intérêts sur la somme de 8. 624. 292 € n'est donc possible en l'espèce que sur les intérêts dus au plus tôt le 08 août 2004, et pour le surplus, qu'à compter du 12 octobre 2006.
En outre, les assureurs sollicitent, eu égard à leur bonne foi dans le cadre de cette affaire, que la cour fixe le départ des intérêts dus sur la somme en principale qui serait allouée par elle aux intimées en remboursement de ses frais de défense, à la date du prononcé de son arrêt à intervenir.
En outre, et toujours subsidiairement, les assurés font valoir que si la cour devait confirmer la mise en oeuvre des garanties d'assurance de responsabilité, elle ne pourrait prononcer de condamnation au bénéfice des sociétés intimées.
En effet, dans les contrats d'assurance de responsabilité, les tiers victimes disposent d'un droit propre à obtenir le bénéfice des garanties de sorte qu'en indemnisant directement son assuré, l'assureur encourt le risque d'avoir à régler deux fois.
Lorsque, comme en l'espèce, le plafond des garanties n'est pas suffisant pour indemniser l'ensemble des victimes, il doit être opéré une répartition au marc le franc entre chacune d'entre elles.
En l'espèce, non seulement, il est établi que les réclamations des victimes sont supérieures au montant du plafond de garantie du contrat d'assurance, mais au surplus de nombreuses procédures sont encore en cours de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer les modalités de répartition au marc le franc.
Par conséquent, si la cour devait entrer en voie de condamnation contre les assureurs, ils estiment qu'elle devrait alors ordonner la consignation des sommes garanties (soit le plafond sous déduction de la franchise) entre les mains du séquestre dans l'attente de l'issue de l'ensemble des procédures initiées par les victimes et avec mission de procéder, à l'issue de celles-ci à la répartition des fonds au marc le franc entre chacune des victimes disposant d'un droit contre les assurés.
Ainsi, les appelants demandent-ils le débouté des sociétés du groupe TOTAL de l'ensemble de leurs demandes, à titre subsidiaire, le sursis à statuer, dans l'attente de la décision pénale définitive qui tranchera de la responsabilité des sociétés prévenues.
Toujours subsidiairement, ils demandent à la cour de réformer le jugement attaqué en ce qui concerne le montant du plein de garantie, limité à 9. 146. 141, 03 €, et le point de départ des intérêts alloués aux sociétés du groupe TOTAL sur la somme de 9. 146. 141, 03 €, de fixer le point de départ des intérêts légaux à régler par les concluantes sur cette somme en principal, à la date de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, à la plus tardive des dates suivantes : paiement effectif des sommes par les intimées, et date de mise en demeure adressée aux assureurs par voie d'assignation du 08 août 2003 pour la somme de 8. 624. 292 €, et le 12 octobre 2005 pour le surplus, de dire que les intérêts ne pourront produire eux même intérêt que lorsqu'ils seront dus pour une année entière, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a ordonné le versement de la somme de 9. 146. 941, 03 € au bénéfice des sociétés du groupe TOTAL et de désigner un séquestre avec mission de recueillir les fonds et, à l'issue de l'ensemble des procédures initiées par les victimes et / ou le FIPOL de dresser un état des droits de chacun des tiers lésés et procéder à la répartition au marc le franc des fonds séquestrés au bénéfice de ces tiers.
Enfin, les assureurs demandent condamnation de chacune des sociétés intimées à payer au GAN, pris en sa qualité de compagnie apéritrice, la somme de 50. 000 € au titre des frais de toute nature exposés dans le cadre de la présente instance.
TOTAL SA, TOTAL France SA, TOTAL INTERNATIONAL LTD et TOTAL TRANSPORT CORPORATION LTD font valoir que la police 914 182 000 sur laquelle ces sociétés fondent leurs demandes s'inscrit dans le cadre d'un programme d'assurance ayant vocation à couvrir la responsabilité civile de l'ensemble des sociétés du groupe Total quelle que soit leurs activités ou la localisation de l'événement à l'origine du sinistre (terre, mer ou air).
Compte tenu de la vocation générale de ce programme conclu sous la forme « tous risques sauf », toute exclusion doit faire l'objet de dispositions contractuelles claires et précises. En effet, en matière d'assurance « tous risques sauf », tout ce qui n'est pas expressément exclu relève du champ des garanties couvertes par la police.
Les intimées rappellent que la police sur laquelle elles se fondent est une co-assurance dont le GAN est l'apériteur. Elle constituait à l'intérieur de ce programme d'assurance du groupe, une première ligne plafonnée à hauteur de 60. 000. 000 Frs (9. 146. 941, 03 €), couverture fonctionnant de manière autonome et selon les conditions contractuelles qui lui sont propres, par rapport aux autres lignes souscrites en excédent par TOTAL dans le cadre de ce programme, auprès d'autres compagnies ou mutuelles d'assurances.
Le domaine d'application de la police est particulièrement large qu'il s'agisse des entités assurées (« toutes entités à laquelle Total participe directement ou indirectement »), des activités assurées (« recherche, exploration, production, stockage, exploitation, raffinage, transformation, traitement, industrialisation, transport, commercialisation, distribution d'hydrocarbures sous toute leurs formes, etc. » « toutes les prestations de services nécessaires pour toutes activités entrant dans les secteurs ci-avant » et « toutes activités annexes, connexes, complémentaires et / ou accessoires se rapportant directement ou indirectement aux activités précédentes et effectuées dans l'intérêt de l'entreprise », des moyens de transport utilisés : « tous moyens de transport terrestres, aériens, fluviaux et maritimes » utilisés par TOTAL dans l'exercice de ses activités, de la couverture de risques de pollution qui englobe toutes les responsabilités encourues par les sociétés TOTAL en raison d'atteintes à l'environnement consécutive à des faits fortuits (imprévus), c'est-à-dire accidentels, causées aux tiers par ses activités, sans qu'il soit fait de distinction entre les pollutions terrestres ou maritimes.
Seuls sont exclus les risques de pollution résultant de l'activité d'exploitation et de production off-shore, de l'activité d'exploitation de tankers, hypothèses étrangères au sinistre de l'ERIKA qui n'était pas un tanker armé et exploité par TOTAL mais simplement affrété au voyage.
Cette exclusion se justifiait par le fait que pour les navires armés et exploités directement par TOTAL, la responsabilité civile est couverte par une mutuelle d'armateurs spécialisée, dénommée P and I Club et, bien entendu, les atteintes à l'environnement consécutives à des faits non fortuits ou accidentels, c'est-à-dire les rejets volontaires d'hydrocarbures qui constituent une cause spécifique et importante de pollution.
La police n'était ni spécifiquement terrestre ni maritime, distinction qui n'existe pas en matière d'assurance de responsabilité civile. Elle avait vocation à s'appliquer quelle que soit la localisation du fait générateur.
Pour les sociétés du groupe TOTAL, la police comporte quatre garanties distinctes et autonomes les unes par rapport aux autres : de responsabilité civile, de responsabilité civile en cas d'atteinte à l'environnement y compris le remboursement des mesures de nature à prévenir ou réduire le risque de pollution, des frais engagés par l'assuré pour se défendre devant toute juridiction et des frais liés aux recours en responsabilité dirigé par l'assuré contre des tiers.
