COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 24 JUIN 2008
R. G. No 07 / 02686
AFFAIRE :
Jean-Pierre X...
C /
S. A. S. ATAC
en la personne de son représentant légal
Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 23 Novembre 2005 par le Conseil de Prud'hommes de
St Germain en Laye
No Chambre :
Section : Commerce
No RG : 05 / 00060
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur Jean-Pierre X...
...
...D appartement 122
13015 MARSEILLE 15
Non comparant-
Représenté par M. Théodore BELLEMARE (Délégué syndical ouvrier)
APPELANT
****************
S. A. S. ATAC
en la personne de son représentant légal
...
78350 JOUY EN JOSAS
Non comparante-
Représentée par Me Jean-Pierre LEMAIRE,
avocat au barreau de VALENCIENNES, vestiaire :
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Nicole BURKEL, Conseiller, chargé (e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé (e) de :
Monsieur François BALLOUHEY, président,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,
Madame Claude FOURNIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
****************
FAITS ET PROCÉDURE,
Attendu que le conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye, sec-tion commerce, par jugement contradictoire en date du 23 novembre 2005, a :
- débouté monsieur X...de l'ensemble de ses demandes
et laissé les dépens éventuels à sa charge ;
Attendu que la cour est régulièrement saisie d'un appel formé par mon-sieur Lothaire Y...contre cette décision ;
Attendu que cette affaire a été appelée initialement à l'audience du 30 juin 2006 et a fait l'objet d'un retrait du rôle ;
Que rétablie à la demande du représentant de l'appelant, formulée le 15 juin 2007, l'affaire a été de nouveau fixée à l'audience du 26 novembre 2007 ;
Que toutefois, à cette date, son renvoi a été sollicité par le représentant de l'appelant pour répondre aux écritures de l'intimée ; Que l'affaire a été ren-voyée et à nouveau appelée à l'audience du 20 mai 2008 ;
Qu'à cette dernière audience, l'affaire a été à nouveau renvoyée contra-dictoirement à l'audience du 30 mai 2008, pour permettre aux parties de commu-niquer régulièrement leurs pièces et conclure ;
Que l'affaire a été retenue à l'audience du 30 mai 2008 ;
Attendu que monsieur X...a été engagé par la société ATAC le 3 mars 2003, en qualité d'employé commercial, par contrat à durée indéterminée ;
Que le 13 août 2003, il a été victime d'un accident du travail ;
Que le 23 août 2004, le médecin du travail, lors de la première visite de reprise a déclaré monsieur X...« inapte temporaire 15 jours en poste-reclas-sement dans un poste ne nécessitant pas de port de charges lourdes » ;
Que lors de la seconde visite médicale de reprise, le 6 septembre 2004, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste d'employé libre-service, mais " apte
à un poste sans port de charges, un poste en bureautique semblant compatible " ;
Que la Cotorep lui a par ailleurs reconnu la qualité de travailleur handi-capé classé en catégorie B, pour la période du 29. 04. 2004 au 29. 04. 2009 ;
Attendu que monsieur X...a été convoqué le 6 octobre 2004 à un entretien préalable au licenciement, fixé au 15 octobre 2004, et a été licencié le 22 octobre 2004, pour inaptitude et impossibilité pour l'entreprise de pourvoir à son reclassement ;
Que son salaire mensuel brut s'est élevé à 1. 142, 50 euros ;
Attendu que la société ATAC emploie au moins onze salariés et est dotée d'institutions représentatives du personnel ;
Que la convention collective applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;
Attendu que monsieur Lothaire Y..., âgé de 38 ans lors de la rup-ture, a retrouvé un emploi à ce jour de conducteur de bus à Aix-en-Provence qui lui procure un revenu légèrement supérieur ;
Attendu que monsieur X...demande à la cour par écritures dépo-sées, visées par le greffier et soutenues oralement de :
- A titre principal, prononcer la nullité du licenciement pour viola-tion des dispositions du code de commerce (L227-6) s'agissant d'une lettre de licenciement revêtue de la signature d'une autre personne que le président de la SAS et la preuve n'étant pas rapportée que dans les statuts de la société il était prévu que le licenciement puisse être signé par une personne autre ce dernier
