COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
6ème chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 17 JUIN 2008
R.G. No 07/04248
AFFAIRE :
SCM DU CENTRE CABINET DENTAIRE
en la personne de son représentant légal
C/
Christine X...
Décision déférée à la cour : Ordonnance de référé rendue le 28 Septembre 2007 par le Conseil de Prud'hommes de NANTERRE
No RG : 07/00468
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE HUIT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SCM DU CENTRE CABINET DENTAIRE
en la personne de son représentant légal
4, rue Sadi Carnot
92000 NANTERRE
Non comparante -
Représentée par Me Sylvie FOADING NCHOH,
avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1002
APPELANTE
****************
Madame Christine X...
...
95100 ARGENTEUIL
Non comparante -
Représentée par Me Salomon BOTBOL,
avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0505
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claude FOURNIER, Conseiller, chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Monsieur François BALLOUHEY, président,
Madame Nicole BURKEL, Conseiller,
Madame Claude FOURNIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
FAITS ET PROCÉDURE
La cour est régulièrement saisie d'un appel formé par la SCM du Centre, d'une ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Nanterre, en date du 28 septembre 2007, rendue dans un litige l'opposant à Madame Christine X..., et qui, sur la demande de l'intimée en paiement de primes pour les années 2003 à 2006, a :
Condamné la SCM du Centre au paiement de 5.488,16 EUROS au titre de ces primes et à celui de 1.000 EUROS en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêt légal,
en "déboutant Madame X... du surplus de ses demandes" ;
Madame X... avait été engagée le 8 janvier 1979 en qualité d'assistante dentaire par le Docteur Alain Y... ; il était par ailleurs membre de la SCM ; à compter du 1er janvier 2003, il a cédé ses parts de celle-ci à un autre dentiste, le Docteur Z..., et le contrat de travail de l'intimée a été transféré à la SCM ;
L'entreprise emploie moins de onze salariés. Il n'existe pas d'institutions représentatives du personnel. La convention collective applicable est celle des cabinets dentaires ;
Le salaire mensuel brut est de 1959,19 EUROS hors primes ;
Les condamnations exécutoires par provision ont été payées, le solde dû étant remis à l'audience ; les parties ont précisé à l'audience que les demandes rejetées par l'ordonnance de référé avaient été en fait retirées par l'intéressée ;
La SCM du Centre, par écritures visées par le greffier, conclut :
à l'infirmation de l'ordonnance
et à l'allocation de 1.500 EUROS en application de l'article 700 du Code de procédure civile
en soutenant essentiellement que la prime exceptionnelle versée par l'ancien employeur ne remplit pas les conditions cumulatives de généralité, constance et fixité permettant son maintien à la charge du nouvel employeur ; en particulier elle n'était pas fixe, n'étant jamais calculée de la même manière, et il s'agissait donc d'une prime bénévole;
Madame X..., par écritures visées par le greffier, conclut :
à la confirmation de l'ordonnance
au paiement de 2.000 EUROS à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et appel dilatoire sur le fondement de l'article 1382 du Code civil
et à l'allocation de 1.500 EUROS en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
en soutenant essentiellement qu'avant le transfert de son contrat de travail, elle percevait annuellement en décembre une prime exceptionnelle, versée pour la première fois en 1982, et dont le montant, légèrement inférieur à un mois de salaire, a très peu varié, que cette prime réunit donc les caractères de constance et de fixité d'un usage, lequel, ayant perduré pendant vingt ans, est opposable au nouvel employeur, peu important l'absence de généralité, puisqu'elle est la seule salariée ; ainsi doit-elle incontestablement recevoir le paiement de cet accessoire de salaire ;
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience ;
MOTIFS DE DECISION
En application des articles R.1455-5 et R.1455-6 du Code du travail, dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence du conseil de prud'hommes, ordonner toute mesure qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ; même en présence d'une contestation sérieuse, elle peut prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; enfin dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Le fait qu'une partie qualifie sa contestation de sérieuse ne suffit pas à priver la formation de référé de ses pouvoirs ; aucune démonstration d'urgence n'est nécessaire si l'obligation n'est pas sérieusement contestable ;
Sur la réclamation d'un rappel des primes
Il résulte des articles L.1244-1 et L.1224-2 du Code du travail ( article L122-12 de l'ancien code applicable avant le 1o mai 2008 ) qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur, le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf en cas de procédure collective ou de substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci ;
Les usages entrent dans le champ d'application de ces textes et sont, par conséquent, opposables au nouvel employeur qui ne peut s'en affranchir, sauf à les dénoncer régulièrement ;
Les critères de l'usage sont la constance, la fixité et la généralité ;
En l'espèce Madame X..., unique salariée de l'entreprise, n'est pas contredite lorsqu'elle fait valoir l'attribution régulière de la prime litigieuse depuis 1982, et produit d'ailleurs le bulletin de salaire de décembre correspondant ; elle produit en outre tous les bulletins de décembre des années 1997, 1998, 1999, 2000, 2001 et 2002, qui font tous encore ressortir le versement de la prime "exceptionnelle" ;
Son montant était sensiblement identique, variant, en progression, de 8.600 FRANCS en 1997, à 1.372,04 EUROS (ou 9.000 FRANCS) en 2002 ;
Les critères précités sont donc au nombre de deux réunis, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la généralité en présence d'une seule salariée ; la prime est constitutive d'un usage qui demeure toujours en vigueur tant que le nouvel employeur ne l'a pas dénoncé dans le respect des modalités en matière de dénonciation ;
L'ordonnance de référé sera donc confirmée en ce qu'elle a accueilli la prétention de ce chef, sauf à qualifier la condamnation, maintenue en son quantum, de provisionnelle, et à précise que l' intérêt légal court du jour de son prononcé, s'agissante d'une provision ;
Sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive et appel dilatoire
Aucun comportement fautif de l'appelante n'est exactement caractérisé, ni aucun préjudice effectif démontré, hors évocation des contraintes d'une procédure en justice, laquelle n'a toutefois été initiée qu'en mai 2007 ; cette demande doit être rejetée ;
Sur l'article 700 du Code de procédure civile
L'équité commande de faire application de cette disposition au profit de Madame X... pour le montant qu'elle sollicite, qui n'est pas excessif ; la SCM du Centre, qui succombe, sera déboutée du même chef ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT en audience publique, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME l'ordonnance du 28 septembre 2007 du chef des diverses condamnations prononcées, en y ajoutant pour dire que le montant de 5.488,16 €
(CINQ MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT HUIT EUROS ET SEIZE CENTIMES) alloué a un caractère provisionnel et que l' intérêt légal court du jour du prononcé de la décision,
L'INFIRME en tant que de besoin sur le "rejet des autres demandes de Madame X...",
DEBOUTE cette dernière de sa demande d'allocation de dommages intérêts formulée devant la cour,
CONDAMNE la SCM du Centre à lui payer la somme de 1.500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais en appel,
LA DEBOUTE du même chef et LA CONDAMNE aux dépens.
Arrêt prononcé par Monsieur François BALLOUHEY, président, et signé par Monsieur François BALLOUHEY, président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, greffier présent lors du prononcé.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,