Souscrite en 1991, la police a fait l'objet d'un avenant no8 prenant effet le 1er janvier 1999, soit près d'un an avant le sinistre de l'ERIKA.
Elle a été résiliée par le GAN le 30 avril 2000, conséquence d'une nouvelle politique de la compagnie.
Les sociétés du groupe TOTAL intimées estiment que les garanties accordées par la police ne se limitent pas aux seuls frais et honoraires de défense exposés par elles dans le cadre des procédures recherchant leur responsabilité civile à la suite du naufrage de l'ERIKA et considèrent être en droit de demander à leurs assureurs d'honorer, dans la limite des plafonds de couverture, l'ensemble des autres garanties accordées par la police, à savoir la garantie d'éventuelles condamnations prononcées à leur encontre à l'issue des procédures recherchant sa responsabilité et, en cas de condamnation, le remboursement des frais des opérations destinées à prévenir les dommages garantis ou à en éviter l'aggravation. Il s'agit essentiellement des frais, déjà engagés par TOTAL, de pompage de la cargaison restée dans l'épave du navire et de traitement des déchets ramassés à terre.
Elles soulignent cependant que la présente procédure concerne exclusivement les frais de défense qui, à eux seuls atteignent le plafond des garanties souscrites. Leur remboursement est dû par les assureurs du seul fait que la responsabilité civile des sociétés TOTAL a été recherchée par nombre de victimes de la pollution, les contraignant à se défendre, sans qu'il soit besoin d'établir que cette responsabilité ait été judiciairement prononcée.
Les frais de défense ont été exposés par les sociétés TOTAL dans le but de faire constater leur absence de responsabilité, dans l'intérêt commun de l'assuré et de son assureur responsabilité civile.
Ils sont liquides et constituent une créance immédiatement et certainement exigible à l'encontre des assureurs.
Pour contester l'application des garanties de remboursement des frais de défense de la police au sinistre de l'ERIKA, les assureurs soutiennent que la garantie prévue au chapitre III c de la police « d'assumer la défense de l'Assuré devant toutes juridictions, commissions, instances arbitrales, etc., ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépenses y afférents », ne serait que l'accessoire de la garantie de responsabilité civile qui forme l'objet principal du contrat.
Ce faisant, ils reconnaissent nécessairement que cette garantie de défense doit être assumée par eux, c'est-à-dire prise en charge, si la responsabilité de l'assuré est simplement recherchée au titre de l'une des responsabilités garanties par le contrat.
Aussi le débat qu'ils instaurent sur l'autonomie de la clause de garantie de défense n'est-il pertinent que s'ils démontrent que les multiples actions en justice dont les sociétés TOTAL ont été l'objet ne tendent pas à mettre en cause la responsabilité civile de celles-ci dans une activité ou pour un risque couverts (domaine d'application de la police) ou concernent un risque expressément exclu (clause d'exclusion).
Après avoir plaidé en première instance puis dans leurs premières écritures en appel que les conséquences du sinistre de l'ERIKA étaient exclues du champ d'application de la police par l'effet d'une clause d'exclusion spécifique (clause d'exclusion no 27), les assureurs soutiennent désormais aujourd'hui que les atteintes à l'environnement pour lesquelles la responsabilité de TOTAL « ne pouvait être recherchée » (en raison de l'intervention du FIPOL) n'entrent pas dans le champ des garanties de la police.
Sur ce dernier point, les sociétés du groupe TOTAL font valoir que la police constitue une « assurance des responsabilités » couvrant notamment mais expressément l'activité de transport maritime et donc nécessairement les responsabilités nées d'une faute dommageable d'un organe quelconque des entreprises assurées (à l'exclusion des fautes intentionnelles inassurables). Elle prévoit par ailleurs expressément que la responsabilité civile de l'assuré est couverte quelle que soit la localisation du fait générateur de cette responsabilité et accorde des garanties de responsabilité civile globales couvrant toutes les activités de toutes les sociétés du groupe Total.
Elle ne précise pas s'il s'agit d'une « police terrestre » ou d'une « police maritime », distinction qui n'a d'ailleurs aucun sens en assurance de responsabilité civile. Elle précise notamment que les garanties ont vocation à s'appliquer lorsque la responsabilité civile de l'assuré est encourue dans l'exercice de son activité de transport par « tous moyens de transports terrestres, aériens, fluviaux et maritimes » (avenant no 8, conditions particulières, Chap. II, B, 1. d, p. 11) et précise que « les garanties restent acquises à l'assuré en sa qualité d'affréteur de tout moyen de transport » (avenant no 8, conditions particulières, Chap. IV, p. 16).
Les sociétés du groupe TOTAL soulignent que les garanties de la police ont ainsi vocation à s'appliquer quelle que soit la localisation du fait générateur du sinistre (mer, terre ou air) dès lors que la responsabilité de TOTAL SA ou de ses filiales est encourue dans le cadre d'une activité assurée, quelle qu'elle soit.
Sont également couvertes, stipule la police « toutes les prestations de services nécessaires pour toutes activités entrant dans les secteurs ci-avant » et « toutes activités annexes, connexes, complémentaires et / ou accessoires se rapportant directement ou indirectement aux activités précédentes et effectuées dans l'intérêt de l'entreprise » ce qui inclut manifestement l'activité de « vetting » des navires affrétés par les sociétés TOTAL, activité au demeurant inhérente à l'affrètement des navires. A ce titre, les assureurs ont reconnu dans le corps de la police avoir une connaissance suffisante des risques mis à leur charge et renoncé à se prévaloir d'une non-dénomination quelconque d'une activité exercée par les sociétés TOTAL (avenant no 8, Chap. II Activités garanties, p. 12).

La responsabilité des sociétés TOTAL dans le sinistre de l'ERIKA est manifestement couverte au titre de la police dès lors que sont notamment assurées les responsabilités encourues par TRD en tant que producteur / vendeur du fuel contenu dans le navire (« production, raffinage, commercialisation »), TIL en tant qu'acquéreur et propriétaire de la cargaison (« commercialisation »), TPS en tant que mandataire de TIL et TTC, TOTAL SA en sa qualité de société mère, au titre de l'ensemble des activités de groupe y compris ses activités de « vetting », activité annexe, connexe, complémentaire et accessoire à l'affrètement, pour lesquelles elle a été déclarée coupable du délit de pollution et responsable des dommages civils résultant de la pollution, par le jugement du 16 janvier 2008, pour avoir imprudemment accepté au travers de son « vetting », le navire ERIKA, comme susceptible d'être affrété au voyage pour le transport de ses cargaisons, TTC au titre de son activité de transport maritime d'hydrocarbures par navire affrété qui constitue incontestablement une activité couverte par la police (« transport par moyens maritimes »).
La police précise d'ailleurs expressément que « les garanties du présent contrat restent acquises à l'assuré en sa qualité d'affréteur de tous moyens de transport » (avenant no 8, conditions particulières, Chap. IV, § 6 p. 16).
Elle couvre aussi les responsabilités encourues en raison d'atteintes à l'environnement dans le cadre d'une opération de transport maritime d'hydrocarbures effectuée pour le compte de l'une ou plusieurs sociétés du groupe, l'avenant no 8, conditions particulières, Chapitre III b, p. 14) stipulant expressément avoir pour objet « b- d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés aux tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des faits fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant. »

généralité de la couverture s'oppose à ce que l'on puisse induire de la police (ou de l'intention des parties) et cela en dehors de toute discussion sur la portée de la clause d'exclusion no 27, une non-garantie des pollutions d'origine maritime.
