La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2008 | FRANCE | N°07/03957

France | France, Cour d'appel de Versailles, Ct0142, 20 mars 2008, 07/03957


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38Z

13ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2008

R.G. No 07/03957

AFFAIRE :

BNP PARIBAS SUISSE

C/

Me X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Avril 2007 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

No Chambre : 5

No Section :

No RG : 06/L00994

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JUPIN- ALGRIN

SCP FIEVET-LAFON

REPUBLIQUE FRANC

AISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. BNP PARIBAS SUISSE

2 Case Postale, CH 1211

GENEVE 1...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 38Z

13ème chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 20 MARS 2008

R.G. No 07/03957

AFFAIRE :

BNP PARIBAS SUISSE

C/

Me X...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Avril 2007 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES

No Chambre : 5

No Section :

No RG : 06/L00994

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

SCP JUPIN- ALGRIN

SCP FIEVET-LAFON

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE VINGT MARS DEUX MILLE HUIT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. BNP PARIBAS SUISSE

2 Case Postale, CH 1211

GENEVE 11, SUISSE

représentée par la SCP JUPIN-ALGRIN, avoués - No du dossier 0023609

assistée de Maître PODEUR, pour le Cabinet WITEX et CASE LLP, avocat au barreau de Paris

APPELANTE

****************

Maître Olivier X...

es qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire

de la société NEIL et MAN

...

78000 VERSAILLES

représenté par la SCP FIEVET-LAFON, avoués - No du dossier 270560

assisté de Maître BRUGUIERE, avocat au barreau de Paris

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Février 2008 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean BESSE, président, et Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean BESSE, président,

Monsieur Bruno DEBLOIS, conseiller,

Madame Annie DABOSVILLE, conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jean-François MONASSIER,

La cour statue sur l'appel interjeté par la Société de droit suisse BNP PARIBAS SUISSE à l'encontre du jugement rendu le 5 avril 2007 par le Tribunal de commerce de Versailles qui l'a condamnée à rembourser à Maître X..., es qualités de mandataire liquidateur de la SAS NEIL et MAN, la somme que lui a payée cette dernière, après le jugement d'ouverture, en remboursement du solde débiteur de son compte courant, en violation de l'article L.621-24 dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005.

Le 5 novembre 2001, la SAS NEIL et MAN a ouvert dans les livres de la Société de droit suisse BNP PARIBAS SUISSE le compte courant 79227-2.

Le même jour par "acte de nantissement pour compte propre", la SAS NEIL et MAN a donné en gage à la Société BNP PARIBAS SUISSE tous ses avoirs, y compris les créances et les marchandises lui appartenant, en garantie de toutes ses dettes nées et à venir.

Le même jour, par acte de "cession de créances", la SAS NEIL et MAN a déclaré céder à la Société BNP PARIBAS SUISSE toutes ses créances actuelles ou futures afin de garantir celle-ci du remboursement de toutes créances actuelles ou futures.

Au mois d'août 2004, la Société BNP PARIBAS SUISSE a consenti un crédit documentaire portant sur l'achat par la SAS NEIL et MAN à la société Nethgrain B.V. d'une cargaison de plus de 19.000 tonnes métriques de maïs et de soja, en provenance d'Argentine et à destination d'Oran en Algérie.

Par télécopie en date du 27 août 2004, la SAS NEIL et MAN a confirmé :

- que les marchandises étaient gagées au profit de la Société BNP PARIBAS SUISSE en premier rang,

- que les sommes provenant de la vente des marchandises sont irrévocablement transférées au bénéfice de la Société BNP PARIBAS SUISSE,

- que ces garanties se réfèrent expressément à l'acte de nantissement et à l'acte de cession de créance signés par la SAS NEIL et MAN.

Les marchandises ont été livrées, et le crédit documentaire s'est dénoué sans difficulté.

Une partie de la marchandise représentant 2000 tonnes a été vendue à la Société de droit algérien CEREALOR. Le 10 mai 2005 la SAS NEIL et MAN a invité la Société CEREALOR à adresser le prix de vente à la Société BNP PARIBAS SUISSE à hauteur de 200.000 USD, et à la SOCIETE GENERALE à hauteur de 77.524,33 USD.

Sur déclaration de cessation des paiements, et par jugement en date du 7 juin 2005, le Tribunal de commerce de Versailles a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la SAS NEIL et MAN et a désigné Maître X... en qualité de mandataire liquidateur.