-A titre subsidiaire, prononcer la nullité du licenciement, faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation de reclassement
-A titre très subsidiaire, constater l'irrégularité du licenciement faute pour l'employeur d'avoir respecté son obligation de consultation des délégués du personnel
-condamner la société ATAC à lui payer :
* 43. 643 euros, montant correspondant aux salaires courant du 23. 10. 2004 au jour de sa réintégration ensuite de l'arrêt à intervenir, en conséquence tant de la nullité principale que de la nullité subsidiaire, enfin que de l'irrégularité très subsidiaire
* à titre infiniment subsidiaire, au cas où il renonce à la barre au bénéfice du droit à réintégration 13. 782 euros à titre d'indemnité en application de l'article L. 122-32-7 du code du travail
* 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile
-dire et juger que la Sas Atac devra procéder à la réfaction des bul-letin de salaire pour la période allant de novembre 2004 au jour de la réintégra-tion et lui remettre, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter d'un délai de 8 jours suivant le prononcé de la décision
-ordonner la capitalisation des intérêts au taux légal, en application de l'article 1154 du code civil
-débouter la Sas ATAC de ses demandes et la condamner aux dé-pens ;
Attendu qu'à l'audience, le conseil du salarié a expressément précisé renoncer à ses demandes de réintégration et paiement de la somme de 43643 euros, limitant ses demandes à la nullité du licenciement pour défaut de pouvoir de monsieur Z..., signataire de la lettre de licenciement, pour non respect de l'obligation de reclassement et pour défaut de consultation des délégués du per-sonnel et à la condamnation de l'employeur à lui payer 13782 euros en applica-tion de l'article L122-32-7 ou L122-14-4 du code du travail et 1500 euros en ap-plication de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que mention en a été portée au plumitif d'audience ;
Attendu que la société ATAC demande à la cour par écritures déposées, visées par le greffier et soutenues oralement, au visa des articles L122-14-5, L122-32-5 et L120-4 du code du travail, de :
- « rejeter des débats la décision du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 24. 11. 2006 non communiquée »
- dire et juger que la société Atac a satisfait à son obligation de re-classement
-dire le licenciement de monsieur X...pourvu d'une cause réelle et sérieuse
-débouter monsieur X...de l'ensemble de ses demandes
-condamner monsieur X...à lui payer 1500 euros en applica-tion de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux entiers frais dépens de l'instance ;
Qu'à l'audience, le conseil de la société Atac a expressément renoncé à la demande de rejet de la décision du 24 novembre 2006 ; Que mention en a été portée au plumitif d'audience ;
Attendu que pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie en application de l'article 455 du code de procédure civile aux conclusions déposées et soutenues oralement ;
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que monsieur Z...a été engagé selon contrat à durée indéter-minée en date du 3 mars 2003 par la société Atac en tant qu'employé commercial au supermarché Atac de Sartrouville ;
Qu'il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, fixé au 15 octobre 2004, par lettre en date du 6 octobre 2004 ;
Qu'il a été licencié par lettre recommandée en date du 22 octobre 2004 pour inaptitude et impossibilité de reclassement, signée par « Jérôme Z...A...ATAC Sartrouville »
Sur le défaut de qualité du signataire de la lettre de licenciement :
Attendu que la notification du licenciement doit émaner de l'employeur ou de son représentant ayant reçu délégation à cet effet ;
Attendu que la société intimée démontre que monsieur Z..., directeur du supermarché Atac de Sartrouville, avait qualité pour signer la lettre de licen-ciement concernant monsieur X...;