La
L'immunité dont pourraient bénéficier certaines sociétés du groupe TOTAL - qui ne concerne, en réalité, que TTC - n'a pas pour effet d'écarter l'application des garanties.
La garantie couvre, par ailleurs, les pollutions consécutives à des faits fortuits. En limitant son application aux pollutions consécutives à des " faits fortuits ", la police vise expressément la pollution accidentelle couverte, par opposition au rejet volontaire d'hydrocarbures non couvert. Ces deux catégories de pollution sont clairement distinguées par les textes en vigueur qui leur réservent un régime et des sanctions spécifiques.
Le naufrage de l'ERIKA est un évènement accidentel et est donc bien un fait fortuit au sens de la police (les termes " accidentel " et " fortuit " étant utilisés indifféremment dans les polices d'assurance et s'opposant à celui de " fait intentionnel ").
Surtout, l'interprétation par les assureurs de la garantie atteinte à l'environnement offerte par la police a pour effet d'en restreindre considérablement le champ d'application et ce, au mépris des dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances.
Aux termes de cette disposition, dont on rappellera qu'elle est d'ordre public en ce sens qu'elle n'est pas modifiable par convention des parties, l'assurance de responsabilité civile a pour objet de garantir « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré ».
Il n'y a par ailleurs, soulèvent les sociétés du groupe TOTAL, aucune exclusion de garantie qui puisse s'appliquer au sinistre pour lesquelles demandent couverture des assureurs.
S'agissant en particulier de la clause d'exclusion no 27 de la police, elles rappellent en premier lieu que l'article L. 113-1 du code des assurances, dont les exigences sont d'ordre public, subordonne la validité d'une clause d'exclusion à son caractère formel et limité, imposant notamment que celle-ci fasse référence à « des faits ou circonstances définis avec précision de telle sorte que l'assuré puisse connaître très exactement l'étendue de ses garanties ».
Or les conséquences pécuniaires résultant du naufrage de l'ERIKA ne relèvent en aucun cas des accords TOVALOP et CRISTAL qui, au demeurant, ne sont plus en vigueur depuis le 20 février 1997.
La requalification de la clause d'exclusion en clause définissant le risque assuré n'est par ailleurs pas opérante en l'espèce. Elle ne serait concevable que si le contenu de la clause considérée ne contredisait ou ne limitait pas les garanties accordées par la police.
La clause n'exclut pas, par ailleurs, les activités maritimes du champ d'application de la police, non plus que les conséquences pécuniaires résultant d'une atteinte à l'environnement maritime bénéficiant d'un dispositif institutionnel d'indemnisation des victimes.
L'application des garanties de la police n'est, par ailleurs, nullement subordonnée à une condamnation de l'assuré. L'article L. 124-1 du code des assurances, dans sa version en vigueur à la date du sinistre de l'ERIKA, disposait que dans les assurances de responsabilité, l'assureur est tenu à garantie lorsqu'à la suite d'un fait dommageable, une réclamation amiable ou judiciaire a été faite à l'assuré par le tiers lésé.
Quant au § 1 du Chapitre VI « DUREE DE LA GARANTIE » (p. 22) ; il stipule de la même manière que « les garanties du présent contrat s'appliquent aux réclamations formulées à l'assuré ».
En ce sens également, la police prévoit expressément que l'assuré est garanti « dans tous les cas où sa responsabilité serait recherchée » sans autre condition.
Les garanties sont ainsi applicables, même en l'absence de condamnation, dès lors que l'assuré fait l'objet d'une réclamation, que celle-ci soit ou non fondée. Aussi la demande de sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive est-elle, considèrent les intimées, irrecevable.
S'agissant de la garantie défense, les sociétés du groupe TOTAL font valoir que le paragraphe c du chapitre III des conditions particulières de la Police précise que l'objet de la garantie est « d'assumer la défense de l'assuré devant toutes juridictions, commissions, instances arbitrales, etc., ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépens y afférents ».
La cour considèrerait-elle que la responsabilité des sociétés du groupe TOTAL ne serait pas couverte par la police qu'elle n'en ferait pas moins droit à la demande, la garantie défense souscrite par TOTAL étant en tout état de cause une garantie autonome qui ne dépend pas de la mise en oeuvre préalable des garanties de responsabilité civile stipulées par ailleurs au contrat.
La police prévoit en effet que tous les frais exposés dans le cadre de la défense des sociétés TOTAL sont garantis, les termes de la troisième garantie (c) du Chapitre III de la police indiquant en effet, sans restriction ni condition que la garantie s'applique à tous les frais exposés dans le cadre de la défense de l'assuré devant toute juridiction. Elle porte donc sur un risque spécifique, autonome et déconnecté de la responsabilité ou d'un risque de responsabilité de l'assuré.
Sur le quantum de la demande, les sociétés du groupe TOTAL produisent aux débats quatre notes de synthèses établies par la société FIME concernant d'une part, les frais exposés en matière de lutte contre la pollution et d'autre part, les frais de défense exposés dans le cadre des multiples procédures judiciaires initiées à leur encontre consécutivement au naufrage de l'ERIKA et enfin une note sur les frais de défense liée à la présente les opposant au GAN et autres.
Sur le premier point, les sommes exposées se montent à 176. 472. 786 € qui se répartissent en trois postes (neutralisation de la cargaison, nettoyage des côtes et traitement des déchets hydrocarburés provenant de la pollution).
Sur le deuxième point, le montant total des frais de défense engagés par les sociétés Total s'élève à la somme de 15. 193. 815 €, sauf à parfaire, ces frais devant augmenter, des poursuites demeurant en cours.
Les sociétés intimées demandent à la cour la condamnation in solidum des assureurs à leur payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 155. 412, 76 € pour les frais irrépétibles exposés par elles en première instance et en cause d'appel. Elles versent sur ce point un décompte détaillé.
Enfin elles sollicitent, sur le fondement des articles 1147 et 1153 du code civil, pour indemniser le préjudice résultant des manquements des assureurs à l'obligation de bonne foi dans l'exécution de la police traduite par une résistance abusive, notamment en multipliant les exceptions en première instance opposée à des fins exclusivement dilatoires et en persistant à dénaturer les termes clairs de la police en cause d'appel.
L'allocation de dommages et intérêts se justifie d'autant plus selon elles qu'en l'espèce les assureurs n'ont adopté une position rigide de rejet de couverture qu'après avoir décidé de ne pas renouveler la police avec TOTAL et de se retirer du marché des grands risques.
Aussi de ce chef sollicitent-elles la condamnation des assureurs à leur payer la somme de 30. 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive dans l'application des garanties.
Sur les intérêts légaux, les sociétés du groupe TOTAL rappellent que dès le 12 décembre 1999 elles ont réuni une cellule de crise, notamment composée d'avocats, dont le rôle était d'assister et conseillers les sociétés TOTAL dans le cadre de ce sinistre et mettre en place le suivi juridique de celui-ci.
