COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 52C
4ème chambre
Bail Rural
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 10 NOVEMBRE 2008
R. G. No 08 / 02969
AFFAIRE :
Mme Michèle Z... épouse XX......
C / M. Dominique Y...
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2008 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE NoRG : 51-03-000007
Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Michel BARON Me Gonzague DE LIMERVILLE + parties
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LE DIX NOVEMBRE DEUX MILLE HUIT, La Cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame Z... XX... Domicile élu chez la SCP DEBRAY CHEMIN-avoués... 78000 VERSAILLES
Monsieur Jean Guy Z... Domicile élu chez la SCP DEBRAY CHEMIN-avoués... 78000 VERSAILLES
Madame Chantal Z... épouse B... Domicile élu chez la SCP DEBRAY CHEMIN-avoués... 78000 VERSAILLES
Madame Blandine Z... veuve D... Domicile élu chez la SCP DEBRAY CHEMIN-avoués... 78000 VERSAILLES
Madame E... Z... épouse F... Domicile élu chez la SCP DEBRAY CHEMIN-avoués... 78000 VERSAILLES
représentés par Maître Michel BARON avocat au barreau de NANTERRE
APPELANTS
****************
Monsieur Dominique Y...... 95810 BERVILLE
représenté par Maître Gonzague DE LIMERVILLE avocat au barreau d'ABBEVILLE
INTIME ****************
Composition de la Cour :
L'affaire a été débattue en audience publique, le 22 Septembre 2008, devant la Cour composée de :
Madame Geneviève BREGEON, Président, Madame Catherine MASSON-DAUM, Conseiller, Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Christine COLLET FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte notarié du 7 septembre 1971, passé devant Me Michel G..., notaire à MARINES (95), Mme Jeanne H... veuve Z... avait consenti à M. Jacques Y... et à son épouse, Mme Charlotte I... un bail rural à long terme d'une durée de 19 ans commençant à courir au 1er septembre 1971, portant sur diverses parcelles non bâties, situées sur la commune de BERVILLE (95) d'une superficie totale de 119 hectares 93 ares 63 centiares et sur des parcelles bâties d'une superficie de 1 hectare 81 ares 69 centiares.
Ce bail a été renouvelé une première fois pour une période de 9 ans expirant le 11 novembre 1999, et une seconde fois pour une nouvelle période de 9 ans expirant le 11 novembre 2008.
Par jugement du 16 septembre 1999, le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE a ordonné l'insertion dans le bail renouvelé de la clause de reprise sexennale de plein droit prévue par l'article L411-6 du Code rural.
Mme Chantal B..., M. Jean Z..., Mme Michèle J..., Mme Blandine D... et Mme Dominique F... (ci-après dénommés consorts Z...) venant ensemble aux droits de leur grand-mère, Mme Jeanne Z... ont donné congé à M. Dominique Y... par acte du 21 janvier 2003, pour la fin de la sixième année du bail renouvelé, après l'enlèvement de la récolte 2005 et au plus tard le 11 novembre 2005, en application de la clause nouvellement insérée au bail, aux fins de reprise par M. Hubert B..., fils de Mme Chantal B....
M. Y... a saisi le 22 avril 2003 le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE afin d'annulation de ce congé et a également saisi le tribunal administratif de CERGY PONTOISE d'une demande d'annulation de la décision d'autorisation implicite d'exploiter donnée à M. Hubert B... par le préfet du Val d'Oise.
Par jugement du 22 avril 2005, le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE a sursis à statuer sur la validité du congé litigieux dans l'attente de la décision de la juridiction administrative.
M. Y... a ressaisi le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE pour qu'il ordonne de nouveau le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive.
Par jugement du 18 janvier 2008, le tribunal paritaire des baux ruraux de PONTOISE a :
- sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal administratif de CERGY PONTOISE,- réservé les dépens.
Autorisés par ordonnance du premier Président de la Cour d'appel de VERSAILLES du 11 avril 2008, les consorts Z... ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe enregistrée le 14 avril 2008.
PRETENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions du 25 juillet 2008, développées oralement à l'audience du 22 septembre 2008, les consorts Z... demandent à la cour de :
- ordonner la production par M. Y... du registre des immobilisations de son exploitation,- infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,- débouter M. Y... de sa demande d'annulation du congé,- dire qu'il devra libérer les lieux ainsi que de tous occupants de son chef dans le mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 150 € par jour de retard,- ordonner à défaut son expulsion, au besoin avec le concours de la force publique,- condamner M. Y... à leur payer la somme de 3. 800 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions en réplique du 12 septembre 2008 développées oralement à l'audience, M. Y... demande à la cour de :
A titre principal,- confirmer le jugement entrepris,- en conséquence maintenir le sursis dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction administrative sur l'autorisation d'exploiter donnée à M. Hubert B...,
A titre subsidiaire,- déclarer nul le congé qui lui a été délivré le 21 janvier 2003,- dire qu'il bénéficiera à compter du 11 novembre 2008, date d'expiration du bail renouvelé, d'un nouveau bail de 9 ans,
A titre très subsidiaire,- dire qu'il bénéficiera en raison de son âge d'une prorogation du bail sur les immeubles visés au congé jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite,
A titre infiniment subsidiaire,- désigner un expert afin d'avoir tous éléments permettant d'évaluer ses indemnités de sortie,- dire que jusqu'au règlement desdites indemnités par les bailleurs, il sera autorisé à se maintenir dans les lieux jusqu'à l'expiration de l'année culturale en cours,- condamner in solidum les consorts Z... à lui payer la somme de 3. 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
Sur le sursis à statuer
Considérant que les consorts Z... soutiennent que le sursis à statuer en cas de contestation de l'autorisation d'exploiter devant une juridiction administrative n'est plus de droit, selon les termes de l'ordonnance no 2006-870 du 13 juillet 2006 ayant modifié les dispositions de l'article L 411-58 du Code rural ;
Considérant que M. Y... ne saurait s'opposer à l'application immédiate de ces nouvelles dispositions qui prévoient que le tribunal paritaire des baux ruraux peut, à la demande d'une des parties ou d'office, surseoir à statuer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation définitive, alors que l'ordonnance précitée dont elles sont issues, dispose en son article 16 qu'elles sont applicables aux baux en cours à la date de sa publication ;
Considérant que le tribunal administratif de CERGY PONTOISE a rejeté, par jugement du 10 avril 2008, la requête de M. Y... en annulation de l'autorisation d'exploiter donnée au repreneur ; que cette décision n'est toutefois pas définitive puisque M. Y... en a interjeté appel devant la cour administrative d'appel de VERSAILLES ;
Considérant que les consorts Z... concluent à l'infirmation de la décision de sursis à statuer en se fondant sur la longueur du délai écoulé depuis l'introduction de l'instance devant la juridiction paritaire, et sur la loi du 5 janvier 2006 qui ne soumet plus à autorisation préalable la reprise de biens de famille détenus depuis neuf ans au moins, le repreneur n'étant plus astreint qu'à une simple déclaration ;
Considérant que M. Y... conclut à la confirmation du sursis, dans l'attente d'une décision définitive sur l'autorisation d'exploiter du bénéficiaire de la reprise au motif du risque de contrariété de décisions ;
Considérant que M. Y... soutient vainement que les dispositions du jugement prononcé par le tribunal paritaire des baux ruraux de CERGY PONTOISE le 22 avril 2005 qui avait déjà sursis à statuer, auraient à ce jour autorité de chose jugée, alors que cet effet ne peut être attaché, ainsi qu'en dispose l'article 480 du Code de procédure civile, qu'au jugement qui tranche dans son dispositif, tout ou partie du principal, ce qui n'est pas le cas de cette décision ;
Considérant par ailleurs que les conditions de validité du congé critiqué doivent s'apprécier à la date à laquelle celui-ci doit prendre effet, soit le 11 novembre 2005, de sorte que la loi nouvelle de fond du 5 janvier 2006 concernant le contrôle des structures, à supposer qu'elle puisse dispenser le bénéficiaire de la reprise de détenir l'autorisation d'exploiter, ne peut s'appliquer à un congé antérieur à sa promulgation ;
Considérant toutefois que M. Hubert B... est titulaire depuis le 14 mai 2004 d'une autorisation du Préfet du Val d'Oise, d'exploiter les terres objets du congé ; que cette autorisation n'a pas été annulée par le tribunal administratif de PONTOISE puisque celui-ci a rejeté la requête en annulation formée à son encontre par M. Y... ;