La somme de 200.000 USD a été débitée du compte de la Société CEREALOR ouvert dans les livres de la banque Arab Banking Corporation, et a été versée à la Société BNP PARIBAS SUISSE, ce qui a permis son inscription au crédit du compte courant de la SAS NEIL et MAN 79227-2, le 7 juillet 2005, pour une date de valeur au 6 juillet 2005, et donc le paiement du solde débiteur de ce compte qui s'élevait alors à 214.356,05 USD.

Le 13 janvier 2006, Maître X..., es qualités, a mis en demeure la Société BNP PARIBAS SUISSE de lui payer la somme de 200.000 USD reçue en violation de l'interdiction des paiements édictée par l'article L.621-24 dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005, applicable à l'espèce, puis l'a fait assigner par acte d'huissier délivré le 7 avril 2006.

Par jugement en date du 5 avril 2007 le Tribunal de commerce de Versailles a :

- condamné la Société BNP PARIBAS SUISSE à payer à Maître X..., es qualités, la contre valeur en euros de la somme de 200.000 USD à la date du prononcé du jugement, soit la somme de 167.857 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2005,

- condamné la Société BNP PARIBAS SUISSE à fermer le compte de la SAS NEIL et MAN ouvert dans ses livres rétroactivement à la date du 5 octobre 2006,

- débouté la Société BNP PARIBAS SUISSE de l'ensemble de ses prétentions,

- débouté Maître X..., es qualités, de sa demande en paiement de dommages intérêts,

- condamné la Société BNP PARIBAS SUISSE à payer à Maître X..., es qualités, la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Société BNP PARIBAS SUISSE a interjeté appel de ce jugement, et par conclusions signifiées le 24 janvier 2008, demande à la cour :

- de débouter Maître X..., es qualités, de l'intégralité de ses prétentions,

- de lui donner acte de ce qu'elle a accepté de clôturer le compte numéro 79227-2 de la SAS NEIL et MAN à la date du 5 octobre 2006,

- de condamner Maître X..., es qualités, à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La Société BNP PARIBAS SUISSE soutient que le jugement en date du 7 juin 2005 ayant ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la SAS NEIL et MAN est sans effet en Suisse dès lors qu'il n'a pas fait l'objet d'une procédure d'exequatur, et en déduit que Maître X..., es qualités, doit être débouté de ses demandes fondées sur l'interdiction des paiements découlant de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS NEIL et MAN.

La Société BNP PARIBAS SUISSE rappelle que les fonds qui ont transité sur le compte courant de la SAS NEIL et MAN ont été versés à cette dernière par la Société CEREALOR qui les lui devaient pour avoir acheté 2000 tonnes de soja, et souligne d'une part que cette marchandise était nantie à son profit, et d'autre part que la créance à naître de la vente lui avait été cédée en couverture et à titre de sûreté des financements consentis à la SAS NEIL et MAN. Elle note que la créance a pris naissance au mois de mai 2005, donc antérieurement au jugement d'ouverture, que la cession de la créance est intervenue dès sa naissance, et lui a transmis la propriété de la créance. Elle en déduit que le paiement qui lui a été fait postérieurement à l'ouverture de la procédure n'est pas soumis à l'interdiction des paiements faits au débiteur.

Par conclusions signifiées le 16 janvier 2008, Maître X..., es qualités, formant appel incident, demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Société BNP PARIBAS SUISSE à lui payer la contre valeur en euros de la somme de 200.000 USD à la date du prononcé du jugement, soit la somme de 167.857 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2005, et la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- de l'infirmer pour le surplus,

- d'ordonner à la Société BNP PARIBAS SUISSE de prononcer la clôture du compte courant de la SAS NEIL et MAN rétroactivement à la date du 7 juin 2005, et non du 5 octobre 2006,

- de condamner la Société BNP PARIBAS SUISSE à lui payer la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,

- y ajoutant, de condamner la Société BNP PARIBAS SUISSE à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Maître X..., es qualités, approuve les premiers juges d'avoir suivi son argumentation selon laquelle la procédure de liquidation judiciaire ouverte en France, produit ses effets sur tous les actifs du débiteur, y compris sur ceux situés dans un Etat étranger, sans qu'il soit nécessaire que le jugement fasse l'objet d'une procédure d'exequatur dans cet Etat.