Les 15 et 16 décembre, elles mettaient par ailleurs en oeuvre des procédures, notamment pour obtenir la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission, notamment, de retracer les opérations de chargement, d'examiner les conditions de navigation depuis le port de chargement jusqu'à l'incident, de déterminer les circonstances de l'incident et ses suites immédiates, de retracer l'état technique du navire, et à cet effet, de se faire remettre tout document, de décrire les causes du sinistre et plus généralement, de rassembler tous les éléments utiles tant sur le plan technique que sur le plan nautique.
Ainsi, dès avant la déclaration de sinistre notifiée aux assureurs le 20 décembre 1999, elles avaient d'ores et déjà exposés des frais de défense pour faire valoir leurs intérêts au titre du sinistre de l'ERIKA. Par ailleurs, c'est bien à cette date que les sociétés du groupe TOTAL ont demandé aux assureurs le bénéfice des garanties de la police et partant la prise en charge des frais de défense consécutifs au naufrage de l'ERIKA. Ainsi, c'est à compter de la déclaration de sinistre que l'obligation des assureurs de mobiliser les garanties de la police et de prendre en charge les frais de défense des sociétés Total est née dans le patrimoine de ces dernières.

En conséquence, la déclaration de sinistre régularisée le 20 décembre 1999 vaut sommation au sens de l'article 1153 du code civil pour les assureurs de prendre en charge le sinistre au titre des garanties de la police et de payer les frais de défense exposés par les sociétés TOTAL.
En tout état de cause, le point de départ des intérêts légaux ne pourrait être fixé après le 18 octobre 2001, date à laquelle les sociétés du groupe TOTAL, via AON, ont formellement interpellé par courrier recommandé avec accusé de réception les assureurs aux fins de mobiliser les garanties de la police et de couvrir leurs frais de défense et ce, conformément à l'article 1153 du code civil.
Quant à la capitalisation des intérêts légaux, elles demandent qu'elle soit ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du code civil, soit à compter du 30 juillet 2003 date de la demande en justice.
SUR CE LA COUR
Attendu que selon l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il en résulte qu'il n'est pas permis au juge, lorsque les termes d'une convention sont clairs et précis d'en dénaturer, sous couleurs d'interprétation, les obligations qui en découlent ;
Attendu que l'avenant no 8 du contrat d'assurances sur lequel sont fondées les demandes formées à l'encontre des assureurs a été souscrit auprès du GAN, de WINTHERTHUR, des AGF et d'AIG EUROPE (sociétés appelantes ou aux droits desquelles sont les appelantes), par TOTALFINA SA, aux droits de laquelle se trouve TOTAL SA, anciennement dénommée TOTAL FINA ELF SA, cette société ayant souscrit ladite police à son bénéfice et à celui de ses filiales, dont les sociétés intimées ;
Attendu que ce contrat a pour objet, selon le chapitre III (« objet de l'assurance »), « a) de garantir l'Assuré contre les conséquences pécuniaires de sa Responsabilité, dans tous les cas où elle viendrait à être recherchée, en raison de dommages, pertes et / ou préjudices causés aux tiers » ; que cette stipulation poursuit que « la garantie ainsi définie comprend notamment : la responsabilité incombant à l'Assuré aux termes de toutes conventions, tous accords internationaux présents ou futurs et concernant les activités garanties ; b) d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement, c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés aux tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des faits fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant. Sont également garantis les frais des opérations destinées à prévenir les dommages garantis ou à éviter l'aggravation des dommages garantis ; c) d'assumer la défense de l'Assuré devant toutes les juridictions, commissions, instances arbitrales, etc … ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépens y afférents (…) » ;
Attendu que ce même avenant prévoit en son chapitre IV (« risques exclus ») que « par dérogation à toute stipulation contraire, sont seuls exclus des garanties du présent contrat : (…) 27 les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées aux transports maritimes, garanties par Tovalop et Cristal » ;
Attendu que, comme exposé liminairement, le 12 décembre 1999, le navire ERIKA qui battait pavillon maltais et qui transportait une cargaison d'environ 30 000 tonnes de fuel-oil lourd était pris dans la tempête et se brisait en deux puis sombrait dans les circonstances précédemment rappelées ; que ce naufrage entraînait une pollution majeure des littoraux breton et vendéen ;
Attendu que diverses sociétés du groupe TOTAL voyaient, leur responsabilité recherchée consécutivement à cette pollution ; que dès le 20 décembre 1999, les sociétés du groupe TOTAL ont déclaré régulièrement ce sinistre auprès des assureurs afin d'obtenir la garantie des responsabilités éventuellement encourues par elles en raison de ce sinistre et, en tout état de cause, la couverture des frais de défense exposés lors des procédures visant ou qui viseraient, directement ou indirectement, à établir leur responsabilité.

que le tribunal correctionnel de PARIS a, par jugement en date du 16 janvier 2008, déclaré TOTAL SA coupable de pollution et l'a condamnée à des réparations civiles, dans les termes préalablement exposés ; que, pour retenir cette responsabilité, cette juridiction s'est fondée sur le fait que TOTAL SA avait commis une faute d'imprudence en acceptant l'ERIKA pour l'affrètement à l'occasion de l'évaluation de sa qualité globale (« vetting ») qu'elle avait effectuée, malgré les circonstances qu'il énumère et dont il relève que, considérées ensemble elles auraient dû « être regardées définitivement comme rédhibitoires pour l'acheminement de cargaisons aussi polluantes que les produits pétroliers dits produits noirs, tels que du fuel oil no 2 » ;
Attendu
Attendu que, lors de la souscription de l'avenant no 8 du contrat d'assurance destiné à prendre effet au 1er janvier 1999, le système de responsabilité et d'indemnisation des pollutions maritimes par hydrocarbures était régi par la Convention du 20 novembre 1992 et le protocole du 27 novembre 1992, entrés en vigueur le 30 mai 1996 qui instaure un régime de responsabilité et d'indemnisation centré sur l'armateur ;
Attendu qu'au demeurant, et comme le soulignent les assureurs, immédiatement après le naufrage de l'ERIKA, TOTAL FINA, dans une note d'information du 24 décembre 1999, exposait effectivement, expressément, que seul l'armateur du navire « est considéré comme le pollueur et doit en assumer les responsabilités », TOTAL FINA n'assumant pour sa part qu'un « engagement moral de solidarité » et annonçant des mesures prises pour fournir l'assistance à la lutte contre la pollution ;
Attendu par ailleurs que l'article III 4 de la CLC de 1992 stipule effectivement qu'« aucune demande de réparation de dommage par pollution, qu'elle soit ou non fondée sur la présente Convention, ne peut être introduite contre tout affréteur, armateur ou armateur-gérant du navire, à moins que le dommage ne résulte de leur fait ou de leur omission personnelle commis avec l'intention de causer un tel dommage ou commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement » ;
