COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 4DC
13ème chambre
ARRET No
par défaut
DU 20 NOVEMBRE 2008
R.G. No 08/01511
AFFAIRE :
S.A. FLOUTTARD
C/
SCP BTSG
...
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 30 Janvier 2008 par le Juge Commissaire du Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No X... : 2006
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP BOITEAU
PEDROLETTI
SCP JULLIEN,
LECHARNY, ROL ET FERTIER,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A. FLOUTTARD
exerçant sous l'enseigne IMPRIMERIE NOUVELLE
Zone Artisanale des Ateliers Centraux
chemin de la Vente
81400 CARMAUX
représentée par la SCP BOITEAU PEDROLETTI, avoués
- No du dossier 00018529
assistée de Maître RAVINA-THUILLIEZ, avocat au barreau de Toulouse
APPELANTE
****************
SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL-GORRIAS
représentant des créanciers et mandataire
de la S.A.S. EMTEC RPS INTERNATIONAL
3/5/7 avenue Paul Doumer
92500 RUEIL MALMAISON
représentée par la SCP JULLIEN, LECHARNY, ROL ET FERTIER, avoués - No du dossier 20080384
assistée de Maître PECHENARD, avocat au barreau de Paris
S.A.S. EMTEC RPS INTERNATIONAL
49 avenue Georges Pompidou
92300 LEVALLOIS PERRET
assignée, dans les formes d'un PV 659 CPC, n'a pas constitué avoué
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Octobre 2008 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean BESSE, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean BESSE, président,
Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller,
Madame Annie DABOSVILLE, conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,
La SA FLOUTTARD a commandé au cours du second semestre 2005 des bandes magnétiques à la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL et a utilisé ces bandes magnétiques pour la fabrication de tickets de stationnement ou de transport.
Le 28 décembre 2005, la SA FLOUTTARD a informé la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL de ce que ses clients avaient refusé les tickets au motif qu'ils présentaient une insuffisance d'opacité.
Le 27 janvier 2006 la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL a contesté toute responsabilité, et un échange de correspondance a eu lieu entre les parties.
La SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL a été placée en redressement judiciaire le 1er février 2006, puis ultérieurement en liquidation judiciaire.
Après avoir été relevée de forclusion, la SA FLOUTTARD a déclaré une créance d'un montant de 129.846,43 € selon le décompte suivant :
- 90.101,25 € T.T.C. au titre des factures que les clients de la SA FLOUTTARD ont refusé de payer,
- 80.646,90 € T.T.C. au titre des frais entraînés par la constatation des malfaçons, par le retour des marchandises et leur stockage, par le surcoût des refabrications, et par les frais financiers
- à déduire 50.841,72 € au titre des factures dues à la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL
Par ordonnance en date du 30 janvier 2008, le juge commissaire a constaté que la déclaration avait été faite à titre provisionnel et a en conséquence rejeté la créance de la SA FLOUTTARD.
La SA FLOUTTARD a interjeté appel de cette ordonnance et demande à la cour :
- d'annuler l'ordonnance pour excès de pouvoir et subsidiairement pour violation du principe du contradictoire,
- de prononcer son admission au passif de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL pour la somme de 129.846,43 €,
- de lui donner acte de ce qu'elle a perçu de la Compagnie d'assurances de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL la somme de 45.426 €.
La SA FLOUTTARD soutient qu'il n'a pas été débattu du moyen soulevé d'office par le juge commissaire et tiré de la mention "à titre provisionnel" figurant sur sa déclaration de créance, et demande en conséquence que l'ordonnance soit annulée pour violation du principe du contradictoire. Elle prétend aussi qu'il y aurait excès de pouvoir à fonder le rejet de la créance sur un moyen qui n'a pas été mentionné sur la lettre informant le créancier de la contestation du débiteur.
Sur le fond la SA FLOUTTARD expose que les tickets fabriqués avec les bandes magnétiques présentaient une opacité insuffisante et bloquaient l'oblirateur. Elle indique que les deux clients à qui ces tickets ont été livrés ont fait la même constatation, et ont retourné les tickets et refusé de les payer. Elle relève que les bandes magnétiques provenaient d'un nouveau fournisseur en Espagne, et soutient que la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL lui a dit qu'elle-même ne paierait pas ce nouveau fournisseur.