Que la forme sociale de l'intimée est une société par actions simplifiées (SAS) ;
Que si le seul organe imposé par la loi pour représenter la société est le président, rien interdit à ce dernier de confier des pouvoirs qui lui sont propres à un directeur général conformément à l'article L227-6 du code de commerce ;
Que selon l'article 11 des statuts de la société, régulièrement versés aux débats, le directeur général, nommé par le président, dispose de mêmes pouvoirs de direction que le président ;
Que le directeur général a délégué, avec possibilité de subdélégation, à la directrice de réseau Atac région Nord, par acte du 23 février 2004, notamment la gestion et le contrôle des collaborateurs travaillant sous ses ordres dans les magasins placés sous sa responsabilité ;
Que la directrice de réseau Atacrégion Nord a délégué à monsieur Z...directeur du supermarché de Sartrouville, par acte du 23 février 2004, notam-ment la gestion et le contrôle des collaborateurs travaillant sous ses ordres ;
Attendu que le moyen tenant au défaut de qualité de l'employeur sera rejeté ;
Sur la consultation des élus du personnel :
Attendu que l'employeur doit consulter les délégués du personnel sur le reclassement du salarié déclaré inapte, avant tout engagement de la procédure de licenciement ;
Attendu que l'employeur verse aux débats les procès verbaux des élec-tions des délégués du personnel titulaires et suppléants des deux collèges les 16 et 30 mai 2002, au sein du supermarché Atac de Sartrouville aux termes desquels pour le 1er collège madame Belyn Renée a été la seule élue et pour le second un procès-verbal de carence pour absence de candidats a été dressé ;
Attendu que l'employeur a organisé une réunion extraordinaire des délé-gués du personnel le 13 septembre 2004, à laquelle ont participé madame B...et monsieur Z...; Qu'aux termes du procès-verbal, signé par les deux partici-pants, la conclusion est la suivante :
« Nous balayons ce jour en réunion la liste de tous les postes existant au magasin d'Atac Sartrouville. En l'état actuel des choses et à notre connaissance, il n'existe aucun poste d'employé sur le site D'atac Sartrouville ne nécessitant pas le port de charges.
En conséquence, nous nous en remettons aux compétences des services du personnel afin de procéder à une recherche approfondie de poste adapté au sein d'autres magasins ou d'autres services. » ;
Attendu que le moyen tenant au défaut de consultation des élus du personnel n'est également pas fondé ;
Sur l'obligation de reclassement :
Attendu que monsieur X...a fait l'objet de deux visites de reprise par le médecin du travail les 23 août et 6 septembre 2004, suite à un accident du travail ;
Attendu que la société Atac a licencié le salarié par lettre en date du 22 octobre 2004, rédigée comme suit :
« En date du 6 septembre 2004, le médecin du travail a émis vous concernant un avis d'inaptitude libellé comme suit : « 2ème visite inaptitude – inapte au poste-apte à un poste sans port de charges ».
Nous avons demandé au médecin du travail vos aptitudes résiduelles. Un courrier en date du 16 septembre 2004 complète cet avis comme suit : « je vous confirme que monsieur X...est inapte à son poste d'employé libre-service. Il pourrait être apte à un poste sans port de charges. Il semble qu'un emploi en bureautique serait compatible à ses restrictions. »
Conformément aux indications du médecin du travail et aux observations formulées par les délégués du personnel consultés le 13 septembre 2004, nous avons effectué des recherches afin de pouvoir vous proposer un poste compatible avec votre état de santé.
Les démarches menées dans les différents établissements de notre société ne nous ont pas permis vous faire une proposition de poste compatible avec les indications recueillies auprès du médecin du travail. En outre, aucune mutation n'est envisageable actuellement.
Nous avons sollicité les sociétés du groupe dont l'activité et l'organisation sont compatibles avec les nôtres. Malheureusement, aucune n'est en mesure de proposer un poste correspondant à vos aptitudes actuelles.