Attendu que l'on ne saurait cependant, comme le font les assureurs, inférer de l'ensemble de ces éléments que, du fait de ce « contexte de croyance des compagnies pétrolières en l'absence de risque de voir leur responsabilité engagée », la souscription, par le groupe TOTAL, des garanties d'assurance devrait être interprétée comme ayant exclu du champ de l'assurance les conséquences pécuniaires des pollutions maritimes d'origine accidentelle au motif qu'« il n'existait pas d'intérêt d'assurance pour TOTAL SA et ni pour aucune des sociétés du groupe, à assurer un risque auquel, elles n'étaient pas exposées » ;
Attendu en effet que le contrat, loin d'énumérer les risques assurés est un contrat d'assurance de tous les risques afférents aux activités déclarées par TOTALFINA comme exercées par ses filiales et elle-même ;
Attendu ainsi que le chapitre III (« objet de l'assurance ») stipule que « le présent contrat a pour objet : a) de garantir l'Assuré contre les conséquences pécuniaires de sa Responsabilité, dans tous les cas où elle viendrait à être recherchée, en raison de dommages, pertes et / ou préjudices causés aux tiers ; b) d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés aux tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des faits fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant. Sont également garantis les frais des opérations destinées à prévenir les dommages garantis ou à éviter l'aggravation des dommages garantis ; c) d'assumer la défense de l'Assuré devant toutes les juridictions, commissions, instances arbitrales, etc., ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépens y afférents (…) » ;
Attendu par ailleurs que l'environnement juridique de l'activité de transport de produits pétroliers par mer doit d'autant moins être considéré comme ayant conduit TOTALFINA, lors de la souscription de l'assurance, à exclure cette activité du champ de l'assurance que si, pour reprendre les conclusions des assureurs, « dans le contexte des années 1990 », les conventions internationales avaient effectivement « concentré les responsabilités sur le propriétaire » du navire, ce contexte était, comme cela résulte de l'historique de la question présenté par les assureurs eux-mêmes dans leurs conclusions, le résultat d'une évolution très rapide dudit environnement juridique, à la suite du naufrage, en 1967, du pétrolier TORREY-CANYON, évolution dont rien ne permettait de considérer-au contraire-qu'elle fut achevée ;
Attendu en effet que les assureurs précisent eux-mêmes, dans leurs conclusions, que « les compagnies pétrolières, pour assurer le transport maritime international de leurs produits, n'ont à compter des années 1990 conservé que la qualité d'affréteur, leur permettant ainsi de bénéficier de l'immunité ; de la sorte, elles évitaient tous risques de mise en oeuvre de leur responsabilité en cas de dommages de pollution en cours de transport » ;
Attendu que les assureurs ajoutent que « des auteurs » - ils citent A. VIALARD - « ont dénoncé à cet égard l'irresponsabilité organisée des propriétaires de navires citernes » et encore le fait que « le montage pour l'affrètement au voyage de l'Erika montre à quel point il peut être difficile d'identifier le propriétaire réel d'un navire caché derrière des sociétés écrans et combien l'idée même de commodité dans le choix du propriétaire du navire comme titulaire de la responsabilité peut être éloignée de l'idée que pouvait en avoir les rédacteurs de la convention de 1969 » ;
Attendu que, dans de pareilles conditions, une évolution de l'environnement juridique de la responsabilité des dommages dûs à une pollution par déversement fortuit, en mer, d'hydrocarbures ou, à tout le moins, un « contournement » des règles existantes, pour reprendre ici encore l'expression employée par les assureur était parfaitement prévisible ;
Attendu dès lors que la thèse des appelantes, selon laquelle il conviendrait de se placer « dans le contexte des années 1990 » pour « interpréter » le contrat d'assurance - et implicitement d'estimer que les parties, et notamment les sociétés pétrolières considéraient ce contexte comme définitivement figé (ou du moins comme figé au moins durant la durée d'application du contrat d'assurance) - est parfaitement factice et irréaliste ;
Attendu d'ailleurs que la cour relève surabondamment (ce point n'étant pas discuté par les parties) que le chapitre III (Objet de l'assurance) qui stipule que « la garantie ainsi définie comprend notamment : la responsabilité incombant à l'Assuré aux termes de toutes conventions, tous accords internationaux » se poursuit par les termes suivant : « présents ou futurs et concernant les activités garanties » ;
Attendu que ces dernières stipulations montrent, elles encore, que l'on ne saurait considérer que TOTALFINA aurait, lorsqu'elle a souscrit la police dont mise en oeuvre est sollicitée, entendu exclure du champ de la garantie des risques à l'abri desquels elle se serait sentie, à l'époque de la souscription, du fait du contexte juridique du moment, tel qu'il résultait des conventions internationales, voire de ces conventions et d'accords professionnels, puisqu'au contraire l'évolution des conventions ou accords internationaux régissant ce domaine est expressément prévue ;
Attendu enfin que, loin de permettre ce que les assureurs qualifient de l'interprétation du contrat qu'ils entendent faire donner à la police - qui serait en réalité une dénaturation de ses clauses claires et précises -, l'existence de la clause 27 du chapitre IV (« risques exclus ») selon laquelle « par dérogation à toute stipulation contraire, sont seuls exclus des garanties du présent contrat : (…) 27 les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées aux transports maritimes, garanties par Tovalop et Cristal », confirme que si certains des risques liés au transport des hydrocarbures par mer étaient expressément exclus de l'assurance, c'est bien en raison du fait que les autres risques liés à cette activité étaient compris dans le champ de la police ;
Attendu par ailleurs qu'aucun élément ne permet de considérer que cette clause devrait avoir pour effet de déterminer le caractère terrestre de la garantie et d'en exclure, de manière générale, tout caractère maritime ; que, comme le font observer les sociétés du groupe TOTAL, une telle « interprétation » de cette clause conduirait nécessairement à la priver du caractère limité que doivent, par application de l'article L113-1 du code des assurances avoir toutes exclusions ce qui, par voie de conséquence, conduirait à en exclure toute possibilité d'application ;
Attendu, s'agissant des activités déclarées par TOTALFINA, que les assureurs font valoir que cette société n'aurait pas déclaré l'activité d'évaluation de la qualité globale des navires affrétés (« vetting »), activité à l'occasion de laquelle elle a commis les fautes d'imprudences qui lui ont valu condamnation pour pollution par le tribunal correctionnel de PARIS, la pratique du « vetting », n'existant pas encore à l'époque de souscription du contrat et le groupe TOTAL ayant omis d'en envisager les conséquences et de l'assurer lorsqu'il l'a pratiquée de sorte que le contrat d'assurance de responsabilité civile no 914 182 000 se serait formé, puis aurait été reconduit, en écartant le risque, de responsabilité du fait des dommages de pollution de mer par hydrocarbures pris en charge par la Convention CLC / FIPOL ;
Attendu cependant que le chapitre II (« Déclarations »), mentionne sous la rubrique A (Activités garanties) « l'Assuré déclare exercer les activités suivantes : Recherche, Exploration, production, stockage, exploitation, raffinage, transformation, traitement, industrialisation, transport, dépotage, enfûtage, avitaillement, manutention, commercialisation, distribution d'hydrocarbures sous toutes lerus formes (…) Et toutes activités annexes, connexes, complémentaires et / ou accessoires (…) se rapportant directement ou indirectement aux activités précédentes et effectuées dans l'intérêt de l'entreprise » ;