Considérant que la prolongation du sursis à statuer jusqu'à l'épuisement de toutes les voies de recours, alors qu'un délai de plus de cinq ans s'est déjà écoulé depuis la délivrance du congé apparaît particulièrement préjudiciable à ceux qui se prévalent des effets du congé ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu de surseoir davantage à statuer sur la validité dudit congé ;
Sur le congé
Considérant que les appelants demandent à la cour de statuer au fond sur la validité du congé, en vertu de son pouvoir d'évocation ; que l'intimé ne s'y oppose pas et qu'il a lui-même développé ses moyens de défense au fond ; que l'évocation de l'affaire apparaît justifiée compte tenu de l'ancienneté du congé ;
Considérant que M. Y... conteste le congé qui lui a été délivré pour reprise au profit de M. Hubert B..., descendant des bailleurs, au motif que ce dernier ne remplirait pas les conditions requises par les articles L 411-59, L331-2 et R 331-1 du Code rural ;
Considérant cependant qu'il est établi que M. B... est titulaire du brevet de technicien supérieur agricole et qu'il exploite depuis l'année 2000, soit depuis plus de cinq ans, des terres d'une superficie de 130 ha ; que le registre de ses immobilisations, la lettre de la chambre interdépartementale d'agriculture d'Ile DE FRANCE du 20 juin 2007, et les deux attestations du crédit agricole démontrent qu'il dispose du matériel nécessaire et au besoin d'une capacité financière suffisante pour renouveler et compléter ledit matériel ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que M. B... dispose déjà d'un domicile à BERVILLE, commune sur laquelle sont situées les parcelles objets du bail, et que de plus la reprise lui permettrait d'habiter le corps de ferme loué ;
Considérant qu'il est ainsi justifié que le candidat à la reprise satisfait aux conditions posées par les articles susvisés en sorte qu'il n'y a pas lieu d'annuler le congé contesté ;
Considérant cependant que M. Y... s'oppose à titre subsidiaire au congé, en sollicitant le bénéfice de la prorogation du bail jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la retraite ;
Considérant que les consorts Z... invoquent vainement les dispositions de l'article L416-8 du Code rural pour soutenir que le droit à prorogation du bail prévu par l'article L411-58 du même code au profit du preneur se trouvant à moins de cinq ans de l'âge de la retraite, n'est pas applicable aux baux à long terme ; qu'en effet si le bail initialement consenti en 1971 était un bail à long terme, celui-ci s'est trouvé renouvelé à deux reprises, son renouvellement donnant naissance à des baux nouveaux d'une durée de 9 ans et qu'ainsi l'exception invoquée ne s'applique pas au bail litigieux ;
Considérant que le si jugement entrepris doit être infirmé en application des nouvelles dispositions de l'article L411-58 du Code rural, en ce qu'il a sursis à statuer, il résulte de l'effet du premier jugement de sursis à statuer prononcé le 22 avril 2005 par le tribunal paritaire des baux ruraux, qu'en application de l'article L411-58 alinea 6 du Code rural ancien, le bail en cours a été prorogé de plein droit jusqu'à la fin de l'année culturale pendant " laquelle l'autorisation devient définitive " soit en l'espèce jusqu'à la décision du tribunal administratif de CERGY-PONTOISE du 10 avril 2008 ; qu'en conséquence, le bail litigieux s'est trouvé prorogé jusqu'à la fin de l'année culturale actuellement en cours ; que de ce fait, M. Y... ayant atteint l'âge de 55ans le 24 novembre 2006, il est fondé à solliciter une prorogation dudit bail jusqu'à son soixantième anniversaire ;
Considérant qu'aucune considération d'équité ne commande d'allouer de somme à titre d'indemnité de procédure ;
Considérant que les consorts Z..., parties perdantes, doivent être condamnés aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience publique et contradictoirement
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit n'y avoir plus lieu de surseoir à statuer,
Valide le congé délivré à M. Dominique Y... le 21 janvier 2003,
Ordonne la prorogation du bail sur les immeubles visés audit congé jusqu'au soixantième anniversaire de M. Dominique Y...,
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties ;
Condamne solidairement Mme Chantal B..., M. Jean Z..., Mme Michèle J..., Mme Blandine D... et Mme Dominique F... aux dépens de première instance ainsi qu'à ceux d'appel.
Arrêt prononcé par Madame Geneviève BREGEON, président, et signé par Madame Geneviève BREGEON, président et par Madame Marie-Christine COLLET, greffier, présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,