Compte tenu de votre inaptitude à votre poste de travail et votre reclassement s'avérant impossible, nous sommes donc contraints de rompre votre contrat de travail » ;
Attendu que l'employeur en application de l'article L122-35 devenu L 1226-10 et suivants du code du travail doit rechercher le reclassement du salarié inapte en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail ; Que cet emploi doit être aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé par la mise en œ uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement de travail ;
Que cette recherche doit s'effectuer au sein des différents établissements de l'entreprise et si nécessaire à l'intérieur du groupe auquel appartient l'emplo-yeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel ;
Attendu que la société Atac justifie avoir effectué les recherches suivan-tes de reclassement concernant monsieur X...le 22 septembre 2004, soit par fax soit par courriels auprès :
- du responsable des ressources humaines Auchan
-de tous les directeurs de supermarchés Atac de la région Nord
-des responsables ressources humaines Atac région Sud et Est ;
Que les demandes comportent les recommandations de la médecine du travail et un « curriculum vitae sommaire » de l'intéressé comprenant seulement 4 éléments date d'entrée dans la société, date de naissance, poste occupé et éta-blissement d'affectation
Que sont produites 10 réponses négatives aux demandes de recherche de reclassement de ce salarié effectuées par le responsables ressources humaines Atac région Nord ;
Attendu que si la société Atac justifie avoir recherché auprès d'entrepri-ses en son sein et au sein de son groupe un poste pour monsieur X..., cette recherche a toutefois été réalisée de façon succincte ; Que d'ailleurs aucune offre de reclassement de quelque nature que ce soit n'a été proposée ;
Que dans la demande de recherche ne figure, en effet, aucun élément, autres que médicaux, personnalisant la demande et notamment un réel curricu-lum vitae du salarié, et ce d'autant qu'un tel document avait été remis préalable-ment à l'embauche par le salarié et était en possession de l'employeur ;
Qu'à partir de ce curriculum vitae, régulièrement versé aux débats en cause d'appel, qui comprenait outre les différents emplois précédemment occu-pés par monsieur X..., la formation suivie pas ce dernier (CAP fraiseur) titu-laire d'un permis B et C, une réelle recherche pouvait être alors entreprise de façon utile ;
Attendu que l'employeur n'a donc pas satisfait à l'obligation de reclasse-
ment lui incombant ;
Attendu qu'un licenciement ne peut être annulé que si la loi le prévoit expressément ou en cas de violation d'une liberté fondamentale ;
Attendu que le licenciement dont monsieur X...a été l'objet ne saurait être entaché de nullité au regard du seul manquement à l'obligation de reclassement, mais se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que le salarié au regard de cette rupture abusive de son contrat de travail est fondé à obtenir une indemnité ne pouvant être inférieure à 12 mois de salaires en application de l'article L122-32-7 devenu L1226- 15du code du travail ;
Que la cour dispose d'éléments suffisants eu égard à l'âge du salarié lors de la rupture, à la reconversion professionnelle intervenue, d'indemniser le préjudice subi par l'allocation d'une indemnité de 13710 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Attendu qu'en application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée, elle ne peut être ordonnée qu'à compter de la demande qui en est faite et ne peut rétroagir avant cette demande, elle peut être demandée pour les intérêts à venir dès lors qu'une année entière sera écoulée ;
Qu'il doit être fait droit à cette demande ;
Attendu que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que les dépens d'instance et d'appel resteront à la charge de la so-ciété Atac ;
Attendu que les considérations d'équité justifient que soit allouée à mon-sieur X...une indemnité de 1500 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en application de l'article 700 du code de procédure civi-le ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
REÇOIT l'appel
INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau
DIT que le licenciement dont monsieur X...a été l'objet est dépour-vu de cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la Sas Atac Supermarché à payer à monsieur X...:
13710 €
(TREIZE MILLE SEPT CENT DIX € UROS)
à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires
CONDAMNE la Sas Atac Supermarché à payer à monsieur X...une indemnité de 1500 € (MILLE CINQ CENT € UROS) en application de l'article 700 du code procédure civile
CONDAMNE la Sas Atac Supermarché aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Arrêt prononcé par Monsieur François BALLOUHEY, président, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,