Attendu que ce même chapitre mentionne, sous la rubrique B (Moyens utilisés par l'assuré) précise que « l'Assuré déclare : qu'il utilise tous moyens de transport terrestres, aériens, fluviaux et maritimes ; le tout dont il serait propriétaire, locataire, concessionnaire, détenteur, utilisateur à un titre quelconque » ;
Attendu que ces seules déclarations suffiraient à inclure dans le champ des activités garanties celle de « vetting », d'autant que les activités exercées par les sociétés pétrolières doivent s'adapter de façon constante à la mouvance de leur environnement, eu égard au fait que la recherche et l'exploitation pétrolière sont des activités par nature évolutives compte tenu tant de l'évolution des techniques que de la raréfaction de la matière première ;
Attendu au surplus que le chapitre II (« Déclarations ») de l'avenant no 8 du contrat d'assurance s'achève par la mention « l'Assureur reconnaît que les déclarations ci-avant lui donnent une connaissance suffisante des risques mis à sa charge aux termes du présent contrat. En conséquence, il renonce à se prévaloir d'une non-dénomination quelconque » ;
Attendu qu'il résulte de ces éléments que l'absence, dans les déclarations d'activités exercées par les sociétés du groupe TOTAL, de mention expresse du « vetting » ne saurait conduire à considérer que cette activité n'aurait pas été incluse dans le champ de l'assurance ;
Attendu, qu'il n'est pas contesté que le naufrage de l'ERIKA et ses conséquences ne rentrent pas dans le champ d'application du chapitre IV (« Risques exclus »), clause 27 de l'avenant no8 du contrat d'assurance, selon laquelle « par dérogation à toute stipulation contraire, sont seuls exclus des garanties du présent contrat : (…) 27 les conséquences pécuniaires d'atteintes à l'environnement liées aux transports maritimes, garanties par Tovalop et Cristal » ; qu'en toute hypothèse les garanties TOVALOP et CRISTAL (dont, lors de la signature de l'avenant les assureurs, professionnels des risques, ne pouvaient ignorer la teneur, l'historique et la durée d'application) n'étaient plus en cours à la date des faits ;
Attendu, sur la « non-garantie des cas fortuits », que les assureurs font valoir que le chapitre III du contrat d'assurance précise que le contrat a pour objet « b- d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés au tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des cas (sic, dans les conclusions des assureurs) fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant » ;
Attendu qu'ils font valoir qu'il en résulte, aux termes de leurs conclusions, que sont écartées de la garantie certaines des atteintes à l'environnement « en raison des conditions de réalisation du risque assuré, et plus précisément du rôle joué par l'assuré dans la réalisation du risque » ;
Attendu que les assureurs ajoutent que « compte tenu de la décision du tribunal correctionnel de Paris qui est entré en voie de condamnation à l'encontre de TOTAL SA, il n'apparaît pas, sous réserve de l'appel qui a été inscrit, que l'élément moral nécessaire avec la qualification pénale retenue, soit compatible avec le cas fortuit requis pour l'application du contrat d'assurance dès lors que sont exclusifs de tout cas fortuit ou fait imprévu « le principe même d'une condamnation pénale de TOTAL SA mais plus encore les motifs retenus par le tribunal (…) (qui) fonde sa condamnation sur le fait que le service vetting de la société devenue TOTAL SA n'avait pu ignorer qu'au moment de son acceptation, le navire était âgé de 23 ans, avait successivement porté 8 noms sous trois pavillons, ce qui laissait présumer plusieurs changements de propriétaire. Cette situation pouvait entraîner un risque de discontinuité dans l'entretien du navire. Le choix du mode d'affrètement à temps ou au voyage n'était pas neutre pour la sécurité de ce type de produit... » et que « si la prise de risque inhérente au transport maritime est, par nature, admissible, elle cesse de l'être et devient une faute d'imprudence, lorsque, aux périls résultant des conditions de navigation d'un pétrolier, fût-il muni de tous ses certificats, s'ajoutent d'autres dangers... circonstances clairement identifiées dès l'époque de l'acceptation de l'ERIKA à l'affrètement par le service vetting de la société devenue TOTAL SA, pour avoir, chacune, de réelles incidences sur la sécurité » ;
Attendu que les assureurs appelants en concluent que, « dans ces conditions et en l'état du jugement rendu par le tribunal correctionnel de PARIS le 16 janvier 2008, les conditions de la garantie ne sont pas réunies, les atteintes à l'environnement causées par le naufrage de l'ERIKA n'étant pas " consécutives à des cas fortuits (imprévus) " ce qui justifie de plus fort l'infirmation du jugement entrepris » et leur mise hors de cause ;
Attendu cependant que, contrairement aux prétentions des assureurs, la police vise, en limitant son application aux pollutions consécutives à des " faits fortuits " (termes employés dans le contrat et non « cas fortuits », comme indiqué dans les conclusions des assureurs), la pollution accidentelle, couverte par l'assurance, par opposition au rejet volontaire d'hydrocarbures (nettoyage des cuves en mer) qui, lui, n'est pas couvert ;
Attendu que, comme le soulignent les sociétés du groupe TOTAL, le naufrage de l'ERIKA est à l'évidence un évènement qui ressortit de la première catégorie ;
Attendu par ailleurs, et contrairement à ce que soutiennent les assureurs, que TOTAL SA n'a pas été condamné " pour faute caractérisée et consciente " mais pour simple négligence et imprudence du responsable de son service « vetting » ;
Attendu que, selon les dispositions du premier alinéa de l'article L113-1 du code des assurances, « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police » ; que ce texte, non plus que l'alinéa suivant, ne font nulle distinction, entre les fautes pénales et les fautes seulement civiles ; que dès lors, la condamnation pénale de TOTAL SA pour une faute d'imprudence ne saurait faire obstacle, en son principe, à la mise en oeuvre de la garantie souscrite par elle ;
Attendu dans ces conditions qu'il ne saurait sur ce point être fait droit à l'appel des assureurs ni dans leur demande principale tendant à voir dire que les garanties du contrat ne jouent pas, ni dans leur demande subsidiaire tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision pénale définitive, dans la mesure où ladite décision sera indifférente à la solution de l'actuel litige dès lors que, quelle que puisse être la décision qui sera en définitive rendue sur la responsabilité des sociétés du groupe TOTAL pour la pollution consécutive au naufrage du navire ERIKA, il n'en demeure pas moins que la responsabilité de ces sociétés aura été « recherchée », seule exigence posée par le chapitre III (objet de l'assurance) de l'avenant no 8 à la police no 914 182 000 souscrite par TOTALFINA ;
Attendu que cette dernière demande sera déclarée non pas irrecevable, comme les sociétés du groupe TOTAL font valoir qu'elle serait, mais non fondée ;
Attendu dans ces conditions, et sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré du caractère autonome ou subordonné de la garantie protection juridique - moyen devenu sans portée du moins pour l'examen de cette question -, qu'il y a lieu de dire que les sociétés du groupe TOTAL sont bien fondées à demander la mise en oeuvre de la garantie souscrite par TOTALFINA au terme de la police no 914 182 000 et de son avenant no 8 pour ceux des frais qu'elle a dû engager pour assumer sa défense et celle des sociétés de son groupe dont la responsabilité était mise en cause ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépens y afférents ;