Maître X..., es qualités, soutient que la créance de la SAS NEIL et MAN sur la Société CEREALOR n'a pas fait l'objet d'une cession au profit de la Société BNP PARIBAS SUISSE en faisant notamment valoir :

- que cette prétendue cession n'est constatée par aucun écrit,

- que le document général intitulé "cession de créance", signé le 5 novembre 2001, ne peut faire la preuve d'une cession qui serait intervenue au mois d' août 2004,

- qu'à supposer qu'une cession ait eu lieu, il s'agirait d'une cession à titre de sûreté, comme la banque le reconnaît elle-même,

- qu'une cession à titre de sûreté ne transfère pas la propriété de la créance au cessionnaire, mais ne lui permet que d'appréhender le règlement de la créance,

- que les règles spéciales de la cession des créances professionnelles par bordereau Dailly ne peuvent être invoquées par la banque, qui n'a pas respecté le formalisme qui conditionne l'application de ces règles,

- que si la créance avait été cédée, la Société CEREALOR aurait dû payer la banque cessionnaire, et non pas ordonner le virement du paiement sur le compte courant du cédant,

DISCUSSION

Sur l'absence d'exequatur en Suisse du jugement d'ouverture

Considérant qu'il résulte du principe de l'universalité de la faillite que la procédure de redressement ou de liquidation judiciaire prononcée en France produit ses effets partout où le débiteur a des biens, sous réserve des traités internationaux ou d'actes communautaires, et dans la mesure de l'acceptation par les ordres juridiques étrangers ; qu'il en a été jugé ainsi par la première chambre de la Cour de cassation le 19 novembre 2002, bulletin numéro 275, ou encore par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 mars 2006, pourvoi numéro 07-17869;

Considérant que Maître X..., es qualités, demande la condamnation de la Société BNP PARIBAS SUISSE à rembourser le paiement effectué le 7 juillet 2005 par la SAS NEIL et MAN du solde débiteur de son compte courant, à hauteur de 200.000 USD, et se fonde sur l'interdiction des paiements découlant de la liquidation judiciaire de la SAS NEIL et MAN prononcée le 7 juin 2005 ;

Considérant que la liquidation judiciaire de la SAS NEIL et MAN ne peut produire ses effets sur le compte de la SAS NEIL et MAN ouvert en Suisse que dans la mesure de l'acceptation de l'ordre juridique suisse ; que l'article 166 de la Loi fédérale suisse sur le Droit international privé dispose que "une décision de faillite étrangère rendue dans l'Etat du domicile du débiteur est reconnue en Suisse à la réquisition de l'administration de la faillite ou d'un créancier" ; qu'il résulte de ce texte que pour produire ses effets la liquidation judiciaire prononcée en France nécessite que le liquidateur ou un créancier obtienne du tribunal du lieu de situation des biens en Suisse, une décision de reconnaissance du jugement ayant ouvert cette procédure ;

Considérant que l'absence de reconnaissance par un tribunal suisse du jugement ayant prononcé en France la liquidation judiciaire de la SAS NEIL et MAN, fait obstacle aux effets de cette procédure ; que l'action de Maître X..., es qualités, se heurte à cette condition exigée de l'ordre juridique suisse, et ne peut prospérer ; qu'il convient de rejeter cette action, et par voie de conséquence d'infirmer le jugement ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 5 avril 2007 par le Tribunal de commerce de Versailles,

Déboute Maître X..., es qualités, de ses demandes,

Déboute les parties des demandes qu'elles forment sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Condamne Maître X..., es qualités, aux dépens de première instance et d'appel, et accorde aux avoués de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct de l'article 699 du Code de procédure civile,

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Jean BESSE, président et par Monsieur Jean-François MONASSIER, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Ct0142
Numéro d'arrêt : 07/03957
Date de la décision : 20/03/2008

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Ouverture - Règles de droit international - Principe d'universalité de la faillite - Portée - / JDF

Selon le principe de l'universalité de la faillite, la procédure de "redressement" ou de liquidation judiciaire prononcée en France produit ses effets partout où le débiteur a des biens, sous réserve des traités internationaux ou d'actes communautaires, et dans la mesure de l'acceptation par les ordres juridiques étrangers. La liquidation judiciaire d'une société prononcée en France ne peut donc produire effets sur le compte de cette société ouvert en Suisse que dans la mesure de l'acceptation de l'ordre juridique suisse. Or, l'article 166 de la loi fédérale suisse, sur le droit international privé, dispose que "une décision de faillite étrangère rendue dans l'Etat du domicile du débiteur est reconnue en Suisse à la réquisition de l'administration de la faillite ou d'un créancier". Il résulte de ce texte que pour produire ses effets la liquidation judiciaire prononcée en France nécessite que le liquidateur ou un créancier obtienne du tribunal du lieu de situation des biens en Suisse une décision de reconnaissance du jugement ayant ouvert cette procédure


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Versailles, 05 avril 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2008-03-20;07.03957 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award