La SCP B.T.S.G., es qualités de liquidateur de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL demande à la cour :
- de rejeter la demande en annulation de l'ordonnance,
- de confirmer l'ordonnance,
- subsidiairement de constater que la SA FLOUTTARD a été indemnisée par la Compagnie d'assurances, et en conséquence de rejeter la demande d'admission au passif de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL,
- en toute hypothèse de condamner la SA FLOUTTARD au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
La SCP B.T.S.G., es qualités, soutient que le principe du contradictoire a été respecté car le créancier a été en mesure de faire valoir ses observations au cours de l'audience. Elle prétend que les bandes magnétiques livrées sont conformes aux cahiers des charges de la commande, et en déduit que son administrée n'est pas responsable de l'inadéquation des tickets à leur usage pour insuffisance d'opacité. Subsidiairement elle relève que la SA FLOUTTARD a été indemnisée de son préjudice par la Compagnie d'assurance de son administrée, à la suite d'une transaction, et estime que la SA FLOUTTARD ne saurait prétendre disposer de plus de droits que ceux objets de la transaction.
La SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL a été assignée dans les formes de l'article 659 du Code de procédure civile et n'a pas constitué avoué.
DISCUSSION
Sur la demande en annulation de l'ordonnance
Considérant que la SA FLOUTTARD soutient que le juge commissaire a commis un excès de pouvoir en rejetant la créance pour un motif qui ne figure pas dans la lettre du liquidateur l'informant de ce que sa créance était contestée ;
Mais considérant que la lettre informant le créancier de la contestation de la créance ne limite pas les moyens que le débiteur peut invoquer devant le juge commissaire chargé de se prononcer sur l'admission de la créance ;
Considérant que le juge commissaire n'a commis aucun excès de pouvoir en se prononçant sur la demande d'admission de la créance après avoir examiné tous les moyens susceptibles d'être invoqués par le débiteur ;
Considérant que la SA FLOUTTARD soutient que le juge commissaire a violé le principe du contradictoire en soulevant d'office le moyen tiré du fait que la déclaration avait été faite à titre provisionnel, sans recueillir les observations préalables des parties ;
Considérant que la SCP B.T.S.G., es qualités, suggère que lors de l'audience ce moyen a pu être évoqué, mais ne le démontre pas ;
Considérant qu'il n'apparaît pas des indications de l'ordonnance, ni d'aucun autre élément du dossier, que la SA FLOUTTARD ait été invitée à s'expliquer los de l'audience sur les conséquences à tirer des termes "à titre provisionnel" figurant sur sa déclaration de créance ; qu'il s'agit du motif justifiant la décision ;
Considérant que l'ordonnance doit en conséquence être annulée pour violation du principe du contradictoire ;
Sur la déclaration à titre provisionnel
Considérant que la SCP B.T.S.G., es qualités, demande à la cour de retenir, comme le juge commissaire, que la déclaration faite à titre provisionnel est irrecevable, et qu'en conséquence la demande d'admission doit être rejetée ;
Mais considérant que le juge commissaire est valablement saisi de la déclaration de créance, même à titre provisionnel, si elle révèle la volonté non équivoque de réclamer à titre définitif la somme indiquée ; qu'il en a d'ailleurs déjà été jugé ainsi par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 28 juin 2005, sur le pourvoi numéro 04-14578 ;
Considérant qu'en l'espèce les termes "à titre provisionnel" marquent le caractère d'évaluation des chefs de préjudice au titre des frais de stockage et des frais financiers, mais ne signifient nullement que l'admission est demandée à titre provisionnel ; qu'au contraire il est écrit que "l'admission est demandée à titre chirographaire pour la somme de 129.846,43 €" ; que la SA FLOUTTARD a donc bien demandé de manière non équivoque son admission au passif de la liquidation judiciaire de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL ; qu'il convient de statuer sur cette demande ;
Sur la transaction avec l'assureur de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL
Considérant que la SCP B.T.S.G., es qualités, fait observer qu'une transaction est intervenue entre l'assureur de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL et la SA FLOUTTARD qui a accepté une transaction sur l'étendue de son préjudice fixé à forfait à la somme de 50.000 € ; qu'elle en déduit que la SA FLOUTTARD ne saurait prétendre disposer de plus de droits que ceux objets de la transaction ;