Attendu cependant que les assureurs font par ailleurs valoir, subsidiairement, qu'il y aurait lieu de réformer le jugement quant au quantum de la condamnation prononcée, quant au point de départ des intérêts légaux et à celui de l'anatocisme ; qu'ils estiment qu'aucun frais de défense n'avait été engagé par les intimées le 20 décembre 1999 (soit huit jours après le sinistre) et que la créance n'était donc pas encore née dans leur patrimoine, si bien qu'elle ne peut porter intérêt légaux à compter de cette date ; que ce n'est en effet qu'à compter de ses conclusions du 12 octobre 2005, que TOTAL SA a fait valoir des frais de défense à hauteur d'un montant de 14. 245. 711 € ;
Attendu que les assureurs considèrent en conséquence qu'en aucun cas les intérêts (capitalisés ou non) ne peuvent courir à compter du 08 août 2003 sur la somme totale de 9. 146. 141 € ;
Attendu que, pour faire écarter ces prétentions, les sociétés du groupe TOTAL soulignent qu'elles ont réuni une cellule de crise, notamment composée d'avocats dont le rôle était de les assister et de les conseiller, pour gérer les évènements consécutifs au naufrage de l'ERIKA ;

qu'elles exposent qu'en outre, Total Raffinage Distribution SA (aujourd'hui dénommée Total France SA) et TIL ont fait délivrer les 15 et 16 décembre 1999 (soit avant la déclaration de sinistre), une assignation en référé par devant le tribunal de commerce de DUNKERQUE, à l'encontre de Tevere Shipping Co Ltd (propriétaire du navire), Pan Ship Management Services SRL (Manager technique), et du Steamship Mutual Underwriting Association Bermudas Ltd (P and I Club) afin d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire ayant pour mission, notamment, de retracer les opérations de chargement, d'examiner les conditions de navigation depuis le port de chargement jusqu'à l'incident, de déterminer les circonstances de l'incident et ses suites immédiates, de retracer l'état technique du navire, et à cet effet, de se faire remettre tout document, de décrire les causes du sinistre et plus généralement, de rassembler tous les éléments utiles tant sur le plan technique que sur le plan nautique ;
Attendu
Attendu que les sociétés du groupe TOTAL ajoutent que de même, Tevere Shipping Ltd et Selmont International Inc (affréteur à temps) ont fait délivrer une assignation enregistrée auprès de la Cour de Londres, Queen's Bench Division, le 15 décembre 1999, qui a été signifiée aux sociétés TIL, Total Transport Corporation, Total Raffinage distribution SA, afin d'obtenir du juge anglais une décision aux termes de laquelle ce dernier se déclarerait d'avance compétent sur le fondement de la clause de juridiction convenue dans la charte partie en date du 26 novembre 1999, entre Selmont International et Total Transport Corporation, pour statuer sur toute demande au fond présentée par les ayants droits à la cargaison ;
Attendu que ces sociétés précisent qu'elles ont demandé aux assureurs le bénéfice des garanties de la police - et partant la prise en charge des frais de défense consécutifs au naufrage de l'Erika - par une déclaration de sinistre régularisée le 20 décembre 1999, laquelle vaut sommation au sens de l'article 1153 du code civil, de prise en charge du sinistre au titre des garanties de la police et de payer les frais de défense exposés par elles ;
Attendu que les sociétés du groupe TOTAL en déduisent que les éléments qui viennent d'être exposés démontrent que préalablement à cette déclaration de sinistre, elles avaient d'ores et déjà exposés des frais de défense pour faire valoir leurs intérêts au titre du sinistre de l'ERIKA ;
Mais attendu que ces frais apparaissent, du moins pour la plupart d'entre eux, non comme des frais engagés pour assumer la défense de l'assuré à l'occasion de la recherche de la responsabilité des sociétés du groupe TOTAL du fait des conséquences du naufrage du navire ERIKA, mais comme des frais engagés par certaines sociétés du groupe TOTAL pour faire valoir leurs droits en raison de la perte de la cargaison ; que dès lors, il n'apparaissent pas comme rentrant dans le champ de l'assurance responsabilité - du moins dans le champ des articles invoqués et discutés contradictoirement (chapitre III a, b et c) -, dans la mesure où la garantie défense prévue au chapitre III c de l'avenant, dont la mise en oeuvre est demandée, serait seulement subordonnée ;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu, avant de prononcer sur le point de départ des intérêts légaux, d'examiner le caractère autonome ou subordonné de la garantie défense prévue au chapitre III, c, de l'avenant no 8 ;
Attendu sur ce point que les stipulations du CHAPITRE III (« objet de l'assurance ») précisent que « Le présent contrat a pour objet :- a. de garantir l'Assuré contre les conséquences pécuniaires de sa Responsabilité, dans tous les cas où elle viendrait à être recherchée, en raison de dommages, pertes et / ou préjudices causés aux tiers. La garantie ainsi définie comprend notamment :- la responsabilité incombant à l'Assuré aux termes de toutes conventions, tous accords internationaux présents ou futurs ou concernant les activités garanties,- le remboursement à l'Assuré des frais raisonnablement engagés pour l'accomplissement de toutes opérations destinées à réduire le coût de dommages, pertes et / ou préjudices garantis par le présent contrat ou, qu'il y ait ou non réclamation d'un tiers, à en prévenir la réalisation, l'aggravation ou la propagation,- les frais de dépose et de repose des produits,- les conséquences de toutes actions intentées contre l'Assuré par toute entité qui serait amenée à servir des prestations aux préposés de l'Assuré dans le cadre d'accidents du travail, de trajet, - les conséquences pécuniaires de la Responsabilité Civile pouvant incomber à l'Assuré, au titre de la responsabilité patronale,- la Responsabilité Civile Professionnelle incombant aux médecins préposés de l'Assuré,b. d'assurer les risques d'atteintes à l'environnement ; c'est-à-dire les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile de l'assuré, en raison des dommages corporels, matériels et immatériels, causés aux tiers, et résultant d'atteintes à l'environnement consécutives à des faits fortuits (imprévus), qui se produisent dans le cadre de l'exercice par l'assuré des activités définies ci-avant. Sont garantis également les frais des opérations destinées à prévenir les dommages garantis ou à éviter l'aggravation des dommages garantis, c. d'assumer la défense de l'Assuré devant toutes juridictions, commissions, instances arbitrales, etc., ainsi que le paiement de tous les frais, honoraires et dépens y afférents, d. d'exercer à la demande de l'Assuré toutes actions contre les tiers responsables à la suite de dommages, pertes et / ou préjudices subis par l'Assuré, auraient relevé de la garantie du présent contrat » ;

Attendu que les sociétés du groupe TOTAL font valoir que la police prévoit, de manière univoque, que tous les frais exposés dans le cadre de la défense des sociétés du groupe TOTAL sont garantis et que les termes de la troisième garantie (c) du chapitre III de la police et placée sur un même plan que les garanties de responsabilité, indiquent sans restriction et sans condition que la garantie s'applique à tous les frais exposés dans le cadre de la défense de l'assuré devant toute juridiction ; qu'il en résulte que cette garantie porte sur un risque spécifique, autonome et déconnecté de la responsabilité ou d'un risque de responsabilité de l'assuré ; qu'ils ajoutent que la garantie frais de défense est, une nouvelle fois, présentée dans le chapitre VIII-A de la police de manière autonome et distincte des autres garanties, notamment des garanties de responsabilité civile et la garantie Recours ; qu'ils ajoutent qu'en cas de doute sur la portée d'une clause de garantie, il y a lieu d'interpréter celle-ci de manière extensive, c'est-à-dire en faveur de l'assuré ;
Attendu qu'ils font valoir qu'en toute hypothèse ils ne demandent pas l'application du régime de la protection juridique, mais simplement l'exécution par l'assureur des obligations exprimées clairement dans la clause qui, s'agissant des frais de défense, doit, au vu de sa rédaction, s'appliquer sur le modèle d'une garantie de protection juridique, c'est-à-dire déconnectée de l'application de toute autre garantie ;
Attendu que, contrairement aux prétentions des sociétés du groupe TOTAL, le c du chapitre IV n'apparaît nullement comme constitutif d'une garantie autonome, déconnectée de la garantie responsabilité, mais comme une déclinaison de celle-ci, le a stipulant clairement une règle générale et les b, c et d en constituant des déclinaisons ou des cas particuliers ; que, comme le font valoir les assureurs, elle constitue une clause de prise en charge des frais d'une défense dans l'intérêt commun de l'assuré et de l'assureur ;
Attendu que cette lecture de la police imposée par ses termes est corroborée par les faits - qui en confirment si besoin était l'univocité de la lecture - que cette clause s'inscrit dans un contrat seulement qualifié (p. 1) de « Assurance des responsabilités », qu'elle ne répond à aucune des prescriptions posées par l'article L. 127-2 du code des assurances concernant la forme dans laquelle doit être stipulée une assurance spécifique de protection juridique et que le chapitre VIII (montant des garanties - franchises - seuils d'intervention du contrat) stipule, en ce qui concerne la garantie défense, qu'elle est incluse dans les montants de garanties responsabilité spécifiés ;
Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu, afin de déterminer le point de départ des intérêts légaux, d'ordonner une mesure d'instruction dans les termes du dispositif ;
Attendu, s'agissant du quantum de la condamnation prononcée, que les assureurs se bornent à indiquer que le plafond de garantie du contrat est de 9. 146. 141 € et non pas 9. 946. 941 € comme indiqué par erreur par les intimées ; que cette observation est sans objet, dès lors que la condamnation qu'ils critiquent est, elle, effectivement limitée à 9. 146. 141 € ;
Attendu enfin que les assureurs font valoir que si la cour estimait que la police est applicable, il ne saurait y avoir condamnation eu égard au fait que le plafond de garantie étant atteint, les tiers victimes disposent d'un droit propre à obtenir le bénéfice des garanties de sorte qu'en indemnisant directement son assuré, l'assureur encourrait le risque d'avoir à régler deux fois ;
Attendu que les sociétés du groupe TOTAL n'ayant pas répondu sur ce point il y a lieu, eu égard au fait qu'une mesure d'instruction est effectuée et qu'une réponse ne retardera pas la solution du litige, de les inviter à le faire ;
Attendu, sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive, que les termes de la police sont clairs et précis ; que la résistance des assureurs, qui tentent de se réfugient pour dénier leur garantie derrière des « interprétations » qui sont en fait des dénaturations de ceux-ci, est en conséquence abusive ;
Attendu que cette résistance a conduit les sociétés du groupe TOTAL à mobiliser une énergie et des moyens financiers importants pour faire valoir leurs droits, leur causant ainsi un préjudice spécifique, indépendant de la simple mise en oeuvre de frais irrépétibles ; que ce préjudice sera exactement évalué, eu égard aux éléments qui viennent d'être exposés, à 20. 000 €, en ce qui concerne TOTAL SA et à 3. 000 € en ce qui concerne les sociétés TOTAL France SA, TOTAL INTERNATIONAL LIMITED et TOTAL TRANSPORT CORPORATION LIMITED, sommes auxquelles il convient, d'ores et déjà, de condamner les assureurs ;
Attendu enfin que l'équité conduit, d'ores et déjà, à condamnation des assureurs à payer à TOTAL SA la somme de 30. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
Emende le jugement déféré,
Dit que les sociétés GAN ASSURANCES IARD, AGF, AIG EUROPE, GAN EUROCOURTAGE IARD, XL INSURANCE COMPANY LIMITED (PARIS) et XL INSURANCE COMPANY LIMITED (LONDRES) doivent leur garantie aux sociétés TOTAL SA, TOTAL France SA, TOTAL INTERNATIONAL LIMITED et TOTAL TRANSPORT CORPORATION LIMITED,
Condamne les sociétés GAN ASSURANCES IARD, AGF, AIG EUROPE, GAN EUROCOURTAGE IARD, XL INSURANCE COMPANY LIMITED (PARIS) et XL INSURANCE COMPANY LIMITED (LONDRES) à payer la somme de 20. 000 € à TOTAL SA et celle de 3. 000 € à chacune des sociétés TOTAL France SA, TOTAL INTERNATIONAL LIMITED et TOTAL TRANSPORT CORPORATION LIMITED,
Les condamne à payer à TOTAL SA la somme de 30. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
AVANT DIRE PLUS AMPLE DROIT,
Ordonne UNE MESURE DE CONSULTATION et commet Me Henri X..., huissier de justice, à RAMBOUILLET.
Aux fins de convoquer les parties et entendre leurs explications :- Se faire remettre les pièces justificatives de tous frais engagés par les sociétés précitées à l'occasion du naufrage de l'ERIKA notamment devant toutes juridictions, commissions, instances arbitrales ainsi que de tous paiements de frais, honoraires et dépens,- Donner les éléments permettant de déterminer les dates de ces paiements,- Donner les éléments permettant d'imputer ces paiements sur des procédures déterminées et la nature de celle-ci, notamment les éléments permettant de savoir s'il s'agissait de procédures destinées à défendre les sociétés du groupe TOTAL dans des actions où leur responsabilité était recherchée, à l'occasion du naufrage du navire ERIKA ou s'il s'agissait de procédures destinées à faire valoir les droits de ces sociétés à l'occasion de la perte de la cargaison du navire ERIKA ;

Dit que les frais de consultation seront avancés par TOTAL SA et fixe le montant de la provision à 1. 500 € qui devront être consignés au greffe dans les deux mois du présent arrêt,
Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation du consultant sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l'article 271 du code de procédure civile,
Dit que le consultant devra déposer son rapport dans les quatre mois de l'acceptation par lui de sa mission,
Dit qu'en cas d'empêchement du consultant, il sera remplacé sur simple requête,
Désigne le conseiller de la mise en état pour suivre les opérations de consultation,
Invite les intimées à conclure sur la question du droit prioritaire des victimes et ses conséquences, avant le : 17 septembre 2009,
Dit que l'affaire sera rappelée pour nouvel examen à l'audience du conseiller de la mise en état du 17 septembre 2009,
Réserve les dépens.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0156
Numéro d'arrêt : 07/02442
Date de la décision : 08/01/2009

Analyses

ASSURANCE (règles générales) - Garantie - Exclusion - Exclusion formelle et limitée - Définition

Selon les dispositions de l'article L. 113-1 du code des assurances « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Il ne résulte de ce texte aucune distinction entre les fautes pénales et les fautes seulement civiles.Dès lors, la condamnation pénale d'une société pour une faute d'imprudence ne saurait faire obstacle, en son principe, à la mise en oeuvre de la garantie souscrite par elle.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Nanterre, 22 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2009-01-08;07.02442 ?
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