Mais considérant que cette transaction est intervenue en exécution du droit d'action directe de la SA FLOUTTARD à l'encontre de l'assureur de la personne responsable ; qu'elle n'a d'effet qu'entre les parties signataires, alors qu'il n'est pas prétendu que la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL ait été appelée à y participer ; qu'elle n'a pas d'effet sur l'action, distincte de l'action directe contre l'assureur, de la SA FLOUTTARD à l'encontre de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL ;
Considérant qu'il s'en déduit que la SA FLOUTTARD peut réclamer à la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL le complément de son préjudice ;
Considérant que la SCP B.T.S.G., es qualités, soutient également que seule la compagnie d'assurance pourrait, éventuellement, être subrogée dans les droits de la SA FLOUTTARD ;
Mais considérant que la compagnie d'assurance de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL ne peut exercer aucune action subrogatoire contre son assurée en remboursement de l'indemnisation qu'elle a versée au tiers lésé ;
Sur la responsabilité et le préjudice
Considérant que la SCP B.T.S.G., es qualités, ne conteste pas que les clients de la SA FLOUTTARD ont refusé les tickets fabriqués à partir des bandes magnétiques fournies par la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL, mais soutient que ces bandes étaient conformes au cahier des charges de la commande ;
Mais considérant que les bandes magnétiques ont été commandées sous la référence "LPA 2750/6,35" ; qu'il n'est pas contesté que cette référence était habituellement utilisée entre les parties, et désignait suffisamment les caractéristiques du produit ; que dès lors la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL ne démontre pas que, comme elle le prétend, elle n'était pas informée de son obligation de livrer des bandes magnétiques "haute connexité" ;
Considérant qu'il est ainsi établi que la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL est responsable du défaut d'opacité des bandes magnétiques livrées ;
Considérant que les factures impayées par les clients de la SA FLOUTTARD représentent les dépenses engagées et le bénéfice attendu de la fabrication des bandes magnétiques ; que leur montant établi à 90.101,25 € correspond à la réparation de ces chefs de préjudice ;
Considérant que la SA FLOUTTARD réclame en outre la somme de 80.646,90 € au titre des frais de déplacement d'un technicien, des frais de retour et de réexpédition des marchandises, des frais de refabrication en urgence, des frais de stockage et des frais financiers ;
Considérant que ces frais sont justifiés dans leur principe, mais non dans leur montant ; qu'il convient de les fixer au vu des éléments du dossier à la somme de 35.000 € T.T.C. ;
Considérant que le préjudice total de la SA FLOUTTARD s'élève donc à la somme de 115.646,90 € T.T.C. ;
Considérant que compte tenu de la connexité entre la créance de la SA FLOUTTARD au titre de son préjudice, et de la créance de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL au titre des factures des fournitures défectueuses, il y a lieu de constater la compensation entre ces créances, et de prononcer l'admission de la SA FLOUTTARD pour la somme de 64.805,18 € T.T.C. (115.646,90 - 50.841,72), étant observé que n'est pas contesté le montant des factures dues par la SA FLOUTTARD ;
Sur l'indemnité versée par l'assureur du débiteur
Considérant que la SA FLOUTTARD a déjà été indemnisée de son préjudice par la Compagnie d'assurances de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL, à hauteur de 45.426 €, compte tenu de la franchise ; que, sauf à procurer une double indemnisation du même préjudice, la SA FLOUTTARD ne peut être admise pour cette somme au passif de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL ; qu'il en a d'ailleurs été jugé ainsi par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, le 31 mai 2000, sur le pourvoi numéro 98-13403 ; qu'en définitive l'admission doit être prononcée pour la somme de 19.379,18 € (64.805,18 - 45.426)
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique, par arrêt par défaut,
Annule l'ordonnance rendue par le juge commissaire le 30 janvier 2008, pour violation du principe du contradictoire,
Statuant à nouveau,
Fixe le préjudice de la SA FLOUTTARD à la somme de 115.646,90 € T.T.C.,
Vu la compensation avec les factures dues pour les livraisons défectueuses et l'indemnisation partielle du préjudice par la Compagnie d'assurances de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL,
Prononce l'admission de la SA FLOUTTARD au passif de la liquidation judiciaire de la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL pour la somme de 19.379,18 € T.T.C., à titre chirographaire,
Rejette la demande formée par la SCP B.T.S.G., es qualités, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la SAS EMTEC RPS INTERNATIONAL aux dépens de première instance et d'appel, et accorde aux avoués à la cause qui peuvent y prétendre, le droit de recouvrement conforme aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile,
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,